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« Les conseils municipaux et régionaux étaient infestés de délinquants économiques et politiques », dixit Tahirou, président du PAREN

Publié le vendredi 5 décembre 2014 à 22h59min

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« Les conseils municipaux et régionaux étaient infestés de délinquants économiques et politiques », dixit Tahirou, président du PAREN

Sur l’insurrection populaire et la cascade de mesures qui s’en est suivie, ainsi que les échéances électorales de 2015, Tahirou Barry, le président du Parti de la renaissance nationale (PAREN), s’exprime. Comme à son habitude, le franc-parler est au rendez-vous. Lisez plutôt !

Lefaso.net : Quelle lecture faites-vous de l’insurrection populaire des 30 et 31 octobre 2014 ?
Tahirou Barry :
L’insurrection des 30 et 31 octobre derniers est la manifestation d’un ras-le-bol généralisé, d’une aspiration profonde du peuple, et surtout de la jeunesse, au changement. Blaise Compaoré qui était en fin de course et à bout de souffle, voulait trahir la volonté du peuple ; mais il a oublié que la volonté du peuple est sacrée. Celui qui veut ramer à contre-courant des aspirations populaires ne connaîtra que dommage et honte. En voulant mesurer la profondeur de l’eau avec ses deux pieds, Blaise Compaoré s’est noyé ; et cela servira de leçon aux autres dinosaures politiques qui continuent à narguer leurs peuples un peu partout en Afrique. La mémoire de ceux dont le sang a été versé lors des tragiques événements mérite d’être hautement honorée, ne serait-ce que par un monument car c’est une grande leçon d’humanité qui a été servie au monde entier !

Cette noyade, pour emprunter vos termes, était-elle prévisible ?

Depuis l’élection calamiteuse du président Compaoré en 2010 et face à la crise grave de confiance entre lui et son peuple, il n’était plus digne d’être à la tête du pouvoir. Pire en voulant trahir la volonté du peuple et en manœuvrant pour modifier la loi fondamentale à ses propres fins, il n’était plus légitime comme chef d’Etat. C’est ce message que nous nous sommes évertués à rappeler depuis plusieurs années ; mais on n’avait malheureusement pas été compris et cela nous a valu énormément d’ennuis et de désagréments.
Déjà en avril 2011, à l’occasion d’un meeting de l’opposition politique à la place de la nation, j’ai été de ceux qui ont demandé la démission du président Compaoré. Après l’adoption du sénat le 21 mai 2013, nous avons dénoncé, ce que nous avons qualifié d’« entêtement bovin du régime de la IVe république à aller contre la volonté du peuple ». En août 2013, nous avons appelé le peuple à la désobéissance civile. Et depuis le début de l’année 2014, vous avez vu les mobilisations populaires à l’appel de l’opposition politique. Pour nous, la situation qui est arrivé au président Compaoré, était bien prévisible.

Après la prise du pouvoir par l’Armée suite à la chute du président Compaoré, certains leaders de l’opposition politique avaient exigé à l’occasion d’un meeting le 2 novembre, le retrait du Lt-col Zida ? N’ont-ils pas eu qu’une peur bleue ?

Ce n’est pas une peur bleue. Face à la montée des incompréhensions au sein de l’opinion après la déclaration du lieutenant- colonel Zida, il fallait rencontrer les acteurs de l’insurrection et leur donner la position de l’opposition et de la société civile. Le meeting du dimanche 2 novembre n’était qu’un meeting d’information. J’étais à la place de la nation et nous avons réitéré notre appel à un transfert du pouvoir aux civils tout en rappelant le rendez-vous envisagé avec l’Armée pour la clarification de cette question.


Mais on a vu que la dynamique que l’officier a impulsée au processus, un collège de désignation dont vous avez été membre, a pu choisir le président de la transition. Parlez-nous du climat dans lequel s’est déroulée la désignation du président Michel Kafando.

