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Djibrill Y. Bassolé, ancien ministre d’Etat burkinabè : « A partir de maintenant, je suis libre de m’engager en politique » (3/4)

Publié le vendredi 27 mars 2015 à 07h02min

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Djibrill Y. Bassolé, ancien ministre d’Etat burkinabè : « A partir de maintenant, je suis libre de m’engager en politique » (3/4)

Le voilà donc en lice pour la présidentielle 2015. Sans que l’on sache aujourd’hui dans quel cadre organisationnel. Avec une démarche structurée qui n’est pas sans surprendre dans le fond comme dans la forme : répondre à « l’appel du 11 janvier » lancé (neuf mois jour pour jour avant le premier tour de la présidentielle, le 11 octobre 2015) par des groupements de jeunes. Quel que soit le point de vue que l’on puisse avoir sur cette mobilisation (cf. LDD Burkina Faso 0490/Jeudi 19 mars 2015), il faut reconnaître qu’elle a été massive ; bien au-delà de la jeunesse « captive » de Réo, son pôle d’ancrage régional.

D’autant plus massive que Djibrill Y. Bassolé n’a jamais été un « ostentatoire » ; ni même omniprésent dans les médias burkinabè. Mais il est vrai que, pour l’essentiel, sa carrière s’est déroulée dans les coulisses du pouvoir (la gendarmerie) puis au service de la politique extérieure du Burkina Faso. Avec sérénité et détermination, en connexion étroite avec le président du Faso, il a été l’infatigable animateur des « médiations burkinabè ». Un ministre des Affaires étrangères en transit permanent. Qui a exploité la visibilité internationale que donnent au Burkina Faso ces médiations pour renforcer la position africaine et mondiale du « Pays des hommes intègres ». S’il a fréquenté assidument les capitales d’Afrique, Paris, Bruxelles, Washington, New York…, on le rencontrait également à Doha et Djeddah, où il a désormais ses habitudes, mais aussi à Taipeh (le Burkina Faso est l’unique partenaire diplomatique significatif de Taïwan), à Ankara (pour y fonder la relation entre le Burkina Faso et la Turquie), à Caracas, Rome, etc.

Tout a débuté le 13 novembre 1957 à Nouna, dans la province de Kossi, à un jet de pierre de la frontière malienne. Son père était infirmier. La famille était, comme il se doit, nombreuse : 22 enfants ! C’est à Nouna, dans le cadre du Collège Charles Lwanga (CCL), création des Frères des Ecoles chrétiennes de Saint Jean-Baptiste de La Salle (Lwanga est un martyr catholique ougandais du XIXè siècle), qu’il fera ses études secondaires. Ce sera ensuite, en 1975, le Prytanée militaire de Kodiogo dont il sortira en 1978 pour rejoindre le Maroc et l’Académie royale militaire de Meknès puis, en Côte d’Ivoire, l’Ecole nationale de la gendarmerie d’Abidjan (1982-1983). Après un bref stage en France, à Rennes, ce sera le retour en Haute-Volta qui s’apprêtait à devenir le Burkina Faso.

Il sera commandant de la gendarmerie de Bobo Dioulasso en 1983 puis de Ouagadougou tout le temps de la « Révolution » (1984-1987). Il est alors promu commandant du 3è groupement de gendarmerie de Dédougou, puis du 5è groupement de Ouagadougou (1988-1995). Il en conservera le commandement alors qu’il était nommé, en 1995, adjoint au chef d’état-major de la gendarmerie nationale.

Il mettra également ce temps à profit pour poursuivre des études supérieures sanctionnées par un DES à l’Ecole de gendarmerie de Maisons-Alfort puis par une maîtrise en droit à l’université de Ouagadougou (1992). Il sera membre de la Commission constitutionnelle du Burkina Faso (1990-1991), du Comité international de suivi des élections au Togo (1993-1995) et du Comité de médiation du conflit touareg au Niger (1994-1995). Elevé au grade de colonel, il va rejoindre l’état-major du président du Faso (1996) avant de devenir chef d’état-major de la gendarmerie nationale (1997-1999), poste qui lui vaudra le grade de colonel-major.

