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Côte d’Ivoire : Quitte ou double ?

Publié le samedi 2 avril 2005 à 09h41min

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Dans quelques jours, exactement le 4 avril 2005 échoit le mandat confié par l’ONU aux "forces impartiales" composées de 6 000 casques bleus et 4 000 soldats français de l’opération Licorne.

A la veille de cette date, Thabo Mbeki, le médiateur sud-africain, tentera d’arracher des accords "concrets" sur les points brûlants des Accords de Linas-Marcoussis et d’Accra III.

Paris, de son côté, compte renouveler le mandat de l’opération Licorne pour un mois à condition que la médiation de l’ultime "dernière chance" porte fruit. Sinon...

Jean-Marc de la Sablière, l’ambassadeur de la France à l’ONU, voyait juste lorsqu’il relevait devant le Conseil de sécurité de l’ONU que "le temps est compté" pour les acteurs internes et externes de la Côte d’Ivoire, la France comprise. Le constat est que depuis 2002 et à quelques encablures de l’échéance présidentielle d’octobre 2005 en Côte d’Ivoire, les polémiques politiques prennent le pas sur la volonté réelle de tourner le dos à la guerre et d’appliquer les accords signés.

Le 4 avril, le mandat des forces dites "impartiales" échoit alors que la révision de l’article 35 de la constitution reste suspendue comme un couperet sur la tête des élus de l’Assemblée nationale ivoirienne. Le désarmement des deux parties belligérantes se perd en conjecture politique et politicienne. La France, au vu de cette léthargie, ne veut pas se laisser berner par la stratégie du clan Gbagbo, qui consiste à faire un pas en avant et deux en arrière.

C’est pourquoi, Paris lance un semblant d’ultimatum à Thabo Mbeki qui doit rencontrer à Pretoria le 3 avril 2005, les protagonistes de la crise ivoirienne. Les têtes d’affiche de cette rencontre seront le président Laurent Gbagbo, Alassane Dramane Ouattara, président du RDR, le chef des Forces nouvelles, Guillaume Soro et Henri Konan Bédié, président du PDCI-RDA. Reste à savoir si le lion acceptera pactiser avec l’agneau dans une même bergerie.

Le plus croustillant de cette rencontre est de savoir si Thabo Mbeki arrivera à tirer de ses arcanes de médiateur, une proposition concrète de nature à lancer de façon dynamique la feuille de route qui semble froissée depuis les événements de novembre 2004. Mais, le hic est que malgré les multiples efforts "remarquables" du président sud-africain, la Côte d’Ivoire est encore loin, même très loin, d’avoir retrouvé le chemin de la réconciliation. La communauté internationale semble être à bout de nerf.

"Tergiversations injustifiées"

Les tergiversations multiples injustifiées des acteurs de la crise ivoirienne mettent à fleur de peau, "les nerfs" de la communauté internationale. Jean-Marc de la Sablière compte sur Thabo Mbeki pour réaliser "une percée" le 3 avril.

A défaut, le Conseil de sécurité, qui détient par devers lui, les noms des personnes ayant violé les droits de l’Homme en Côte d’Ivoire, pourrait changer son fusil d’épaule. Abdallah Baali, l’ambassadeur de l’Algérie à l’ONU n’avait pas tort lorsqu’il affirmait qu’"il est important pour les deux parties (pouvoir et Forces nouvelles) de se rendre compte que la communauté internationale est sur le point de perdre patience face aux tergiversations injustifiées et aux promesses non tenues". Les chercheurs d’International Crisis Group dans leur rapport du 24 mars 2004 sur la Côte d’Ivoire intitulé : "Le pire est peut-être à venir", relevaient que "les protagonistes de la crise ivoirienne savent plaire aux diplomates en leur donnant l’impression de coopérer dans le processus de paix.

Mais ce processus s’est jusqu’à présent réduit à effectuer deux pas en arrière pour chaque pas en avant". Le climat sociopolitique est plus que "volatile" ces derniers jours où l’on assiste à des manifestations pro-Licorne (Forces nouvelles) et anti-Licorne (Jeunes patriotes proche du pouvoir d’Abidjan).
Alan Doss, l’émissaire spécial de l’ONU en Côte d’Ivoire le relevait lui aussi dans son rapport présenté le 28 mars. Il évoque un climat "volatile" qui met les "forces impartiales" à rude épreuve et pèse sur la "faisabilité de l’élection présidentielle" toujours programmée pour octobre 2005.

Mandat de l’ONUCI prorogé, élections repoussées ?

Au vu de la situation critique découlant des prises de position des radicaux des deux camps, le secrétaire général de l’ONU, Kofi Annan "prie à nouveau le Conseil de sécurité d’approuver les effectifs supplémentaires (1 000 hommes) de la force militaire, de la police civile et du personnel civil qu’il a proposés dans son 3e rapport".

Cerise sur le gâteau, il recommande que le mandat de l’ONUCI soit prorogé pour une période de 12 mois à partir du 4 avril. Cette recommandation a de forte chance d’être cautionnée, car à l’état actuel des choses, quitter la Côte d’Ivoire sera donner un feu vert au massacre généralisé. Le 3 avril est un tournant décisif pour permettre à la Côte d’Ivoire d’amorcer une nouvelle étape dans la mise en œuvre de la feuille de route concoctée par Thabo Mbéki.

Or, plus on avance, plus la crise semble s’inscrire dans la durée, sinon dans la sécession. Les Forces nouvelles seraient en phase de créer cinq nouvelles entités spatiales confiées à de nouveaux chefs de guerre et annoncent "la création d’une police et de postes de douanes" sur fond d’"ouverture effective d’une banque de dépôt à Bouaké".

Des actes qui contribuent à faire comprendre aux Nations unies que pour "imposer" la paix en Côte d’Ivoire, il faut plus que des discours savants et diplomatiques. Octobre approche à grands pas tandis que le bout du tunnel de la paix et de la réconciliation recule à pas de géant.

Au vu de cet état de fait, il sera difficile voire impossible d’organiser l’échéance électorale selon le calendrier fixé. International Crisis Group propose et, cela est de bonne guerre, que le calendrier électoral soit étendu à 18 mois doublé en même temps de garanties d’exécution. Avec le recul, la médiation de Pretoria le 3 avril risque encore d’être un échec si la communauté internationale n’use pas de coudées franches, pour "pousser" les uns et les autres à considérer la Côte d’Ivoire comme un pays, mais non pas comme leur propriété privée. L’Union africaine, de son côté, a donné quitus à Thabo Mbeki afin qu’il réussisse là où d’autres ont échoué.

Plus que jamais, la solution de la crise ivoirienne ne se trouve nulle part ailleurs qu’entre les mains des dirigeants ivoiriens. Ces derniers ont oublié et enterré avec le vieux Houphouët-Boigny, sa sage maxime qui disait : "Il est temps, grand temps que chacun de nous s’interroge : ai-je fait, bien fait pour mon pays ce que je dois ?" Le 3 avril nous le dira... peut-être.

Daouda Emile OUEDRAOGO (ouedro1@yahoo.fr)
Sidwaya

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