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Djibrill Yipènè Bassolé : <I>Je ne suis pas du genre à baisser les bras...</I>

Publié le vendredi 1er avril 2005 à 08h15min

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Par décision du ministre de la Sécurité, les 500 élèves fonctionnaires policiers exclus de leur école viennent d’être réintégrés. Acte de pardon ministériel ou obligation faite à un ministre suite à un désaveu ?

Sans détour, le ministre burkinabè, le Colonel Djibrill Yipènè Bassolé de la sécurité donne sa lecture de “l’affaire des policiers exclus de l’ENP”.

Sidwaya (S.) : Vous venez de rencontrer les cinq cents (500) élèves policiers qui avaient été définitivement exclus de l’Ecole nationale de police. Qu’est-ce qui a motivé cette rencontre et pourquoi êtes-vous revenu sur votre décision ?

Colonel Djibrill Yipènè Bassolé (D.Y.B.) : J’ai tenu à rencontrer les élèves-policiers de la promotion 2004-2005 pour leur dire de vive voix, l’intérêt que le département de la Sécurité attache aux questions relatives à l’éthique dans un corps de métier comme la police nationale, qui se doit de donner le meilleur exemple de discipline et de rigueur.

Ces jeunes gens vont réintégrer l’école pour poursuivre, je devrais dire pour commencer véritablement leur formation de policier.

Il nous est apparu utile, après les manifestations de rue du 18 février 2005 qui leur ont valu le renvoi de l’Ecole nationale de police, qu’au moment de leur réintégration, les droits et devoirs fondamentaux liés à leur carrière soient soulignés, afin qu’ils prennent la mesure de leurs responsabilités de futurs gardiens de la paix et de l’ordre public.

C’était l’objet de notre causerie morale pour utiliser l’expression consacrée dans les casernes.

Pour la deuxième partie de votre question, je dirai qu’il y a eu une évolution favorable dans le comportement des cinq cents (500) élèves- policiers qui a amené les représentants de la police nationale, lors de la rencontre des corps constitués, à demander au chef de l’Etat, qu’il leur soit accordé une chance de revenir à l’Ecole de police.

A la faveur de la Journée nationale de pardon, une suite favorable a été donnée à leur doléance.

S. : En tant que ministre de la Sécurité, vous avez décidé d’exclure les cinq cents (500) élèves policiers de l’école ; mais le président du Faso vous a suggéré de les réintégrer. N’est-ce pas un désaveu... ?

D.Y.B. : Lorsque le chef de l’Etat accorde une remise gracieuse de peine à un prisonnier, est-ce qu’il désavoue pour autant le juge qui a condamné ce prisonnier ? Vous convenez tous avec moi que c’est non...

Dans le cas d’espèce , sachez que l’acte d’indiscipline et de désobéissance du 18 février 2005 justifiait amplement que leurs auteurs soient exclus de l’école pour les besoins de la discipline, conformément aux dispositions du règlement intérieur de l’Ecole nationale de police, mais aussi pour des raisons évidentes de sécurité et d’ordre public. S’ils étaient moins nombreux, ils auraient été immédiatement mis sous verrous afin de permettre aux pouvoirs publics de circonscrire ce qui avait toutes les apparences d’une mutinerie.

Maintenant, comme je vous l’ai indiqué, il y a eu "une évolution de leur situation" et cela est favorable à leur éventuelle réintégration à l’Ecole nationale de police.

S. : A quoi voulez vous-faire allusion ?

D.Y.B. : Les cinq cents (500) jeunes élèves policiers ont adressé une lettre au cabinet du ministre de la Sécurité pour regretter l’acte de désobéissance qui leur aurait été imposé par certains de leurs encadreurs.

Deuxièmement, d’éminentes personnalités de la société civile ont intercédé en leur faveur.

Il s’agit notamment du Président du GERDDES, de sa Majesté le Moogho Naaba, du Comité d’éthique, des trois (03) aumôniers militaires sans oublier les parents des élèves-policiers qui, au cours de ma tournée pour la mise en œuvre de la police de proximité dans les chefs-lieux de région, n’ont pas manqué l’occasion de plaider la cause de leurs enfants tout en reconnaissant les erreurs de ceux-ci.

Dans ces conditions et avec de telles garanties, il était tout à fait indiqué de donner une chance à ces jeunes élèves-policiers de reprendre le cours de leur formation et de leur carrière.

Vous savez, la clémence a quelquefois une portée pédagogique plus utile que l’intransigeance.

La hiérarchie que nous représentons se doit d’être ferme sans être rigide.

Ceci dit, la décision d’exclusion au moment des faits était la seule décision appropriée, conforme au règlement et à l’esprit de discipline qui doit nécessairement caractériser une institution para- militaire chargée de veiller à la paix et à l’ordre public.

