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Commémoration du 8-Mars : 24 heures « sans souci » au milieu de multiples préoccupations

Publié le lundi 16 mars 2015 à 12h37min

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Commémoration du 8-Mars : 24 heures « sans souci » au milieu de multiples préoccupations

Encore le 8-Mars ! Le Burkina Faso fait encore partie des rares pays, à déclarer cette date « chômée et payée », où très peu de femmes réfléchissent réellement sur le thème de cette journée internationale à elles dédiée. Le djandjoba semble prendre le pas sur cette halte pour « dresser un bilan des progrès réalisés, appeler à des changements et célébrer les actes de courage et de détermination accomplis par les femmes ordinaires qui ont joué un rôle extraordinaire dans l’histoire de leur pays et de leur communauté ».

Entre prise de conscience et insouciance, des millions de femmes burkinabè n’ont pas manqué à ce rendez-vous. Défilé, bamboula et réflexions diverses ont ponctué ces vingt-quatre (24) heures que l’humanité toute entière accorde au sort de la mère de l’Homme. Le bien-fondé de cette commémoration institué par les Nations unies est indéniable même si cette date, coïncidant cette année avec un dimanche, a fait perdre en toute légalité une journée vers le développement au Burkina Faso au nom d’une loi dite festive.

Encore le 8-Mars ! « Autonomisation de la femme=autonomisation de l’humanité : imaginez ! ». C’est là le nœud du problème de 2015. L’implication de celles que le Pr Joseph Ki-Zerbo désigne à juste titre de « productrices et de reproductrices » est en deçà des attentes. Au nom de la tradition et de la coutume, sa contribution est toujours entravée par des pesanteurs sociales et des considérations rétrogrades. Et pourtant, les femmes restent, au Burkina Faso, les principales animatrices du paysage socio-économiques notamment en milieu rural. Que ce soit au plan national qu’international, à ses préoccupations récurrentes telles l’accès à l’éducation, aux soins de santé et aux sources de crédits, s’ajoutent de nouveaux maux.

Encore le 8-Mars ! Les acquis enregistrés dans l’élan pour l’émancipation de la « Côte de l’homme » sont sans cesse remis en cause par des réalités comme la persistance de l’accusation des femmes de sorcellerie et de bannissement au Burkina Faso, l’enlèvement de deux cents lycéennes au Nigéria par Boko Haram, l’utilisation par l’Etat islamique des femmes pour le réconfort sexuel des djihadistes, des milliers de femmes toujours victimes de maltraitance et de viol à travers le monde. Sans oublier l’apparition de nouvelles maladies telles le cancer du sein. Le fardeau de la Femme semble toujours lourd à porter. Cela influe sur la bonne marche de la société.

Encore le 8-Mars ! L’avenir du binôme de l’homme sur terre mérite bien une halte qui canalise toutes les attentions. La pérennisation du combat historique des femmes de Chicago aux Etats-Unis vaut vraiment la peine. L’inscription de la Journée internationale au registre des célébrations universelles éveille la conscience humaine chaque année en exprimant la nécessité de voler au secours de la Femme pour sauver l’humanité. Selon les livres saints, Dieu a créé la femme parce que l’homme se sentait seul. Il est alors impérieux que leur cohabitation s’inscrive dans la complémentarité et la synergie d’actions. L’insistance de la portée du 8-Mars et la constance du combat pour la libération de la Femme doivent être menées concomitamment. Le sacrifice des pionniers de la lutte pour l’émancipation ne peut donc se résumer ni à une tribune de mascarade, ni à un bazar de pagnes, ni à une parade mondaine. Les engagements contre les injustices à l’égard de la frange la plus importante de la population de nombreux pays se doivent d’être traduits en actes concrets par des prises de position et des politiques volontaristes. Seule une volonté politique affichée et réelle est susceptible d’alléger le fardeau de la « Côte de l’homme » ou de « l’autre moitié du ciel ».

Encore le 8-Mars ! Les différentes mesures et les diverses lois en faveur de la Femme se heurtent régulièrement à des sournoiseries. Les partisans du député NGouakou-NGouakou dans « Tribaliques » de Henri Lopez sont nombreux quand il s’agit de se pencher sur le sort de la Femme. Les discours politiques notamment en période de campagne sont sans cesse en déphasage avec leurs considérations intimes. Ils la préfèrent soit au lit, soit comme électrice, plutôt que leur égal dans une œuvre commune au service de l’humanité. La « mère de l’homme » a beau donner les gages de sa maturité et de sa responsabilisation, l’on continue de croire lamentablement dans certains milieux qu’elle demeure une « enfant » incapable de réfléchir et de décider pour soi-même. D’ailleurs, les Mossis n’hésitent pas à résumer cette hypocrisie par ceci : « La femme mérite d’être flattée ».