Je dois d’abord dire que ma participation à ce collège, surtout en tant secrétaire de séance, est un honneur que mes collègues de l’opposition m’ont fait. Je tiens à les remercier pour cela. Ceci étant, c’est une mission noble que nous avons assumée avec responsabilité en mesurant tous les enjeux.
Le comité s’est réuni autour de 18h30 avec pour mission de désigner le président de la transition avant minuit. Finalement ce fut peu avant 4h du matin, donc après plus de 8h de travaux que le consensus a pu être dégagé sur la personne de Michel Kafando. Il y a eu des échanges francs et souvent vifs par moment.
Toutefois, l’ambiance était sereine. Et la virulence qu’il y a eue par moment, loin d’être mauvaise en soi, était l’expression d’une franchise et d’une grande foi en la cause noble et élevée de l’intérêt supérieur de notre nation. En tout cas, moi j’ai consciencieusement opéré le choix de la personnalité de la transition en pensant surtout à nos martyrs et à l’avenir du Burkina.

Qui est, selon vous, Michel Kafando, le président de la transition ?

C’est une figure importante de la diplomatie burkinabè et je pense que c’est en raison de sa parfaite connaissance des institutions nationales et internationales qu’il a bénéficié de la confiance du collège de désignation. Aussi, il ne ressort pas qu’il se soit compromis dans toutes les manœuvres du clan Compaoré pour sauter le verrou de la limitation des mandats présidentiels.
Mais il lui appartiendra de prouver très vite son aptitude au poste du président de la transition dans un contexte où les attentes légitimes du peuple sont très fortes et urgentes.

Par rapport à ces attentes justement, quelles sont, selon vous, les chantiers urgents de cette période transitoire ? Pouvez-vous décliner le schéma chronologique qui, selon vous, serait mieux pour la mise en œuvre de ces chantiers ?

L’urgence en moins d’un an est la reconstruction démocratique et la promotion de la justice dans tous les aspects de notre vie publique nationale.

Comment appréciez-vous la composition du gouvernement de la transition ?

Après avoir extirpé Monsieur Sagnon de l’équipe pour sa compromission dans la tragédie nationale qu’est l’affaire Norbert Zongo en tant que procureur, les ministres dans l’ensemble jouissent d’une certaine crédibilité ; et je pense que c’est ce qui est fondamental dans le contexte de la transition. Quant à leur efficacité, c’est à l’œuvre qu’on reconnaîtra l’ouvrier !

La dissolution des conseils municipaux et régionaux, était-elle, selon vous, opportune ?

Au-delà de la polémique juridique et du tort fait à certains conseils municipaux et régionaux sans reproche comme celui de l’arrondissement 4 de Ouaga, je pense qu’il faut voir dans l’acte de dissolution, une volonté de tout reconstruire sur des bases plus saines et transparentes. Les conseils étaient infestés de délinquants économiques et politiques. Dans cette situation, on ne doit plus se contenter de couper la mauvaise herbe. Il fallait la déraciner. C’est ce qui a été fait avec courage et je salue monsieur Zida pour cette ferme option. Aujourd’hui le plus important, c’est de veiller à ce que les délégations spéciales assument sainement les prérogatives dévolues aux organes élus qui ont été dissouts, afin d’accompagner sereinement le peuple dans sa marche glorieuse vers le renouveau.

Peut-on présager, selon vous, d’une campagne électorale non-violente en 2015 ?
Les Burkinabè ont beaucoup souffert et viennent de traverser de grandes épreuves qui les ont beaucoup aguerris. Cela a forgé en eux, une grande maturité. Quelle que soit la gravité des contradictions qui surgiront en 2015, on trouvera toujours les ressources nécessaires pour nous rappeler notre Histoire et éviter la déchirure et la violence.

Comment préparez-vous ces échéances électorales : présidentielle, législatives et municipales de 2015 ?

L’inhumation de nos martyrs intervenue, nous allons poursuivre l’installation de nos responsables régionaux et provinciaux à partir de ce dimanche 7 décembre. Notre pays a une opportunité de déverrouiller notre processus électoral afin que les élections reflètent la volonté réelle du peuple. Si l’environnement électoral est assaini, le PAREN sera à l’aise devant n’importe quel adversaire politique car nous avons foi aux valeurs que nous défendons. Nous rêvons d’un espace politique où le débat d’idée prévaudra afin que les citoyens se déterminent en leur âme et conscience. C’est un impératif fondamental, car le peuple a besoin qu’on lui dise toute la vérité au lieu de nous perdre dans des manœuvres politiciennes pour jouir du pouvoir et piller les richesses.

Entretien réalisé par Fulbert Paré
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