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Brouille autour de l’organisation du test d’entrée au CFPA-B : la Coalition des juristes pour l’accès aux professions juridiques libérales interpelle le Premier ministre

Publié le mardi 31 mars 2015 à 14h41min

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Dans la lettre ci-après, la Coalition des juristes pour l’accès aux professions juridiques libérales expose à l’attention du chef du gouvernement, les péripéties de la brouille qui entoure l’organisation du test d’entrée au Centre de formation professionnelle des avocats du Burkina Faso (CFPA-B), et l’interpelle sur la nécessité qu’il y a à revoir les conditions d’organisation dudit test.

Objet : Conditions d’Organisation du CAPA.
Son Excellence Monsieur le Premier Ministre,
Par délibération du Conseil de l’Ordre des Avocats en date du 07 Octobre 2014, publiée dans l’Observateur Paalga du 27 Octobre 2014, le Conseil de l’Ordre des Avocats a lancé un test d’entrée au Centre de Formation Professionnelle des Avocats du Burkina Faso (CFPA-B) (Pièce 1).
Ladite délibération a été prise conformément au décret N° 2014-693, du 04 août 2014, portant approbation des statuts du Centre National de Formation Professionnelle des Avocats du Burkina (CNFPA-B) (Pièce 2).
Le décret prévoit que : « les épreuves du Certificat d’Aptitude à la Profession d’Avocat sont subies à l’issue de la formation organisée par le Centre de Formation Professionnelle » (Cf article 61 du décret N° 2014-693).
Pourtant, la loi 16-2000 du 23 mai 2000 portant règlementation de la profession d’avocat prévoit en son article 34, alinéa 1 que : « l’avocat inscrit sur la liste de stage reçoit une formation théorique et pratique dans un centre de formation professionnelle ». Et l’article 26 de la même loi dispose que : « la personne qui sollicite son admission au stage doit fournir au Conseil de l’Ordre les pièces suivantes :…
- un Certificat d’aptitude à la profession d’avocat datant de moins de cinq ans ».
Le décret et la délibération, en prévoyant en amont du CAPA un autre examen dénommé test d’entrée au CFPA-B devant se tenir dans les mêmes conditions que le CAPA, n’ont fait que subordonner illégalement et illégitimement l’accès à la profession à des conditions pour le moins draconiennes
C’est au regard de tout cela que le 24 décembre 2014, nous avons introduit devant le Tribunal Administratif de Ouagadougou, un recours en annulation de la délibération du conseil de l’Ordre, ainsi que de tous les actes subséquents (Pièce 3).
Le 06 février 2015, nous avons introduit une demande d’audience auprès de votre service courrier, afin de vous exposer les irrégularités du décret pris en conseil de ministre (Pièce 4).
N’ayant pas reçu une suite favorable à cette requête, nous avons initié une tournée auprès de tous les ministères signataires du décret illégal, sauf le ministre de l’économie (Pièce 5).
Nous avons par ailleurs sollicité une audience auprès du bâtonnier mais sans succès (la demande est consignée dans le registre au secrétariat du bâtonnier à la date du 1er février 2015).
Ces différentes autorités ont été largement sensibles à nos préoccupations, et le ministre de la jeunesse Maître Salifou DEMBELE a même promis de nous mettre en contact avec le bâtonnier Maître Mamadou TRAORE, mais en vain.

