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Dissolution de la Banque pour le financement de l’agriculture(BFA) : J’ACCUSE la Commission Bancaire de l’UMOA

Publié le jeudi 18 décembre 2014 à 13h32min

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Dissolution de la Banque pour le financement de l’agriculture(BFA) : J’ACCUSE la Commission Bancaire de l’UMOA

La Commission Bancaire de la BCEAO, la Banque centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest, aurait-elle cherché à livrer le gouvernement ivoirien à un lynchage public qu‘elle ne se serait pas prise autrement. Ainsi, le sort rendu à la BFA, la Banque pour le financement de l’agriculture, en Côte d’Ivoire, par le retrait de l’agrément mettant fin à ses activités, en porte manifestement les velléités.

Est-il admissible de décider de la sorte du sort de 130 familles (le personnel) et de plus de 30 000 clients ? Le motif, provoqué, d’une hypothèse de risque systémique, aux termes du communiqué du Ministère ivoirien de l’Economie et des Finances rendu public, le 30 septembre 2014, à ce propos, et qui présageait d’une liquidation en pure perte, même adossée aux avatars encourus (dettes structurelles), a-t-il jamais paru si peu probable qu’aucun rapport d’audit ne l’a montré ou démontré. J’accuse, pour ma part, la Commission Bancaire d’avoir favorisé et créé le conditionnement à cet effet.

Toutefois, face à ma résilience, convient-il de rappeler l’état de la BFA, jusqu’au retrait de l’agrément, que l’organe de surveillance prudentiel a caché au gouvernement ivoirien et à l’ensemble de la communauté de l’espace UMOA, l’union monétaire ouest-africaine.

En effet, au 31 décembre 2010, l’établissement accusait un total bilan passif de 42,254 milliards, et sur lesquels 35 milliards de dépôts de clients, et un total bilan actif de 42,254 milliards dont 40 milliards de créances douteuses (soit 95% du jamais vu !!!).

Cette situation, logiquement, a débouché sur un manque criant de liquidités qui ne permettait plus à l’établissement de vivre et de poursuivre son activité de crédit. En effet, d’un côté, des déposants dans l’impossibilité de disposer de leurs avoirs et, de l’autre, des créances douteuses dont le montant excède largement les dépôts ; ces créances douteuses, ici, sont essentiellement constituées de prêts accordés à des personnes morales ou physiques politiquement exposées, sans possibilité de générer le moindre intérêt au profit de la Banque. J’accuse la Commission Bancaire.

Autre fait ahurissant : déjà, au 31 décembre 2009, les dirigeants de la BFA et l’Etat ivoirien avaient convenu d’une opération des plus étranges, à savoir la cession à l’Etat de 36 milliards desdites créances douteuses dont l’Etat était déjà propriétaire en sa qualité d’actionnaire principal (92% du capital social ), avec une décote de 20%, soit un peu plus de 4 milliards, alourdissant davantage et, inutilement, des résultats déjà déficitaires. Etait-ce là la réponse au problème de liquidités posé ? Assurément non ! La COBA en porte responsabilité.

Autre détail des plus croustillants de cette opération : le portefeuille ainsi cédé contenait des créances que la BFA détenait sur ses propres dirigeants. La COBA le savait, et cependant, n’a élevé le moindre rappel à l’ordre. Pourquoi ? Elle seule peut l’expliquer aujourd’hui, d’autant que ce processus de défaisance s’est étalé sur quatre années, de 2006 à 2009. Tel qu’il apparaît donc, la BFA était, sans aucun doute, condamnée à déposer son bilan. J’en accuse la COBA.

A l’évidence, cette pratique, peu orthodoxe, qui confrontait les règles de déontologie et de l’éthique financières ainsi que la gouvernance d’entreprise bancaire, livrait, dès lors, l’établissement à l’aventurisme technique, et hypothéquait fatalement et, sans rémission, son avenir.
J’en accuse la COBA.

La mesure de retrait de l’agrément fût salutaire, si elle n’emportait pas là une tendance au cynisme technocratique !

Par ailleurs, si l’on s’en tient aux normes prudentielles édictées, la COBA, en tant que docte assemblée, peut-elle certifier que toutes les banques sur la place de l’UEMOA respectent les ratios de gestion imposés ? En dépit de sa situation, la BFA avait toujours honoré ses engagements de compensation jusqu’à la cessation de ses activités. Cela, la COBA ne pouvait pas l’ignorer non plus.

Et puis, confortons notre analyse par l’hypothèse inverse : en supposant que ces 40 milliards de créances douteuses ne l’étaient pas, et devraient générer, en produit net bancaire, au moins 4,8 milliards par an, au taux de 12% au profit de la Banque ; ce qui aurait couvert la totalité des charges d’exploitation, estimées à 4,5 milliards. Quid de la viabilité ?

