LeFaso.net, l'actualité Burkinabé sur le net
Proverbe du Jour : “Soyez un repère de qualité. Certaines personnes ne sont pas habituées à un environnement où on s’attend à l’excellence.” Steve jobs

Le respect du droit à un environnement sain dans l’exploitation minière au Burkina Faso

Publié le vendredi 19 décembre 2014 à 12h00min

PARTAGER :                          
Le respect du droit à un environnement sain dans l’exploitation minière au Burkina Faso

Le Burkina Faso connaît un boom minier ces dernières années. La production en or du Burkina est passée de 5,8 tonnes en 2008 à 42,4 tonnes en 2012. Avec cette croissance du niveau de production, le Burkina est devenu le quatrième producteur d’or en Afrique après l’Afrique du Sud, le Ghana et le Mali. Une relecture de la législation minière au Burkina Faso a conduit à l’adoption d’un code minier le 8 mai 2003.

Ce nouveau code a pour objectif d’attirer les investisseurs étrangers en leur offrant des avantages fiscaux. Le secteur aurifère est celui qui s’est le plus développer et l’or est devenu le premier produit d’exportation du Burkina. On dénombre huit grandes mines d’exploitation industrielles et de nombreux sites d’exploitation artisanale de l’or au Burkina Faso. Parlant des sites d’exploitation industrielle, il s’agit de Taparko dans le Sanmatenga, de Youga dans le Boulgou, de Mana dans les Balé et le Mouhoun, de Kalsaka dans le Yatenga, de Inata dans le Soum, de Essakane dans l’Oudalan,de Bissa Gold S.A dans le Bam et de la petite mine STREMCO SA (Guiro) dans le Séno. Cependant il faut relever que l’exploitation des ressources du sous-sol, au-delà des retombées économiques et financières, a des conséquences désastreuses à long terme sur notre environnement et sur notre qualité de vie. De ce point de vue, l’exploitation minière met à mal notre droit à un environnement sain.

Le droit de l’environnement à un environnement sain est un droit humain. En effet la Déclaration universelle des droits de l’homme dispose que : « Toute personne a droit à un niveau de vie suffisant pour assurer sa santé, son bien-être et ceux de sa famille, notamment pour l’alimentation, l’habillement, le logement, les soins médicaux ainsi que pour les services sociaux nécessaires (…) ». La Constitution Burkinabè garanti de façon expresse le droit à un environnement sain à son article 29 qui dispose que : « le droit à un environnement sain est reconnu : la protection, la défense et la promotion de l’environnement sont un devoir pour tous ». Le code de l’environnement en son article 5 dispose que « Toute personne a le droit à un environnement sain. A cette fin, elle peut porter plainte devant les autorités administratives ou judiciaires compétentes afin de faire cesser les nuisances générées par les activités qui troublent la tranquillité, portent atteinte à la sécurité ou à la salubrité publique. L’administration est tenue de répondre à sa requête ». Cet article va plus loin que la Constitution en donnant le droit de saisine à toute personne victime des nuisances dues à la violation du droit à un environnement sain.

Outre la Constitution, il existe de nombreux textes œuvrant pour une protection des populations riveraines des sites d’exploitation industrielle de l’or ainsi que des salariés de ces sociétés. Ces différents textes juridiques auraient du permettre un encadrement de l’activité minière au Burkina Faso et une prise en compte des parties prenantes dans la gestion des activités. Mais force est de constater qu’au Burkina Faso, il nait toujours des troubles dans les localités abritant ces sites. Ces différents troubles sont dus au non respect du droit à un environnement sain tant la cohérence de la triptype environnement-social-économie est laissé pour compte par des investisseurs résolument engagé dans la recherche sauvage et effrénée de profit.

Les investisseurs miniers ayant acquis des permis d’exploitation s’engagent à respecter les obligations qui lui sont soumises en vertu du code minier et du contrat type sur le permis d’exploitation. Les crises recensées dans les localités où sont implantées les sociétés minières de KALSAKA, d’ESSAKANE et plus récemment d’INATA sont dues au non respect des obligations ou du moins des engagements de ceux-ci à mettre l’homme comme une fin dans le développement de leurs activités. La mise en œuvre du droit à un environnement sain aurait dû permettre à ces investisseurs de participer à la croissance du pays en gardant comme boussole la durabilité et la viabilité. Ceci aurait assuré que les populations locales et les travailleurs aient une vie socialement acceptable après la fermeture de la mine. D’ailleurs, le plan de gestion environnementale, élaboré dans le cadre de l’étude d’impact environnement social, sert de document d’orientation pour garantir cette durabilité dans l’action est prévu et budgétisé. Mais, la réalité est tout autre. Le suivi et le contrôle des obligations et engagements des sociétés minières laissent souvent à désirer au point où ce sont les populations et/ou les travailleurs qui doivent prendre leur responsabilité. Mais force est de constater que cette étape est souvent occultée ou mal réalisée.

