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Christophe Zoungrana, directeur national de CCFC : « Nous créons de l’impact durable dans les vingt communautés dans lesquelles nous intervenons »

Publié le lundi 4 mai 2015 à 23h18min

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Christophe Zoungrana, directeur national de CCFC : « Nous créons de l’impact durable dans les vingt communautés dans lesquelles nous intervenons »

Christian Children Funds of Canada (CCFC) est une ONG qui a fait depuis une trentaine d’années le développement et le bien-être des enfants son cheval de bataille. De l’éducation, à la santé en passant par l’accès à l’eau potable, elle mène des actions avec des partenaires sur le terrain, afin d’améliorer les conditions de vie de sa cible. Dans cet entretien réalisé avec Christophe Zoungrana, le directeur national, ce jeudi 30 avril, il est question des réalisations et des défis de l’organisation.

Pouvez-vous nous présenter CCFC en quelques mots ?

Christian Children Funds of Canada est une Organisation non gouvernementale de droit canadien dont les activités sont centrées sur le développement de l’enfant. Elle a été créée par un pasteur américain et existe au Burkina Faso depuis 1987. Nous intervenons dans les régions du Centre, du Plateau Central, du Centre sud, du Centre-Est, du Centre Ouest et de l’Est où nous travaillons dans 20 communautés.

Quels sont les domaines dans lesquels vous intervenez au Burkina et pour quelles raisons ?

Nos activités sont centrées sur le développement de l’enfant. L’éducation par exemple est un élément fondamental. Pas seulement parce que ça permet d’obtenir de l’emploi, mais parce que ça permet à la personne de bien se comporter. Le deuxième élément qui est important est la santé. Vous savez bien qu’il y a certaines maladies qui sont handicapantes. Lorsqu’on veut avoir des adultes dont les capacités sont développées, il faut veiller à ce qu’enfants ils soient en bonne santé.

Parlez-nous de vos partenaires sur le terrain...

Nous avons 6 partenaires sur le terrain. Il faut noter que nous ne sommes pas une organisation qui intervient directement. Dans la mise en œuvre des activités, nous travaillons avec des partenaires. Actuellement ils sont au nombre de 6 et sont l’autre bras de notre organisation parce que sans ces partenaires, nous ne fonctionnons qu’à moitié. Les partenaires font la mise en œuvre des activités avec notre soutien, et appui financier. Mais tout cela se fait de façon collégiale. Même pour la recherche de financements, il faut qu’on travaille avec les partenaires pour élaborer le projet, etc. dans la mise en œuvre des activités aussi nous nous assurons que lorsque les ressources sont disponibles, qu’elles aillent dans les secteurs qui sont des secteurs de priorité pour nous.

Qui sont-ils ?

Il y a ACCED (association cri de cœur pour les enfants défavorisés) qui se situe à Zorgho, IDEES/ACG (ingénierie pour le développement économique, environnemental et social), l’OCADES (Fada et Koupela), EE/SIM (société internationale de mission), l’église des assemblées de Dieu et l’église évangélique.

Le choix est-il stratégique ou est-ce une coïncidence ?

C’est certainement stratégique parce que les partenaires aussi partagent notre conviction qui est que l’enfant est la base de la future société et qu’il faut investir dans ce secteur prioritaire.
Mais il y a aussi un autre aspect qui est historique. Vous vous rendez compte que pour une bonne partie ce sont des organisations chrétiennes. Sur 6 elles sont 4. C’est tout simplement parce que l’organisation est arrivée par l’église au Burkina. Naturellement le choix des partenaires s’est orienté sur ces organisations chrétiennes.

Mais encore une fois, si vous observez bien, je dis bien les organisations chrétiennes, je n’ai pas dit des organisations protestantes parce qu’on retrouve aussi bien des organisations catholiques que protestantes. Il y en a d’autres aussi qui ne sont pas religieuses tels qu’ACCED et IDES.
Il est vrai que celui qui a créé l’organisation était un pasteur et que le pasteur souhaite que la société vive à l’image du Christ mais la volonté n’était pas d’évangéliser. La preuve est que les personnes avec qui nous travaillons, les personnes des autres programmes on ne leur demande pas si ils sont musulmans ou catholiques. Il n’y a aucune différence. Et ça se reflète bien d’ailleurs au bureau ici. Vous avez des catholiques, des protestants et des musulmans.

Comment se fait donc le partenariat avec CCFC ?