En février 2014, dans les colonnes de Fraternité Matin, nous exprimions des réserves sur la capacité de l’instance communautaire de contrôle prudentiel de la Banque centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest(BCEAO) à assurer, avec efficacité, les missions de régulation à elle assignées par la Conférence des chefs d’Etat et de Gouvernement de l’Union monétaire ouest-africaine(UMOA).

Nous y craignions que ne s’y opère à la COBA quelque collusion à tous les étages (de production de rapports) et que l’on ne vienne, un jour, à conclure que des « erreurs humaines » sont à l’origine des faiblesses constatées, notamment son indépendance et la transparence dans son fonctionnement, conformément à ses prérogatives. D’autant que les bruits qui en émanent ne sont point rassurants.
Nous y suggérions même que la Commission Bancaire, un peu comme l’antivirus, le rempart de l’ordinateur contre les programmes malveillants, se remette dans son rôle, car l’on redouterait, à la fois, des « procédures taillées sur mesure », l’arbitraire, au bouc-émissaire, en somme.

A l’initiative du centre d’études et de formation économiques et bancaires de la BCEAO(CEFEB), conjointement avec l’Agence de transfert de technologie financière(ATTF) du Luxembourg, un séminaire sur la « Gestion des risques bancaires » s’est tenu du 13 au 17 octobre 2014, à Dakar, au Sénégal(*).

Au nombre des conclusions, le séminaire de Dakar a recommandé la refonte du dispositif prudentiel en adoptant, pour l’UMOA, les normes édictées par Bâle II et Bâle III, et souligné la nécessité de doter la Commission Bancaire d’un mécanisme de contrôle et de surveillance prudentiel « rénové et renforcé », en vue d’un « contrôle bancaire efficace », tel que préconisé par le Comité de Bâle.
Il n’est que temps, grand temps, que les Autorités politiques de l’espace communautaire de l’UMOA se penchent sur le « cas Commission Bancaire et son cadre structurel ». Celles-ci pourraient, par exemple, s’inspirer du modèle français en la matière. Car, lorsqu’il s’agit des sanctions, les autorités monétaires et de surveillance prudentielle y puisent, mais pour le reste, font valoir leur autonomie à imprimer la marche qu’elles entendent conférer au fonctionnement de la Commission Bancaire.

En effet,en France, l’autorité de régulation, dénommée « Autorité de contrôle prudentiel et de résolution(ACPR) », mise en place depuis le 21 juin 2010, chargée, entre autres, de l’agrément et du contrôle des établissements bancaires et des organismes d’assurance, veille à la préservation de la stabilité financière et à la protection des clients, des banques, des assurés et bénéficiaires des contrats d’assurance. Elle est une autorité indépendante. Elle a en son sein un organe juridictionnel autonome, appelé à connaître de tous litiges qui lui sont soumis (…).

Faut-il craindre, inexorablement, une dérive vers l’artificialisation de la réglementation bancaire ? En tous les cas, le cas BFA de Côte d’Ivoire en est un signe avant-coureur. Et La question fait intra-muros grand débat dans les milieux de la banque et du marché de crédit.

C’est pourquoi, sans paraître cette grande illusion, la COBA, depuis sa mise en place le 24 avril 1990, à Ouagadougou (Burkina), et le renforcement de son cadre institutionnel, par la convention signée, le 20 janvier 2007, à Lomé(Togo), devrait se préparer à faire face aux enjeux et défis de la transparence, la rationalisation des conditions de banque et de la (bonne) régulation bancaire. Car, il y va de l’émergence de l’espace UEMOA. Plutôt que cela, elle s’adonne, à tout crin et, piteusement, à du spectacle (de mauvais goût) sur la scène ivoirienne.

Par Fousseni N’GUESSAN(*)
Journaliste
foussensyllaz@yahoo.fr

Notes :
*Poniatowski, Michel, in Lettre ouverte au président de la République, Editions Albin Michel, Collection Lettre ouverte, 1983, 201 pages.
*in Conclusions séminaire sur « Gestion des risques et Bâle II », CEFEB-BCEAO, Dakar, Sénégal, octobre 2014
*Cissé, Cheickna Bounajim, in Banquet de la gouvernance bancaire : comptes et mécomptes(Les Afriques N° 233 du 28 février 2013), repris, le 20 octobre 2013, par la revue Culture & Croyances, le 25 octobre 2013, par Les Echos (édition hebdomadaire, rubrique Economie) et le 13 octobre 2013, par Financial Afrik.
*in Les Afriques, pages 16-18, octobre 2014
*in Le patriote N° 4430, page 11, 4 septembre 2014
*Fraternité Matin (Communiqué, Fédération des associations professionnelles des banques et établissements financiers des Etats membres de l’UEMOA (FAPBEF-UEMOA)/BCEAO, appel d’offre pour la réalisation d’une étude aux fins de déterminerle mode de calcul harmonisé du meilleur taux débiteur au niveau des établissements de crédit*, page 30), 17 octobre 2014
Fousseni N’Guessan*