Malgré toutes ces initiatives qu’il n’a pu ignorer, le bâtonnier des Avocats a affiché la liste des candidats admis à passer ledit test. Cela apparaissait comme un commencement d’exécution ; ce qui nous a conduit le 04 février 2015, à introduire un recours aux fins de sursis à exécution de la délibération (Pièce 6).
A l’audience du 24 février 2015, nous avons reçu le mémoire en défense de l’Ordre des Avocats. Nous avons sollicité le renvoi du dossier à la plus prochaine audience du Tribunal, pour prendre connaissance de leurs écritures. Le dossier devait être appelé le 26 février 2015, quand le Conseil de l’Ordre a fait observer son indisponibilité à cette date. Nous n’avons pas trouvé d’inconvénient à ce que le dossier soit donc renvoyé au 03 mars 2015. Malgré cette instance de sursis, le bâtonnier a affiché à la date du 27 février 2015, les 07 et 08 mars 2015 comme jours de la composition du test. En sa qualité d’acteur principal du service public de la justice (Cf article 2 du Règlement N°05/CM/UEMOA relatif à l’harmonisation des règles régissant la profession d’avocat dans l’espace UEMOA), nous pensons qu’il devait attendre l’issue du sursis, avant de poursuivre l’exécution d’une délibération juridiquement inexistante (Date de publication antérieure au décret).
L’audience du 03 mars dernier a été renvoyée au 05 du mois en cours, pour composition irrégulière du Tribunal, le commissaire du gouvernement étant indisponible.
Le 04 mars, nous avons introduit un courrier auprès du Ministre de la justice, pour lui demander de prendre ses responsabilités (Pièce 7).
A la date du 05 mars, le Commissaire du Gouvernement était toujours indisponible et le dossier a été renvoyé à une date inconnue au rôle général.
Etant donné que la composition était prévue pour les 07 et 08 mars 2015, nous avons donc marché pacifiquement et sans bruit jusqu’au Ministère de la justice où nous avons été reçu par Madame la Ministre entourée de son Secrétaire général, l’inspectrice générale de la justice et d’une conseillère.
Nous avons largement exposé nos préoccupations et plaidé la légitimité de la cause tout en sollicitant une suspension de la composition, le temps que les juridictions statuent sur l’acte attaqué. Nous avons quitté Madame la Ministre avec l’assurance qu’elle traitera le problème avec diligence.
Le 06 mars, nous avons appris que le test était annulé.
Le 07 mars, au matin, nous avons mis en place une équipe au lieu de composition, à l’ENAM, pour exposer aux candidats qui y feraient un tour, le bien-fondé de notre action.
Alors que certains candidats ignoraient encore le nœud du problème, l’un des candidats est venu nous trouver sur les lieux et distribuait les courriers échangés entre le bâtonnier et la Ministre de la justice, de même que l’ampliation qui vous était adressée (Pièce 8).
Ignorant l’authenticité de ces courriers, nous avons regretté le fait de voir des lettres échangées entre institutions à tout vent d’autant plus que la lettre du bâtonnier mentionnait « dans ses sérieuses préoccupations » une probable « réaction violente » d’un groupe de candidats qui souhaiteraient passer l’examen. Aux heures qui ont suivi, nous avons assisté avec désarroi à la naissance de ce soit disant groupe de candidats.
Excellence Monsieur le Premier Ministre, nous avons insisté au cours de nos visites auprès des autorités de la transition que nous n’avons nullement l’intention de troubler cette période de la vie de notre Nation que nous voulons bien paisible. Nous avons même évité de joindre très tôt la presse à cette lutte, pour ne pas mettre du feu à la poudre.
Monsieur le Premier Ministre nous sommes manifestement indignés par l’attitude du bâtonnier des avocats, Maître Mamadou TRAORE, dans la gestion de cette crise.
Après avoir décidé unilatéralement d’annuler le test, il accuse Madame la Ministre, d’en être responsable et nous fait passés pour des indisciplinés contre qui une mesure sécuritaire devrait être prise pour permettre la tenue du test.
A la lecture des évènements, vous vous en rendrez compte, que c’est bien le bâtonnier qui est le premier responsable de ce que nous vivons, pour plusieurs raisons :
D’abord, il aurait fallu simplement attendre l’issue du sursis avant d’indiquer la date de la composition, c’est d’ailleurs ce que Madame le Ministre de la justice lui a demandé.
Se fondant, par mauvaise foi ou par ignorance, il excipe du fait que le sursis n’empêche l’exécution d’une décision de justice. Le sursis, qui est une exception au principe de la non-suspension de l’exécution d’une décision administrative, dépouillé de cet effet, n’aurait plus son sens.
Ensuite, nous estimons, légitimement, que toutes ces dérives de nos camarades qui sont allés jusqu’à la diffamation du Professeur Filiga Michel SAWADOGO, trouvent leur sources dans les propos du bâtonnier dans sa lettre adressée au ministre de la justice.
