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Pour construire une véritable réconciliation, que chacun interroge sa conscience

Publié le samedi 23 mai 2015 à 20h38min

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Pour construire une véritable réconciliation, que chacun interroge sa conscience

Depuis 1960, date d’accession de notre pays à l’indépendance, que de crimes de sang, avec une palme pour la seule période du 17 octobre 1987 au 31 octobre 2014. Le nombre de morts, qui relèveraient de crimes de sang, commis sous le régime de Blaise Compaoré, s’élèverait à plus d’une centaine. Un chiffre fait froid au dos, tellement il fait peur.

Depuis le temps où « l’homme fort » était encore aux affaires, nous avons entendu parler de réconciliation et de cohésion sociale. Mais était-ce sincère ?
Apres la chute et la fuite de Blaise Compaoré, une commission est créée pour construire la réconciliation nationale, afin de nous permettre un vivre ensemble dans la paix et la cohésion sociale. Mais une question mérite d’être posée : Peut-on parler de réconciliation sans vérité ?

Dans les rites initiatiques de la confrérie des chasseurs (les Dozos), il y a une étape très importante, celle où tout nouveau membre s’engage sur son honneur, au courage, à la bravoure et à dire la vérité, en tout temps et en tout lieu. Auquel cas, il est excommunié. C’est vrai, nous sommes loin, très loin de cette noblesse. Nous sommes dans les eaux boueuses de la politique pervertie, où seule l’ascension, par la courte échelle, compte : par la corruption, le vol, les surfacturations, les intrigues, etc.

Pourquoi, des burkinabè se sont-ils s’octroyé le droit de tuer d’autres burkinabè, simplement parce qu’ils ne sont pas d’accord avec leur mode de gestion des affaires publiques, ou tout simplement parce qu’ils ne partagent pas leurs points de vue ? Pourquoi ?

A y regarder de près, la réponse est toute simple : Ces assassinats ont été commis pour le pouvoir, les délices du pouvoir, pour l’argent, et tout ce qui va avec.
Ces crimes ont été commis pour que leurs commanditaires et auteurs puissent continuer le festin, le festin des charognards.

Blaise a régné sur le Burkina Faso du 15 octobre 1987 au 31 octobre 2014, soit exactement 27 ans et 17 jours. 27 longues années au cours desquelles il y a eu 103 assassinats, soit en moyenne plus de 3 assassinats chaque année.

Oui, je vois Blaise, quitter son fauteuil de président, nuitamment ou de jour, prendre sa voiture, avec son arme, pour aller lui-même donner la mort, à chacune des victimes de la barbarie de son régime. Que ce serait bien facile, dans ces conditions, de retrouver le commanditaire et l’exécutant de tous ces crimes de sang.

MAIS QUE NON, mesdames et messieurs, les compagnons, ministres et autres tous puissants conseillers. Il a fallu penser, préparer minutieusement et exécuter ces crimes, avec de la logistique et des complicités, le plus souvent loin du palais présidentiel.

Mais depuis que « l’homme fort » a perdu le pouvoir et qu’il a fuit le Faso, personne n’a rien fait, personne ne sait rien. Pauvre de Blaise, mais tu le mérites bien, cet abandon à ton sort, par tes complices-conseillers d’hier, puisque toi-même tu as trahi ton « meilleur ami et compagnon d’armes ». Pourquoi les autres te resteront-ils solidaires ? Tu as chassé certains de la table du festin et tu t’es débrouillé pour perdre le pouvoir, faisant perdre aux autres, l’accès aux caisses publiques. Rumine ton sort dans ta belle famille. C’est bien fait pour toi !

Nous avons tous, autant que nous sommes, une famille, c’est-à-dire une épouse ou un époux, des enfants. Et de façon plus large, dans le sens de la famille africaine, nous avons chacun un père, une mère, des frères, des sœurs, des cousins et cousines, des tantes (Djamila en avait tellement qu’elles se seraient même constituées en association), etc.
Comment l’épouse, l’enfant, le frère, la sœur, mais surtout le père et la mère qui nous ont mis au monde, nous regarderaient-ils, s’ils savaient une seule seconde que nous avons été complices, sinon conseillers d’assassinats, pour l’argent et les délices du pouvoir ?

