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BIIRE -TANGA D’IMASGO : un patrimoine culturel aux multiples vertus.

Publié le lundi 8 juin 2015 à 01h40min

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BIIRE -TANGA D’IMASGO : un patrimoine culturel aux multiples vertus.

A la faveur de notre participation à l’étude d’inventaire des sites et attraits culturels de la région touristique du centre, nous avons été fasciné par un bosquet sacré, Biiré-tanga, situé au centre de la commune d’Imasgo, dans la province du Boulkièmdé. Nous parlons de fascination en termes d’analyses sociologiques que nous offre ce bien culturel à plusieurs vertus. De sa composition physique aux différents rôles qu’il joue, ce patrimoine fut notre véritable coup de cœur et c’est à juste titre que nous avons le plaisir de partager avec les lecteurs dans l’optique de porter à leur connaissance la richesse insoupçonnée mais méconnue de ce site.

- Biiré-tanga, un patrimoine matériel et immatériel commun

Le nom Biiré-tanga vient de deux termes que sont biiri( verbe) qui signifierait "attraper", comme dans le cas de biir-sυυré ( attraper la sauterelles pour les enfants) et de tanga qui est la colline ou montagne en moore . On pourrait résumer ce nom en ces termes : « la colline qu’on attrape » ou qu’on caresse pour solliciter ses bienfaits.
Biiré-tanga est à la fois un patrimoine matériel et immatériel commun aux tensoben-damba(chefs de terre), aux tengen-bissi(autochtones) et à toutes les communautés de la zone.
Ce bien culturel est formé d’une petite colline entourée de fourrées d’arbres. Elle est couverte d’une végétation diversifiée et composée d’herbes. Au centre de la colline se trouve un espace dépourvu de couvert végétal. Cet espace nu constitue l’essentiel de l’aire de sacrifices car c’est dans cette petite circonscription que tout demandeur de grâces quelconques doit s’accroupir pour accomplir les rites de biiribu (attraper).

Selon nos enquêtés (SAMBA Eloi, SAMBA Pascal et OUEDRAOGO Moïse), il ressort que l’historique de ce site remonte depuis des centaines d’années. Il se raconte que ce serait un peulh qui a été à l’origine des sacrifices qui se pratiquent de nos jours sur ce site. Il aurait perdu son troupeau de bœufs. Las de chercher partout, sans une moindre bonne nouvelle qui pointait à l’horizon, il alla expliquer son désarroi au teng-soaba(chef de terre, gestionnaire et détenteur du bien) et lui demanda de l’accompagner implorer l’aide de la colline dans l’espoir de retrouver ses bêtes. Une fois sur place, ce dernier s’est accroupi, en signe de soumission et de supplication, appuya ses paumes contre la colline et lui adressa cette doléance : « si tu m’aide à retrouver mon troupeau de bœufs, je t’en donnerai un ». Effectivement, contre toute entente, les résultats furent immédiats et positifs car le troupeau fut retrouvé. Le peulh satisfait de ces résultats avait pour obligation d’accomplir sa promesse vis-à-vis de la colline. C’est ainsi qu’il lui envoya un bœuf et du lait. Les teng-biissi(autochtones) en collaboration avec le teng-soaba se sont chargés des sacrifices. Depuis ce jour, fut instituée une grandiose fête biannuelle. Elle rassemble les gens venus de toutes les contrées ou même à l’extérieur du Burkina Faso pour remercier la colline de ses bienfaits ou pour poser des nouvelles doléances.

Nous pouvons donc dire que Biiré-tanga est un patrimoine culturel complet au sens où il est un bien matériel et immatériel. Il est un patrimoine parce que ce terme vient de patrimonium qui veut dire ce qui vient de nos pères ou même de nos grands-pères qu’on on a l’obligation morale, historique et culturelle de préserver pour transmettre à notre tour à nos enfants. Ce patrimoine est matériel car certaines de ses composantes sont palpables et touchables comme les arbres, les herbes et l’espace nu formant le bosquet. Mais, il est également immatériel dans la mesure où il est composé des pratiques que sont les sacrifices, les rites culturels et cultuels dont le fondement peut être historique, psychologique ou symbolique.

-Biiré-tanga est une aire de sacrifices multiethnique, interprofessionnel et intercommunautaire.