C’est un peu compliqué parce que ce que je n’ai pas dit au départ c’est que nous sommes une organisation de parrainage. C’est-à-dire qu’il y a des enfants qui sont identifiés et qui ont des parrains essentiellement au Canada et en Corée du Sud. Pour qu’on puisse développer le partenariat, il nous faut une opportunité d’agrandir le nombre de parrains. En fait, chaque partenaire a en charge un certain nombre d’enfants parrainés en sus de certaines subventions qui s’ajoutent. C’est cela qui fait d’ailleurs que nous avons des partenaires de longue durée. Avec le système de parrainage si nous prenons des partenaires occasionnels, la gestion du programme de parrainage devient difficile. Depuis que l’organisation existe en 1987, nous avons plus ou moins les mêmes partenaires, le plus récent étant ACCED en 2012. Mais le nombre de partenaires évoluera en fonction des opportunités que nous aurons pour augmenter le nombre d’enfants parrainés.

Parlez-nous de vos relations avec les autorités étatiques dans le cadre de votre travail dans le domaine de l’éducation…

Nous avons de très bonnes relations surtout avec le Ministère de l’Education Nationale (MENA). C’est le secteur phare dans lequel nous intervenons. Nous avons un protocole d’accord avec le MENA de telle sorte que toutes les actions que nous menons restent dans la politique du ministère. Même les infrastructures, lorsque nous voulons les construire, nous ne les construisons pas comme nous le voulons mais plutôt comme le ministère le prévoit.
Avant de construire, nous nous assurons à travers un sous protocole que le MENA prendra en charge l’école après sa remise et s’assurera qu’il y a des enseignants et des enfants inscrits.

Nous avons aussi un protocole avec le Ministère de l’Action Sociale et de la Solidarité Nationale, parce que nous intervenons aussi dans le domaine de la petite enfance. Puisque nous construisons des centres préscolaires, il est important que dans le même état d’esprit nous nous assurons qu’il sera pris en charge par le ministère.

Mais maintenant avec le transfert du préscolaire au MENA, notre ministère cible sera surtout ce dernier.

Il y a un autre programme d’éducation parentale que nous appelons « Apprendre en jouant ». Tout le monde sait que les enfants jouent mais personne ne se demande vraiment qu’est-ce qu’ils en tirent comme bénéfice. Aussi, combien de parents connaissent véritablement les jeux préférés de leurs enfants ? Tout cela ne les intéresse pas. Alors que le jeu est très important pour les enfants. Si vous les laissez avec n’importe quel jeu, il y en a certains qui n’éduquent pas. En fait l’enfant doit apprendre en jouant. Il est important que les parents puissent les aider à bien jouer.
Chaque jeu correspond à un élément de développement de l’enfant, soit physique, soit du développement de la communication, soit du développement émotionnel, soit du développement psychique, etc. et nous enseignons cela aux parents.

Et où est-ce que le programme sera mis en œuvre ?

Le programme nous l’avons mis en œuvre dans les vingt zones dans lesquelles nous intervenons, mais à petite échelle. Nous avons des groupes de parents que nous formons avec un guide méthodologique qui montre par exemple pour un enfant de 3 ans, ce que le parent peut faire pour l’aider à développer ses capacités.
Nous avons l’intention de le développer en partenariat certainement avec le ministère de l’action sociale parce que ce sont eux qui nous ont soutenus pour sa mise en œuvre.

Combien d’enfants bénéficient de vos différents programmes ?

Ce ne sont pas que les enfants du programme qui sont bénéficiaires. En fin juillet 2014, nous comptions 9200 enfants parrainés. Mais les bénéfices du programme ne concernent pas qu’eux. Lorsque par exemple nous construisons une école, grâce à quelques enfants parrainés, ce sont tous les enfants qui vont avoir accès à l’école. Lorsque nous décidons d’appuyer une cantine scolaire parce qu’il y a des enfants que nous parrainons dans cette école, ce sont tous les enfants de l’école qui en sont bénéficiaires.

Il est souvent difficile pour nous de dire avec exactitude le nombre de ceux qui ont bénéficié de nos différents programmes. Par exemple nous avons construit une école il y a vingt ans de cela. Est-ce que vous imaginez le nombre d’enfants qui sont passés par cette école-là ? Mais tout cela ce sont les bénéfices du programme.

Il y a d’autres domaines tels que la santé, l’eau et l’assainissement. Nous faisons beaucoup de forages pour résoudre le problème d’accès à l’eau potable. Systématiquement dans les écoles nous faisons des forages et aussi au niveau communautaire parce que nous savons que l’eau potable aide à une meilleure santé.

