Sur la bretelle droite menant au sanctuaire Notre dame de Yagma, il régnait en ce début de journée une ambiance des chemins de classes. Normal puisque les occupants sont presque tous des élèves et étudiants. Des tenues des établissements privés au kaki des établissements publics en passant par le jean’s tee shirt ordinaire, chacun y allait de son inspiration. La rigueur des écoles étant loin d’ici.

Certains à pieds, d’autres à vélos ou moto, les plus « nantis » préférant se faire déposer ou encore cette initiative du Collège Notre dame de Kologh Naba de faire déposer ses pensionnaires en bus, chacun y allait de son moyen de transport aussi. Un seul site de convergence, le sanctuaire marial de Yagma pour la troisième édition du pèlerinage des élèves et étudiants de la Paroisse Saint Augustin de Bissighin.

Sur place dès 08heures, il y avait déjà un petit monde. Le parking, la vente des objets de culte, les traditionnelles glacières à eau, le petit commerce s’organisait progressivement. Les pèlerins aussi s’installaient au fur et à mesure. A l’accueil, le Diacre de service. C’est lui qui se charge de mettre « la troupe » en condition. « Etes- vous contents d’être ici ? », lance t- il aux visiteurs qui répondent tous ensemble d’un « Oui ! » strident. « Acclamons le Seigneur alors ! », et l’on applaudit à tout rompre.

Une belle entrée en matière pour une journée qui s’annonce relativement chargée. Puisque tous ou presque sont là, première étape sans plus tarder, la prière du chapelet. Aussi bien le site que l’initiative ont une charge spirituelle et le protocole l’impose. Une espèce de « préséance », vu sous un autre angle. Avant l’étape de la conférence.

Cultiver l’amour du prochain

Le pèlerinage cette année a pour thème : « La Révolution de l’Amour ; lui, elle, toi et moi, désormais plus un seul jour sans s’aimer ». Et c’est sur ce thème que les deux conférences du jour ont porté. La première par un prêtre catholique et la deuxième par un imam, musulman donc. Le tempo est celui de la cohabitation religieuse. Pour le Père Achille Lingani, aumônier de la Paroisse Saint Augustin de Bissighin et par ailleurs initiateur de ce pèlerinage, c’est une réponse à cette actualité faite de haine et de violence. « Vous avez ici des élèves qui sont musulmans, il y a en qui sont protestants, il y a en qui sont de la religion traditionnelle (…) Comme vous l’avez vu avec l’affaire Charlie où l’intolérance religieuse est en train de monter en flèche, c’est d’amener les élèves dès leur jeune âge à comprendre qu’il doit y avoir de la tolérance entre eux, que chacun a la liberté de vivre sa foi comme il l’entend », explique le parrain des élèves et étudiants de la paroisse de Bissighin, le Docteur Cyriaque Paré, promoteur des Editions Lefaso. Les conférenciers l’ont compris qui sont régulièrement revenus là- dessus.

Chrétien ou musulman, l’Amour a le même visage

Pour le premier conférencier l’abbé Daniel Ouattara, professeur de théologie au Grand Séminaire de Wayalghin, « l’Hymne à l’amour » est la meilleure réponse à la problématique de l’amour. Ses pistes de méditation en même temps exercices pratiques : 1 Corinthiens 13, versets 4 à 8. Des textes de la Bible qui en disent long sur l’amour. C’est pourquoi il a invité les pèlerins à faire ces « exercices de maison » comme il les appelle, sans modération.

C’est à l’Imam Inoussa Compaoré de l’Association des élèves et étudiants musulmans du Burkina (AEEMB) qu’est revenue la mission de projeter l’image de l’Amour au prisme de l’Islam. Mais avant, ce doctorant en droit s’est servi de trois références du Coran pour conclure à l’unicité de Dieu : la sourate 12 qui parle de Joseph, la sourate 14 qui parle d’Abraham et la sourate 19 qui parle de « la même Marie », selon ses propres termes. Abraham, Joseph et Marie aussi bien dans la Sainte Bible que dans le Saint coran, comme pour dire que Christianisme et Islam font UN. Tout comme l’Abbé Daniel Ouattara sur le thème de l’amour, l’imam Inoussa Compaoré a renvoyé à la sourate 49 qui invite à aller à la connaissance de l’autre. Une invite à « être avec Dieu pour mieux vivre avec les hommes ». Un exposé tout aussi riche avec ce conseil pour finir : « L’expression de l’amour c’est de faire attention aux différentes présences à côté de vous. Acceptez diviser votre pain en deux. Acceptez supporter une partie de la faim que de laisser l’autre supporter la totalité de la faim ».

La messe en la basilique pour le clou

Le clou de ce pèlerinage, la messe en la basilique Notre Dame de Yagma, à quelques dizaines de mètres de grotte mariale. La salle archi comble, le moindre espace recouvert de pagne ou de natte pour en faire une place assise, ou carrément assis à même le sol, chacun y est allé de son ingéniosité. A la commande pour officier, Monseigneur Jean Marie Untani Compaoré archevêque émérite de Ouagadougou. Ici aussi, il a insisté sur le « Aimez- vous les uns les autres comme je vous ai aimés » de la Bible. Pour Mgr Compaoré, c’est un commandement d’amour qui nous a été laissé en testament. L’évangile de Jésus Christ selon Saint Luc aura été le plat de résistance de la célébration de cette eucharistie. Un autre enseignement pour le raffermissement de la foi.

Comme l’année passée, c’est ici que les prix des meilleures équipes ont été remis. L’attestation de participation, le ballon et les 15 000 fcfa pour la troisième, le lycée privé Wend Denda, une attestation de participation, un ballon et 20 000 fcfa pour la deuxième le Lycée privé la Genèse, et enfin une attestation de participation, 25 000 fcfa, un ballon et le trophée pour le vainqueur, le lycée privé Notre Dame de L’espérance. Equipe fairplay de cette édition : le lycée municipal de Boulmiougou.
Cette remise des trophées venait ainsi mettre un terme à la série d’activités entrant dans le cadre du pèlerinage sur le satisfecit du promoteur : « Je pense que nous avons atteint grandement nos objectifs parce que vu la participation de ces jeunes en posant des questions et en prenant des résolutions, nous pensons que vraiment le message est passé. » Le Père Lingani qui estime les pèlerins de cette année entre 3 500 et 4 000. Le pèlerinage 2015, c’est fini, les regards sont désormais tournés vers la quatrième édition. Et cela, c’est dans un an.

Samuel Somda
Lefaso.net