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Littérature : Sid-Lamine Salouka publie les « Nouvelles du Kuntaara »

Publié le mardi 28 avril 2015 à 01h14min

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Littérature : Sid-Lamine Salouka publie les « Nouvelles du Kuntaara »

Sid-Lamine Salouka, lauréat en nouvelle de la 17ème édition de la SNC entre dans le champ littéraire burkinabè avec un recueil à la tonalité nouvelle. Publiées aux éditions Educ-Afrique avec l’appui de Bureau burkinabè des droits d’auteurs, Nouvelles du Kuntaara pourraient rapidement faire date.

L’écrivain Noir-Américain Chester Himes, que Sid-Lamine Salouka avoue avoir un peu lu, disait ceci : « La nouvelle permet de concentrer l’action et ses effets sur une conscience principale. (…) Et c’est l’évolution du personnage vers une crise, le plus souvent violente parce que insoluble, qui importe. Cette évolution à partir d’un caractère, d’une éducation, d’un passé social ou racial, constitue le ressort de la nouvelle et il s’agit surtout de la situer dans un contexte précis. »
Ce « contexte précis », Sid-Lamine Salouka s’évertue pourtant à l’éluder, en donnant à ses sept nouvelles le cadre d’un pays imaginaire qu’il nomme le Kuntaara, la République-du-Non-sens en dioula.

Saisi par la main, le lecteur est trimballé à travers ce symbole de la post colonie africaine, dans des récits échevelés où il rencontre des hommes et des femmes en crise, à l’instar de leur pays dont la clé du destin s’est égarée. Ainsi, la belle Vadpoko-la-Blanche, qu’on a élevée pour porter les enfants d’un homme d’honneur, se rebelle-t-elle contre l’autorité clanique quand son mari, ivre, perd consistance morale et assise sociale. Long Bill, lui, recherche la fusion avec son patron, au point de commettre des meurtres pour rentrer dans les bonnes grâces de celui-ci (nouvelle1, « Le Konokuu »). En phase terminale du sida, Marie-Madeleine se demande si elle doit accepter l’aide que lui apporte la faune de prédateurs envoyée par le ministère où son mari travaillait. En effet, Varan Libidineux, Truie Suffocante et surtout Raspoutine, qui se nomment eux-mêmes des « Gens bien », entendent tous profiter de sa maladie à des degrés divers. Le vieux Bénédo n’est pas à l’article de la mort, mais il est perclus par le ver de Guinée. Trouvera-t-il des médicaments auprès de son ami, le député qui vient à Zeemtenga pour un meeting ? On peut parler aussi d’Adolf, qui aime dans un même élan le leader panafricaniste Brakadir, sa nouvelle mobylette et la pulpeuse Sali. Un triangle amoureux qui n’est pas à toute épreuve. Et la galerie de portraits n’est pas finie !

Partant souvent d’anecdotes et de faits divers Sid-Lamine Salouka met l’accent sur la profondeur psychologique des personnages et sur la qualité de l’intrigue qu’il ne faut jamais prendre au premier degré. En changeant de ton à chaque nouvelle Salouka semble inviter son lecteur à changer de point vue à histoire. Si dans la nouvelle 1 (« Le Konokuu ») on a affaire à une intrigue policière, dans la nouvelle 3 (« Farma Bakandé »), c’est le rythme ample de la parole traditionnelle qui est convoqué et porté par les discours enchâssé de deux narrateurs qui se relaient. Ils évoquent le délitement de la famille d’un notable polygame, pris dans le piège d’un démon de midi. Sans le laisser paraître, l’auteur ridiculise les propos des hommes qui, unanimement, condamnent une jeune-fille contrainte à épouser un vieillard. Éloignée de l’emphase de « Farma Bakandé », la nouvelle 4 (« Zulwango »), est bâtie sur des phrases courtes qui installent le lecteur dans le désarroi d’une fille-mère bannie de la famille, mais qui est toujours en admiration pour son père.

L’humour est aussi un des traits de cette œuvre. Parfois caustique et parfois truculent, il est au service d’une satire sociale qui n’épargne personne. Et, très souvent, la victime du premier plan n’est pas celle que l’esprit du texte met éclaire.
Les personnages, qu’ils soient de la ville ou de la campagne, sont en quête de repères et de points d’encrage dans des communautés qui les marginalisent. Pourtant, si les crises que portent ces personnages sont celles de la société elle-même, on n’est pas pour autant dans la simple dénonciation manichéiste. La démarche de Sid-Lamine Salouka s’apparenterait davantage à celle du poète américain Walt Whitman disant : « Je suis un homme qui, flânant ça et là sans jamais s’arrêter tout à fait, jette par hasard / le regard sur vous et puis détourne le visage/ Vous laissant le soin de poser et de résoudre le problème, / Attendant de vous l’essentiel. »

EXTRAIT DE « LA VISITE DU MARÉCHAL BRAKADIR » (Nouvelle 7)

« Cela aurait pu continuer ainsi et durer des heures si Boukary n’avait pas prononcé ces mots terribles : « Culte de la personnalité ! » avant d’ajouter sur un ton péremptoire : « Votre Brakadir n’est qu’un dictateur au petit pied dont le rêve affiché est de régenter toute l’Afrique sous sa férule militariste ! »
Là, un silence à couper au couteau s’était saisi du bureau. À travers cette phrase « d’un intellectualisme pompeux », comme le dit plus tard Babou, Boukary venait de définir sa vraie nature : c’était un réactionnaire indécrottable, un opportuniste patenté, un bachibouzouk de l’immobilisme, un véritable ennemi de classe qu’il convenait de combattre et de neutraliser. Sans tarder ! »

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