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Chine - Taïwan : L’impossible réunification ?

Publié le jeudi 24 mars 2005 à 08h37min

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Regain de tensions que celles soulevées par l’adoption par la Chine, le 14 mars dernier, d’une loi anti-sécession envers Taïwan. Cette loi qui autorise l’armée chinoise à recourir à la force dans l’éventualité où Taïwan proclamerait son indépendance, vient de susciter un lever de boucliers à travers l’intelligentsia diplomatico politique du monde.

Et cela n’est pas pour arranger les "deals’’ entre le gendarme du monde et la Chine populaire quand on sait que le premier prône une réunification pacifique et le second a 600 missiles pointées sur l’île de Taïwan.

Le Parti communiste au pouvoir à Pékin ne lésine pas sur les moyens pour prouver à qui veut l’attendre que la Chine ne veut pas laisser son "gâteau’’ taïwanais lui filer entre les doigts. C’est pourquoi, l’Assemblée nationale chinoise, vient d’adopter à l’unanimité moins deux abstentions, une loi anti-sécession.

Cette loi "guerrière’’ aux yeux des autorités de Taïwan, prévoit le recours à la force si le pays de Chen Shui-bian (c’est le nom du président taïwanais) déclarait son indépendance. L’adoption de cette loi, décriée par les Etats-Unis et vilipendée par l’Union européenne, ravive les tensions qui étaient perceptibles au vu des agissements de Pékin, ces dernières années.

Près de 600 missiles sont pointées sur les 23 millions de Taïwanais qui savourent au jour le jour "leur petit déjeuner’’ de pays démocratique. Cerise sur le gâteau, depuis les quinze dernières années, la Chine ne cesse d’augmenter annuellement le budget de son arsenal militaire. La dernière augmentation en date est celle d’une hausse de 12,6 % des dépenses militaires. Au bas mot, ce sont 29,5 milliards de dollars US qui seront éjectés dans le renforcement de l’arsenal militaire "de l’empire du milieu".

Sans oublier, le scénario de levée de l’embargo sur les armes en direction de la Chine, envisagé par l’Union européenne. Les enchères montent, le thermomètre aussi. Or, entre la Chine et Taïwan, c’est le jour et la nuit, régimes politiques s’entend. La Chine populaire "jouit’’ du régime de parti politique unique tandis que Taïwan boit le petit lait de la démocratie libérale multipartite. En outre, l’île de Taïwan "se délecte’’ d’une indépendance de facto sous le nom de République de Chine depuis la fin de la guerre civile entre communistes et nationalistes chinois en 1949.

Un Etat, deux systèmes ?

"Deux Chine’’ aux appellations différentes s’observent en chiens de faïence entre deux rives : la République populaire de Chine et la République de Chine (Taïwan). Or, le premier ne veut pas entendre parler d’indépendance du second et, le second ne veut pas se laisser berner par des discours "dictatoriaux’’ mais plutôt entendre "les cantiques’’ dont les notes sont "les Taïwanais ont le droit de décider de leur futur’’.

Le président taïwanais Chen Shui-bian, démocratiquement élu, qualifie l’adoption de la loi anti-sécession de "couperet sur la tête de Taïwan’’. A scruter de près, le bout du tunnel de la réunification pacifique prônée par le "puissant’’ du monde (Etats-Unis, UE) n’est pas encore visible. Comment réunifier deux Etats à système politique différent ? Soit Pékin s’aligne sur la démocratie et négocie le ralliement de Taïwan à son territoire, soit Pékin et Taïwan constituent à part entière deux Etats distincts.