La démarche des cinq cents (500) jeunes élèves policiers sanctionnés, de reconnaître avec honnêteté et humilité, leur faute ne pouvait que nous prédisposer à accepter leur réintégration, convaincus par ailleurs que nous ferons d’eux une belle promotion de policiers loyaux et disciplinés.

S. : Lors de la marche du 18 février , les policiers ont formulé des revendications. N’étaient-elles pas fondées ? Quelles réponses y apportez-vous ?

D.Y.B. : Ce qui est condamnable dans le mouvement d’humeur du 18 février, est la forme de la revendication. Il n’est ni convenable, ni rassurant que des policiers en uniforme se livrent en spectacle dans la rue au point de porter atteinte à l’ordre et à la tranquillité publique.

Hormis cette démarche tapageuse d’insubordination, je reconnais qu’il y a beaucoup à faire pour que la police nationale soit à la hauteur de sa mission de sécurité publique que le banditisme et les troubles de tous ordres rendent de plus en plus ardue.

Le gouvernement s’est déjà engagé à améliorer sensiblement les conditions de vie et de travail des policiers à travers l’adoption le 12 janvier 2005 du plan de mise en œuvre de la police de proximité. Ce plan prévoit un recrutement annuel de sept cents (700) policiers à partir de 2005. Il prévoit également une amélioration de “ la mobilité ”, pour permettre aux fonctionnaires de police de se déplacer plus souvent dans les secteurs et les villages de leur compétence territoriale.

Il permet enfin, outre l’amélioration des cadres de formation, une meilleure couverture sécuritaire par la réalisation d’infrastructures dans les régions et les provinces du pays

Pour ce qui concerne les indemnités, les propositions de la police nationale y relatives ont été déposées au ministère des Finances et du Budget le 28 janvier 2005 en vue de la prochaine relecture par le gouvernement de la grille indemnitaire des agents publics de l’Etat.

Et pour ce qui est de la question du statut du policier, le texte portant organisation des emplois de la police est en voie de finalisation au ministère de la Fonction publique et de la Réforme de l’Etat. Il prévoit entre autres, les droits et les devoirs spécifiques des fonctionnaires de police, la hiérarchisation, les grades et l’uniforme de la police.

Je dois préciser qu’au budget de cette année, un milliard deux cent millions (1 200 000 000) de francs CFA sont prévus pour réaliser le nouvel uniforme et les galons de la police nationale.

S. : Tout de même, les troubles du 18 février ne sont-ils pas le signe d’un malaise dans la famille de la police burkinabè ?

D.Y.B : Personne ne peut tout avoir tout de suite dans un pays aux ressources limitées. Un effort est en train d’être fait et la police n’a pas eu besoin de descendre dans la rue pour que leurs préoccupations et leurs besoins soient pris en compte par le gouvernement. Les troubles du 18 février sont incompréhensibles. Leurs instigateurs voudraient cracher dans la soupe commune qu’ils ne s’y prendraient pas autrement.

Mais quels que soient les désagréments de cette manifestation, nous devons maintenant regarder vers l’avenir et poursuivre l’œuvre de construction de notre police nationale au rythme qu’impose l’édification de l’Etat de droit et le développement socioéconomique du Burkina.

S. : Quel sort réservez-vous actuellement aux fonctionnaires de police arrêtés dans le cadre de cette affaire ?

D.Y.B. : Les investigations se poursuivent pour déterminer leurs responsabilités individuelles et collectives. Le conseil de discipline de la police nationale ou la justice appréciera le moment venu.

S. : Votre moral aurait été très affecté par les évènements du 18 février à telle enseigne que vous seriez sur le point de démissionner. Est-ce exact ?

D.Y.B. : N’exagérons rien. C’est vrai que je n’ai pas été fier de l’attitude de certains policiers qui, au-delà de la marche du 18 février ont affiché des comportements et tenu des propos méconnaissables, mais vous savez bien que je ne suis pas du genre à baisser les bras face à la difficulté ou à l’adversité.

Le vrai combat est ailleurs. Nous devons impérativement réussir à perfectionner notre police nationale par la formation, l’équipement et la motivation, pour la rendre apte à maintenir partout sur le territoire national, la sécurité et la tranquillité publiques.

Vous savez, ceux qui râlent le plus sont maintenant identifiés.

Ce ne sont pas les plus gros travailleurs de notre police nationale.

J’ai la conviction que l’Etat peut faire confiance à la grande majorité des policiers qui dans l’honneur et la dignité continueront à propager les valeurs fondamentales d’une police d’Etat. Ils ont besoin d’être soutenus et encouragés.

Interview réalisée par El Hadj Ibrahiman SAKANDE (ibra.sak@caramail.com)
Sidwaya

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