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Mali 2014. Un diplomate tunisien et onusien à la tête de la Minusma.

Publié le lundi 22 décembre 2014 à 16h45min

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Il y a eu à Dakar la première édition du Forum international sur la Paix et la Sécurité en Afrique (cf. LDD Mali 0167/Jeudi 18 décembre 2014), puis à Nouakchott le premier sommet des chefs d’Etat et de gouvernement des pays participant au processus de Nouakchott sur l’opérationnalité de l’architecture africaine de Paix et de Sécurité dont le thème était : « Un espace sécurisé pour un développement global ».

Dans la capitale mauritanienne, hormis le président Mohamed Ould Abdel Aziz, président en exercice de l’Union africaine, il y avait les chefs d’Etat du Burkina Faso, du Mali, du Sénégal et du Tchad. Ibrahim Boubacar Keïta, Macky Sall et Idriss Déby étaient également présents au forum de Dakar. Pour Michel Kafando, Président de la Transition, Président du Faso, Président du Conseil des ministres, c’était une première sur la question sécuritaire régionale (ses premières sorties internationales ont été pour la Francophonie, à Dakar déjà, puis pour le sommet de la Cédéao, à Abuja). L’occasion pour lui de revenir sur la scène diplomatique malienne, alors qu’au lendemain de sa nomination il avait affirmé que le Burkina Faso n’avait pas de temps à consacrer à la poursuite de la médiation menée par Blaise Compaoré au nom de la Cédéao. « Nous continuerons d’assister le Mali à la résolution de sa crise même si sur le plan interne le pays a du pain sur la planche » vient-il d’affirmer à son retour, lors d’une conférence de presse visant à fixer ses priorités pour 2015.

C’est dire que le Mali revient dans les agendas de l’UA, de la Cédéao et de la communauté internationale après quelques mois de flottement. A un moment crucial pour le Nord-Mali. Kidal vient de perdre une figure emblématique. Intalla Ag Attaher, aménokal, chef traditionnel de l’Adrar des Ifoghas depuis 1962, ancien député, 87 ans (il serait né vers 1927), est mort hier, jeudi 18 décembre 2014. Intalla Ag Attaher, malgré l’âge et la maladie, gardait une influence considérable sur les populations de la région de Kidal*. Il n’avait pas apprécié que son fils, aujourd’hui son héritier, Alghabass Ag Intalla** ait rejoint Ansar Dine et Iyad Ag Ghaly. C’est pourquoi le fils obéissant va créer le 24 janvier 2013, le Mouvement islamique de l’Azawad (MIA) et sera signataire de « l’accord préliminaire de Ouagadougou » (18 juin 2013) au titre du Haut conseil pour l’unité de l’Azawad (HCUA).

Dénonçant la « colonisation des Bambara », appelant, « dans un premier temps », à « une large autonomie de l’Azawad, une grande autonomie comme celle des Kurdes en Irak », il considérait que le MNLA souffrait d’avoir « beaucoup de porte-parole », chacun ayant sa propre vision des choses, et expliquait que la proximité, sur le terrain, entre les terroristes et les Touareg posait nécessairement problème : « C’est juste que si vous créez un problème interne comme ça, ça ne finit jamais. Les gens qui savent où vous dormez la nuit, où vos animaux sont gardés, ils savent où vous habitez. Il n’est pas bon de créer un conflit avec ces gens. Je pense que vous pouvez gérer le terrorisme au niveau international. Mais vous ne pouvez pas vous y opposer à votre propre niveau ».

C’est dans ce contexte que le nouveau chef de la Minusma va prendre ses fonctions. C’est le Tunisien Mongi Hamdi qui a été nommé officiellement à ce poste le vendredi 12 décembre 2014. Il prend donc la suite du Néerlandais Bert Koenders. Mongi Hamdi était depuis le 29 janvier 2014 ministre des Affaires étrangères dans le gouvernement de Mehdi Jomâa.

Un diplomate tunisien, haut fonctionnaire des Nations unies, comme patron de la Minusma alors que le dossier du « dialogue inter-malien » est entre les mains de l’Algérie, cela ressemble à l’amorce d’un axe diplomatique africain Alger-Tunis qui ne manquera pas d’étonner les uns et d’agacer les autres (dont Rabat). D’autant que la Tunisie, confrontée elle aussi à des actions terroristes aux frontières avec l’Algérie et la Libye, et à la montée en puissance (et en nuisance) des salafistes, n’a guère eu le temps de se préoccuper de la situation prévalant dans la bande sahélo-saharienne (BSS), loin de chez elle d’ailleurs.

