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Le Burkina Faso de Michel Kafando. Chronique d’une transition « d’exception » (29)

Publié le mardi 6 janvier 2015 à 01h31min

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Le Burkina Faso de Michel Kafando. Chronique d’une transition « d’exception » (29)

« Qu’il soit bien entendu, et que cela soit bien clair, il n’y aura pas de place pour les contestations injustifiées, parce qu’on se dit que c’est dans l’air du temps ». L’avertissement solennel du Président de la Transition, Président du Faso, Président du Conseil des ministres, lors de son message de Nouvel An sera-t-il bien perçu par les Burkinabè qui, après avoir viré du pouvoir Blaise Compaoré et son équipe, entendent ne pas se laisser conduire par des hommes et des femmes qui n’ont pas les moyens de leurs ambitions ?

Ce message de Nouvel An exprime, dans le même temps, un certain malaise au sein de l’exécutif. Trop de complaisance, au lendemain de « l’insurrection populaire » vis-à-vis des revendications exprimées pêle-mêle par la rue, et aujourd’hui un débordement qui s’étend jusqu’à Wemtenga, la route Ouaga-Komsilga et la Nationale 5. Du même coup, Michel Kafando, qui rappelle qu’il a pris « l’engagement de conduire le pays vers une démocratie modèle », menace de recourir à des « méthodes dures et arbitraires ». Cette transition, manifestement, ne sera pas facile à mener dans la sérénité.

La faute à quelques hommes pas très clairs. « L’affaire Adama Sagnon » avait été rondement menée. Le ministre de la Culture et du Tourisme avait dû, tout simplement, renoncer à son portefeuille. Avec « l’affaire Moumouni Dieguimdé », la situation est plus délicate. C’est sa moralité qui est mise en question ; mais aussi la gestion, depuis son arrivée, du ministère des Infrastructures, du Désenclavement et des Transports (cf. LDD Burkina Faso 0475/Jeudi 1er janvier 2015). Et la défense de Dieguimdé, lors de la conférence de presse du dimanche 28 décembre 2014, aura contribué bien plus à enfoncer le ministre qu’à le sauver, malgré le déploiement de deux pickups de CRS et la présence à ses côtés de collaborateurs, directeurs de différents services au ministère.

Pire encore, les journalistes burkinabè ont entrepris, avec le concours de ceux qui, au sein du ministère, veulent la peau du ministre, de sortir les dossiers qui dérangent. Et notamment ceux de Wemtenga, de la route Ouaga-Komsilga et de la Nationale 5. Wemtenga, c’est le quartier où se trouve la résidence privée du chef de l’Etat, la route Ouaga-Komsilga est celle qui conduit à son champ et c’est sur la Nationale 5 que se trouve le temple de la Mission biblique internationale d’intercession et d’évangélisation (MBIIE) à laquelle appartient le Premier ministre. Ces trois sites auraient fait l’objet d’aménagements passés dans le cadre de marchés de gré à gré. Pas de quoi bouleverser, financièrement, le budget de l’Etat : il s’agit de travaux de voirie et de ralentisseurs.

Mais la transition est intransigeante et ces travaux hors normes suscitent bien des commentaires. D’autant que la réponse de Dieguimdé, en conférence de presse, n’était pas probante. « Dans les normes, avant que le Président du Faso, le Premier ministre et le président du CNT prennent fonction, le ministre des Transports que je suis doit s’assurer, de concert avec leurs hommes de sécurité, que les lieux qu’ils fréquentent habituellement, sont exemptés de tout danger et de tout obstacle de manière à compromettre leur sécurité. C’est la règle partout dans le monde. Vous en convenez, cette situation est arrivée brusquement. On a attiré mon attention sur ce fait quand je suis arrivé. Et je vous informe que nous allons commencer les travaux chez le président du CNT également. Il y va de la sécurité des personnes que nous avons choisies pour conduire notre destinée pendant la transition ».

