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« Les Fonds nationaux seuls ne suffisent pas pour financer l’économie informelle », dixit Saïdou Zangré, président du COPSIPCB au sujet des Mesures sociales du gouvernement

Publié le mercredi 11 février 2015 à 22h57min

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« Les Fonds nationaux seuls ne suffisent pas pour financer l’économie informelle », dixit Saïdou Zangré, président du COPSIPCB au sujet des Mesures sociales du gouvernement

Le 13 janvier 2015, le Collectif des Organisations Professionnelles du Secteur Informel et des Petits Commerçants du Burkina Faso (COPSIPCB) a organisé une conférence de presse pour demander au gouvernement de se prononcer sur la suite qui sera donnée aux dossiers relatifs aux mesures sociales lancés par le « gouvernement Tiao ». Le lundi, 9 février dernier, trois membres du gouvernement, Aminata Bambara du budget, Bibiane Ouédraogo de la promotion de la femme et du genre et Hippolyte Dah du commerce et de l’industrie ont animé un point de point de presse sur le sujet. Suite à cette sortie de l’exécutif, nous avons approché le premier responsable du COPSIPCB, Seydou Zangré. Entretien à bâtons rompus !

Lefaso.net : Le 13 janvier dernier, vous avez, à travers une conférence de presse, plaidé auprès du gouvernement pour suite à donner aux mesures sociales lancées en mai 2014. Le lundi, 9 février, le gouvernement a effectivement réagi à votre appel. Que vous laisse la réponse du gouvernement ?

Saïdou Zangré : Notre conférence de presse du 13 janvier était effectivement un plaidoyer pour rappeler au gouvernement, les mesures sociales de 201 3-2014 prises par le gouvernement passé qui consistent aussi à faire des prêts aux commerçants. Nous profitons donc de votre espace pour remercier le gouvernement du lieutenant-colonel Yacouba Isaac Zida pour avoir répondu diligemment et favorablement à notre requête. C’est vrai qu’au départ, c’était 5 milliards pour le secteur informel et qu’aujourd’hui, on est à 4 milliards 500 millions mais ce n’est déjà pas mal et nous les félicitons pour cela. Le gouvernement a dit que la première tranche des bénéficiaires pourra entrer en possession de leur crédit d’ici à fin avril 2015. C’est vrai que le besoin total est de 317 milliards 291 000 000 millions ; tout le monde ne peut donc pas avoir. Mais, l’essentiel est qu’on puisse donner ces prêts-là aux vrais acteurs qui évoluent dans le secteur informel. Tout comme aux acteurs au niveau des femmes également.

Lefaso.net : Comment l’information a été accueillie, quand on sait que beaucoup de choses ont été dites sur le sort à réserver à ce projet ?

Saïdou Zangré : En tout cas, au niveau des états-majors, l’heure est à la sensibilisation et aux partages d’informations pour que les gens sachent que le gouvernement a répondu favorablement et que ceux qui auront la chance d’avoir ces prêts doivent les rembourser.

Lefaso.net : Le gouvernement vous a-t-il rencontrés pour des instructions particulières ou autres actions à entreprendre ?

