LeFaso.net, l'actualité Burkinabé sur le net
Proverbe du Jour : “Vous n’empêcherez pas les oiseaux de malheur de survoler votre têtе, mаis vοus рοuvеz lеs еmрêсhеz dе niсhеr dаns vοs сhеvеux.” Proverbe chinois

Afrique : "Des parlements à la solde de l’Exécutif"

Publié le jeudi 10 mars 2005 à 10h32min

PARTAGER :                          

A travers cet écrit, Timbi Mathurin Yaméogo déplore la manière dont la plupart des régimes africains squattent la constitution des Etats dont ils ont la charge.

Dans la plupart des doctrines la constitution est définie comme la loi fondamentale, la loi première, la pierre angulaire sur laquelle se fondent l’organisation et l’administration de l’Etat démocratique. Elle est la source première légale de gestion et de gouvernance démocratique fondée sur le droit. Même s’il n’existe pas de notion universelle de la démocratie, il est à noter que quelle que soit sa forme, elle est toujours fondée sur une base légale : la constitution.

La force d’une constitution réside dans le sérieux et le respect que les acteurs politiques ont vis-à-vis d’elle. C’est pourquoi même les plus belles constitutions du monde ne serviront à rien si on se moquait d’elles. Sans cette foi en elles, elles ne seront que de simples textes sans valeur. Tout système politique naît et évolue et ce depuis les temps anciens à aujourd’hui. La démocratie originelle du temps de la Grèce antique a mûri au fil des siècles.

La modification d’une constitution se fait parce que la société qu’elle éclaire et guide a évolué et nécessite que ses lois se reforment pour s’adapter aux nouvelles exigences socio-politiques. Elle ne doit pas être modifiée parce que des individus veulent pérenniser leur pouvoir ou préserver leurs intérêts.

En Afrique il faut retenir que les constituons ont véritablement commencé à marquer la vie politique depuis la fameuse rencontre de la Baule. La France par la voix de François Mitterand, a conditionné son partenariat au respect des droits démocratiques des populations africaines. Du coup, on assiste à la naissance d’une flopée de constitutions qui ne sont rien d’autre que les désirs des tenants du pouvoir du moment compilés dans des gros documents perpétuant leur règne. Ainsi, le point commun et la particularité de ces lois dites fondamentales demeurent la légitimation du pouvoir existant souvent issu de sanglants coups d’Etat.

La constitution étant avant tout une convention populaire et comme telle, pour qu’elle ait toute son importance et sa force, il convient que tout le monde s’incline devant elle. Malheureusement les constitutions sont en Afrique des textes qu’on peut changer, reformuler à tout moment au gré de ses instincts politiques. La plupart des constitutions africaines ont été modifiées avant leur dixième anniversaire pour permettre à des chefs d’Etat, à leurs fils ou dauphins de rester ou de prendre le pouvoir afin de s’assurer qu’on ne sera pas rattrapé par l’histoire.

Dans les mains d’un seul homme

En plus les constitutions africaines concentrent le plus souvent l’essentiel sinon tout le pouvoir entre les mains d’un seul homme. Dans aucune constitution africaine le premier ministre n’a de prérogatives dignes de ce nom. Il semble être plus le premier des ministres qu’un chef de gouvernement responsable devant le parlement. Il est comme un commis du président de la république chargé de coordonner sans réel pouvoir les actions des différents départements ministériels. Un Premier ministre français, un chancelier allemand ou un secrétaire d’Etat américain sont à mille lieux d’un premier ministre ivoirien togolais ou camerounais.

Il est temps que nous respections nos lois fondamentales même dans leur forme actuelle afin de donner aux générations futures le sens du consensus démocratique. C’est une question d’éthique politique. La démocratie se cultive et doit se vivre dans les actes. Elle n’est pas un discours. Elle est un esprit et une conscience qui se sentent à travers les comportements politiques.

Le cas du Togo démontre à plus d’un titre que l’instinct royal de l’africain n’est pas prêt à céder la place au sens et à la raison démocratiques. La république ne saurait se donner en héritage. Dans cette galère généralisée des constitutions drôle est encore la place des Assemblées nationales qui ne sont pour la plupart que des caisses de résonance à la solde du pouvoir exécutif. La séparation des pouvoirs souvent décrite ne reflète jamais la réalité. Le pouvoir judiciaire, au lieu de défendre le citoyen contre les abus du pouvoir, s’érige en protecteur des intérêts des dirigeants.

De tout cela c’est la place réelle du peuple qui demeure problématique. L’opinion publique n’a aucun poids, aucune influence sur l’action du pouvoir. Elle ne dérange personne. Dans un Etat de droit démocratique, l’opinion publique doit être le baromètre de l’action gouvernementale. Ailleurs, c’est elle qui fait et défait les gouvernements. Dans la mesure où le suffrage populaire n’élit pas, il est compréhensible que l’oeil du peuple ne soit pas craint par les gouvernants. Un régime qui n’a aucune peur de son opinion publique est capable de toute abomination. Alors Constitutions africaines, que de chemin de croix à faire encore !

Timbi Mathurin YAMEOGO
Stagiaire à l’ENAM

PARTAGER :                              
 LeFaso TV
 Articles de la même rubrique
Burkina Faso : Justice militaire et droits de l’homme
Burkina Faso : La politique sans les mots de la politique
Le Dioula : Langue et ethnie ?