« Il n’avait pas été convaincant dans sa réponse » jugera la presse burkinabè qui posera donc la même question, sur ces mêmes aménagements, au ministre de l’Economie et des Finances, Jean-Gustave Sanon, lors de son point de presse le mardi 30 décembre 2014 consacré, lui, au budget 2015. « En ma qualité de ministre de l’Economie et des Finances, répondra Sanon, je n’ai pas encore été saisi pour un tel dossier. Si le cas se produisait, je ne manquerais pas de rappeler les textes en vigueur en la matière. Et je défie quiconque de m’apporter des preuves sur la passation d’un tel marché. Mais pour ce que je sais, j’ai entendu des discussions au sein de l’équipe gouvernementale sur combien pourrait coûter un tel projet. Mais un marché n’a pas été passé pour la réalisation de ce projet ».

Pas simple de mettre en place une équipe toute neuve, peu expérimentée en matière politique et administrative, alors que la pression de la rue est permanente et que les médias entendent jouer à fond la carte de la transparence. Plus encore quand cette équipe est nécessairement hétérogène et qu’aucun programme de gouvernement n’a été véritablement établi si ce n’est que la période de transition s’étale au total sur douze mois et qu’en fin de parcours il faudra avoir organisé les élections présidentielle et législatives. Une « gageure » a même dit le chef de l’Etat, Michel Kafando, dans son message du Nouvel An. C’est pourquoi il a « convié […] tous les partis politiques et les organisations de la société civile, en un mot les forces vives de la Nation […] à aider le gouvernement dans son engagement et sa détermination ».
Dans cette perspective, il va recevoir les différents responsables le mardi 6 janvier 2015. C’est aussi pour cela, dans le cadre de « l’inclusivité » que prône la « charte de la transition », « et dans celui de la réconciliation nationale » qu’il a décidé, « par mesure de clémence, de lever la suspension à l’encontre des partis politique frappés par cette décision, décision qui leur sera bientôt notifiée par arrêté ministériel ». Cette décision du premier ministre, prise mi-décembre 2014, était apparue, effectivement, anachronique dès lors que les partis de l’ex-majorité (CDP et ADF-RDA) sont membres à part entière du Conseil national de transition (CNT).

Après la rencontre avec les « forces vives », le 6 janvier, ce sera, le mardi 13 janvier 2014, la réunion du Groupe de contact international chargé de « constater les éléments visibles de la programmation définitive que nous allons bientôt arrêter pour les divers scrutins ». Qui, aux dires de Michel Kafando, devraient être organisés « dès le début du mois d’octobre 2015 », les questions en suspens étant celles du « couplage » des élections et l’autre, plus « épineuse », de la participation aux scrutins des Burkinabè de l’étranger.

Le chef de l’Etat, dans son message de Nouvel An, a également abordé les questions liées à la justice dans l’attente des « Etats généraux de la justice » qui doivent décider « une profonde réforme du système et des procédures judiciaires ». En ce qui concerne « l’affaire Thomas Sankara », il a été « décidé de donner des moyens à sa famille pour procéder aux travaux de prospection de sa tombe ». Concernant « l’affaire Norbert Zongo », « nous faisons table rase du passé. Le dossier est réouvert [sic] avec de nouveaux hommes, en l’occurrence un nouveau procureur nommé seulement hier ». Enfin, il a annoncé que des audits ont débuté dans les administrations publiques et parapubliques. « A terme, a-t-il précisé, il s’agira de blanchir ceux qui, suite à l’examen de leur gestion, n’auront rien à se reprocher, de restituer à l’Etat les biens recélés, de poursuivre les coupables, et tout cela par la procédure judiciaire ». Pas sûr que l’administration apprécie d’être d’emblée considérée comme coupable jusqu’à ce que sa gestion soit « blanchie » par la justice !

La transition prend ses marques. Non sans difficultés ; mais comment pourrait-il en être autrement compte tenu des conditions dans lesquelles cette équipe a accédé au pouvoir ? Non sans tensions non plus, même si elles n’apparaissent pas encore toutes au grand jour : il est des décisions prises avec trop de précipitation par l’un qui sont ainsi remises en question par l’autre. Il reste le poids des mots qui, parfois, pèse lourd dans le discours de l’exécutif, qu’il s’agisse de la présidence de la transition ou du chef du gouvernement. Mais, là encore, tout devrait se rôder au fil des jours qui passent. Enfin, il faut l’espérer !