Aujourd’hui que nous parlons de réconciliation, parlons-en sincèrement. Mais peut-on vraiment parler de réconciliation dès lors que ceux sur qui pèsent des soupçons, se réfugient dans le déni de vérité ?
Peut-on aller vers cette réconciliation, très attendue, franchement, dès lors que le mensonge éhonté devient l’arme favorite de défense de ceux-là qui peuvent aider à la manifestation de la vérité ?
Peut-on encore nous réconcilier dès lors que c’est toujours l’argent et les délices qui vont avec qui constituent le seul mobile de la conquête du pouvoir ?

Peut-on avoir le pardon de ces nombreuses familles endeuillées, du moment que la vérité se fait attendre, du côté de ceux qui la détiennent.

Ainsi, personne n’a enlevé Dabo Boukary,
Ainsi, personne n’a vu Dabo Boukary emmené au Conseil,
Ainsi, personne n’a interrogé Dabo Boukary,
Ainsi, personne n’a torturé Dabo Boukary,
Ainsi, personne n’a enlevé le corps de Dabo Boukary,
Ainsi, personne n’a enterré Dabo Boukary,
Ainsi, ainsi, ainsi, ….
Ainsi, Dabo Boukary est aussi mort de mort naturelle, comme SANKARA.

La commission chargée de poser les jalons de la réconciliation nationale a du boulot, et beaucoup de boulot. Elle n’a pas le droit de flancher, parce que nous ne voulons plus assister à ce marché de dupes auquel Blaise et ses complices nous ont habitués.

Nelson Mandela, Le Grand Homme, nous en a donné l’exemple, où nous avons tous suivi des témoignages très émouvants, sur des enlèvements, des séances de tortures, d’assassinats, etc.
Pourquoi ici au Faso, ceux qui ont été acteurs, complices ou témoins de quoi que ce soit, se réfugient dans la peur, la couardise, préférant les envolées lyriques des meetings et les intrigues, aux témoignages de vérité qui arrêteront définitivement les processions funéraires auxquelles ce peuple a été soumis, 27 longues années durant.

Ce pays a trop souffert et de nombreuses familles souffrent encore plus, parce qu’elles ne savent pas où sont enterrés les leurs. C’est un devoir moral, humain, de justice que de les aider à porter le deuil de leur père, de leur frère, de leur camarade, de leur collègue. C’est le fondement même de la réconciliation nationale.

Comment un père de famille peut-il accepter que ces enfants se rendent à l’école, alors qu’ils sont regardés par leurs camarades comme les enfants d’un assassin ou complice d’assassinats ?
Comment un époux, peut-il supporter que son épouse se rende au service, alors qu’elle est vue par ses collègues comme la femme d’un assassin ou complice d’assassinats ?
Comment un père de famille peut-il être fier d’un fils lui rendant visite, garant sa rutilante 4x4 devant la porte, en fils « béni », alors que les voisins ne voient en lui qu’un assassin ou complice d’assassinats.
Comment des enfants peuvent-ils supporter dans la courde l’école, les regards inquisiteurs de leurs camarades, sans demander à leur père de lever cette chape de plomb qui pèse indument sur leurs épaules ?
Comment une épouse peut-elle supporter tant de regards sans exiger de son époux de mari de dire la vérité aux Burkinabè ?
Comment un père de famille peut-il être fier d’un fils sur qui pèsent de lourds soupçons d’assassinats ou de complicité d’assassinats, juste pour profiter des caisses publiques et des belles voitures qui vont avec ?

Il n’y a aucun mérite à se taire, pour « protéger » sa voiture, sa villa, son compte bancaire, …, son patrimoine. Le courage consiste plutôt, ici et maintenant, à dire la vérité à tout un peuple, pour la réconciliation des cœurs et des esprits, pour le bien de tous.

Il nous faut nous réconcilier, mais pour nous réconcilier, il est important que chacun interroge sa conscience, en époux, en épouse, en père, en mère, en fille, en fils, en Burkinabè.

Le matin, au réveil, que chaque Burkinabè interroge sa conscience.
Le soir, au coucher, que chaque Burkinabè interroge sa conscience.
Devant son épouse, son époux, sa fille, son fils, son père, sa mère, que chaque Burkinabè interroge sa conscience.

