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Situation politique nationale : Eh bien, dansons maintenant en attendant le vote !

Publié le dimanche 15 février 2015 à 21h50min

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Situation politique nationale : Eh bien, dansons maintenant en attendant le vote !

Maintenant que nous poursuivons notre petit chemin transitoire qui devra aboutira à des élections démocratiques libres, transparentes ; afin d’asseoir des institutions fortes qui permettront à qui veut de rêver être président du Faso un jour, nous nous percutons au jour le jour à des situations qui dévoilent notre immaturité aux yeux du monde. Un, deux, trois, on veut ci, on ne veut pas ça ! Qu’est ce qui a pu attendre 9 ans et qui peine d’attendre huit mois ? Je dis 9 ans car rappelez-vous que c’était en 2005 que le président Compaoré aurait dû céder le pouvoir lorsque le débat sur sa légitimité sonnait déjà comme une alarme.

Par excès de prudence pour une bonne stabilité du pays, par peur injustifiée ou par simple boulimie, le Président a passé son temps en ajournant son départ jusqu’à pousser son propre peuple à bout de souffle. A mi-journée du 31 octobre, des Burkinabè de tout horizon faisaient leur le même idéal pour la Nation : plus de démocratie, plus de justice sociale, plus d’alternance.

Mais très vite, le rêve de tous et chacun de nous commençait à se fondre. L’euphorie malsaine des premiers moments post-insurrectionnels nous a donné à percevoir des situations qui traduiraient déjà les difficultés que le Burkina allait vivre pour ce qui est de la période transitoire qui durerait un an !

Trois chefs d’Etat en 24 heures chrono…

Le peuple du Burkina a vaincu « son monstre » en un tour de bras avant de se poser la question : qui sera président intérimaire ? Avec un peu de recul, j’ose même croire que n’importe quel quidam qui aurait eu suffisamment de « couilles » aurait pu avoir l’onction du peuple pour le poste le plus prestigieux d’un pays. Qui ne se rappelle pas aussi de ce mutisme entretenu bon gré mal gré par les partis politiques d’opposition qui luttaient pourtant aux côtés du peuple ? Le 31 octobre 2014, précisément le jour où tout se jouait, des leaders de partis politiques se sont juste volatilisés donnant l’impression du sauve-qui-peut. Nous avons interprété cette désintégration des leaders politiques d’opposition comme étant un instinct de survie. Car dans la zizanie tout pouvait leur arriver ; quand on sait que c’est dans un désordre constitutionnel que des gens souvent, profitent pour se régler des comptes personnels. C’est d’où il faut apprécier la bravoure de Saran SEREME à sa juste valeur. Elle était là, le peuple réclamait un guide alors elle s’est offerte au peuple, point barre. Il faut être tout de même brave pour faire ça ! Rassurez-vous, il n’y a aucun rapprochement entre dame SEREME et nous ; ni avec son parti politique que j’oublie d’ailleurs la dénomination.

C’est donc un manque criard d’organisation que nous avons perçu de loin ; cela est d’autant plus impactant qu’en 24 heures on annonçait trois chefs d’Etats différents ; tous soutenus par une partie du même vaillant peuple ! Mais dans le fond, dès les premières heures de la victoire du peuple, plus d’un Burkinabè souhaitaient voir enfin un civil au pouvoir, pour seule condition que ce dernier ne puisse pas être candidat aux échéances présidentielles de 2015. Ce qui devait être aussi facile que de poster une lettre devint un casse-tête dont seul notre pays a le secret. N’entendions-nous pas que nous avions battu deux records aux antipodes l’un de l’autre ? D’abord le record du sur-place : cela a duré 27 ans. Ensuite le record de l’alternance à la petite semaine encore appelée « bouges de là », pour que je m’installe ! Pour moi, cela dénotât simplement le manque de planification qui a précédé l’insurrection des 30 et 31 octobre. Preuve aux pourfendeurs de l’actuel système que de trahison ou de complot contre le régime Compaoré, il n’en a eu guère. Ou plutôt avouons-le, c’est le peuple du président Compaoré qui a trahit le président Compaoré.
Ainsi donc, cette victoire du peuple inattendue au départ, échouait timidement mais surement dans les bras de son propre bourreau. Le bourreau du peuple c’est vous et moi ; c’est le peuple. Après une lutte farouche qu’il a sentie dans son âme (paix aux âmes des disparues), ce peuple espérait en sourdine et en toute humilité imbue que « ça va aller… »

Ça va aller…. mais rien ne va !

Ça va aller parce que plus rien ne sera comme avant. Nous l’avons entonné avec le président Michel KAFANDO, parce que c’est lui qui a su traduire le mieux, la colère du peuple avant même son investiture comme président de la Transition. Nous étions confiants et nous demeurons confiants car la pratique a souvent ses exigences qu’il faut tenir en considération. Mais pourquoi Diantre ne pouvons-nous pas laisser travailler ceux-là mêmes que nous avons choisis de nous conduire aux élections d’octobre 2015 ? Que dis-je !

Tout le monde disait « on ne veut plus de militaire au pouvoir (…) » mais tout le peuple a écouté attentivement le jeu de chaises de la soldatesque sans broncher… Tout le monde chantait « Blaise a fui… » Mais tout le monde se passait royalement de comment et par qui le président Compaoré a quitté tranquillement le pays comme si tout simplement il s’agissait pour lui d’une simple virée dominicale dans une réserve de chasse ? Avouons-le, nous avons tous pardonné au président Compaoré ses derniers « pêchés ». Mais seulement nous sommes incapables de nous assumer nous-mêmes. Nous sommes incapables de traduire nos paroles en actes concrets ; nous sommes incapables de nous tenir à distance alors que nous devions être au gnouf, nous sommes incapables de respecter le consensus à l’Etat-Major qui portât sur l’ex-chef de l’Etat, le Lieutenant-Colonel ZIDA. Nous sommes incapables de nous contenir pendant 8 mois, comme si nous rêvions tous les jours, être califes à la place du calife.

Nous sommes amnésiques car maintenant nous crions au complot venant de l’extérieur alors que nous avons-nous mêmes ouvert le chemin de l’exil. Hier nous rejetions une chose mais aujourd’hui nous la cautionnons ; hier nous pouvions attendre pendant 27 ans mais aujourd’hui nous ne supportons plus une petite nomination dérivant d’une « petite injustice » corporatiste qui prendrait sûrement fin dans 8 mois. Hier nous dénoncions le train de vie de l’Etat, mais aujourd´hui nous voulons un salaire plus élevé que celui du chef. Hier larmoyants, nous avions exprimé notre repentir à la nation mais aujourd’hui nous semblons être de nouveau dans notre cheval de Troie. Hier, nous vociférions pour dénoncer le clanisme dans la gestion du pays, aujourd´hui nous n’avons de postes que pour des copains et coquins. Hier nous acclamions ceux-là pour leur bravoure car ayant pris des responsabilités à très haut risque mais aujourd’hui nous les malmenons à notre guise. Aujourd´hui notre exercice favori c’est le mélange de genre ; c’est la confusion entre vitesse et précipitation. L’insurrection tant acclamée nous a-t-elle rendus lunatiques ? Nous avons assez battu notre tambour. Eh bien, dansons maintenant en attendant le vote !

Roland ZONGO SANOU, correspondant en Espagne
Lefaso.net

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