Encore le 8-Mars ! Le contenu et l’organisation de la commémoration de cette date doivent changer. Elle a été longtemps une « Journée sans souci » où le thème de la célébration importe peu. Pis, elle offre l’occasion aux femmes de prêter allégeance à la Première Dame, de se livrer à une simagrée de face-à-face avec le Chef de l’Etat après un tintamarre de pleur recueillies sous forme de doléances et transmises par leurs représentantes sur le territoire national et des moments de ripailles. Que l’on se souvienne des sorties honteuses de Nestorine Sangaré/Compaoré, ministre de la Promotion de la Femme et du Genre, enseignante d’université de surcroît ainsi que de bien d’autres responsables d’organisations féminines à l’endroit du Président Blaise Compaoré et de son épouse. « Mme Chantal Compaoré, s’il y a des Burkinabè qui ne vous aiment pas ; nous vous aimons et vous souhaitons longue vie », « Monsieur le Président du Faso, vous êtes si beau que votre place ne peut qu’être au pouvoir » sont autant d’aberration que des porte-paroles enivrées qui ont laissé entendre en lieu et place des préoccupations réelles des femmes pour lesquelles elles ont été mandatées. En somme, pendant ces vingt-quatre (24) heures à elles dédiées, les femmes se mettent à quémander devant les autorités ce qui leur revient de droits plutôt qu’à les réclamer. Des voix féminines s’élèvent de plus en plus contre cette orientation mercantile et festive du 8-Mars. Elles choisissent ce jour-là pour situer les enjeux d’un combat et sensibiliser la société sur la nécessité de libérer la femme. Si « Ce que femme veut, Dieu veut », ce n’est pas « Ce qu’elle demandera qu’un gouvernement hésitera à lui offrir ».

Encore le 8-Mars ! Certains leaders du monde féminin méritent des félicitations et des décorations pour leurs engagements sincères. D’autres sont à blâmer pour avoir accaparé une lutte à des fins personnelles et souillé la noblesse d’un combat. La marginalisation des femmes est souvent le fait de leurs sœurs. La gloutonnerie avec laquelle ces dernières se positionnent socialement, économiquement et politiquement les amène à s’éloigner de la cause commune. Elles transforment leurs sœurs en fond de commerce. Les femmes ignorantes et démunies servent d’escaliers ou d’échelles pour l’ascension de celles qui se disent éclairées. La situation de plus en plus dégradante des secondes maintient les premières, sur leur piédestal, qui s’arrogent une place et un rôle d’éclaireuses. Ces usurpatrices de la cause de la femme bâtissent leur aisance sur la misère des autres. Pendant que les unes sont en quête du minimum pour survivre ou s’épanouir ; les autres cherchent activement les assises d’un confort social et économique. Elles se sont imposées comme celles qui ont plus de facultés pour penser à la place des autres. Un abîme sépare les ambitions des femmes postées au front de l’émancipation. Elles rendent la lutte pour l’émancipation très laide dans l’élan. Il est difficile que la femme instruite, salariée ou citadine mène le même combat que sa consœur illettrée ou paysanne. Elles n’ont pas les mêmes préoccupations.

Encore le 8-Mars ! La nouvelle forme de commémoration rompt avec celle à la Thomas Sankara sous laquelle l’homme se met pendant vingt-quatre (24) heures seulement dans la peau de la femme pour mieux appréhender son fardeau. La dynamique enclenchée sous la Révolution du 4-Août pour débarrasser la femme de toutes ses chaines s’est muée en un attrape-nigaud voulu et accepté par une catégorie de femmes. Il faut que les femmes se rappellent que les chantiers de leur libération sous la Révolution repose sur un choix politique courageux qui a abouti à des résultats probants. L’avenir de la femme burkinabè a été lié à la marche des affaires publiques, lui permettant ainsi d’accomplir un grand pas vers son émancipation en quatre ans. Ce progrès mérite d’être entretenu au grand dam de cette catégorie de femmes qui a préféré être membre d’un harem politique où seules leurs voix ont compté sans que le régime qu’elles ont aidé à construire ne leur confie les premiers rôles dans la construction de la nation.

Encore le 8-Mars ! C’est dommage que des femmes aient pu éloigner leurs sœurs des objectifs pertinents d’un combat en les embarquant dans des ambitions personnelles. En étalant leur pagne pour des préoccupations qui ne sont pas les leurs, elles ont été remerciées en monnaie de singe. « Le corps de la femme est devenu un champ de bataille », soutient l’écrivaine Calixte Béyala. Les prérogatives régaliennes de l’Etat pour laver l’opprobre de la tradition et de l’hégémonie de l’homme se font toujours attendre. La parité homme-femme reste un leurre. Le quota de 30% sur les listes électorales est difficilement appliqué. Le verbiage politique. Le nombre de femmes dans les différents gouvernements, à la tête des institutions de l’Etat et des représentations diplomatiques, au sein de l’Assemblée nationale et des conseils municipaux a évolué en dents de scie pendant vingt-sept (27) ans. Il n’a pas reflété, à aucun moment, leur forte proportion d’environ 53% de la population. Pourtant les capacités intellectuelles et professionnelles des femmes sont indéniables. L’avènement de la Transition n’a pas créé cette rupture espérée. Les femmes sont toujours tournées en bourrique quand il s’agit de les responsabiliser dans les hautes sphères de décision.