Nonobstant cet état de fait et au stade actuel, réunifier la Chine et Taïwan serait mettre le chat et la souris ensemble. Scandale. Ils se sont séparés depuis longtemps. Une réunification impossible ? Pourtant, les Etats-Unis, sans être clairs sur leur position depuis 1972, affirment depuis cette date "qu’il n’y a qu’une seule Chine et que Taïwan fait partie de la Chine’’. Le faucon, non plutôt "la falconne’’ de George W. Bush, Condy, en visite à Pékin les 20 et 21 mars derniers a tenté de ramener Pékin à l’ordre. Peine perdue puisque "le signal n’a pas été assez fort" pour favoriser ou inciter les "hommes forts’’ de Pékin à envisager une abrogation ou une simple reformulation de la loi anti-sécession. Les Etats-Unis ont seulement et comme d’habitude, fait part de leur mécontentement face à cette loi "qui ne sert pas la cause de la paix et de la stabilité dans le Détroit de Taïwan’’ si l’on en croit le porte-parole de la présidence américaine, Scott Mcclellan.

De la "Taïwan Relations Act’’

Autre paramètre à prendre en compte dans les relations entre "grand frère’’ Chine et "petit-frère’’ Taïwan, le poids démographique, la Chine populaire à 1 milliard deux cents millions (1 200 000 000) d’habitants contre 23 millions à Taïwan. La loi anti-sécession met à mal les relations et transactions commerciales qui existent entre ces deux entités. De jour comme de nuit, des Taïwanais, tout comme des Chinois font la navette entre les deux Etats. Si à Taïwan, la libre circulation des biens et des personnes est une réalité (un Taïwanais a le droit de faire sortir 5 milliards de dollars US en liquidité de son pays), en Chine, elle est un idéal. Taïwan n’applique pas la peine de mort tandis que la Chine est le "champion du monde’’ en condamnations et dans l’exécution de la peine de mort. Au bas mot, ce sont quelque 10 000 exécutions qui sont perpétrées par an en République populaire de Chine (Pékin). Les Etats-Unis qui sont de fieffés imbus de démocratie, ne veulent pas, au vu de la montée de la poussée d’adrénaline entre Chine et Taïwan, être mis hors-jeu. Ils ont réveillé la fameuse "loi sur les relations avec Taïwan’’ (Taïwan Relations Act) adoptée par le Congrès américain. Cette loi fait des Etats-Unis, un allié de Taïwan et leur permet à ce titre, de vendre des armes à ce pays. Selon cette Taïwan Relations Act, Washington se réserve le droit de fournir "des armes défensives’’ à Taïwan et "de maintenir la capacité des Etats-Unis de résister à tout recours à la force ou à d’autres formes de coercition qui mettraient en danger la sécurité de Taïwan’’. Menace voilée. Après la sanglante répression du mouvement prodémocratique sur la place Tiananmem à Pékin, en 1989, les Etats-Unis et l’UE avaient "fermé le robinet’’ de la fourniture et de la vente d’armes à la Chine. C’est ce régime d’embargo que l’UE envisage lever. Dame France, principale avocate de la levée de l’embargo, essaie de déconnecter les deux dossiers : celui de la loi anti-sécession et celui de l’embargo. Mais, peut-on imaginer un seul instant, que la Chine n’aurait pas à utiliser les armes achetées à l’UE, si Taïwan proclamait contre toute attente son indépendance ? Rien n’est moins sûr, mais ce serait de la poudre aux yeux pour la Chine d’avoir des armes et refuser volontairement de les utiliser quand on sait que dans les guerres, tout est permis : les armes conventionnelles et non conventionnelles.

Pour l’instant, entre la Chine et Taïwan, le courant ne passe pas. Pourtant, ils sont condamnés à vivre ensemble. N’est-il pas mieux que chaque Etat soit indépendant et ait son territoire propre ? Tout le monde ne l’entend pas de cette oreille. Du haut du palais en verre de New York (le siège des Nations unies), seulement 26 membres sur les 191 que compte cette institution, reconnaissent Taïwan comme un Etat indépendant. Chine et Taïwan sont peut-être les deux faces d’une même pièce qui ont du mal à se connecter. Et le plus fort veut forcer la main au plus faible. Le pourra-t-il ? Wait and see.

Daouda Emille OUEDRAOGO (ouedro1@yahoo.fr)
Sidwaya

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