Que celui qui détient une part de vérité sur la longue liste des assassinats se délivre, délivre sa conscience, délivre sa famille, délivre le Burkina Faso, pour une véritable réconciliation. C’est à ce seul prix que les familles endeuillées pardonneront. C’est à ce seul prix que nous pourront construire ensemble un Burkina Faso nouveau, débarrasser de la barbarie, de la sauvagerie, des assassinats.

Et pour y arriver, QUE CHACUN INTERROGE SA CONSCIENCE.

Aly Teyéni MANA.

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Vos commentaires

  • Le 23 mai 2015 à 21:55, par eteincelle En réponse à : Pour construire une véritable réconciliation, que chacun interroge sa conscience

    bien dit mon frère,mais pour cela il faut que tout le monde sache raison garder. Ils sont rares ceux qui,le couteau sur la gorge n’avoueront pas un crime pour sauver leur vie. Il faut désarmer les cœurs. IL faut commencer par enlever de la tete de certains intellectuels corrompus aux idées venues d’ailleurs qu’il ne doit y avoir d’ennemis en politique au Burkina. Sinon ce serra comme à la guerre,tuer pour ne pas être tué. En 1988 quand j’ai entendu un étudiant acquis à la cause d’idées soit disant progressistes dire qu’il faudra liquider physiquement ceux qui viendraient à quitter le PCRV,il ne s’imaginait pas que 20 ans après il allait prendre d’autres chemins. C’est cette haine née de l’extrémisme militant qui explique que les burkinabè sont dans l’impasse.La preuve,c’est à partir de la révolution où la théoriciens de la lutte de classes ont accédé au pouvoir que le sang "politique" a commencé à couler à flot.C’est ça la vérité historique. Il faut que les burkinabè notamment les intellectuels reconnaissent qu’ils ont conduit par leur paresse intellectuel le pays à la croix des chemins,eux qui ont embrassé et chéri karl max plus que leurs propres frères au point de leur ôter la vie en souriant.La haine que certains vouent à leur anciens camarades est tellement tenace,qu’il n’ya pas de place à le reconnaissance de la faute. Des Blaises il y en a partout et dans tous les milieux y compris ceux où les gens parlent à longueur de journée de démocratie.C’est juste une question d’opportunité. Alors pour aller à la réconciliation sincère,désarmer nos coeur et que chacun reconnaisse qu’il n’est pas sorti de la cuisse de Jupiter.
    ceux

  • Le 23 mai 2015 à 21:55, par Compaoré Mahmud En réponse à : Pour construire une véritable réconciliation, que chacun interroge sa conscience

    Merci Mr Aly, vous êtes un homme de morale, de conscience et animé d’un sentiment de justice. Je vous félicite pour votre élévation d’esprit, votre honnêteté et votre sincérité. Mais comme vous l’avez bien souligné ces charognards, qui pendant près de 3 décennies, ont sucé le sang de leurs propres frères, ont-ils une âme pour se mettre à la place de leurs victimes ? Non assurément. C’est pourquoi il est un devoir national que la justice rende la justice. Si elle ne le fait pas parce qu’elle est incapable, les générations futures déterreront les cadavres des vampires qui ont bu le sang de nos frères, sœurs, pères, mères, cousines, cousins, oncles et tantes. Cette race d’hommes et de femmes qui ont plongé le Burkina dans le gouffre doit être bannie à jamais. Ils nous faut des responsables responsables pas des responsables irresponsables comme ceux là qui nous ont honteusement trompés 27 ans durant. Les nouveaux dirigeants doivent avoir à l’esprit qu’il leur incombe de travailler pour le bonheur, je ne dis pas, de la majorité des Burkinabé, mais pour le bien-être de chaque Burkinabè

  • Le 23 mai 2015 à 22:25, par vérité no1 En réponse à : Pour construire une véritable réconciliation, que chacun interroge sa conscience

    Merci Mr Mana, dans la mesure où vous n’aviez pas mentionné le nom de Salif, ça marche ! Une analyse doit être globale et non dirigée vers une seule personne ! Pour l’affaire Dabo, vous aviez fait preuve de couardise en fuyant vers d’autres horizons et le martyr est resté sur place !

