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Le Burkina Faso de Michel Kafando. Chronique d’une transition « d’exception » (8)

Publié le jeudi 27 novembre 2014 à 10h00min

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Le Burkina Faso de Michel Kafando. Chronique d’une transition « d’exception » (8)

L’avènement d’internet dans la vie politique des Etats fait que le nouveau cohabite désormais avec l’ancien. Si le site officiel de la présidence du Faso n’est pas accessible en ce moment, ceux de la primature et du Service d’information du gouvernement (SIG) le sont. Sur celui du premier ministre, on trouve donc encore le compte rendu du conseil des ministres du mercredi 29 octobre 2014. Pas encore un mois et, déjà, tout cela a pris un sérieux coup de vieux.

C’était à la veille de l’insurrection des Ouagalais et deux jours seulement avant la chute du régime de Blaise Compaoré ! Le décalage est encore plus impressionnant sur le site du SIG puisque le communiqué de la présidence du Faso sur lequel on tombe d’emblée date du vendredi 16 août 2013 quand Blaise Compaoré avait demandé à Luc Adolphe Tiao et à Arsène Bongnessan Yé « de convoquer dans les meilleurs délais le comité de suivi et d’évaluation de la mise en œuvre des Réformes politiques consensuelles ». Il s’agissait alors d’établir un « rapport d’étape circonstancié sur le processus d’opérationnalisation du Sénat avec des recommandations et propositions appropriées dans un esprit de consolidation des institutions républicaines », le président du Faso ayant pris en compte les « controverses et préoccupations qui traversent les différentes composantes de la société burkinabè ». Tout cela apparaît bien désuet aujourd’hui… !

Cela, c’était le Burkina Faso d’hier ; celui d’aujourd’hui est encore succinct. Pas de compte-rendu du conseil des ministres du lundi 24 novembre 2014, qui n’était qu’une prise de contact. Prise de contact, également, du PM avec le personnel de la primature. C’était le jeudi 20 novembre 2014, au lendemain de la nomination de Yacouba Isaac Zida en tant que chef du gouvernement. « Nous devons assurer la continuité du fonctionnement de l’Etat. Nous ne sommes pas là pour réaliser un programme politique donné. Nous allons donc continuer à veiller à ce que l’administration puisse fonctionner normalement et puis créer les conditions nécessaires pour l’organisation des élections en fin 2015 […] Je vous renvoie chacun à son poste en vous témoignant toute ma confiance. Je vous demande vraiment de vous remettre rapidement à la tâche ». Programme minimum donc et, jusqu’à présent, avec une équipe maintenue. Rien d’une « révolution » : il s’agit seulement de « poser des jalons » pour « ceux qui vont venir » en 2015. Les seules « réformes » évoquées par le Premier ministre concernent « la défense, la justice, l’économie et le secteur socio-éducatif ».

Est-ce à dire que ce sera le « changement dans la continuité », rien de plus ? Luc Marius Ibriga, dans L’Humanité (entretien avec Marc de Miramon, 13 novembre 2014), alors porte-parole du Front de résistance citoyenne au Burkina Faso, l’avait dit : « L’alternative ne peut venir des libéraux », le MPP (social-démocrate) et l’UPC (libérale) ne représentant qu’une « alternative minimale » et les sankaristes étant incapables, du fait de leurs divisions, de représenter une alternative « réelle ». Il se plaçait alors déjà dans la perspective des élections post-transition et militait pour un plafonnement des dépenses de campagne « pour éviter que ce soit l’argent qui fasse la différence ». Figure emblématique de la société civile, Ibriga disait que le rôle de celle-ci « n’est pas de gouverner, mais de constituer une veille, un contre-pouvoir ».

Cela tombe bien : un des premiers décrets du duo Kafando/Ziga, concerne la nomination de Luc Marius Ibriga comme contrôleur général d’Etat de l’Autorité supérieure de contrôle d’Etat (ASCE). Décret pris officiellement le dimanche 23 novembre 2014, dès après celui relatif au gouvernement. Un symbole ! De la prise en compte de la société civile à travers un de ses représentants les plus emblématiques, et de la volonté de l’exécutif d’accorder un rôle majeur au contrôle d’Etat. L’ASCE a été créée le 29 décembre 2007 « pour rationnaliser les organes de prévention de la corruption, jugés trop nombreux, aux compétences enchevêtrées ou redondantes et coûteuses en moyens humains, matériels et financiers ». La loi aurait du évoquer aussi l’inefficacité de ces « organes ». L’ASCE intervient à la demande du chef de l’Etat ou du chef du gouvernement et peut s’autosaisir ; elle reçoit les dénonciations des administrés, peut mener des investigations et saisir la justice et assure « le suivi de la mise en œuvre des politiques nationales de lutte contre la corruption ainsi que la coordination des activités menées dans ce cadre ».

Le premier contrôleur général d’Etat a été Henri Bruno Bessin. Cet économiste avait été secrétaire général de la présidence du Faso de 1987 à 1990 avant d’être en fonction en France (directeur de l’administration de l’Ecole internationale de Bordeaux et conseiller du directeur de l’Institut francophone des nouvelles technologies de l’information). Son bilan comme contrôleur général d’Etat n’a pas convaincu les journalistes burkinabè. « Les présumés détourneurs des ressources de l’Etat se la coulent douce » écrivait le quotidien privé Le Pays voici un an (5 décembre 2013) après que Bessin ait remis son rapport général d’activités 2012 au président du Faso.

