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L’Agence de l’eau du Mouhoun : l’ange gardien du fleuve et ses affluents

Publié le vendredi 22 mai 2015 à 22h00min

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L’Agence de l’eau du Mouhoun : l’ange gardien du fleuve et ses affluents

Le fleuve Mouhoun est le plus grand cours d’eau du Burkina. D’une longueur de près de 1000 km en territoire burkinabè, il prend sa source dans la commune de Moussodougou, Région des cascades. Dans le Mouhoun supérieur en rive droite, il est alimenté par le Kou et en rive gauche par le Plandi, le Siou, le Vouhoun et le Sourou. Dans le Mouhoun inférieur, en rive droite, ses affluents sont le Grand Balé, la Bougouriba, le Bambassou et le Poéné. Et en rive gauche, le Mouhoun est alimenté par le Vranso, le Bulkiemdé, le Bolo, le Sambayou, le Kabouti, le Bouguiguiri et le Kabarvaro. Cet ensemble constitue le bassin national du Mouhoun et le sous bassin du Banifing dont la superficie est estimée à 96 096 km2. C’est à l’Agence de l’eau du Mouhoun (AEM) qu’il revient d’engager les acteurs de l’eau à la gestion concertée, intégrée, équilibrée et durable des ressources en eau de ce bassin national du Mouhoun et du sous bassin du Banifing. Lisons les détails de cette gestion à travers une interview que lefaso.net a réalisée avec le Directeur Général de l’AEM, Ghislain w. Anselme Kaboré.

Lefaso.net : Quels sont les objectifs poursuivis par l’Agence de l’eau du Mouhoun ?

Ghislain W. Anselme KABORE : L’AEM a pour objectif de faire du bassin versant du Mouhoun et du Banifing, un cadre approprié de gestion, de connaissance et de planification des ressources en eau. Pour ce faire, nous avons plusieurs missions dont les principales sont les suivantes. Il s’agit tout d’abord d’engager les acteurs de l’eau à la gestion concertée, intégrée, équilibrée, et durable des ressources en eau, de concevoir et de mettre en œuvre des schémas Directeurs d’aménagements et de gestion des eaux (SDAGE) et des schémas d’aménagement et de gestion des eaux (SAGE), de promouvoir une utilisation rationnelle des ressources en eau. Nous luttons contre la pollution et nous protégeons les milieux aquatiques. Nous mettons aussi en œuvre les principes pollueurs payeurs et préleveurs payeurs. Telles sont nos principales missions.

Quelles sont les activités que vous menez sur le terrain pour atteindre ces objectifs ?

Nous menons beaucoup d’activités à partir d’un programme annuel. Mais à partir de 2016, le programme d’activités va s’appuyer sur le Schémas directeur d’aménagement et de gestion de l’eau (SDAGE) qui a identifié avec l’ensemble des acteurs les priorités d’intervention que nous devons suivre pour assurer la durabilité de la ressource en eau .
Toutes nos activités tendent à concourir au changement de comportement par rapport à la ressource eau. Elle ne doit plus être vue comme une ressource gratuite, disponible qu’on peut utiliser à volonté et corvéable à souhait. L’eau, c’est une ressource qui est limitée, une ressource qui ne peut pas subir les agressions qu’elle subit actuellement sans un impact nocif sur sa disponibilité.
Nous organisons donc des actions de sensibilisation, de formation, d’information et de communication. Il y a également le renforcement de capacités que nous faisons à l’endroit des institutions, des associations d’usagers.
Nous soutenons également les initiatives qui vont dans l’intérêt commun dans le domaine de l’eau notamment les communes qui ont des actions en faveur de la protection de la ressource en eau. Dans ce sens, nous avons soutenu la commune de Yé à protéger les berges de la rivière Goersa par des reboisements. Nous avons soutenu la commune de Moussodougou à protéger des sources du fleuve Mouhoun. Nous avons soutenu la commune de Poura dans la réhabilitation du bac à cyanure de la mine industrielle de Poura. Nous avons même aidé cette commune à recruter un gardien pour garder ce site.
Mais surtout, nous agissons à travers ce qu’on appelle les Comités locaux de l’eau (CLE) qui sont le maillon de base de la GIRE au Burkina Faso.
Les CLE sont une fédération des associations d’usagers et d’acteurs de l’eau au niveau local, qui contribuent à la mise en œuvre pratique de la GIRE. Nous contribuons à les mettre en place dans les sous bassins qui ont un enjeu majeur. Nous les soutenons dans tout ce qu’il y a comme actions de gestion de ressource en eau, notamment la protection des berges, la restauration des ressources en eau. Pour l’année 2015, c’est plus de 13 CLE que nous avons soutenues avec une subvention de plus 25 millions de fcfa.
Nous faisons aussi des actions de suivi de la ressource en eau sur le terrain. On peut parler du cas de Poura où nous avons été interpelés sur la qualité de l’eau parce qu’il y avait des inquiétudes énorme de la population. Nous avons mené une campagne d’analyse systématique de l’eau, de l’exhaustivité des points d’eau de Poura. Il y a 39 puits et forages utilisés. Incessamment un rapport va sortir sur la qualité de l’eau à Poura.