En effet, le premier constat est qu’il est rare dans les traditions moose que l’origine des pratiques et des rites soit l’œuvre d’une personne étrangère de la communauté. Or dans ce cas, c’est un peulh (il ne s’agit pas de peulh moaaga) qui eut confiance à la colline qui pourtant était la propriété matérielle ou physique du chef de village (elle est située dans son espace territorial de gouvernance) et de la propriété symbolique et fétichiste du tengsoaba, chef de terre (qui y pratiquait des rites). Cela est une preuve de tolérance culturelle et religieuse remarquable. Comme on le sait, en matière de culture et de traditions, tout est question de croyance. Quelles que soient les vertus ou les perversités en termes de miracles qu’un bien peut produire et peut avoir sur le vécu des individus qui le sollicitent, si ces derniers ne croient pas à la puissance bienfaitrice ou destructrice de ce bien, il n’y aura aucun effet. Or, pour croire il faut être dans l’espace et dans le conditionnement culturel du milieu. La question curieuse que nous pouvons nous poser est : comment et pourquoi le peulh a pu croire aux vertus de la colline alors qu’il n’avait pas d’attaches puisqu’il n’était ni de la lignée des tensoab-damba ni de celle des tengen-bissi ? Toujours est-il que sa croyance lui a été bénéfique et fut fondatrice d’une pratique culturelle certaine et pérenne.

Le deuxième constat est que les pratiques sur biiré-tanga sont inclusives. Les peulhs, les moose, les gourounsi et mêmes les personnes d’autres nationalités sont tous concernés et viennent solliciter cette colline. Cela relève d’une communion presque parfaite des entités sociales qui pouvaient avoir des raisons de ne pas se réunir. Comme on le lit dans les écritures saintes, les hommes demeurent égaux devant Dieu qui est leur créateur et le pourvoyeur de leurs besoins. De ce fait, devant biiré-tanga tous les individus sont reçus de la même manière, c’est-à-dire comme étant des êtres humains ayant des besoins dont l’accomplissement de certains peut passer par le pouvoir de ce patrimoine. Autant aucune communauté n’est privilégiée, de même aucune catégorie sociale n’est infériorisée par rapport aux autres. C’est ainsi que les vieux, les jeunes, les femmes, les hommes, sont tous autorisés à présenter leurs doléances qui reçoivent les traitements égaux pourvu qu’elles ne soient pas perverses (toute demande tendant à faire mal à autrui). Pour rappel, il y a, dans le paysage socioculturel moaaga ou burkinabé, des patrimoines et des pratiques exclusifs et discriminatoires. Si ce ne sont pas les femmes qui sont exclues, ce sont les enfants ou autres catégories qui sont interdits d’accès à ces lieux ou vécus de mémoire. Biiré-tanga donne, à cet effet, une leçon d’un patrimoine au service de tous et surtout un bien qui assure une cohésion de toutes les composantes de la société pour laquelle il existe et doit sa notoriété.

Le troisième constat remarquable que nous pouvons mentionner est que ce bien rassemble également des éleveurs et des agriculteurs. Cela traduit une façon de rassembler les couches ou les catégories d’acteurs qui s’opposent souvent par leur profession ou par leur origine. Quand nous savons que les conflits intercommunautaires surtout entre les agriculteurs et les éleveurs font des victimes et mettent à mal le vivre-ensemble de notre pays, nous pouvons affirmer que ce patrimoine est donc un véritable plateau de cohésion socioculturelle de plusieurs agriculteurs et éleveurs du Boulkièmdé. Il donne un bel exemple de la nécessaire obligation pour tous de collaborer et de trouver chez autrui non pas l’image d’un conquérant mais celle de son semblable, l’autre étant le miroir de notre propre personnalité. Ainsi, le respect des rites et des pratiques de ce patrimoine est un moyen de renforcer les liens et cela revient à la vision de la tradition dépeinte par un vieux sage pour qui : « la tradition est comme une poule mère, quand on la respecte, elle vous protège ».

-Biiré-tanga est un patrimoine thérapeutique multiforme de grande renommée

Sans exagération aucune, nous pouvons affirmer que cette colline soigne les maux de tout genre et exauce les différents vœux. Nos entretiens avec nos interlocuteurs sur le terrain ont révélé que les doléances et sollicitations adressées à ce bien culturel sont diversifiées et multiformes. On peut citer entres autres la recherche de procréation, de richesses, de santé, d’entente dans les familles, des biens et des personnes perdus, de bonne récolte et de bénéfices, de réussite professionnelle et scolaire, etc.
Pour les sacrifices, les biens mobilisés pour la demande ou pour le remerciement peuvent être les poulets, les moutons, les chèvres et les bœufs, le sésame, le lait et les beignets etc.
Tout demandeur doit se munir d’un ou de plusieurs de ces éléments accompagnateurs pour exprimer une demande ou une reconnaissance. En termes de satisfaction des doléances, on peut dire que le taux de réussite est très élevé.