En 1999, il va être nommé ministre de la Sécurité alors que le Burkina Faso, encore secoué par les effets collatéraux de « l’affaire Norbert Zongo », se trouvait déjà confronté à la crise ivoiro-ivoirienne. Dans un contexte tendu (les exactions contre les ressortissants burkinabè ou considérés comme tels, se multipliaient alors, provoquant un début d’exode vers le Burkina Faso et, par la suite, c’est l’ambassade du Burkina Faso à Abidjan qui sera incendiée), la fermeté de Ouagadougou ne visera pas à s’immiscer dans les affaires intérieures, ni à soutenir le mouvement des mutins (qui prendront le pouvoir fin 1999 puis, dans la nuit du 18 au 19 septembre 2002, couperont la Côte d’Ivoire en deux). Il s’agissait alors seulement de mettre fermement en garde Abidjan contre toutes les atteintes aux droits de l’homme à l’encontre des « Burkinabè » de Côte d’Ivoire en se situant, toujours, dans le cadre légal international.

Djibrill Y. Bassolé, avec discrétion, rigueur et détermination, va s’affirmer, tout au long de ces années de tension, comme un homme-clé sur la scène politique burkinabè, y compris jusque dans ses implications diplomatico-politiques. Très éloigné, dans ses relations quotidiennes, du portrait de grand manipulateur que ne manquaient pas de peindre les journaux ivoiriens (« masque de guerre pour Compaoré », « champion de la manipulation des médias », etc.). Quand certains commentateurs évoquaient « le tout puissant ministre de l’Intérieur burkinabè, colonel de gendarmerie », ils imaginaient seulement que sa « puissance », il la tirait de son relationnel privilégié mais sans ostentation avec le président du Faso, alors qu’elle était aussi le fruit d’une capacité d’organisation, d’une connaissance intime des dossiers et d’une longue pratique du terrain, au Burkina Faso comme à l’étranger, où il avait su nouer des contacts privilégiés avec des personnalités du monde politique, du renseignement et de la communication.

Il va jouer un rôle de premier plan dans la conclusion de l’accord inter-togolais en août 2006 ; puis dans la mise en place de l’accord politique de Ouagadougou qui, en mars 2007, va ouvrir la porte à la résolution de la crise politico-militaire ivoiro-ivoirienne.

Le 3 juin 2007, il sera nommé ministre des Affaires étrangères et de la Coopération régionale dans le gouvernement de Tertius Zongo. Peu de temps ; suffisamment cependant pour qu’il soit obligé de défendre la reconnaissance de la République du Kosovo par le Burkina Faso en 2008 (entérinant du même coup la partition de la Serbie dont le Kosovo était une province autonome). Moins de deux ans plus tard, le 1er août 2009, il sera nommé médiateur conjoint ONU-UA pour le Darfour, l’occasion de nouer des relations privilégiées avec l’émirat du Qatar, partie prenante dans la négociation qui aboutira à la signature de l’accord de Doha le 14 juillet 2010.

Un an plus tard, il reviendra aux affaires étrangères, mais ne connaîtra pas de répit pour autant. Alors que le Burkina Faso a été traumatisé par les « mutineries » de 2011, il continuera de suivre le dossier du Darfour, sera confronté à la crise post-présidentielle en Côte d’Ivoire puis, en 2012, à la crise malienne. Une crise qui va à nouveau le mobiliser à temps complet. Il lui faudra d’abord gérer l’afflux de milliers de réfugiés, puis les conséquences de la déstabilisation des institutions républicaines maliennes suite au coup d’Etat du 22 mars 2012.

La CEDEAO ayant confié la médiation au président du Faso, Bassolé va se retrouver en première ligne en vue « de résoudre par le dialogue la double crise sécuritaire et institutionnelle qui sévit au Mali ». Pour Bassolé, dans le dossier malien, le dialogue politique était une nécessité, la guerre une alternative probable. Le dialogue politique résultera de « l’accord préliminaire de Ouagadougou » le 18 juin 2013.

Après l’organisation de la présidentielle, la formation du gouvernement, la mise en place d’une nouvelle assemblée nationale, il dira : « Le président du Faso a rempli sa mission, par le dialogue et la concertation, permettant la normalisation de la situation constitutionnelle du Mali ». Pour le reste, ajoutera-t-il, « la résolution de la crise malienne revient aux Maliens, sinon de quoi, effectivement, nous mêlerions-nous. Les institutions légales sont en place. C’est à elles de promouvoir le dialogue pour trouver des solutions définitives à la crise ».

L’implication de Ouaga dans la résolution des crises (Touareg, Togo, Guinée, Guinée Bissau, Côte d’Ivoire, Mali…) résultait, dira-t-il encore, « fondamentalement de la Constitution » qui prône la paix, la coopération internationale, le règlement pacifique des différents entre Etats.

Jean-Pierre BEJOT
La Dépêche Diplomatique

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