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La diplomatie parlementaire : un prolongement naturel

Publié le mardi 15 mars 2005 à 10h26min

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RMC Kaboré et son homologue du Gabon, Guy Nzouba Ndama

Après sa restauration en 1992, l’Assemblée nationale du Burkina, au-delà de ses missions principales que sont les votes des lois et de l’impôt, le contrôle de l’action gouvernementale, s’est résolument engagée dans la diplomatie parlementaire.

A l’instar du pouvoir exécutif, garant et gestionnaire traditionnel de la politique étrangère, le pouvoir législatif burkinabè a développé un concept novateur de diplomatie parlementaire. En effet, l’expression et l’usage de ce concept s’expliquent par l’intense activité internationale de l’Assemblée nationale depuis ces dernières années.

Quel sens recouvre alors la notion de diplomatie parlementaire ? Quelles sont ses manifestations ? Quel bilan, l’Assemblée nationale peut-elle établir de sa diplomatie parlementaire ?

Le dictionnaire Hachette Encyclopédie Edition 2000, définit la diplomatie comme « ce qui concerne les relations entre les Etats, l’art des négociations entre les gouvernements. » La diplomatie relève donc du domaine du pouvoir exécutif ; par extension, c’est l’apanage du gouvernement, et par restriction, le domaine réservé ou le pouvoir régalien du chef de l’Etat.

Avec Ali N. Diallo du Mali

Historiquement, le concept ou l’expression de la diplomatie parlementaire est née lors des assemblées générales de l’Organisation des Nations Unies, auxquelles prenaient part des élus de tous les Etats. Ainsi donc, la diplomatie parlementaire désignerait la diplomatie menée au sein des forums dans le cadre de l’assemblée générale des Nations unies.

Par opposition à la diplomatie traditionnelle qui est plus discrète, l’assemblée générale des Nations unies offre le spectacle d’un parlement où de nombreux représentants délibèrent en public (en se prononçant par voie de scrutin), dénoncent, approuvent ou interpellent tel ou tel gouvernement sur sa politique, ses prises de position, ses pratiques à l’intérieur de ses frontières nationales ou à l’étranger.

Selon Seydou Zagré, Directeur de cabinet du président de l’Assemblée nationale du Burkina, dans le mensuel « La Voix du Parlement » (N° 35-36 d’août - septembre 2001), la diplomatie parlementaire « de nos jours s’entend par l’action des parlements et des parlementaires sur la scène internationale, à travers les relations qu’établissent des parlements entre ou par le canal des organisations interparlementaires, ou des parlements communautaires ou régionaux, pour le renforcement des liens d’amitié entre les peuples, la coopération, la paix et la sécurité dans le monde. »

Mélégué Traoré et l’ancien Premier ministre ivoirien Affi N’Guessan

L’ancien président de l’Assemblée nationale, Mélégué Maurice Traoré, diplomate de formation lui-même, précise que « par style, la diplomatie parlementaire est faite de contacts directs, d’ouverture, de décontraction, de refus de tabous, de débats contradictoires. »

Les enjeux de la diplomatie sont énormes, et les subtilités immenses. Voilà, pourquoi, l’Assemblée nationale s’est affiliée à plusieurs organisations africaines et internationales parlementaires ; les plus importantes sont l’Union parlementaire africaine (UPA) et l’Union interparlementaire (UIP). Ces affiliations lui permettent de jouer pleinement la plénitude de son rôle en matière de politique étrangère.

Si traditionnellement, le parlement burkinabè ne s’intéressait qu’à l’octroi des crédits indispensables à l’action diplomatique de l’Etat sous l’égide du ministère des Affaires étrangères et dans une certaine mesure à la déclaration de guerre ou l’envoi des troupes nationales à l’étranger en cas de conflit, aujourd’hui, force est de reconnaître qu’il s’est engagé dans deux directions afin de soigner sa coopération bilatérale et multilatérale.

Sur le plan bilatéral, on a noté la mise en place d’une kyrielle de groupes d’amitiés parlementaires avec les autres peuples d’Afrique, ceux d’Europe, d’Asie et d’Amérique. Mieux, l’Assemblée nationale s’est dotée de groupes parlementaires, tous coiffés par un comité directeur placé sous la tutelle du président de l’institution.

Ce comité directeur qui se compose de huit groupes de travail est chargé de rendre plus dynamique la contribution ou la participation de l’Assemblée nationale à la vie des instances internationales parlementaires.

Au titre de cette coopération bilatérale, s’inscrivent les échanges entre parlements, la participation des présidents d’Assemblées africaines aux ouverture et clôture des sessions parlementaires burkinabè. On note également la formalisation de cette coopération interparlementaire par des échanges réguliers avec des parlements québécois, chinois, allemands, etc.

Au plan multilatéral, l’engagement du parlement burkinabè épouse parfaitement la constance de la Patrie des Hommes intègres en matière de politique d’intégration et de coopération internationale.