En prenant l’exemple de la recherche de procréation, SAMBA Eloi (enquêté) témoigne qu’il est impossible de recourir à biiré-tanga et d’en sortir bredouille. D’ailleurs, cette sollicitation détient le taux le plus élevé de demandeurs. A ce niveau également, nous ne pouvons pas nous empêcher de faire un commentaire en rapport avec une actualité qui a marqué les esprits. Cette actualité est faite de cas de trafics des bébés à travers des réseaux d’achat de nourrissons. Pour les couples qui sont tentés par ces aventures hypothétiques, conseils leur sont donnés de faire le pèlerinage d’Imasgo sur la colline bienfaisante de biiré-tanga. Avec l’aide et la bienfaisance des mânes des ancêtres, ils pourront goûter aux délices d’être des parents sans passer par des tracasseries de tout genre. Il suffit simplement de faire des sacrifices de quelques friandises à la colline et on attend les résultats. On peut croire ou ne pas croire mais nous pensons que cette aventure-là vaut nettement mieux que celle qui consiste à se mettre dans les mains des inconnus qui sont mus par la recherche de l’argent et qui peuvent compromettre la santé des couples en désarroi.

Vivement un mécanisme de protection et de valorisation de Biiré- tanga

En bref, nous retenons que biiré-tanga est un patrimoine qui regorge beaucoup d’atouts sociaux et qui mérite d’être protégé et d’être valorisé. Il serait urgent de délimiter le site par des grilles de protection pour assurer la pérennité des espèces du bosquet. Aussi, un comité de suivi peut être mis en place pour renforcer les actions d’entretien du chef de terre. Enfin, la fête biannuelle mérite d’être soutenue pour permettre de découvrir davantage les vertus révélées et sous-jacentes de ce patrimoine.

Nous invitons les africains en général et les burkinabé en particulier de cesser d’avoir des attitudes négatives envers nos coutumes et traditions qui consistent à croire que seules les herbes de la prairie du voisin sont vertes. Concrètement, il est suicidaire de penser constamment que seul ce qui vient d’ailleurs est meilleur et a de la valeur. Même si nous avons des traditions qui sont dépassées, beaucoup restent utiles et peuvent nous rendre de grands services que nous partons solliciter dans des contrées lointaines. Nous ne pousserons pas la provocation en comparant biiré-tanga à Lourdes (en France) à Arafat (en Arabie Saoudite) ou au mont Sinaï (en Egypte) mais nous soutenons fermement que nous devrons être fiers de ce patrimoine qui vient des entrailles de nos aïeuls et du tréfonds de nos terroirs. Comme le dit bien Mahamoudou Ouédraogo : « La culture n’est pas à percevoir comme un ornement du développement mais plutôt comme une valeur-clé de ce dernier. En somme, comme une épine dorsale ».

Dr Patrice KOURAOGO, Sociologue, Gestionnaire du patrimoine culturel, Attaché de Recherche à INSS/ CNRST au Burkina Faso.
kouraopat@gmail.com
Tel : 70694891

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Vos commentaires

  • Le 8 juin 2015 à 04:06, par YES En réponse à : BIIRE -TANGA D’IMASGO : un patrimoine culturel aux multiples vertus.

    Merci au DR Kouraogo je suis d avis de retour au pays je fait un tour pour mon bonheur et celui de ma famille.

  • Le 8 juin 2015 à 11:24, par Warrior En réponse à : BIIRE -TANGA D’IMASGO : un patrimoine culturel aux multiples vertus.

    Merci à vous pour la promotion de la culture et surtout merci pour votre immense contribution à l’amélioration du vécu des populations !Ce que je souhaiterai est que ceux qui auraient fait le déplacement de Imasgo puissent faire des témoignages si leurs vœux ont été exhaussés question d’accorder plus du crédit au Biire Tanga. Autrement, je demande au DR d’inciter ceux là qu’il connait avoir reçu des bienfaits de Biire-Tanga de faire des témoignages sur ce réseau.Dieu et ceux à qui vous rendriez service vous le revaudront.Merci infiniment !

  • Le 8 juin 2015 à 11:28, par youga sawadogo En réponse à : BIIRE -TANGA D’IMASGO : un patrimoine culturel aux multiples vertus.