Le droit à un environnement sain des populations riveraines de ces sites implique le droit à un logement décent, l’accès à l’eau potable, à l’éducation, à la santé et à des centres de loisirs notamment lors de leur « déguerpissement » et de leur réinstallation dans d’autres localités. Malheureusement, le constat faire ressortir, à plus ou moins long terme, que la relocalisation des populations locales conduit à état de paupérisation dont les effets peuvent conduire à de « petites insurrections » dont l’effet d’entrainement se fait déjà ressentir çà et là. Par exemple lors de l’implantation de la mine de KALSAKA en 2003, une étude portant sur l’évaluation des champs qui seraient impactés par le projet a été réalisée. Cette étude a recensé 179 champs couvrant une superficie totale de 292 hectares, concernant 136 exploitants originaires de KALSAKA et de trois villages voisins.

Ces populations ont été indemnisées et les sommes ont été versées sur une période de cinq ans. Notons que la législation Burkinabè ne prévoit pas de modalités précises d’évaluation des indemnités. Les promoteurs calculent ces indemnités qu’ils reversent aux populations. Les populations ayant cédées leurs terres et par la même leurs moyens de subsistances risquent de se retrouver, après cette période, sans revenus. La meilleure solution (solution à long terme) serait d’accompagner ces producteurs à poursuivre leurs activités dans les localités où ils se réinstalleront. Ce fut l’objet de revendications des riverains des sites de POURA et d’ESSAKANE en 2006 (meilleures conditions sanitaires de logement).

Les promoteurs ont aussi des obligations en vers leurs salariés. Ces obligations sont contenues dans la législation du travail, de la sécurité sociale et les règles de santé publique. En effet l’utilisation de certaines substances nocives telles que le mercure et le cyanure dans le processus d’extraction, les effets des machines utilisées, l’inhalation à forte dose de la poussière qui se dégage peuvent affecter de façon irrémédiable la santé des employés et des populations riveraines. Les grognes permanentes des salariés de ces entreprises minières montrent à souhait les difficultés que ceux-ci ont à faire entendre raison à leurs responsables. Avec un code du travail, pratiquement acquis aux employeurs et au nom du prétendu « bon salaire » du travailleur minier, l’Etat en spectateur partisan ne fait grand-chose pour arranger les choses.

Au Burkina Faso, les populations ne bénéficient pas des retomber financières de l’exploitation de leurs ressources naturelles. En effet l’on peut juger que les parts qui reviennent à l’Etat au sein de ces sociétés sont faibles (la Déclaration de politique minière prévoit une part de 10% pour l’Etat) et les taxes et redevances reversées au niveau du Trésor public sont minimes par rapport aux bénéfices engendrées par l’exploitation surtout quand ces différentes sociétés sont souvent exonérées de leurs impôts (40,983 milliard de F CFA soit 1,1% du PIB en 2012). Cela ajouté à la violation de leur droit à un environnement sain et la réduction de leur qualité de vie entrainent des crises dans les localités abritent ces sites pouvant aller jusqu’à la suspension des activités de l’industrie.

Il faut à ce titre, saluer l’interpellation et les propositions faites par le RENAPEE (Réseau National pour la Promotion des Evaluations Environnementales), quant à la relecture du code minier, de la réalisation et du suivi des études d’impact environnementales et la réévaluation des parts entre les différents actionnaires y compris l’Etat. Ceci étant, il faut garder à l’esprit que le droit ne peut tout faire.

Sans une volonté politique réelle et une société civile engagée, le plus beau des codes miniers ne servira à rien. Espérons que l’affermissement de la consciente collective ayant connu un moment historique avec l’insurrection populaire fasse tache d’huile et contamine positivement les domaines vitaux permettant aux burkinabè d’être traités dignement.