Saïdou Zangré : J’ai eu la chance, avec les présidents d’autres associations, d’assister à la conférence de presse du gouvernement, représentants les bénéficiaires de ces mesures. Nous pensons que le fait que le gouvernement nous ait convié à cette conférence, c’est pour que nous puissions aussi avoir des informations crédibles pour nos membres sur le terrain.
Le gouvernement a dit qu’il va mettre en place un plan de communication pour expliquer les contours de ces mesures sociales et surtout insister qu’il s’agit de prêts et non de dons. Il a donc souhaité que nous aussi, au niveau de nos structures, nous puissions passer l’information. Même si le gouvernement ne nous avait pas demandé ce travail, il est de notre devoir de rencontrer ceux-là qui ont déposé leur dossier au niveau de nos structures respectives pour leur dire que le gouvernement a décidé de reprendre les guichets spéciaux et d’insister sur le fait qu’il s’agit de prêts et non de dons. Par conséquent, ceux-là qui auront la chance d’avoir cette première tranche doivent vraiment rembourser. Et comme le gouvernement l’a si bien dit ; il ne peut pas satisfaire tout le monde, il y a le système financier décentralisé qu’il va impliquer pour d’autres dossiers.
Et comme nous l’avons toujours dit, les Fonds nationaux seuls ne suffisent pas pour financer l’économie informelle. Nous pensons qu’il serait souhaitable que le gouvernement implique les institutions de micro finances, les institutions bancaires pour qu’elles puissent trouver des produits adaptés à ces acteurs. Quand vous prenez le guichet spécial où la somme allouée est comprise entre un million et 50 millions ; ça exclu beaucoup d’acteurs déjà parce que la majeure partie de ceux qui sont dans le milieu ne demandent que moins que cette somme. C’est pourquoi, nous avons dit à l’époque qu’il était plus judicieux de financer les associations et elles, à leur tour, allaient s’organiser pour le financement à l’interne.
Mais comme vous le savez aussi, il y a des associations qui ne fonctionnement pas. Ce qui fait qu’il faut être dans une association pour avoir le prêt.
Donc, il faut que le gouvernement réfléchisse déjà par rapport à ce nombre qui n’a pas les moyens et qui ne demandent pas beaucoup non plus (ils veulent en-deçà de un million).
C’est pourquoi nous avons dit qu’au niveau des Fonds nationaux (en ce qui nous concerne, c’est le Fonds d’appui au secteur informel, FASI), le gouvernement pouvait profiter de ces mesures sociales pour revoir les taux d’intérêt à la baisse à ce niveau durant cette période et voir dans quelle mesure également y injecter de l’argent pour que ceux qui ne pourront pas bénéficier des mesures sociales puissent y déposer rapidement pour bénéficier des prêts à ce niveau. C’est pour que tout le monde, du plus petit au plus grand, puisse bénéficier des mesures. Si c’est procéder ainsi, vous verrez qu’en cinq ans, on aura un réel changement, parce que les gens vont payer les impôts, les taxes, créer de l’emploi, etc.

Lefaso.net : A vous suivre, ceux qui ne demandent que moins d’un million sont plus nombreux que ceux qui demandent plus…
Saïdou Zangré :
Ceux qui ont besoin de moins d’un million pour décoller sont plus nombreux que ceux qui en veulent plus. Quand vous prenez les marchands ambulants, nombreux ne demandent que 100 mille francs FCFA. La plupart des gérants de kiosque ne veulent que 300 à 500 mille FCFA.
Quand vous prenez ce nombre, même si c’est par région, on fait une mesure sociale pour financer ces acteurs, avec un milliard, on peut facilement financer un nombre très important. Ces acteurs sont plus importants. Nous avons tous commencé par-là avant d’être ce que nous sommes aujourd’hui ; donc, je préfère défendre ceux-là que ceux qui sont déjà grands.

Lefaso.net : Le gouvernement a insisté sur le fait qu’il s’agit d’un prêt et non d’un don. Vous avez également, lors d’un entretien que vous avez accordé à un journal de la place en septembre dernier, vous attiré l’attention des uns et des autres sur l’importance de ne pas faire l’amalgame. Y avait-il une confusion quelque part ?

Saïdou Zangré : Je pense que certains n’avaient pas bien compris quand le gouvernement lançait les guichets spéciaux ; ils pensaient que c’était de l’argent cadeau qu’on voulait donner ou qu’on voulait récompenser des amis politiques. Effectivement, dans cette interview en question, j’ai même dit, et je le répète, que ceux qui ont dit de ne pas rembourser ne nous veulent pas du bien parce que, si les gens se sont intéressés, c’est par rapport aux montants, au taux d’intérêt et à la durée. Donc, il faut remercier le gouvernement passé et celui actuel qui a compris que ce secteur a besoin d’un financement. A l’époque, nous avons même organisé un panel pour permettre aux techniciens du ministère de l’économie et des finances de nous expliquer ce que c’est que « guichet spécial ». Ils ont donc donné une communication et insisté sur le fait qu’il s’agit bien de prêt. Et j’ai l’habitude de dire aux gens que c’est l’argent de l’Etat, on ne peut s’amuser avec. Donc, il ne faut pas que les gens fassent des amalgames par rapport à cela. Ce sont des prêts et nous, nous sommes prêts à accompagner le gouvernement à récupérer ces prêts. C’est un devoir pour nous parce qu’en principe, chaque président d’association qui va bénéficier de ce Fonds, doit même créer un comité de gestion pour contrôler ce crédit à l’interne afin de se rassurer que tel ou tel autre membre de sa structure à commencer à rembourser. On n’a pas besoin d’attendre que l’Etat vienne convoquer un membre, il faut bien que les structures soient les premiers à gérer en interne ces fonds par un suivi régulier. Il ne faut pas aussi que le gouvernement donne l’argent puis croise les bras ; il faut qu’il y ait un œil regardant là-dessus. Les associations bénéficiaires doivent même former leurs membres sur comment gérer un crédit. Il faut communiquer beaucoup, il n’y a pas de honte à cela. Comme le gouvernement a dit, la liste des bénéficiaires sera publiée. C’est une très bonne chose parce que, si on affiche ton nom, tu ne vas pas t’amuser avec le prêt contracté.

