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Afrique : Un développement sur brûlis

Publié le mardi 15 mars 2005 à 07h39min

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En Inde, la conscience citoyenne est si aiguë qu’il est difficile de violer impunément les droits des populations. Une multinationale célèbre pour sa boisson gazeuse en a fait l’amère expérience en tentant d’abuser des ressources hydriques d’une localité. Pour fabriquer un litre de cette boisson, il faut utiliser quatre litres d’eau.

Avec l’ensemble des usines en marche, il faut environ un million de litres d’eau par jour. Un tel "pompage" ne peut qu’avoir des répercussions sur la nappe phréatique. Et c’est ce qui s’est passé. La baisse du niveau des nappes s’est accompagnée d’un assèchement des forages et d’autres types de catastrophes naturelles.

Cette multinationale aurait pu pendant longtemps piller les maigres ressources hydriques de la région, contribuant ainsi à assoiffer les populations et à compromettre leur agriculture, s’il n’y avait eu un mouvement de protestation conduit par des femmes. Formant des chaînes humaines autour des usines voleuses d’eau, elles ont contraint les autorités à regarder l’affaire de plus près.

En Inde, la société civile se donne les moyens de ses actions. Grâce à une expertise poussée, elle a démontré les torts commis contre l’environnement et a porté plainte. La justice, face à un argumentaire très convaincant, n’a pu qu’ordonner l’arrêt de l’exploitation des réserves d’eau par les groupes internationaux qui se font des bénéfices en compromettant l’avenir de générations entières.
Leçon de cette lutte des femmes indiennes : le développement humain durable est d’abord l’affaire des citoyens. Les grandes industries aux slogans écologistes, les sommets à n’en pas finir et les professions de foi des dirigeants ne sont que poudre aux yeux, face à la triste réalité que l’on observe.

Le problème de la pollution, notamment en Afrique, est le dernier des soucis des décideurs. L’essentiel est que l’usine coupable soit généreuse envers certaines personnes placées au "bon" endroit. Combien de pays africains ont-ils fait l’inventaire de l’eau consommée par les unités industrielles, du préjudice causé à la population et de l’impact sur les ressources aquifères ?

La rhétorique sur le développement durable n’est que de façade au regard des paradoxes que présentent les processus de développement en Afrique. Car en même temps que l’on égrène les actions initiées en faveur du développement durable (d’ailleurs avec la bénédiction des bailleurs de fonds), on pose des actes qui révulseraient tout défenseur de la nature.

A la limite, les gouvernements africains se font complices de pilleurs et de prédateurs des ressources naturelles comme on le voit avec, par exemple, l’exploitation anarchique des forêts ou la pêche illégale dans les côtes africaines. A l’image de ces cultivateurs qui incendient la brousse pour en faire des champs, les acteurs du développement détruisent tout sur leur passage, sans prendre le soin d’assurer la prennité de la nature. Tout comme ces paysans qui, quelques années après, doivent chercher d’autres forêts, pratiquer d’autres brûlis.

Certes, sous la contrainte de certains pays et organisations, des clauses sur la protection de l’environnement sont inscrites dans les contrats d’investissement.

Mais une fois l’usine installée, plus personne ne se préoccupe de savoir si les normes en matière environnementale sont respectées. Même pas ces associations dites écologiques ou de protection des consommateurs qui foisonnent mais qui restent curieusement inactives. Elles ne cessent pourtant d’aller de réunions en réunions, à travers le monde, où la notion de développement durable est largement discutée.

Il semble donc que la prise de conscience et de responsabilité ne soit pas encore bien ancrée en Afrique. En ce sens, des femmes indiennes qui, à mains nues, ont réussi à faire fléchir un géant mondial de l’industrie des boissons gazeuses, constituent un exemple d’engagement citoyen. Au lieu de laisser uniquement leur destin entre les mains des pouvoirs publics dont certains sont corrompus, elles se sont lancées dans un combat (celui de David contre Goliath), qui a fini par payer.

Le Pays

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