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Awa Sissao, artiste musicienne burkinabè : « Ce sont les journalistes qui doivent nous laver le dos »

Publié le dimanche 26 juillet 2015 à 22h57min

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Awa Sissao, artiste musicienne burkinabè : « Ce sont les journalistes qui doivent nous laver le dos »

Le 30 mai dernier, elle a fêté ses dix ans de carrière dans la musique. Dix ans, deux albums, un single. Dix ans de joies mais aussi de peines qui l’ont plutôt fait grandir. Désormais très positive et pétrie d’expériences, elle promet de belles choses aux burkinabè notamment à ses fans d’ici à 2016. Elle, c’est Awa Sissao, artiste musicienne chanteuse que nous avons rencontrée le 1er juillet à l’Institut français, lors d’une formation artistique.

Sissao, c’est dix ans de carrière. Qu’est-ce qu’on peut retenir ?

Effectivement. Dix ans ce n’est pas beaucoup, mais en même temps, c’est beaucoup parce que dix ans, ce n’est pas dix jours. Du coup, je dirai aujourd’hui que j’ai assez d’expérience dans mon métier : la musique. Cela m’a apporté beaucoup de joies, mais aussi de peines. Mais tout reste positif. Ces peines se sont transformées en positivité car elles permettent de mieux m’orienter. Je m’en sors avec assez d’expériences dont je suis très fière, mais cela ne voudrais pas dire que je m’arrête là. Je continuerai de bosser. Je rends également grâce à Dieu tout en remerciant toutes les personnes qui, de près ou de loin, m’ont soutenue et continuent de le faire.

Vous parlez de difficultés, ce sont lesquelles ?

Quand on est une femme et de surcroît artiste, il faut s’attendre à marcher sur des peaux de bananes. Parce qu’il y aura plus de mauvaises choses te concernant que de bonnes. Ce sont donc les préjugés, les idées reçues et j’en passe. Que tu sois talentueuse, sage… on va toujours confirmer des choses qui ne sont pas avérées. Il faut pourtant comprendre que cela pèse beaucoup sur la conscience et si l’on n’est pas fort moralement, on abandonne tout.
En effet, en même temps qu’on parle pour les sans voix, nous-mêmes restons sans voix sur ce qui se raconte sur nous. Qui va donc parler pour nous ? C’est d’ailleurs la question que je me pose tous les jours. On se bat pour les autres tout en combattant les rumeurs également.

Selon vous, qui peut se battre pour vous ?

C’est la presse. Les médias peuvent se battre pour nous. Comme nous, ils sont les voix des sans voix. Malheureusement des journalistes, je ne citerai pas de noms, au lieu de se préoccuper de la carrière de l’artiste, se préoccupent plutôt de ta vie privée. Je trouve cela très dommage. Je crois que ce n’est nullement professionnel.

Dix ans sur la scène musicale. Qu’est-ce qui vous a le plus marquée ?

C’est le brassage de cultures car j’ai beaucoup voyagé pendant ces dix ans. C’est aussi de savoir que j’ai ma place dans la musique aussi bien au Burkina qu’au niveau africain et mondial. J’ai eu la conviction que j’ai ma place et je le dis haut et fort. J’ai participé à beaucoup de festivals et je me suis rendue compte que le Burkina a de talentueux artistes. Après dix ans de carrière, je peux aller là où je veux. Je peux porter ma voix et être accueillie et applaudie.
Dix ans, ce sont aussi des rencontres et les portes se sont ouvertes. Le revers de cette célébrité et ce mélange avec ta vie privée. Chacun y va de ses commentaires et s’invite même dans ton intimité. C’est pourquoi je pense que seuls les médias peuvent nous sauver sur ces préjugés. Dommage ! Ce n’est souvent pas le cas parce que des médias se plaisent à relayer ces fausses rumeurs. C’est pourquoi je me suis repliée sur moi –même. Et ma solution aujourd’hui est de prier. Prier pour moi, mes enfants, parce que je ne sais pas où, comment et quand est-ce que je vais finir. Je continue tout de même de bosser afin que notre culture aille au-delà de ce que nous n’imaginons pas, mais aussi pour la satisfaction de mes fans. En tout cas, pour moi, la meilleure façon de vivre est de rester soi-même, de croire en Dieu, et donner autant d’amour.