  • Le 24 mai 2015 à 11:16, par Raogo En réponse à : Pour construire une véritable réconciliation, que chacun interroge sa conscience

    Merci a vous lire je suis fière d’être un être humain et Burkinabé de surcroît

  • Le 24 mai 2015 à 12:36, par l’ambassadeur En réponse à : Pour construire une véritable réconciliation, que chacun interroge sa conscience

    Monsieur internaute n°3 ne condamnez pas Mana d’être parti au Mali fuyant la répression car ceux qui sont restés nombreux l’ont été à leur corps défendant .Il ya des moments où mieux vaut partir que de rester.Car rester peut être pire que de partir. IL y en qui sont restés et ont été obligés deux ans durant pour survivre de faire ce à quoi ils n’ont jamais pensés,certains sont morts comme des .....sans que leur mémoire n’ait été honnorée comme il se doit,d’autres devenus des presque clochards,c’est ça la réalité. Partout,je dis partout,il ya des parrainages triste réalité.Dieu seul est juste

  • Le 24 mai 2015 à 18:01, par ouedraogo En réponse à : Pour construire une véritable réconciliation, que chacun interroge sa conscience

    Salut merci pour cet article. Il faut réellement que chacun interroghe sa conscience si l’on veut la freconciliation. Il faut egalement quer les membres nommés par le gouvernement interrogent leur conscience. Je le dis en pensant essentiellement au president de la commission elle-même : MGR PAUL OUEDRAOGO ; Son nom est tellement gaté à Bobo où il vit en principe que j’ai peur que si lui-même Paul ne se regarde pas en face le travail qui lui est confié a dejà ECHOUE à cause justement de sa personne. Alors qu’il accepte comme le dit l’article de INTERROGER SA CONSCIENCE et de tirer les conséquences au nom justement du travail de reconciliation qui lui est confié

  • Le 25 mai 2015 à 06:46, par Tantie de Titao En réponse à : Pour construire une véritable réconciliation, que chacun interroge sa conscience

    Si effectivement chacun interroge sa conscience, si à l’exemple de Mandéla ,Martin Luther King et Gandhi, on peut arriver à dire la vérité et demander pardon, alors nous pourrons reconstruire un état intègre et fier. Tant que cette pourriture des âmes qu’est la dissimulation, cette infection sournoise ne sera pas nettoyés, certains garderont la douleur de l’incertitude et les autres la honte cachée qui ronge malgré les apparences et rend arrogant.
    L’hymne national du Sénégal dit " notre arme est la parole"...les cultures du Burkina Faso sont riches en modes de réconciliation, merci de ne pas l’oublier...même si cela doit aussi passer par la justice !

  • Le 25 mai 2015 à 07:12, par vérité no1 En réponse à : Pour construire une véritable réconciliation, que chacun interroge sa conscience

    On ne peut pas se réclamer du CDP (tantie de titao) et prétendre donner des leçons, ça ressemble à du spectacle comique !!!!!!

  • Le 25 mai 2015 à 09:59, par Alexio En réponse à : Pour construire une véritable réconciliation, que chacun interroge sa conscience

    L escadron de la mort de l ancien regime Diendere et leurs commanditaires francais.Le faux Jacques Focard. Si l enfer existe, je crois il ne peut pas l echapper.

    Pourquoi jusqu apres ce General n est pas dans le violon pour repondre a tous crimes qu il avaient orchestres ?

    Les crimes de sang depuis 1960. Les plus douteux.
    La mort de Daniel Ouezzin Coulibaly.Sans obduction. Empoisonnement ?
    Nazi Boni. Son accident de voiture. Sans expertises pour elucider les causes. La theorie
    du sabotage etait al epoque dans les langues bobolaises.
    Le Commandant Ouedraogo Moumouni le grand parachute qui etait d ailleursl idole de
    de la genaration Sankara et Blaise Compaore. Sa mort tragique a ete couvri d accident de parachutage par les gouvernants de l heure. Expertises nul et non- avenu. Sabotage ? Un nom revenait a la surface la trahison duCapitaine Bonkoungou. Frere d arme de ce vaillant millitaire qu etait le Commandant Moumouni.
    Les gouvernants de notre pays ont assassines plusque le colonisateur francais a son temps.

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