L’impression est que tous les œufs du « dialogue inter-malien » sont mis dans le même panier. D’autant plus que le très onusien Mongi Hamdi est proche du ministre algérien des Affaires étrangères, Ramtane Lamamra, qui a été en poste à New York et à Washington : les deux hommes se tutoient. Il aura fallu deux mois pour remplacer Koenders, le premier patron de la Minusma. C’est sans doute que le choix d’un successeur était délicat et que les candidats compétents ne se sont pas empressés de proposer leurs services. On laisse même entendre que ce n’est que quelques jours avant sa nomination officielle que le job a été proposé à Mongi Hamdi. Mais, à la veille des fêtes de fin d’année et de la reprise du « processus d’Alger », annoncée pour janvier 2015, il y avait urgence.

Mongi Hamdi est né le 23 avril 1959, à Sidi Bouzid, la ville du centre de la Tunisie d’où est parti le « printemps arabe » (le ministre a participé, dans cette ville, le mercredi 17 décembre 2014, aux cérémonies du 4è anniversaire du déclenchement de la « révolution de jasmin »). Diplômé de l’Ecole nationale d’ingénieurs de Tunis (1982), Mongi Hamdi a poursuivi ses études à l’université de Californie du Sud (1988) ; par la suite, il décrochera un diplôme d’économie et de gestion à Harvard (1996). En 1988, il sera recruté par le secrétariat des Nations unies à New York pour suivre les affaires économiques et sociales. De 2001 à 2013, il sera en poste à Genève, toujours aux Nations unies. Il dirigera le secrétariat de la Commission de la science et de la technologie pour le développement, sera chef du cabinet du secrétaire général de la Cnuced, puis directeur de la planification stratégique et de la coordination au bureau du secrétaire général de la Cnuced. On le dit intéressé par le développement économique et social des pays du Sud, affichant « une profonde compréhension des différentes sensibilités impliquées dans de nombreux sujets liés à cette question ». Ce serait, par ailleurs, un homme de consensus. Il ne s’est pas exprimé publiquement, en tant que ministre des Affaires étrangères, sur le dossier malien ; mais est préoccupé par la détérioration de la situation de la Libye, pays frontalier, qui ne peut être solutionnée, dit-il, que par la voie politique. Il souhaitait aussi renforcer la présence diplomatique tunisienne en Afrique subsaharienne : 6 ambassades devaient ainsi être créées.

A Bamako, il va découvrir que la Minusma va mal. Mauvais moral après les pertes humaines enregistrées au cours des derniers mois. Hervé Ladsous, secrétaire général adjoint des Nations unies chargé des opérations de maintien de la paix, dit d’ailleurs qu’il va lui falloir être « plus proactive sur le terrain ». Il évoque « une nouvelle phase » avec la nomination de Mongi Hamdi et, prochainement, d’un nouveau commandant des forces. Il ajoute : « La mobilité est la clé de tout » ; c’est pourquoi il veut de nouveaux équipements, notamment blindés et 4 x 4.

* Souvent caractérisé comme un « rassembleur », Intalla Ag Attaher savait jusqu’où il fallait ne pas aller trop loin (ce qui fait que, parfois, on l’a considéré comme un allié de Bamako), sans jamais renoncer cependant à affirmer sa différence ; d’où son soutien au MNLA en 2012 après avoir estimé qu’il avait été trahi par les autorités de Bamako auxquelles il avait livré des « parents » qui seront par la suite exécutés.

** La noblesse de la naissance d’Alghabass Ag Intalla lui a permis de tisser des liens privilégiés avec les familles régnantes du golfe Persique, notamment avec les dirigeants du Qatar. Quadragénaire, député à l’Assemblée nationale avant le déclenchement de la « guerre », il va soutenir le MNLA puis s’allier à Ansar Dine et rejoindre Iyad Ag Ghaly après que le colonel Alaji Ag Gamou, commandant de la zone militaire de Kidal, ait entrepris de ratisser la ville du Nord-Est du Mali pour l’expurger des « terroristes ». Réfugié dans les collines d’Abeïbara, il ne reviendra dans son fief qu’après sa reconquête par Ansar Dine, en mars 2012, alors qu’Alaji Ag Gamou avait pris la fuite.

Jean-Pierre BEJOT
La Dépêche Diplomatique

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