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Prise en charges des blessés de l’insurrection populaire : L’Hôpital national Blaise Compaoré s’est démystifié en soignant gratuitement

Publié le mercredi 12 novembre 2014 à 23h39min

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Prise en charges des blessés de l’insurrection populaire : L’Hôpital national Blaise Compaoré s’est démystifié en soignant gratuitement

C’est un hôpital dont le standing fait souvent oublier son caractère public. Avec une bâtisse qui se démarque, un peu excentré de la ville, l’hôpital national Blaise Compaoré. Souvent considéré comme un centre hospitalier pour riche, le caractère public de l’institution s’est vérifié lors des évènements des 30 et 31 octobre. Tous les blessés qui y ont été envoyés ont été pris en charge gratuitement. Tout le circuit de soin était gratuit. Découverte d’un centre hospitalier universitaire qui ambitionne réduire les évacuations sanitaires à l’extérieur.

Jeune étudiant en médecine, Cheick Abdoul Aziz Yonaba, avait déserté les amphis du campus pour prendre part au soulèvement populaire. Les choses ont mal tourné pour lui. Il a reçu une balle le 31 octobre sur le boulevard Muhammad Kadhafi. Fracture du péroné. Il est conduit à l’Hôpital national Blaise Compaoré(HNBC). «  Quand je suis arrivé j’ai eu une bonne prise en charge. L’intervention s’est faite le même jour. La prise en charge est totalement gratuite. Jusqu’à présent, on ne dépense rien. Je me demande comment on se serait pris, si c’est nous qui devrions prendre en charge les frais. Le personnel est très attentif à nos moindres besoins, depuis les urgences jusqu’à l’hospitalisation(…) simplement merci ». Le jeune étudiant qui pour la première fois se soigne dans cet hôpital, a un sourire non dissimilé qui contraste avec sa jambe dans un plâtre.

Comme Cheick Abdoul Aziz Yonaba, Lonco Olivier Kini est pensionnaire de l’HNBC suite au soulèvement populaire. 71 ans, il a eu plus de chance. Un de ses compagnons a perdu la vie par étouffement alors qu’ils s’étaient enfermés dans les toilettes au siège du Congrès pour la démocratie et le progrès(CDP). Ce sont les secouristes militaires qui l’ont conduit au centre hospitalier universitaire. « Les soins étaient immédiats et adéquats. Il y a seulement quelques remèdes qui ne sont pas disponibles à la pharmacie ici, donc je les fais acheter de l’extérieur. Tous les médicaments disponibles sont mis à notre disposition. C’est très bien. Le service est fait par bonne volonté. ». Une gratuité des soins qui a sonné comme une bouffée d’oxygène pour le septuagénaire. « J’ai des enfants, je suis à la retraite. Il y a des choses que je ne pouvais pas honorer, c’est une très bonne idée » renchérit l’ancien ambassadeur.

Des blessés de toute sorte ont afflué

De l’avis du Dr. Cheick Bougma, chef de service des urgences à l’HNBC, ce sont 23 blessés qui ont été reçus du 30 jusqu’au 31 octobre. «  Il y avait des blessés par balles, des traumatisés au niveau du thorax, certains ont été transpercés par des balles, il y avait un épanchement de sang dans leur thorax, ils ont été drainé. D’autres ont reçu des balles au niveau des membres, ou ont été victimes de traumatisme sur les lieux de pillages. Ils ont reçu des sacs de riz sur leurs membres, ils s’en sont tirés avec des fractures. Il y avait donc plusieurs types de lésions, des moins graves jusqu’aux plus sévères », précise-t-il.

Deux décès ont malheureusement été enregistrés. C’est au regard du contexte, que l’hôpital avait décidé de la gratuité de ses prestations, « tous ceux qui sont arrivés, qui ont bénéficié des soins, aucune facture ne leur a été adressée. On a utilisé tous les moyens qui sont à notre disposition pour les traiter, sans qu’on leur demande de contribuer financièrement », précise Dr Bougma qui ajoute par ailleurs que la rapidité et l’efficacité dans la prise en charge des malades qui arrivaient en nombre ont permis au personnel de sauver de nombreuses vies.