A cet effet, l’Assemblée nationale du Burkina est membres de plusieurs organisations comme :
- l’Union interparlementaire (UIP) ;
- l’Union parlementaire africaine (UPA) ;
- le Comité interparlementaire de l’Union économique et monétaire ouest africaine (CIP - UEMOA) ;
- l’Assemblée parlementaire de la Francophonie (APF) ;
- l’Assemblée paritaire Afrique, Caraïbes, Pacifique - Union européenne (ACP - UE) ;
- le Parlement de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) ;
- l’Union parlementaire des pays membres de l’Organisation de la conférence islamique (OCI) ; etc.

Parallèlement, cette diplomatie multilatérale s’étend aussi à un certain nombre de réseaux mis en place par les parlementaires burkinabè pour mieux coordonner leurs actions dans des secteurs sociaux bien précis ; on peut citer entre autres, le réseau des parlementaires burkinabè en matière :
- de population ;
- d’environnement ;
- de Sida ;
- d’habitat, etc.

Le grand déclic, la 106ème conférence de l’UIP à Ouagadougou

9 septembre 2001. Le Burkina Faso accueillait la 106ème conférence de l’Union interparlementaire (UIP).
Au départ, rien ne militait en faveur de la capacité du Burkina d’organiser cette conférence, même si sur d’autres plans, notamment le cinéma, l’art, la culture et le sport dont le FESPACO, le SIAO, la SNC et la CAN’98 constituaient depuis longtemps des références connues et respectées.

Le succès de cette conférence marqua davantage l’ancrage de la jeune démocratie burkinabè, et constitua nul doute, le prolongement d’une percée diplomatique exceptionnelle.

Ainsi donc, du 9 au 15 septembre 2001, Ouagadougou fut la capitale des parlements du monde. Le gigantisme et l’importance de cette conférence tenaient au fait que les assises de l’UIP sont ce que sont les assemblées générales de l’Organisation des Nations Unies (ONU) pour les gouvernements du monde. « Ouagadougou était devenu le New-York », disait un parlementaire burkinabè, car jamais, le pays au cours de son histoire parlementaire n’aura reçu autant de personnalités d’Etat et d’un niveau aussi élevé.

L’UIP est d’abord la voix des peuples du globe dans les affaires du monde ; les peuples aux noms desquels, les institutions agissent. Ensuite, l’UIP est la plus ancienne organisation internationale politique universelle à vocation générale et doit son poids au contenu de ses conférences, à savoir, formuler avant tout des réponses aux préoccupations et aux grands enjeux des sociétés d’aujourd’hui ainsiqu’à leurs incertitudes et interrogations.

Considérée à juste raison comme un déclic, la conférence de l’UIP est restée incontestablement une reconnaissance de l’audience internationale du Burkina ; d’ailleurs, on ne saurait mieux évaluer la politique étrangère d’un pays et les performances d’une diplomatie que par ses capacités à mobiliser les autres acteurs de la communauté internationale en sa faveur ou pour soutenir ses vues.

La conférence a permis de reconquérir la notoriété du pays, une notoriété malmenée par trois ans (1998-2001) de crise socio-politique, consécutive à l’assassinat du journaliste Norbert Zongo, le 13 décembre 1998.

Après l’UIP, s’en sont suivies plusieurs grandes rencontres ; les dernières en date étant le sommet extraordinaire des chefs d’Etat et de gouvernement de l’Union africaine sur l’emploi et la lutte contre la pauvreté les 8 et 9 septembre dernier et le 10ème sommet des chefs d’Etat et de gouvernement de pays membres de l’Organisation internationale de la Francophonie, les 26 et 27 novembre 2004.

RMC Kaboré et Romano Prodi

Il serait un truisme de dire que la diplomatie parlementaire burkinabè existe. En avril dernier, la 110ème conférence de l’UIP qui s’est déroulée à Mexico et à laquelle a pris part le président du parlement burkinabè, Roch Marc Christian Kaboré, a porté sur le thème : « Réconciliation et partenariat international ». Trois commissions permanentes avaient réfléchi sur le sujet ; la première s’est penchée sur la paix et la sécurité internationale, la seconde sur la question d’un environnement équitable pour le commerce international et la troisième sur la promotion de la démocratie parlementaire. Les conclusions de toutes ces réflexions ont été transmises aux gouvernements et parlements nationaux pour application.

Comme on le constate, de Bongnessan Arsène à Roch Marc Christian Kaboré en passant par Mélégué Maurice Traoré, la diplomatie parlementaire a toujours été une préoccupation des premiers responsables du perchoir.

Pratiquée par tous les pays mais avec une intensité et des modalités variables, la diplomatie parlementaire ne pourrait en être autrement, car dans le cadre de l’exercice normal de leurs mandats, les parlements sont de plus en plus appelés à s’intéresser à l’actualité internationale. Dans un monde globalisé, les questions débattues au sein des assemblées et les solutions esquissées revêtent généralement un caractère transnational.

Sans contester la prééminence du pouvoir exécutif dans la définition et la mise en œuvre de la politique étrangère, la diplomatie parlementaire burkinabè s’est progressivement affirmée sur la scène internationale. Elle s’inscrit en étroite symbiose avec la politique étrangère menée par l’exécutif dont elle constitue son prolongement naturel.

I. Zabsonré
Lefaso.net

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