Encore le 8-Mars ! De la cacophonie dans l’interprétation de l’égalité entre l’homme et la femme aux postures prétentieuses d’opposer une rivalité entre les deux sexes. Une « Union de femmes libres » (UFL), promptes à cacher leurs errances immorales et amorales sous les artifices de l’émancipation, ne cessent d’anarchiser les milieux féminins et de saper les efforts consentis jusque-là. L’exigence de la bonne foi des gouvernants doit s’accompagner d’une implication sincère des femmes sans exclusive. Tant qu’elles continueront de s’entendre sur leurs mésententes au lieu de s’accorder sur l’essentiel, elles donneront toujours le dessus à la tradition, à la coutume et à l’homme. Car les premiers fossoyeurs des actions émancipatrices sont les femmes elles-mêmes. Elles deviennent myopes quand il s’agit de dénoncer les coups qu’elles se donnent entre elles sous les jupes ou en se tirant les pagnes. Les femmes prennent rarement la parole et marquent difficilement le pas, à l’unisson, là où l’on les attend le plus. En course sans cesse pour des futilités, elles dénuent leur noble combat de son sens premier.

L’opposition aveugle entre homme et femme doit se transformer en un partenariat humain au service de la société. C’est un contrat de bon sens ! Il ne faut pas se leurrer, l’égalité entre homme et femme ne signifiera jamais que la femme va prendre la place de l’homme. Cet amalgame conduit à une radicalisation de la position d’une catégorie d’hommes. Il ne faut pas se lasser des actions de sensibilisation sur la promotion et l’émancipation de la femme. Avec patience et méthodologie, il faut amener les deux sexes à admettre que « libérer la femme, c’est libérer toute la société ». Même si cela doit passer par une insurrection, femmes du Faso, n’hésitez pas. Avant d’en arriver là, une seule journée de « donner dos au lit » peut amener les uns et les autres à réfléchir. Comme l’a illustré le film malien « Taffé fanga ».

Encore le 8-Mars ! Il est certain que l’émancipation de la femme burkinabè va être la résultante d’une haute lutte. C’est un combat de longue haleine pour dissiper un gros nuage de suspicion entre l’homme et la femme. Avec une mémoire pleine d’ignorance et en proie à l’iconoclasme béant, l’on parvient à oublier que rien n’a été offert à la femme sur un plateau. Objet de toutes les envies en matière d’émancipation actuellement, la femme occidentale a longtemps été victime des pires formes d’asservissement. Elle a aussi souffert le martyr pendant des siècles. Il suffit de revisiter l’histoire de l’Occident pour s’en apercevoir : elle n’avait aucune valeur humaine dans la société. Le mariage forcé n’est pas l’apanage des Africains. Dès le berceau, au prix souvent de marchandages entre familles, la fille noble ou la fille pauvre était prédestinée. Elle était bien aussi pour les travaux domestiques. L’école était aussi un privilège. Elle n’avait pas droit à la parole. Le fameux string, dans lequel elles se plaisent aujourd’hui, s’inspire de la douloureuse épreuve des caleçons métalliques, infligée aux épouses par leurs époux-soldats avant d’aller au front. Pour mieux dompter leurs conjoints, ces misogynes emmènent les clés de ce slip de force qui ne laisse que deux ouvertures : l’une pour les urines, l’autre pour les selles.

Encore le 8-Mars ! C’est l’occasion de rappeler que dans la grande France de la Révolution du 14 juillet 1789 et malgré un système politique qualifié de « très démocratique », il est légalement interdit aux femmes de porter le pantalon tout comme une jupe au dessus des genoux est pénalement condamnable au Burkina Faso. D’où l’expression « c’est elle qui porte le pantalon à la maison » sous entend que la femme veut prendre la place et jouer le rôle de l’homme dans le foyer. Aussi bien chez le colonisateur que chez le colonisé, ces lois devenues osselets témoignent de la volonté de réduire la femme au silence. Des préjugés ont longtemps caractérisé sa cohabitation avec le sexe opposé. Elle est, soit réduite en esclavage, soit taxée d’être à l’origine de divers maux de la société lui obligeant un confinement comme l’alibi utilisé pour l’excision. Si la situation de la femme occidentale est devenue meilleure, c’est parce qu’elle en a pris conscience au point de tenir tête à toutes les entraves liées à son épanouissement. Au prix de multiples sacrifices et d’engagements réels, le tort à elle causé a été réparé sous la houlette de vrais leaders tels Simone Veil ou Simone de Beauvoir qui ont porté sur leurs épaules, en France, un combat qui a canalisé tous les esprits sur son bien fondé. Les femmes africaines se sont déjà distinguées dans cette lutte. Elles sont aussi capables de ce sursaut qui va entrainer le changement de mentalités.

Filiga Anselme RAMDE
filiga_ramde@yahoo.fr
Pour lefaso.net

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