Comment l’Agence de l’eau du Mouhoun (AEM) est-elle structurée ?

L’agence de l’eau du Mouhoun est érigée en Groupement d’intérêt public (GIP) convenu entre l’Etat et les collectivités territoriales par la signature de sa convention constitutive le 23 janvier 2010. Ce qui nous confère une certaine autonomie administrative et financière. Tout se décide localement selon le principe de subsidiarité. En termes d’organes et d’instances, nous avons d’abord le Comité de bassin qui est l’Assemblée générale de l’Agence de l’eau. Il est constitué d’une manière tripartite de 15 personnes qui représentent les collectivités, 15 membres des services techniques qui représentent l’Etat et 15 membres représentant les usagers. En tout nous avons 45 membres. C’est au niveau de ce comité de bassin que tout se décide pour la gestion de la ressource en eau au niveau de notre espace de compétence. En dessous de ce Comité de bassin, nous avons ce que nous appelons le Conseil d’administration, qui est l’organe exécutif de l’Agence. Il est composé de 18 membres choisis paritairement parmi les usagers, l’administration et les collectivités. Ce conseil est chargé d’accompagner au quotidien l’agence dans l’exécution de ses activités. Nous avons la Direction générale qui est le bras opérationnelle de l’AEM dont le siège est à Dédougou, Chef-lieu de la région de la Boucle du Mouhoun. Et enfin nous avons les Comités locaux de l’eau (CLE), qui sont la fédération des usagers de l’eau, et des acteurs au niveau local. C’est la structuration qui nous permet d’accomplir nos activités.

L’ensablement du Mouhoun inquiète à plus d’un titre qu’en est-il exactement ?

L’ensablement a été identifié comme l’une des problématiques majeure des cours d’eau de notre espace de compétence. Il est un phénomène difficile à combattre. En effet, l’ensablement est le résultat final de l’ensemble des mauvaises pratiques sur le bassin versant. Quand vous avez un agriculteur qui se trouve quelque part et qui utilise des instruments de labours inadaptés, il contribue à l’ensablement. Quand vous avez des gens qui coupent les arbres pour faire des champs ou du charbon, c’est des sols qu’on dénude, cela contribue à l’ensablement. Quand vous avez des gens qui s’installent sur le bord du fleuve, pour mener des activités ces gens-là contribuent à l’ensablement. Il va s’en dire que pour lutter contre l’ensablement, l’agence seule ne suffit pas. C’est par la contribution de plusieurs départements, et acteurs qu’on peut d’abord faire comprendre conscience de ce problème aux usagers pour que celui qui est au bord du fleuve qui est en train de faire de l’exploitation sache que son action est en train de détruire le fleuve. Et ensuite mener des actions concrètes. Par exemple nous avons déjà envoyé une équipe au niveau du Kou pour constater les effets de premières pluies sur l’écoulement de la rivière. Et dans les prochains jours, nous avons des activités avec 3 villages qui sont sur le long du Kou pour enlever le sable et entretenir ce cours d’eau pour que la saison qui s’annonce ne soit pas synonyme d’inondation et de catastrophe pour ces villages. Mais c’est vraiment une question dont la résolution demande une implication d’une multitude de partenaire. Il nous faut une stratégie nationale de lutte contre l’ensablement qui sera déployé sur l’ensemble du territoire. Nous avons tout l’arsenal juridique qui est là pour lutter contre l’ensablement notamment le bannissement des mauvaises pratiques. Mais l’arsenal n’est pas déployé sur le terrain.

Qu’est-ce que l’Agence de l’eau du Mouhoun fait pour lutter contre la pollution des eaux de sa zone compétence ?

Vous savez que le Bassin du Mouhoun est le bassin industriel par excellence avec la zone de Bobo. C’est également le bassin cotonnier par excellence avec la Boucle du Mouhoun qui est la zone qui produit le plus de coton dans le pays. Et qui dit industriel dit rejet d’effluents industriels pollueurs. Et qui dit culture de coton dit utilisation de pesticides qui polluent les ressources en eau. Et également nous avons la question de l’orpaillage qui est un phénomène assez ressent mais qui commence à avoir un impact très sérieux sur la ressource en eau. Donc ce sont les trois principales sources de pollution de notre espace à savoir l’activité industrielle, l’orpaillage et la culture de coton. Certains aspects de la pollution sont bien maitrisés notamment la pollution industrielle parce que les industries sont localisées, on connait à peu près leur rejet. La loi nous donne la prérogative d’appuyer par exemple une industrie qui veut installer un système de traitement de ses eaux usées. D’autres aspects ne sont pas bien maitrisés notamment la pollution agricole entrainée par les intrants utilisés dans la culture de coton, et la pollution entrainée par l’activité d’orpaillage.
Nous avons aussi comme je l’ai dit, financé la commune de Poura pour la protection du Bac à cyanure de la mine d’or qui était sérieusement dégradé.