Nous créons de l’impact durable dans les vingt communautés dans lesquelles nous intervenons. Il y a certaines activités ponctuelles mais la plupart de nos activités produisent des effets sur des dizaines d’années.

Quelles sont vos relations avec les autres ONG ?

Nous sommes en bons termes. Nous sommes une organisation dont les actions sont centrées sur le développement des enfants. Quand vous regardez à côté il y a Plan Burkina. Plan Burkina c’est notre organisation sœur, qui nous aide souvent à réaliser des activités dans des domaines dans lesquels ils ont plus d’expérience. Il y a aussi Save the Children. Je dirai que c’est la même grande famille. Nous avons de très bons rapports et nous sommes dans un réseau où nous partageons les idées.

Au-delà de ça, si nous avons besoin de l’appui de Plan Burkina pour quoi que ce soit et vice versa, nous nous soutenons mutuellement. C’est tout à fait naturel car nous visons les mêmes objectifs mais c’est que simplement nous sommes des organisations de pays différents.

Vous vous intéressez à l’éducation, vous avez cité les cantines, les écoles, les parrainages… Pour l’année 2014-2015 quelles sont les actions concrètes que vous avez posées dans le domaine de l’éducation ?

Je ne peux pas citer toutes nos réalisations au risque d’être long mais de façon ramassée, nous avons construit et équipées 3 salles de classes à Kikidéni (Fada N’Gourma), et 3 salles de classes, 1 magasin, 1 bureau, une aire de de jeux à Barjongo (Baskouré). Pour le préscolaire, nous en avons réalisé deux cette année. Un complexe préscolaire inauguré en février 2015 à Zorgho et un autre à Bogodogo en mars 2015.

Nous nous sommes donné comme défi que dans toutes les zones où nous intervenons, des enfants ne suivent plus les cours dans des paillotes ou sous des arbres. Donc systématiquement toutes les classes en paillotes dans nos zones, nous les remplaçons pour plusieurs raisons.
La première est que nous sommes convaincus que des enfants qui suivent des cours dans les paillotes ne peuvent pas réussir et ne sont pas dans les conditions optimales de réussite. Et ce, ni pour les enseignants, ni pour les élèves. Ils sont exposés à différentes intempéries et ce n’est pas motivant.
La deuxième raison est que l’expérience nous montre que dans les écoles que nous avons normalisées, les taux de fréquentation et de réussite on nettement augmenté. Alors que c’est ce que nous recherchons, que les enfants réussissent et deviennent de bons adultes de demain.

Un autre point est la dotation de fournitures et tenues scolaires à 8113 enfants et l’appui nutritionnel de 8578 enfants à travers l’appui à la cantine. Nous assurons aussi le suivi sanitaire de ces derniers.

Et dans le domaine de la protection de l’enfance, quelles sont les actions que vous avez menées ?

Ce dont je parlais tout à l’heure est un élément lié à la protection de l’enfance. C’est-à-dire un cadre saint pour mieux réussir.

Au-delà, le reste c’est surtout des activités d’interpellation et de sensibilisation. Je n’aime pas tellement le mot « sensibilisation » parce que tout le monde l’utilise, mais il reste le seul mot dans la facilitation de la compréhension des parents.
Dans la méthodologie « apprendre en jouant », il y a un élément de protection de l’enfance. Vous savez que dans nos pays nous sommes plus facilement disposés à utiliser la violence sur les enfants. On se dit en général, qu’en giflant un enfant, si ça ne le blesse pas physiquement on n’a rien fait de négatif.
Mais la réflexion que je donne souvent aux adultes est quel est le sentiment qu’ils ont quand on les gifle. Ensuite je leur demande d’imaginer que l’enfant ressent exactement la même chose. L’enfant est un être humain et d’ailleurs il ressentira beaucoup plus parce que étant plus fragile. Donc les types de violences physiques sont des éléments qui contribuent à entrainer certains enfants soit eux-mêmes à être violents, ou à se renfermer sur eux-mêmes. Ce sont des éléments qui ne sont pas souvent perceptibles mais qu’il faut considérer.

De façon générale, nous avons des séances de sensibilisation surtout au niveau communautaire pour interpeler les parents contre les violences faites aux filles par exemple. Combien de filles ont été arrachées de force pour être mariées avant l’âge ? Ce sont des choses dans lesquelles nous intervenons lorsque nous sommes au courant à travers les structures habilitées pour que l’enfant soit protégé.

Lorsque vous jetez un regard rétrospectif à l’année 2014-2015 quel bilan en un mot faites-vous ?