Nafissatou Stella ZEBA
Membre du Cadre d’Action des Juristes de l’Environnement
cajeburkina@yahoo.fr ou zebastella@gmail.com

PARTAGER :                              

Vos commentaires

  • Le 19 décembre 2014 à 17:03, par Alexis En réponse à : Le respect du droit à un environnement sain dans l’exploitation minière au Burkina Faso

    Bravo Stella. Gardons le cap dans la promotion du droit de l’environnement burkinabè.

  • Le 19 décembre 2014 à 17:12, par IB En réponse à : Le respect du droit à un environnement sain dans l’exploitation minière au Burkina Faso

    Entièrement d’accord avec toi Zeba par rapport aux conditions de travail, l’environnement, la faiblesse de la part de l’Etat etc ; là où le bas blesse c’est que personne ne parle de ce que l’Etat a déjà perçu comme dividende de la part des sociétés minières. Même si on est d’accord que la part de l’Etat est faible, il faut chercher à savoir ce que fait l’Etat avec ce qu’il a déjà perçu. Sinon même si les sociétés minières donnaient tout leur bénéfice à l’Etat on fera le même constat. C’est pour cela que l’ITIE a été créée. Savez vous que l’Etat a perçu plus de 600 milliards ces 4 dernières années (2010-2011-2012-2013) des sociétés minières et personne n’a demandé ce que l’Etat en a fait avec de façon palpable. C’est là toute la problématique. Donc je pense que tout en luttant pour obtenir une augmentation des parts de l’Etat, sachons où rentre ce que nous avons déjà perçu.
    Par ailleurs, le volet environnement est très important comme tu le dis. Là où l’Etat pêche est au niveau de l’orpaillage qui détruit plus l’environnement que les sociétés minières industrielles parce qu’elles au moins mettent en place un fonds de restauration de l’environnement. c’est la société civile qui doit vérifier que ces fonds sont effectivement mis en place et qu’il soit effectivement utilisé pour restaurer l’environnement après la fermeture de la mine. Par contre personne ne contrôle l’orpaillage lui-même n’en parlons pas des aspects environnementaux. Les orpailleurs peuvent détruire une centaine d’hectare en un temps record et disparaitre pour aller saccager un autre site. L’Etat doit prendre ses responsabilités en renforçant le personnel pour le contrôle et la gestion de tout ça.

  • Le 19 décembre 2014 à 23:27, par michel prieur En réponse à : Le respect du droit à un environnement sain dans l’exploitation minière au Burkina Faso

    vous soulevez ici trois points très interessants. le vide juridique sur le calcul de l’indemnisation, le code du travail à pousse les travailleurs dans un ravin et les 10% comme part de l’Etat. nos autorités feraient mieux de saisir l’occasion pour se pencher sur ces aspects. merci pour votre article

  • Le 20 décembre 2014 à 01:37, par Invincible En réponse à : Le respect du droit à un environnement sain dans l’exploitation minière au Burkina Faso

    Merci Nafi,

    Je profite pour mettre le pied dans le plat et je souhaite que votre prochain ecrit s’appesentisse sur la recevabilite environnementale du Code Minier en cours de revision dans sa version 2014 abandonne par la Ve Republique entre Kosyam et le Parlement. Voici 4 faits saillants :

    1. Le Code manque de model type de convention de developpement communautaire
    2. Le Code manque egalement de plan de fermeture type, pour parler environnement
    3. Les services competents sont debordes et n’ont pas la capacite humaine, ni materielle de suivre la mise en oeuvre et la surveillance environnementale et sociale.
    4. Le Code n’impose aucune norme de gestion environnementale (EMS)

    Si a 5 mines on est deborde, et a 10 voir 15 mines ? que vont-ils faire ?

  • Le 20 décembre 2014 à 09:10, par Bamas En réponse à : Le respect du droit à un environnement sain dans l’exploitation minière au Burkina Faso

