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Chefferie traditionnelle : Comment se désengager de la politique politicienne

Publié le jeudi 9 avril 2015 à 16h21min

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Chefferie traditionnelle : Comment se désengager de la politique politicienne

La société traditionnelle au Burkina Faso est basée sur deux (02) types de gouvernance avant la colonisation de 1896. On trouve la société dite (à tort) acéphale où l’individu-roi jouit d’une grande liberté. On la retrouve notamment dans les zones dites Gourounsi, Lobi ou Dagara Il y a ensuite la société très centralisée avec à la tête une chefferie omnipotente rencontrée notamment chez les Mossé, les Gourmantché et les Peulhs.

La colonisation très séduite de l’organisation de cette dernière chefferie l’a maintenue, utilisée et l’a même étendue aux zones jadis non pourvues. La chefferie traditionnelle devient alors les auxiliaires de l’administration avec des rôles bien précis notamment la collecte de l’impôt de capitation et la mobilisation des populations à la production et aux travaux de mise en place des infrastructures comme les routes. es chefs supérieurs (Mogho Naaba, Rois du Goulmou, de Tenkodogo, du Yatenga et de Boussouma), de cantons et même de villages (relevant jadis des Rois) étaient directement nommés par l’administration coloniale jusqu’à l’indépendance où ils seront élus par les populations relevant des leurs juridictions.

Ce fut la Révolution qui mit fin à cette immixtion de l’administration dans l’organisation et le fonctionnement de la chefferie traditionnelle en tentant d’ignorer son rôle social. Etant donc des fonctionnaires, les chefs étaient régis par les textes de l’administration publique. Ils avaient le droit de faire de la politique comme tous les autres fonctionnaires. Ils jouèrent dès lors sur ce registre, puisque étant d’essence politique, pour tenter de récupérer le terrain perdu depuis leur perte d’autorité vis-à-vis des colons blancs suppléés très souvent par les enfants de leurs anciens sujets.

C’est ainsi que le Baloum Naaba Tanga fut désigné par le Mogho Naaba Saagha pour être candidat en ses lieu et place aux élections des députés de l’Assemblée Constituante et fut battu de justesse par Félix Houphouet Boigny en Octobre 1945. On peut aussi noter le coup d’état manqué du Mogho Naaba Kougri à la veille de l’indépendance pour instaurer une monarchie constitutionnelle le 17 Octobre 1958.

La chefferie traditionnelle a continué dès lors à faire de la politique avec des fortunes diverses et toutes les législateurs ont toujours compté des chefs traditionnels parmi les députés et d’autres ont été ministres dans des gouvernements successifs.
Considérés comme des citoyens ordinaires, il devient difficile d’interdire aux chefs traditionnels (nés pour faire la politique) de faire de la politique.
A contrario, ils jouent un grand rôle dans la cohésion sociale en tant que super citoyens.

Il convient de rappeler que les chefs traditionnels (notamment chez les Mossé, les Gourmantché et les Peulhs) sont des leaders d’opinion toujours très respectés et souvent craints qui exercent encore une grande influence sur les populations. Ils ont donc une longueur d’avance sur les autres citoyens en terme de compétitions eu égard surtout à l’immaturité politique de certaines catégories sociales et les hommes politiques ont tellement bien compris cela que tous les partis politiques se battent pour disposer de ses bonnets rouges (couleur des bonnets de chef la plus répandue). Les partis qui n’arrivent pas à en avoir se battent souvent pour leur interdire la politique jusqu’à en disposer aussi.

Les chefs traditionnels gagneraient beaucoup à se départir de la politique partisane pour se consacrer, outre leurs charges régaliennes de gardiens de nos us et coutumes, à la promotion des vertus morales, à l’appui au combat contre certaines traditions rétrogrades comme l’excision, le mariage forcé ou précoce et l’exclusion sociale ainsi qu’à garantir la cohésion nationale et cela aux côtés des hautes autorités religieuses.

Mais dans quelles conditions ?

Priver des citoyens de cette envergure de leur quelconque droit nécessite une contrepartie. Pour des personnalités qu’on veut protéger et préserver de la banalité que constitue parfois la politique politicienne pour un meilleur usage au profit de la nation entière en temps de crise, toute décision aussi légitime et noble soit-elle les concernant devrait au préalable être discutée avec elles en premier ressort pour ne pas les braquer pour irrespect ou impertinence au risque de brader leur soutien permanent ultérieur qu’on souhaite tant. En la matière, un adage moaga dit : « Zoug pa pongd ta sab kabeye » qui peut se traduire par « la tête d’une personne ne peut être rasée en son absence ».