D’ailleurs, nos camarades candidats qui tenaient à ce test sont venus discuter avec nous, sur les possibilités de réouverture de la composition. Nous leur avons présenté notre plateforme et ils étaient largement sensibles et sensibilisés à la noblesse, à la légitimité et à la légalité de la cause (Pièce 9). Mais nous étions ahuris au maximum en les voyant, le même soir, de notre rencontre, devant la presse proférer des propos, non seulement à l’endroit du ministre de la justice, mais encore à l’endroit du gouvernement.
Enfin, avec toute la responsabilité qu’il assume, il aurait fallu pour le bâtonnier de donner un exemple, en ayant un minimum d’égard envers l’instance judiciaire.
Monsieur le Premier Ministre, nous avons appris par voie de presse que vous avez assuré le bâtonnier de la sécurité pour la tenue du test.
Tout en vous félicitant pour cette décision, nous espérons ardemment qu’il s’agira cette fois-ci du CAPA, conformément à la loi, et non d’un quelconque test d’entrée dans ce centre de formation. Le décret illégal n’est pas immuable et l’Administration peut abroger à tout moment, les dispositions illégales de ses décisions, à la demande d’un administré.
Par ailleurs c’est l’Etat, en l’occurrence le pouvoir exécutif qui a conféré à l’Ordre des avocats cette mission du recrutement. Car, les missions qui leur sont dévolues par la loi sont celles relatives à l’inscription et à la discipline au sein du barreau.
Cette mission qui leur a été confiée par l’exécutif par l’arrêté interministériel 2004-32 MJ/MESSRS du 06 avril 2004 portant organisation de l’examen du certificat d’aptitude à la profession d’avocat, n’a pas été exécutée. Après le recrutement de 2005, c’est en 2011 et en 2012 que l’examen a été organisé.
En venant avec une noble idée du centre de formation---que nous saluons d’ailleurs---prévu à l’article 34 de la loi 016-2000 du 23 mai 2000 portant organisation de la profession d’avocat, le décret 2014-693, en son article 61 et suivant viole ouvertement les termes de la loi.
C’est pourquoi vous êtes interpellé sur cette question relative seulement à l’ordre des avocats.
En premier lieu, nous sommes des jeunes diplômés en droit aspirant à la profession d’avocat et nous voulons y accéder dans les conditions prévues par loi. Nous n’allons nullement accepté que notre droit soit violé, et les manifestations pour ce faire ne seront pas nécessairement violentes.
Enfin, sur les frais de formations, nous tenons simplement à vous souligner que nous n’avons rien contre un centre de formation qui prône l’excellence. Mais alors, cette excellence ne se mesure pas nécessairement à l’aune du montant faramineux qui sera déboursé pour cette formation. En rappel, la formation théorique au centre dure six (06) mois, pour un montant de 750 000 F cfa et la participation au test de recrutement assortis de 25 000F comme frais de dossiers. Nous approuvons l’idée selon laquelle, les candidats doivent contribuer à leur formation. Et les motifs, exposés par le Bâtonnier dans la presse(Le Quotidien N°1316 du vendredi 20 mars 2015) sont largement partagés. Seulement, nous estimons que ces montants sont extrêmement élevés donc exclusifs et nécessitent qu’ils soient revus à la baisse pour permettre au plus grand nombre d’y prendre part.
Au demeurant, si ces montants sont maintenus, ce sera, à n’en point douter, une discrimination fondée sur la fortune, en violation de notre constitution (article1er al 3) et du Pacte International relatifs aux droits civils et politiques de 1966 auquel le Burkina Faso est partie (article 26).
Monsieur le Premier Ministre, convenez avec nous que s’il y a mille burkinabè capables de verser cette somme pour la formation, il y aura alors plus de 10 000 autres qui ne pourront pas honorer ce montant et, parmi eux, sans nul doute, figurent des personnes intellectuellement et moralement plus aptes à accomplir cette mission du service public de la justice.
Monsieur le Premier Ministre, nous estimons que nous sommes les enfants d’un même pays et, nous devons avoir les mêmes chances. Rien ne sert de vouloir piétiner, à leurs corps défendant, les moins nantis. Travaillons pour qu’il y ait plus d’équité et de justice dans l’accès à cette profession. Nous devons dépasser ces tiraillements et ces coups de force pour avoir une hauteur de vue en revenant à de meilleurs sentiments parce que persister dans le faux et dans le flou nous conduira inéluctablement dans une situation extrêmement périlleuse. Chose que nous ne souhaitons pas pour notre très cher Patrie.
Aussi, en espérant de vous une meilleure compréhension de la situation, nous vous prions de recevoir, Monsieur le Premier Ministre, l’expression de notre profond respect.

Pour la Coalition des juristes pour l’accès aux professions juridiques libérales
Tel : (00226) 70 70 07 81 / 70 29 86 83
Le Comité Exécutif
Ouagadougou, le 30 mars 2015.

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