Vous semblez véritablement déçue de l’étalage qu’on fait de votre vie privée ? Pourquoi ?

C’est une des multiples peines qui m’ont beaucoup marquée, et ce, de façon négative au cours des dix ans de ma carrière. Je ne suis plus aujourd’hui l’enfant de mon père et de ma mère. Aujourd’hui quand on dit Sissao, c’est tout le Burkina Faso. Je représente toute une culture, toute une Nation. Pour moi, c’est cette valeur qui doit être mise en avant plutôt que de s’attarder sur un autre sujet qui peut concerner tout le monde. C’est malheureusement cette situation qui amène beaucoup de femmes artistes à se replier sur elles-mêmes. Et seuls les médias, à mon avis, peuvent nous venir en aide. Nous sommes des femmes, comme toutes les autres, nous avons des enfants, une famille dont on s’en occupe. Mais elles doivent toujours faire face à ces : « On a appris que… On a dit ça, on a dit ci…… », qui dépassent souvent même l’actualité de l’artiste.

Qu’est-ce que vous proposez alors pour mettre fin à cette situation que vous déplorez tant.

Si j’ai un message, je dirai à toute la presse nationale et même internationale, mais beaucoup plus nationale parce que nous n’avons pas de voix pour nous défendre, de nous aider. Nous sommes tous des humains. Nous comptons sur la presse pour nous laver de ce qui se raconte sur nous. J’ai personnellement vécu des choses incroyables. On m’a par exemple mariée sans que je ne le sache. Du coup, nous n’avons plus droit à l’erreur. Je pense toutefois que les préjugés sur les artistes doivent diminuer un tant soit peu.

Quelles sont aujourd’hui vos relations avec les autres artistes burkinabè ?

Je n’ai absolument pas de problème. Je suis en de bons termes avec eux tous, même ceux avec qui j’ai eu de petits couacs. Mais c’est la vie, et ça peut toujours arriver. Je suis aussi membre de l’association des femmes artistes du Burkina. Dans tous les cas, tant que l’on sait où il faut mettre les pieds, et aussi remuer sa langue plusieurs fois, on ne fait que réduire nos problèmes avec les gens.

Les artistes sont très souvent victimes d’évènements malheureux tels les accidents et bien d’autres. Pourquoi selon vous ?

Effectivement. J’étais avec Augusta Palenfo et Wendy et ensemble après réflexion, nous avons pensé qu’il serait juste de nous approcher des autorités religieuses (musulmans, catholiques, protestants) pour demander des prières pour les artistes du Burkina. Car seul Dieu sait ce qui se passe. Tout le monde meurt un jour, mais il faut toujours prier, prier pour la culture du pays.

Vous êtes aujourd’hui une femme au foyer. Est-ce difficile pour vous de concilier votre métier avec votre vie de famille ?

Difficilement. Il faut honnêtement le dire. Quand on est une femme au foyer, il y a des responsabilités que l’on doit s’assumer. Ce qui n’est pas facile. C’est deux choses assez distinctes. A la maison, je suis une autre personne et sur scène, une autre encore. Deux personnalités à moi seule. Je rends toutefois grâce à Dieu car mon mari est aussi artiste chanteur et on se comprend sur beaucoup de choses. Je ne sais si c’est une chance, en tout cas, je remercie Dieu de m’avoir donné un homme qui fait le même métier que moi.

Quels sont vos projets après ces dix ans de carrière ?

Je suis sur un album qui aura beaucoup de colorations et de feat. Mais je garde la surprise. J’avais prévu 2015, mais comme l’homme propose et Dieu dispose, alors si ça se réalise, je dirai tant mieux, dans le cas contraire, je ne forcerai pas la main de Dieu. Je suis présidente de l’Association des âmes pour les personnes en difficulté. Alors je suis en train de réunir pas mal d’enfants, orphelins, les filles mères en vue de les aider. Je suis également ambassadrice des droits et l’autonomisation économique des femmes et j’aimerais engager des actions dans ce sens.
Un dernier mot pour clore cet échange ?
Je voudrais demander pardon à tout un chacun. Et dire merci à toutes ces personnes qui nous aident. La vie ne vaut rien, semons l’amour autour de nous.

Interview réalisée par Bassératou KINDO
Lefaso.net

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