Du 11 mai 2009 au 9 septembre 2012, 17 dossiers ont été introduits en justice mais le nom des « détourneurs » ne pouvait être révélé avant que le jugement ne soit prononcé. Pour le reste, l’argent détourné reste largement évaporé : 4 milliards de francs CFA pour la période 2009-2011 et seulement 44 millions de francs CFA, soit 1 % du total, recouvrés ! La défense de Bessin avait alors fait le tour des salles de rédaction : « Aucun dossier ne dort dans les tiroirs de l’ASCE ».

Le « cacique », comme ses collègues appellent Luc Marius Ibriga – prof de droit public à l’université Ouaga II (cf. LDD Spécial Week-End 0655/Samedi 15-dimanche 16 novembre 2014) – est réputé pour son franc-parler. A la veille de la présidentielle 2010, il avait dénoncé « la qualité médiocre de l’offre politique », la « politisation de l’administration publique », « la faiblesse de la démocratie sociale », « une croissance marquée par la polarisation des richesses ». « Le jeu politique devient un extra, c’est-à-dire quelque chose qui ne touche pas la vie des Burkinabè » d’où « le désenchantement des populations pour la démocratie qu’on avait présentée comme la solution miracle au mal burkinabè. Mais la démocratie n’a rien changé et ne profite qu’à une élite minoritaire ». Sa conclusion était sans appel : « L’élite politique actuelle ne semble pas répondre aux aspirations du plus grand nombre ».

Lutter contre la corruption, c’est une démarche d’assainissement à laquelle il faut sa part de publicité ; elle doit être judiciaire et visible. « Il y a des détournements de fonds publics. On connaît les auteurs. On sait que les enquêtes sont terminées. On ne comprend pas pourquoi, jusqu’à présent, des sanctions n’ont pas été prises », a déclaré Michel Kafando*, tout juste désigné président du Faso, faisant référence à Ousmane Guiro, incarcéré en janvier 2012 pour avoir détenu des milliards de francs CFA, chez lui, dans des cantines ! Près de trois ans plus tard, quid de Guiro ?

Rendre visible la lutte contre la corruption, c’est le job d’Ibriga qui n’entend pas mener une chasse aux sorcières et qui a tenu à rendre hommage au travail assuré jusqu’à présent par les fonctionnaires de l’ASCE, dénonçant seulement le manque de « volonté politique » pour que « justice soit faite ». « Il y a un travail qui a été fait. Si, déjà, le peu qui avait été fait par l’ASCE avait été utilisé et qu’on était allé au bout de la chaîne, je pense qu’on aurait abouti à cette lutte contre la corruption pour laquelle l’ASCE a été créée ».

* Entretien avec Abdoulaye Barry (Africable Télévision) et Albert Nagréogo (Radio Oméga), retranscription de Moussa Diallo, lefaso.net (samedi 22 novembre 2014).

Jean-Pierre BEJOT
La Dépêche Diplomatique

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Vos commentaires

  • Le 27 novembre 2014 à 14:10, par wendinmi En réponse à : Le Burkina Faso de Michel Kafando. Chronique d’une transition « d’exception » (8)

    Alors bon vent à Ibriga pour que nos deniers reviennent à leur place pour le bonheur du peuple burkinabè. Pas de complaisance. Même les caciques du MPP et autres qui sont camouflés comme Sagnon doivent payer. Surtout les collaborateurs CDP du MPP car ils ont une lourde part de responsabilité dans ce qui est arrivé aux Burkinabè pendant 27 ans. Hein Simon ! On va maintenant voter les caïlcédrats. Avez-vous toujours l’argent, les plus belles femmes et les belles maisons ? En tout cas nous nous sentons désormais chez nous à Ouagadougou. Simon ! et les parcelles de Joséphine de Boulmiougou ? N’es-tu toujours pas au courant, maintenant que l’heure de s’expliquer approche ? Nous devons tous rendre compte, même tous ceux de l’opposition qui y ont trempé d’une manière ou d’une autre. Anciens responsables du CDP, anciens ministres, anciens DG divers qui ont géré des deniers, anciens membres de la majorité, adjudicataires de marchés publics avec dessous de table, etc.
    Restons vigilants pour ne pas nous laisser berner. Gloire au peuple !

  • Le 27 novembre 2014 à 14:12 En réponse à : Le Burkina Faso de Michel Kafando. Chronique d’une transition « d’exception » (8)

    On dirait que notre ami Bejot est en train de retourner sa veste pour prendre le train de la transition. Bonne chance ooooh !

  • Le 27 novembre 2014 à 14:15 En réponse à : Le Burkina Faso de Michel Kafando. Chronique d’une transition « d’exception » (8)

    Pardon M. BEJOT, ton ami, ton Dieu, bailleur de fonds, ton tuteur Blaise Compaoré est pour le moment au Maroc. Faut le rejoindre là-bas et nous faire des articles sur lui. Cela te permettra d’écrire un livre sur lui en temps opportun.
    Quant à nous avec notre insurrection, révolution et transition, nous n’avons aucunement besoin de toi pour quoi que ce quoi. Alors, faut arrêter de t’égosiller et t’épuiser inutilement. Personne ne te suit.

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