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Sékou Traoré, réalisateur de « l’Œil du cyclone » : « Je viens au FESPACO avec ce film, sans complexe »

Publié le mercredi 4 mars 2015 à 00h30min

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Sékou Traoré, réalisateur de « l’Œil du cyclone » : « Je viens au FESPACO avec ce film, sans complexe »

Après avoir remporté le prix du meilleur documentaire au FESPACO 1997 avec son film « Ismaël, un exemple de courage », Sékou Traoré, pour l’édition 2015 de la biennale vise l’Etalon d’or du Yennenga avec son long métrage de « l’œil du Cyclone » qui a fait l’objet de la projection inaugurale. Un film sur un sujet d’actualité, déjà bien apprécié par les cinéphiles qui l’ont vu. Le réalisateur burkinabè qui a déjà travaillé avec Mahammat Salé Haroun et Abderrahman Sissako, se dit confiant. Il revient dans cet entretien sur son film, la trame, les conditions de tournages, son financement.

Lefaso.net : De quoi il est question dans votre film « l’œil du Cyclone » ?

C’est un long métrage qui pose l’éternel problème des enfants soldats dans le monde. Dans notre cas en particulier, c’est un enfant qui a été kidnappé à l’âge de 8 ans pour être un enfant soldat. Plus tard, il devient une machine à tuer. Il est arrêté par l’armée de son pays. Le régime en place décide de lui offrir un procès exemplaire, parce qu’habituellement quand on arrête un rebelle, il est « zigouillé » sur place. Mais donne la chance à celui-là, d’avoir un procès parce qu’on veut montrer au monde entier que le régime est en train de se démocratiser. Mais en réalité, le procès est juste un prétexte, pour le « zigouiller » tout est fabriqué d’avance.
Mais le régime est surpris par l’avocate qui s’est commise d’office pour défendre ce rebelle et qui croit en la justice. Elle est naïve, innocente et surtout incorruptible. Par son action, son incorruptibilité, elle commence à déstabiliser le régime.

L’avocate réussit à déjouer un pronostic fait dès le départ…

Tout à fait, mais je ne raconterai pas la suite du film(Rires). Ce que je peux ajouter c’est que le film traite de la problématique de la réinsertion sociale des enfants soldats. Quand ils sont dans les forêts, ce sont des drogués, ils subissent des lavages de cerveau, des traumatismes, est-ce qu’un jour, à la fin de la guerre, ils peuvent se réinsérer dans la société et devenir des gens normaux comme on le dit ? C’est cela que nous posons comme problème en sachant qu’ils sont entre 200 000 et 300 000 enfants soldats dans le monde, selon les chiffres des Nations Unies.

Dans quel pays se déroule l’histoire ?

Notre histoire se déroule dans un pays fictif. Nous avons créé un pays qui n’existe pas, avec son drapeau ; pour qu’on ne lie pas cela ni au Burkina, ni à la Côte d’Ivoire. Nous avons voulu donner une certaine universalité à notre Film. Dans la réalité, nous avons tourné à Yaoundé au Cameroun, à Ouaga, Bobo et Banfora au Burkina Faso.

Après avoir remporté des prix dans les catégories courts métrages, qu’espérez-vous avec « l’œil du cyclone » à cette 24e édition du FESPACO ?

En tout cas, je viens en me disant que j’ai fait le maximum que je pouvais. Mais on peut toujours faire mieux. Au moment où on a fait le film, tout ce que je pouvais donner, j’ai donné pour que ce film soit à la hauteur d’un film qui puisse circuler partout dans le monde. J’espère seulement que les professionnels du cinéma, les cinéphiles et tous les invités du FESPACO vont aimer le film et qu’il va récolter ce qu’il peut récolter. Je viens au FESPACO avec ce film, sans complexe et j’espère qu’il va faire la compétition, au même titre que tous les autres films qui sont là.

Certains film ont bénéficié de grandes campagnes de communication à l’international, ils ont raflé des prix dans des festivals avant de venir au FESPACO, quelles sont les chances de « l’œil du cyclone » face à ces films ?

Notre chance dans le cinéma, c’est que les jurys ne sont pas influencés par cela. Quand un jury doit suivre ce que les autres jurys ont fait, il n’a même plus une existence légale, il n’est plus légitime. Chaque jury a sa manière de voir, ses critères, il ne se laisse pas influencer par les autres. Voilà pourquoi tu peux avoir le grand prix d’Allemagne et ne rien avoir au festival de Cannes. De ce côté, je n’ai aucune inquiétude. Je pars très confiant toujours, comme au tournage.

Vous êtes avec Missa Hebié, les deux représentants du Burkina à ce FESPACO,
pensez-vous que l’Etalon d’or de Yennenga pourrait enfin rester au Burkina après 1997

Je ne sais pas, mais je dis seulement que nous sommes très confiants pour la suite des opérations comme on le dit. Je ne peux rien dire d’autre, le reste, le jury et les professionnels feront leur travail.