Débordé, le personnel de l’hôpital se prête main forte

Fanta Coulibaly est la Coordonnatrice des soins des unités d’urgence. Elle reconnait que face à l’affluence des malades en un laps de temps, l’hôpital qui n’avait jamais vécu une situation pareille a dû s’organiser à l’interne pour faire face. « On a dû faire appel à nos collègues qui étaient dans les autres services pour nous aider », note celle qui a été très touchée par le cas de ce malade qui n’a pas pu être sauvé.
Ainsi, certains agents qui sont dans d’autres unités ont été invités à venir en renfort au personnel qui est aux urgences. D’autres agents sont aussi venus promptement d’eux-mêmes. A cette mobilisation, les pratiques quotidiennes de l’hôpital ont été pour beaucoup dans la prise efficiente des patients. « Nous pratiquons ici ce qu’on appelle, la pharmacie hospitalière, c’est-à-dire que nous avons ceux dont nous avons besoin pour la prise en charge des malades. On a tout sur place. Cela nous a permis de prendre en charge convenablement les patients. On n’a pas eu de difficultés particulières », se félicite le chef de service des urgences.

« L’hôpital est ouvert à tout le monde, riche comme pauvre »

Pour le directeur général de l’hôpital national Blaise Compaoré, la gratuité des soins pendant le soulèvement populaire était la contribution de son établissement pour minimiser les dégâts de l’insurrection populaire. L’hôpital est public et conçu avant tout pour soigner l’ensemble des Burkinabè. Par cet acte, le centre se rapproche des populations, se démystifie, en mettant en avant son caractère public et populaire.
Inauguré le 25 Octobre 2010, l’hôpital national Blaise Compaoré a souvent été considéré comme un hôpital luxueux, où seuls les plus nantis peuvent s’y faire soigner. Une vue de l’esprit selon son premier responsable, Alexandre Sanfo, qui reconnait cependant que l’hôpital a un mode de fonctionnement différent des autres centres hospitaliers. « Généralement quand vous arrivez dans un hôpital, après la consultation, on vous tend une ordonnance et vous allez acheter les produits, tant que vous n’avez pas acheté votre ordonnance, on ne peut pas soigner votre patient. Dans notre organisation, nous avons mis en place une pharmacie hospitalière, ce qui veut dire que les médicaments, les consommables sont disponibles sur place. Lorsque le malade arrive, il est immédiatement pris en charge parce que tout est disponible. Maintenant nous tendons une facture qui est globale, c’est elle qui fait peur. Elle semble être salée et cela rebute un peu, sinon en réalité, si on compare nos coûts et la prise en charge qui est donnée, on se rend compte que souvent même, on est en deçà des autres structures ».
Mieux, l’hôpital disposerait d’un service social qui est, selon son directeur, « chargé de faire en sorte que les indigents, les cas sociaux puissent être pris en charge sous certaines conditions. Nous avons pris en charge beaucoup de personnes indigentes qui pensaient qu’elles n’auraient pas pu se soigner ici ».

L’hôpital qui porte le nom de l’ancien président Blaise Compaoré, avec les évènements du 30 et 31 Octobre a soigné tout le monde, sans distinction de classes sociales ni d’apparence politiques. « L’hôpital est ouvert à tout le monde, riche comme pauvre », s’évertue à rappeler le directeur général Alexandre Sanfo. Un hôpital public qui avec son personnel dont la moyenne d’âge est de 35 ans, veut innover dans les pratiques, réinventer l’hôpital moderne au Burkina.

Tiga Cheick Sawadogo
Photos : Bonaventure Lawasselea Paré
Lefaso.net

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