Notre pays pourra, après un débat inclusif, créer (à instar d’autres pays comme le Ghana, le Benin, le Niger, le Tchad ou la Côte-D’ivoire) un Statut de la Chefferie Traditionnelle dans lequel les droits et les devoirs des chefs traditionnels seront consignés avec les avantages moraux et matériels y afférents. Une haute chambre du parlement ou Senat peut leur être dédiée. Une discussion nationale après des régionales pourra approcher les vues en tenant compte des spécificités de chaque zone.

Les contraintes ?

Le problème de la chefferie traditionnelle est posé principalement chez les Mossé, Gourmantché et Peulhs. Les autres nationalités accepteront-elles de consentir des sacrifices par le désintéressement des chefs traditionnels ?

Aussi, de qui s’agit-il quand on parle des chefs traditionnels en politique ? Jusqu’à quel échelon de chef traditionnel la politique peut être interdite ? Peut-on vraiment réduire l’influence de la chefferie traditionnelle sur le choix des populations à partir du moment où leurs proches peuvent à tout moment jouer les faire-valoir ? L’une des raisons de l’intrusion des chefs traditionnels en politique est le souci de faire face aux diverses charges dans la dignité qui n’a certes pas de prix mais a un coût qu’intrinsèquement le système ne permet plus d’en faire face. Sinon, ce n’est pas très honorable pour des gens qui avaient tout à leur disposition d’être obligés de faire la ronde pour faire vivre le système qui est un héritage commun. Un adage moaga dit bien à propos : « Rigdin yiid ya, gan’y yiid’n kabé » autrement « quand on pourchasse pour manger, c’est parce que couché on n’arrive pas à en disposer » et si la nation n’y prend garde, un jour on sera surpris de ne retrouver aucun chef pour résoudre nos problèmes parce que la faim les aurait tués.

Parle-t-on de chef traditionnel ou de chefferie traditionnelle ? de chef traditionnel ou coutumier ? Il y a lieu de faire le distingo entre le chef traditionnel qui est politique et le chef coutumier qui est religieux.

Il sera judicieux et bien inspiré de coupler l’interdiction de politique aux chefs traditionnels au solutionnement global du problème à travers un statut pour éviter de mettre l’institution à dos, synonyme de fracture sociale contraire aux objectifs nationaux. Il y va de l’avenir de notre cher pays. Vive le Burkina Faso !

Rimpazandé Zackaria SOULGA
Ingénieur Génie Rural
Membre de la Société Civile

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Vos commentaires

  • Le 9 avril 2015 à 17:31, par Ka En réponse à : Chefferie traditionnelle : Comment se désengager de la politique politicienne

    Intellectuels Burkinabé, Jeunesse Burkinabé, regardez attentivement ces honorables personnage, ils ne se sont pas composé des simples mossis ou des simples porteurs des chapeaux de rose, mais des personnages influents dans notre quotidien : Qu’il soit un chef Bobo, Gounrrissi, Bissa, Mossi, ils ont une seule continuité de direction de guider le peuple. Je viens de côtoyé cinq chefs de villages âgés et jeunes, les demandant leur opinion sur les élections couplées a venir, leur réponse est de dire ‘’’’nous sommes des personnes neutres, mais nous avons aussi un chef suprême qui a le dernier mot : Mais en tant qu’un vieux mossi grandi chez les Bobos et fait carrière a Tenkoudougou et autres localités, j’ai été éduquer que pour connaitre la vérité d’un chef coutumier il faut passer par son premier porte-parole. Tous les cinq porte-parole m’ont confirmer les dernières visites des groupes de la NAFA, et tous les cinq m’ont confirmés la neutralité de leurs chefs, mais tant pis pour l’argent offert, c’est le droit d’un chef coutumier de recevoir des cadeaux, mais la NAFA perde son temps, alors a travers ces cinq portes paroles des cinq chef coutumier le choix est déjà fait malgré les achats de conscience de la NAFA, et comme disent les futés, prenons leur argent et votons l’autre, car le complexe Blaise Compaoré n’est plus là avec ses armes et sa répression. Oui rien ne sera plus comme avant, la vraie démocratie fait sa route avec nos chefs coutumiers notre vraie référence de démocratie.

  • Le 9 avril 2015 à 20:48, par yamsoba En réponse à : Chefferie traditionnelle : Comment se désengager de la politique politicienne

    ils ont non seulement le droit mais l’obligation de faire la politique. ils faut qu’ils aient un lobby au sein de l’assemblée pour empêcher qu’on vote des lois qui remettent en cause notre civilisation. n’eut été la grande mobilisation de la chefferie traditionnelle durant le dementellement de la Haute Volta il n’y aurait pas eu la réunification et nos peuples seraient pour l’éternité à la servitude au profit d’autres peuples de la sous région.
    vous parler d’influence mais les pasteurs, les imams, prêtres et autres ne prennent t-ils pas de fois des positions politiques ? ne donnent t-ils pas des consignes de vote ? pourtant ils sont téléguidés par des puissances religieuses étrangères !

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