    Madame Zeba,

    Votre article est pertinent, il l’est d’autant plus qu’il traite d’un élément crucial et déterminant dans la survie de chacun des Burkinabè pris individuellement. Je suis dans le domaine de la QHSE (Qualité Hygiène Sécurité et Environnement). Quand on voit les les innombrables textes de lois aussi bien nationaux qu’internationaux (Code de l’environnement, Code minier et même le Déclaration Universelle des Droits de l’Homme et les Décrets) qui stipulent la protection de l’Environnement et que ici particulièrement au BF, le Ministère de l’Environnement ne fait rien pour que ces lois soient appliquées, c’est tout simplement écœurant, triste et pitoyable pour ces élus de l’Etat chargés de veiller sur ce patrimoine commun qu’est l’Environnement. On pourrait se demander s’ils comprennent ce que c’est que l’Environnement, et s’ils savent définir un écosystème n’en parlons pas protéger ces écosystèmes. C’est triste, il n’y a aucune Evaluation Environnementale digne de ce nom, assortie de sanctions, sur les différents sites d’exploitation et d’exploration de mines et carrière au BF, personne ne passe contrôler ces Installation Classées pour la Protection de l’Environnement (ICPE) tels que les dépôts de carburants et autres substances chimiques, les laboratoires, les industries de fabrication utilisant des matières dangereuses, qui sont de véritables sources de pollution. Les industries polluent, sans se soucier de sanctions, puisqu’il n’y en aura aucune. Le pire s’est la liberté d’utilisation du cyanure sur les sites d’orpaillage, des personnes sans connaissance aucune en Santé ni en Environnement qui utilisent des produits comme ils veulent et rejettent ensuite les déchets dans les cours d’eau riverains. Dommage ! Parlant de Plan de Gestion Environnementale et Sociale (PGES) il faut que les populations chassent qu’aucune société minière ne peut obtenir un permis d’exploitation s’il n’a pas montré son engagement à protéger l’environnement durant son exploitation. Ces engagements sont traduits dans le PGES, et on y voit concrètement les actions à entreprendre pour protéger l’Environnement. Alors, que les populations chassent qu’ils peuvent porter plainte contre une société qui ne respecte pas ses engagements, il suffit que les autorités de ladite localité demande à consulter le PGES de ladite société pour voir ce qu’elle a promis de faire et ne le fait pas réellement. Mais j’en veux à l’Etat, pour avoir délaisser ces populations et son Environnement à la merci de ces pilleurs pour la plupart étrangers, qui ne pointeront plus jamais le nez ici au Faso, quand les ressources à exploiter seront épuisées, laissant les pauvres villageois sans repères et avec des nappes et terres polluées. L’avenir nous dira si oui ou non ses retombés des mines ont servi au Développement Durable (DD). Rappelons que le DD est par définition un Développement qui permet de répondre aux besoins des générations présentes sans compromettre les générations futures à répondre aux leurs. C’est un développement où il y’a un équilibre en l’Economique, le Sociale et l’Environnement. Le Burkina est 4 ème producteur d’or en Afrique ne voudrait rien dire si cette exploitation n’a pas pris en compte les besoins de la Société et la protection de l’Environnement. Tous ce qui compte c’est la recherche effrénée du profit pour l’actionnaire, comme pour honoré à la théorie de l’économiste néolibéralisme Milton Friedmann. J’observe, mais je ne vois rien de Durable dans ce genre de développement, où nos ressources en eaux de surface comme souterraines sont/seront polluées, où nos sols sont/seront appauvris, ou la qualité de l’air est en chute libre, où nos forets disparaissent, où la faune est menacée, où la biodiversité est menacée, où etc...etc...

    Je lance un appel au Ministère de l’Environnement tout comme Madame Zeba, pour qu’il se réveille car "la protection de l’Environnement ne se limite pas a des activités de reboisement dans les périphéries de Ouagadougou"

  • Le 20 décembre 2014 à 19:33, par O.S.E.Kirsi En réponse à : Le respect du droit à un environnement sain dans l’exploitation minière au Burkina Faso

    Votre contribution est salutaire et nous vous soutenons pour d’autres actions similaires. Bon vent au Cadre d’Action des Juristes de l’Environnement

  • Le 21 décembre 2014 à 10:29, par TAIWAN En réponse à : Le respect du droit à un environnement sain dans l’exploitation minière au Burkina Faso

    Merci pour cette contribution et nous somme d’accord avec vous pour se battre pour que ces societes soit une benediction pour le BURKINA et non une malediction. Le souci ici c’est que ces societe sont des prete nom et aussi il faut tous simplement nationalizer ces societes pour le bonheur des populations riverains car il est evident que si ces societes sont du domaine public le souci du bien etre environnementale, economique et sociale serait resolu. NA LARA AN SARA

  • Le 26 février 2015 à 23:35, par Deon Doolette En réponse à : Le respect du droit

    Les contrats pour l’avenir ont

 LeFaso TV
 Articles de la même rubrique
Burkina Faso : Le canadien Endeavour vend deux mines d’or