Quelles sont les initiatives pour vous entrepreniez pour résoudre la pollution due à l’orpaillage et à l’activité agricole ?

Nous cherchons d’abord à bien connaitre ces phénomènes pour pouvoir entreprendre des mesures de lutte efficaces. Par exemple pour l’orpaillage nos équipes sont sur le terrain pour faire la cartographie des zones d’orpaillage sur notre espace de compétence dans les 6 régions. A l’issue de cette cartographie, nous allons connaitre le nombre de sites d’orpaillage, les types de produits employés la position de ces sites par rapport au réseau hydrographique et les impacts qu’on pourrait avoir s’il y avait déversement de produits chimiques au niveau de ces sites. Donc c’est un grand travail qui est un premier pas qui va nous permettre de définir une approche pour atténuer les effets de l’orpaillage sur la ressource en eau.

Les populations s’inquiètent sur le prélèvement d’eau que fait une société minière de la place sur le fleuve. Le prélèvement peut-il contribuer au tarissement du fleuve ?

Je peux déjà vous rassurer qu’il n’y a pratiquement rien à craindre au niveau de la quantité. Parce que le fleuve Mouhoun est largement, largement, largement excédentaire. C’est plus de trois milliards de m3 d’eau qui se jette au Ghana. Le prélèvement de cette société ne peut pas le tarir. C’est résiduel à peine un million de m3 par an. Par contre là où il faut beaucoup craindre c’est par rapport à la pollution qui pourrait être générée par ces sociétés. Bien sûr qu’une mine pollue toujours. Il n’y a pas de mine qui ne pollue pas. Cependant, il faut faire la part des choses entre les mines industrielles organisées et l’orpaillage. Pour les mines organisées, la question de pollution est déjà traitée en interne. Des dispositions sont prises notamment au niveau des parcs à résidus où un certains nombres de protection empêchent la pollution de la nappe et l’écoulement des eaux contaminées. Pour le moment nos mines n’ont pas encore montré un cas de pollution inquiétant. Mais le danger le plus réel c’est par rapport aux orpailleurs où les gens ne savent même pas quelle est la nocivité des produits qu’ils utilisent sur eux même.

Parlez-nous des difficultés que vous rencontrez dans l’exécution de vos activités ?

La première c’est le personnel. Le nombre de spécialistes dont nous avons besoin pour couvrir convenablement notre espace de compétence n’est pas atteint. Pour que la structure soit pleinement opérationnelle, il nous faut au minimum 150 personnes au siège. Nous somme une structure de terrain, notre siège est à Dédougou mais nous travaillons sur le terrain dans 6 régions. C’est-à-dire qu’on a besoin d’un certain nombre de véhicules, c’est là, le second problème. Nous avons aussi une difficulté liée à la méconnaissance de la structure. La méconnaissance des attributions de la structure limite un peu la portée de notre action qui se veut transversale. Mais c’est un problème qui se résolve progressivement au vu de la visibilité de plus en plus importante de l’Agence. Bien sûr nous avons l’autonomie financière mais pour le moment l’Etat nous appuie pour qu’on travaille. Nous souhaiterons que l’Etat augmente le budget qu’il nous accorde annuellement, car il semble insuffisamment au vu de l’ampleur et de la noblesse de la tâche.

Avez-vous un appel à l’endroit des usagers ?

Notre cri de cœur est que les usagers et les populations soient réceptifs au message que nous diffusons. Qu’ils acceptent participer à l’effort de gestion de la ressource eau. L’eau est une ressource transversale. Sans la contribution de tous, la gestion ne peut qu’être partielle. Soit votre contribution va être technique, soit votre contribution va être financière, soit votre contribution va être dans le changement de comportement par rapport à la ressource en eau.
A l’endroit des premiers responsables notamment les ministères partenaires, les directeurs régionaux partenaires, les gouverneurs de région, les maires, les préfets, etc nous souhaitons qu’ils continuent à nous accompagner activement dans la réalisation de nos activités. Sans eux, on ne peut pas faire grande chose. Nous sommes tous les jours face aux populations, face aux grands usagers, parfois les moyens sont disproportionnés. Et si nous avons ces autorités à nos côtés sur le terrain notre message est écouté. Nous arrivons à faire notre travail.
Pour le reste nous remercions tous nos partenaires à commencer par l’Etat, et le Plan d’action pour la gestion intégrée des ressources en eau (PAGIRE), l’Agence de l’Eau Adour Garonne, Seine Normandie et L’Office international de l’Eau. Ils nous financent annuellement dans la mise en œuvre de nos activités. A travers surtout le partenaire PAGIRE, nous bénéficions de l’appui de certains partenaires à l’extérieur comme ASDI, et DANIDA.

Interview réalisée par Ibrahima TRAORE
Lefaso.net

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