Le film a fait l’objet de la projection inaugurale, avez-vous des retours ?

Oui, on a eu beaucoup de retours positifs du public qui était dans la salle, des professionnels et des programmateurs de festival du monde entier qui sont présents. On pense qu’on a fait un film qui tient la route. Je dis toujours qu’on peut faire mieux. Si tu te dis que tu as produit la meilleure œuvre du monde et que ne pouvais pas faire mieux, là tu es battu. On se dit qu’il y a toujours des choses qu’on pouvait améliorer. La preuve, le scénario, nous l’avons fini depuis 2007, mais nous sommes à la 22e ou 23e version.

Le financement des films tarit de plus en plus, comment « L’œil du Cyclone » a pu voir le jour ?

Nous avons bénéficié de l’appui de l’Union européenne à travers le fond ACP, de l’OIF, de l’ambassade de France au Burkina, de l’Etat burkinabè lui-même, de TV5 monde, Vina Vie au Cameroun, les films d’Avalon en France, et Abissia qui existe au Burkina depuis juillet 2007.
Sur place on peut féliciter le ministère de la culture, celui des finances et l’Etat-major général des armées du Burkina, parce que les militaires jouent beaucoup dans le film ; le ministère de la justice aussi parce que nous avons tourné dans une vraie prison et on sait que dans les pays africains, il est difficile qu’on donne une prison pour tourner un film.

La réalisation de « L’œil du Cyclone » a couté combien ?

Le budget estimatif, quand on rêvait, était de 970 000 euros (Ndlr. environ 635 350 000 f CFA) que nous n’avons pas pu avoir jusqu’à l’heure où je vous parle. Nous sommes entre 500 000 et 600 000 euros (Ndlr. 393 000 000 FCFA). C’est avec un tel budget qu’on a fonctionné alors qu’on a négocié avec des fournisseurs français, burkinabè, les techniciens, les comédiens. Nous devons encore 30% des salaires aux techniciens, tous les comédiens ne sont pas encore payés. Pour le moment, personne ne nous angoisse parce que tout le monde savait nos conditions de tournage. Nous ne voulions pas bâcler le film, on a tourné le temps qu’il fallait. Le film nous a couté, mais on espère que si on a la chance de le vendre, nous continueront à payer nos dettes.

Dans quelle prison le film a été tourné ?

C’est la prison de haute sécurité de Ouagadougou sur la route de Ziniaré.

Le film a-t-il déjà été vu avant le FESPACO dans d’autres festivals ?

Non. C’est deux jours avant le début du FESPACO que les dernières copies du film sont sorties. Nous avions envoyé les avant-dernières copies pour la sélection.

Le tournage a duré combien de temps et c’était dans quelle période ?

Au mois de mars 2014, nous avons tourné deux semaines à Yaoundé. Nous avons attendu le mois de juin pour commencer le tournage au Burkina parce que nous avions besoin de la pluie. On a atourné jusqu’en fin juillet, on a repris en septembre pour terminer. Les scènes d’avions près de la foret, c’était en septembre à Banfora.

Le FESPACO a failli ne pas avoir lieu à cause des menaces sécuritaires et des risques sanitaires, comment appréciez-vous l’organisation pratique ?

J’ai eu un peu peur au début effectivement. J’ai trouvé que c’était une très belle chose que le Burkina ait maintenu son organisation, parce que c’était devenu une succession d’événements négatifs avec l’annulation du tour du Faso, du SIAO, l’insurrection, Ebola, accident d’avion de Air Algérie. Quelqu’un qui est à l’étranger se demandera si le Burkina fait face à la loi des séries noires. Cela commençait à être bizarre et avoir maintenu le FESPACO est très bien. J’ai plusieurs invités qui me disent qu’ils étaient pressés de venir au Burkina parce qu’ils ne faisaient qu’annuler leurs voyages sur le Burkina.
Du coté de l’organisation, j’avais senti un petit flottement au début, mais les organisateurs se sont ressaisis très vite et finalement, cette édition pourrait être un des meilleurs FESPACO du côté de l’organisation. Il y aura certainement des problèmes, mais peut-être moindres que ceux des éditions précédentes. La prochaine édition pourrait être presque parfaite.

A la cérémonie d’ouverture, le ministre de la culture et du tourisme a laissé entendre qu’en maintenant l’édition, le Burkina tenant à respecter ses engagements et rester digne, avant d’ajouter que cette édition est la traduction d’une Afrique qui gagne. Etes-vous d’accord avec lui ?

Oui, avant qu’il ne dise justement, j’ai pensé moi-même à ce qui se disait dans l’empire mandingue, à savoir que l’empire mandingue est comme de l’eau dans une calebasse qui balance. L’eau fait du bruit, va dans tous les sens, mais ne se verse jamais. Les griots de l’empire mandingues chantaient cela et j’ai pensé que le Burkina est dans ce cas. On se dit, cette fois ci c’est foutu, mais on se ressaisi et c’est la chance de ce petit pays.

Entretien réalisé par Tiga Cheick sawadogo
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