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Vos commentaires

  • Le 18 décembre 2014 à 15:38, par Yaa Fohiey En réponse à : Dissolution de la Banque pour le financement de l’agriculture(BFA) : J’ACCUSE la Commission Bancaire de l’UMOA

    Banque, c’est pas sentiment, mon frere ! Les banques ne sont pas des agents du developpment meme si elles accompagnent le developpement, c’est pour se taper du fric. Si dans le tapement de fric le developpment a lieu, c’est accidentellement. Arretez de pleurnicher. Une banque, ca ne prete que a celui qui peut repayer ? C’est clair ?

  • Le 18 décembre 2014 à 16:13, par Grand frère57 En réponse à : Dissolution de la Banque pour le financement de l’agriculture(BFA) : J’ACCUSE la Commission Bancaire de l’UMOA

    Enfaite Yaa Fohiey, c’est dommage de prendre tous les sujets à la légère tu n’apprendra rien. Et puis pour rendre ce forum intéressant il faut une animation d’un certain niveau et un peu de recule sur les sujets abordés. C’est te dire que tu fais une analyse très limitée, lapidaire et vraiment pas instructif. Enfaite le choix est claire : soit du te tais et tu attends les réactions des autres pour prendre de la graines avant de réagir timidement sur un thème qui vous depasse manifestement, soit tu la ferme et tu paraitra moins bête.

    Merci

  • Le 18 décembre 2014 à 17:26, par tcheba200 En réponse à : Dissolution de la Banque pour le financement de l’agriculture(BFA) : J’ACCUSE la Commission Bancaire de l’UMOA

    Il sera bien que les réactions sur le forum soit pour un échange enrichissant. Et souvent on peut s’abstenir de commenter des sujet qui manifestement nous dépasse. Chaque que vous intervenez posez vous la question : qu’est ce que j’apporte aux autres. Le sieur Yaa foyei, si tu te taisais tu paraitrais moins limité.

    Donnons nous de la hauteur sur le sujets, creusons ensemble pour un forum animé est riche. Sinon à la longue des gens qui ont des analyses pertinentes, trouverons que ce n’est pas la peine.

    De la part d’un grand frère parcequ’a te lire Yaa Foyei on se fait une très bonne idée de ton age. (age intéllectuel)

  • Le 18 décembre 2014 à 23:08, par awesse En réponse à : Dissolution de la Banque pour le financement de l’agriculture(BFA) : J’ACCUSE la Commission Bancaire de l’UMOA

    Fousseni N’GUESSAN pas facile de te lire !
    j’aurai aimé qu’ en tant que journaliste qui écrit, non dans une revue spécialisée, mais dans un journal d’informations générales, puisse être un peu pédagogique.

    En effet, tous tes lecteurs ne sont pas censés être au même niveau de culture que toi.La preuve, moi qui ai passé tant de temps au cabaret de Timpoko, ne comprend que dalle ! Tout ça pour dire qu’il ne faut point blâmer Yaa Fohiey.

    Il faut plutôt dire à N’GUESSAN qu’il y a des gens qui n’ont ni fait la Sorbonne ni William Ponty, qui auraient pu trouver là une occasion de s’instruire s’il avait pondu un article digeste.
    Sans haine ni rancune !!!!

  • Le 19 décembre 2014 à 17:05, par DROITAUBUT En réponse à : Dissolution de la Banque pour le financement de l’agriculture(BFA) : J’ACCUSE la Commission Bancaire de l’UMOA

    A grand frère et tcheba, vous n’apporter rien non plus à cette inquétude contrairement à monsieur ya fohi ! En effet, les banques tout comme d’autres investisseurs privés se soucient moins de cas sociaux que de leurs intérêts ; c’est donc les autorités publiques qui interviennent pour assurer l’équilibre et éviter que ces profiteurs n’arnaquent le peuple. C’est dans la même logique, s’il advient qu’un investisseur, en l’espèce ne peut plus tenir ses engagements face à ses créanciers de façon irrémédiable, il appartient à l’autorité publique d’intervenir pour l’expulser du système financier à temps, avant que ses dettes ne créent une crise à échelle plus étendue ; (rappeler vous de la crise financière de 2007 au USA) ; c’est donc ce qui a pu justiifier la dissolution de cette banque, qui fait mal à plusieurs familles, mais qui sauve toute la nation d’une crise financière ; dommage, mais nécessaire !

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