Jean-Pierre BEJOT
La Dépêche Diplomatique

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Vos commentaires

  • Le 5 janvier 2015 à 17:08, par MALKA En réponse à : Le Burkina Faso de Michel Kafando. Chronique d’une transition « d’exception » (29)

    bonjour et meilleurs voeux de bonne année 2015.Pour ma part je demande à tous les Burkinabè d’être patients et laisser les autorités de la transition faire leur travail et attendre au moins l’heure du bilan qui ne saurait tardé (octobre novembre 2015).Si le bilan est négatif on pourrait dénoncé et si c’est positif on les félicitera au nom du vaillant peuple.De grâce je réitère ma demande de les faire confiance et les laisser travailler AFIN QUE LA FIN DE LA TRANSITION NE NOUS SURPRENNE TOUS.

  • Le 5 janvier 2015 à 17:40 En réponse à : Le Burkina Faso de Michel Kafando. Chronique d’une transition « d’exception » (29)

    C’est simplement surprenant et décevant d’arriver au Pouvoir de la manière et vouloir menacer les gens et mater (si je l’ai bien compris) les contestations. Ce n’était pas des paroles d’un sage ni d’un rassembleur. Nous ne sommes pas sauvés. Dommage...

  • Le 5 janvier 2015 à 17:47, par Wendkuny ZONGO En réponse à : Le Burkina Faso de Michel Kafando. Chronique d’une transition « d’exception » (29)

    Dirigeants du Faso, RESPECTEZ LE PEUPLE !
    Michel Kafando, tel que cela apparait de plus en plus clairement, ne semble pas maitre de ses actions. MENACER son peuple dans un message de nouvel an, cela est très déplacé. Est-ce de l’amateurisme (ce qui prendrait à contre-pieds tous ceux qui croyaient en lui), ou, est-ce des propos dictés.
    Ces menaces nous rappellent encore l’ère Compaoré avec des propos sulfureux comme ceux d’Alain Edouard, Gilbert Ouedraogo, & co.
    Je me pose plusieurs questions parmi lesquels voici quelques unes :
    -  Les personnes contestées par le peuple, sont elles des faussaires ou pas ?
    -  Kafando et son Premier ministre veulent t-ils nier, ou ignorer l les faits reproches a ces derniers ?

    Le peuple ne contestent pas tout le monde, il conteste des individus, et non sans preuve.

    Dirigeants du FASO, RESPECTEZ LE PEUPLE

    IL FAUT que kafando et le premier ministre relisent l les pages récentes de l’histoire de ce pays . Le peuple n’a pas reculé au péril de sa vie pour expulser l’ex-pensionnaire de Kossiam. Est-ce que les menaces marchent ? Posez la question a Assimi Kouanda & consort.
    le peuple veut la JUSTICE, L’INTEGRITE ET l’EQUITE dans la gestion de l’état. C’est cela qui garantie la stabilité.
    Car comme le dit Chinua Achebe. ‘’ Le test le plus certain de l’intégrité, c’est son absolu refus d’être compromis’’
    Il y a pas de mais………………. qui tienne !

    RESPECTEZ LE PEUPLE, Dirigeants du FASO

  • Le 5 janvier 2015 à 21:38, par sory aboubacar En réponse à : Le Burkina Faso de Michel Kafando. Chronique d’une transition « d’exception » (29)

    <>

  • Le 6 janvier 2015 à 08:47, par ni En réponse à : Le Burkina Faso de Michel Kafando. Chronique d’une transition « d’exception » (29)

    BIEN DIT. TRÈS BELLE CONCLUSION

  • Le 6 janvier 2015 à 17:36, par Blaise revient... En réponse à : Le Burkina Faso de Michel Kafando. Chronique d’une transition « d’exception » (29)

    au secours blaise revient des saprophytes sont en train de détruire les acquis engrangés au profit de leur coreligionnaires...on s’achemine lentement mais surement vers un conflit à la Centrafrique...

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