Lefaso.net : Vous aviez, au cours de cette même rencontre avec la presse, demandé au gouvernement de voir comment solder les dettes internes pour éviter aux PME/PMI de tomber en faillite ; quelle est la situation à ce jour ?

Saïdou Zangré : A ce niveau également, on peut se réjouir parce que le gouvernement a pris l’engagement de solder ses dettes qui s’élèvent à environ 200 milliards. Depuis la conférence de presse, nombreux nous disent que les choses évoluent dans le bon sens. C’est pour dire que le gouvernement prête une oreille attentive aux préoccupations des populations. C’est comme nous l’avons dit, nous traversons une période difficile au niveau de l’économie et si le gouvernement paie la dette interne, vous verrez que les choses vont bouger. D’ailleurs, ces derniers temps, on sent que à commence à bouger et c’est vraiment bien pour la vie économique nationale et il faut féliciter et encourager le gouvernement à poursuivre dans cette lancée.

Lefaso.net : Quel peut être votre message aujourd’hui à l’endroit du gouvernement et de vos membres ?
Saïdou Zangré :
Nous sommes dans une transition et il va falloir que chacun apporte sa contribution pour le bien de la Patrie.
Nous avons également souhaité que le gouvernement puisse revoir les textes au niveau de certains Fonds nationaux (FASI, FAIJ, FAPE, FBDES) surtout en ce qui concerne les garanties que ces fonds demandent. Si ces réformes sont faites pour permettre de mieux financer les associations du secteur informel et celles des professionnels, en tenant compte de la caution solidaire, de nombreux gens pourraient vraiment accéder à ces outils. Il y a également les délais à revoir car il y a une lenteur à ce niveau pour le traitement des dossiers. S’il faut déposer un dossier pour attendre six mois, voire une année, ce n’est pas efficace.

Lefaso.net : Que faut-il comprendre par « caution solidaire » ?
Saïdou Zangré :
C’est l’exemple d’une association qui demande dix millions pour ses membres. Elle n’a pas besoin de garantie, juste le récépissé (puisqu’elle est officiellement reconnue), pour répartir entre ses membres. Et quand c’est comme cela, tous les membres bénéficient, y compris les plus petits et le remboursement est très facile et peut se faire même en une année.

Lefaso.net : Vous souhaiterez donc des réformes à certains niveaux ?

Saïdou Zangré : Nous disons qu’il faut relire les textes de la Chambre du commerce. Vous savez, il y a une commission chargée du secteur informel mais qui est gérée par des opérateurs économiques. Et nous, quand nous disons que nous préférons une chambre de commerce du secteur informel comme la chambre de l’agriculture, chambre des métiers, des mines, c’est parce que les vrais acteurs sont « défavorisés », ils ne peuvent pas par exemple voter (parce que la condition première c’est d’avoir un registre de commerce). Pourtant, la majeure partie que vous voyez, qui contribue pour 40% à l’économie n’a pas de registre de commerce.
Il y a un ensemble d’efforts faits mais beaucoup reste encore à faire. Au niveau de la Maison de l’Entreprise par exemple, on note de nombreux efforts pour promouvoir l’entreprenariat mais on peut toujours revoir encore les conditions de création d’entreprise individuelle car, nombreux n’ont pas les moyens.
Nous avons suggéré à l’époque de faire en sorte que les marchands ambulants, par exemple, puissent avoir une carte professionnelle. Tu peux être un ambulant qui brasse des millions mais comme la personne n’est pas dans le dispositif réglementaire, ça ne profite pas. C’est pourquoi nous avons demandé qu’on trouve une carte professionnelle pour ces petits commerçants du secteur informel. La loi dit que quand le service d’impôt vient pour imposer, il doit en principe vous donner une carte. Chaque fois, on réclame cette carte mais on ne l’a jamais. Nous demandons donc qu’on fasse en sorte que celui qui ne peut pas créer son entreprise au niveau de la Maison de l’Entreprise puisse avoir une carte professionnelle qui prouve que lui aussi, il travaille et voilà ce qui l’atteste. Sinon, les cartes de membre de nos associations seules ne suffisent pas, il faut une carte officielle.

Entretien réalisé par Oumar L. OUEDRAOGO
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