    Félicitations au Dr Kouraogo d’avoir eu le courage pour nous faire partager cet article tout en ne faisant pas ombrage de sa foi en nos rites ancestraux. Des sites comme Biire-tanga devraient faire l’objet d’attentions particulières de nos autorités. C’est ainsi que je me sens frustré de constater que nous sommes dans un pays majoritairement animiste et pas une seule journée n’est prévue parmi les fêtes légales pour commémorer nos croyances tutélaires. Pendant ce temps, les religions révélées (Islam et Christianisme) ont chacune au minimum deux fêtes reconnues par an. Il serait juste et équitable qu’il soit permis à ceux qui restent des adeptes de nos pratiques ancestrales de pouvoir, ne serait-ce qu’une fois dans l’année, disposer d’une journée pour se consacrer à la commémoration de leurs rites. Continuez Docteur de nous informer sur notre patrimoine car entre Lourdes et BIIRE-TANGA, mon choix est fait !!

  • Le 8 juin 2015 à 14:14, par clotilde En réponse à : BIIRE -TANGA D’IMASGO : un patrimoine culturel aux multiples vertus.

    Merci de nous avoir fait découvrir ce patrimoine culturel. je suis moi-même de la région et je n’avais jamais entendu parlé. C’est à découvrir.

  • Le 8 juin 2015 à 14:15, par clotilde En réponse à : BIIRE -TANGA D’IMASGO : un patrimoine culturel aux multiples vertus.

    Merci de nous avoir fait découvrir ce patrimoine culturel. je suis moi-même de la région et je n’avais jamais entendu parlé. C’est à découvrir.

  • Le 8 juin 2015 à 15:37, par INVARIABLE. En réponse à : BIIRE -TANGA D’IMASGO : un patrimoine culturel aux multiples vertus.

    Merci docteur pour cet article formidable.
    Si beaucoup d’intellectuels osaient prendre position comme vous par rapport à nos traditions, il y aurait beaucoup de grandes valeurs de nos traditions que nous pourrions préserver.

    Malheureusement nos pratiques ancestrales sont en train d’être abandonnées au profit des religions dites révélées sous prétexte que nos pratiques seraient barbares, sataniques et dépassées.
    Quel dommage !
    Vive Biiré-Tanga D’ISMASGO

  • Le 8 juin 2015 à 16:57 En réponse à : BIIRE -TANGA D’IMASGO : un patrimoine culturel aux multiples vertus.

    Merci Dr cela permet de revaloriser notre culture et d’en découvrir les pans entiers de mystères cachés les africains doivent apprendre à retourner aux sources et laisser ces religions importées qui nous divisent nous devons être fiers de nos racines de notre patrimoine quand je vois que ce sont des noirs qui dénigrent leurs cultures et singent celles d’autrui je comprends pourquoi les noirs échouent partout car nous ne savons pas d’où nous venons alors comment saurons nous où aller, dans quelle direction regarder ?
    La preuve nos enfants qui naissent et qui sont des monstres de par leurs comportements inexplicables quelle avenir pour eux pour nos nations en périls
    Retournons aux sources c’est là que nous serons en paix avec nous même et mieux armés pour affronter le monde
    Regardez comment la culture indienne japonaise s’exporte et c’est encore des noirs qui quittent leur continent pour aller rechercher des solutions à leurs problèmes existentiels en Inde etc....alors que la solution se trouve toujours tout près de soi pour peu qu’on veuille bien faire l’effort d’ouvrir les yeux

  • Le 8 juin 2015 à 22:40, par Jean Paul Ouedraogo En réponse à : BIIRE -TANGA D’IMASGO : un patrimoine culturel aux multiples vertus.

    Je ne vais pas vers les tenkouga....Mon Jesus Christ me suffit !

  • Le 9 juin 2015 à 11:19, par Vive nos traditions à bas les suivistes moutons fossoyeurs de nos traditions En réponse à : BIIRE -TANGA D’IMASGO : un patrimoine culturel aux multiples vertus.

    @Jean Paul Ouedraogo ça ce sont tes problèmes donc épargne nous de ça si tu es venu lire cet article alors qu’on ne t’a pas sonné c’est qu’il ya de fortes chances qu’à la fin tu renies ton jésus alors avant de clamer ton appartenance à jésus dont les descendants n’ont que faire de toi et tes semblables tu ferais mieux de chercher à connaitre d’où tu viens ça t’éviteras d’être ridicule dans tes propos et surtout ça t’aidera à mieux affronter tes problèmes existentiels..espèce de ponce pilate doublé de judas iscariot tchrrrrrrrrrrrr

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