Moi je suis très satisfait, je suis « un fou positif » de l’éducation. Chaque fois que j’arrive à intervenir dans le secteur de l’éducation je trouve une certaine satisfaction. Sur les deux complexes scolaires que nous avons construits cette année, celui de Zorgho est déjà fonctionnel. Il y a plus de 190 enfants inscrits. Que seraient-ils devenus ces 190 enfants si le complexe n’avait pas été construit ? Ils seraient probablement entre les jambes de leurs mamans, en train de traîner parce qu’il n’y a qu’un seul centre préscolaire à Zorgho et il est privé, donc pas accessible à tout le monde. Pourtant tout le monde peut accéder à zéro frais à notre complexe. Je n’imagine pas aujourd’hui le bénéfice pour ces enfants-là, et les autres centaines pour ne pas dire milliers d’enfants qui vont passer dans ce centre.
Je pense qu’on fait une œuvre utile dans un pays où les problèmes d’éducation sont très nombreux. Nous jouons notre rôle.

Quels sont vos chantiers pour 2016 ?

En 2016 nous continuerons toujours dans les questions de l’éducation. Dans notre plan d’action avec les partenaires il y a beaucoup de réalisations d’infrastructures scolaires, d’appui aux cantines et surtout de dotation en fournitures scolaires là où il n’y en a pas. A titre indicatif, nous avons prévu la construction et l’équipement de 3 salles de classe à Kanré (Méguet), la construction et l’équipement de 3 salles de classes à Nayouri (Fada), la construction de 3 salles de classe et d’un magasin à Komangou (Fada).
Toujours dans le domaine de l’éducation, nous comptons construire 3 salles de classe et une latrine à 6 boxes à Malgretenga (Nagreongo) et 4 salles de classe plus une latrine à 6 boxes du Lycée Public de Mahadaga (Tapoa). Je souligne que nous y avons aussi un projet d’électrification solaire.

Dans le domaine de la santé et de la nutrition par exemple, nous réaliserons un jardin communautaire à Wayen (Zam), un autre à Mahadaga. Nous comptons aussi réaliser 40 jardins familiaux à Kougri (Mogtedo).

Pour ce qui est du domaine de la promotion des droits de l’enfant, nous allons mettre en œuvre un projet de lutte contre le mariage précoce des adolescentes dans la région de l’Est (Diapaga).

Enfin, nous avons démarré cette année un projet d’épargne au niveau communautaire que nous voulons étendre. Vous savez que pour accéder aux structures de microfinance il y a certaines conditions que les personnes à très faibles revenus ne peuvent pas garantir. Donc nous avons une approche qui consiste à mettre en place des groupements villageois d’épargne et des groupements privés. Ce sont des gens qui se retrouvent entre eux, qui cotisent leur propre argent et qui se le prêtent régulièrement avec un petit bénéfice. Ça leur permet à terme de développer un capital et de pouvoir développer leur petite unité.
Nous l’avons essayé dans une communauté de 500 ou 600 membres qui ont pu épargner plus de 5 millions. Juste les ressources des membres en l’espace de 7-8 mois. Ils se distribuent leur argent à terme pour pouvoir engager des activités génératrices de revenus.
Nous pensons que c’est aussi une façon de développer le pouvoir économique des parents pour qu’ils puissent au-delà de ce que nous ne faisions pas, pouvoir répondre aux besoins de leurs enfants.

Comment selon vous un vrai changement positif de l’éducation au Burkina peut-il se réaliser ?

Moi je pense certainement qu’il faut revoir le contenu même de l’éducation, l’orientation de l’éducation. Est-ce qu’on éduque ou est-ce qu’on enseigne ? Quel est le citoyen dont on a besoin aujourd’hui au Burkina ?
C’est d’abord ça la grande question, tant que l’on ne va pas apporter la bonne réponse, on ne pourra pas avoir un système éducatif adapté. On forme les gens pour faire quoi ?
Nous sommes un pays à 85% agricole, vous croyez que le développement du Burkina Faso se fera à partir de quoi si on ne développe pas le secteur ? On produit du coton et juste 1% reste au pays pour transformation. Tout le reste est exporté et nous revient plus chers en vêtements. Est- ce qu’il n’y a pas lieu de refondre tous ces systèmes et de pouvoir faire en sorte que ce soit les burkinabé qui puissent le travailler. Si on pouvait transformer 90% du coton et bien on allait développer une industrie textile. Mais pour cela on a besoin aussi de capitaux et de main d’œuvre qualifiée. Il faut partir du réel, à partir de cela on peut trouver un système d’éducation qui soit adapté à nos besoins et qui puisse aider au décollage économique du pays.

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