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Interview du Président Compaoré à BBC et à Africa N°1 le 23 octobre dernier : Doit-on se taire au regard des réponses du Président ?

Publié le lundi 27 octobre 2014 à 01h34min

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Interview du Président Compaoré à BBC et à Africa N°1 le 23 octobre dernier : Doit-on se taire au regard des réponses du Président ?

Depuis que le gouvernement a marqué son accord le 23 octobre dernier de soumettre le projet de loi modificative de l’article 37 de notre constitution à l’Assemblée nationale, j’avais pris la résolution de ne plus écrire dans les colonnes des journaux, tant en papier qu’en ligne. J’ai compris que le choix était fait, de façon consciente et délibérée, de forcer le passage par tous les moyens y compris et surtout ceux illicites. Mais à la lecture du compte rendu synthèse de l’interview accordée à BBC et à Africa N°1 par le Président du Faso Blaise Compaoré, j’ai encore repris ma plume pour partager mes sentiments par rapport aux réponses du Président aux questions de la journaliste Lilianne Nyatcha.

Nous reprenons les réponses telles que contenues dans le compte rendu :

1- « La révision de la Constitution burkinabè, dont la procédure est entamée pour repousser la limitation des mandats présidentiels à trois à travers le référendum en passant par l’Assemblée nationale, ne lui était pas forcément destinée. Il s’agit, selon lui, de permettre aux Burkinabè de faire l’expérience du référendum comme moyen de prévenir ou régler de « graves crises ».

Monsieur le Président, vous savez, mieux que quiconque, que des referendums, la Haute-Volta aujourd’hui Burkina Faso en a connu : de la première à la 4e république. Mais il n’y a jamais eu cette opposition farouche. Ce n’est donc pas ce que vous avez engagé qui va permettre aux burkinabè de faire l’expérience du referendum. Du reste, il y a des questions plus pertinentes pour expérimenter le referendum, si tant est que vous tenez à amener les burkinabè à l’école du referendum, que celle devant vous ouvrir un boulevard pour Kossyam en 2015, malgré le fait que vous dites que « ce n’est pas automatiquement parce que vous serez candidat en 2015 ». Le referendum de 1991 a connu une très forte participation. Ce que l’opposition et les forces du changement rejettent, c’est ce referendum personnalisé, juste au bénéfice immédiat d’une seule personne, vous.

2- A la question relative à la désapprobation des pays européens comme la France et les Etats-Unis sur les modifications des constitutions, Monsieur le Président répond : « Vous ne verrez pas le Burkina aller se mêler de comment on organise la vie politique en France, aux USA. Ce que nous souhaitons, c’est la liberté d’organiser la vie politique de notre pays. On ne va pas se mêler des lois américaines, françaises et autres, nous Africains. Je comprends difficilement qu’on soit toujours prompt à nous dire où il faut aller, où il ne faut pas aller, qu’est-ce qu’il faut faire ».

Monsieur le Président, comment qualifiez-vous votre remarque désormais historique à l’ex président nigérien Mamadou Tandja quant ce dernier avait entrepris, exactement comme vous le faites présentement, d’utiliser tous les subterfuges pour prolonger son bail, y compris en portant atteinte même aux lois de son pays » Vous lui aviez dit qu’il « fonçait droit dans le mur », et l’histoire vous a donné raison.

Egalement, que dites-vous de votre prophétie a l’ex président ivoirien Laurent Gbagbo quand celui-ci avait décidé d’utiliser tous les moyens pour « gagner ou gagner » (référence à un slogan de campagne du FPI – on gagne ou on gagne) ? Vous lui aviez prédit qu’il irait au TPI. Il y est effectivement aujourd’hui et mieux, pas seul. Je me limite seulement à ces deux exemples, parce qu’ils font partie de ce qui vous vaut le qualificatif d’ ‘’exportateur de la stabilité’’.

Permettez-moi de revenir sur ce que j’avais dit dans un article précédent, puisque les arguments pour justifier le referendum restent invariablement les mêmes. ‘’Nos dirigeants veulent que les partenaires ferment les yeux sur leurs tripatouillages des constitutions, les fraudes électorales, les différents crimes ; ils clament que nos Etats sont indépendants, souverains, libres ... Cependant, quand ils créent des situations de crise dont eux-mêmes risquent de ne pas s’en sortir, ce sont les mêmes
dirigeants ‘indépendants’, ‘souverains’, ‘libres’, incapables de défendre leur propre souveraineté et intégrité territoriale, qui appellent les partenaires au secours. Et en même temps ils ne veulent pas que ces derniers, dans le cadre de l’alerte précoce ou de l’ingérence humanitaire, attirent leur attention sur les dangers que constituent leurs mauvais choix sur la paix sociale et la stabilité dans leurs pays. En d’autres termes, nos dirigeants veulent enlever aux médecins qui vont voler à notre secours quand nous serons malades, le droit de donner des conseils préventifs, pour justement nous éviter de tomber malades’’.

3- « Quant à l’Eglise catholique, dont la position n’est pas favorable à la révision, Blaise Compaoré a demandé à la journaliste si « L’Eglise catholique était pour le mariage pour tous ? » en France, avant de préciser que l’Eglise « n’est pas une institution républicaine » et que la seule boussole reste la Constitution »

Excellence, monsieur le Président, le Collège de Sages qui a sauvé notre pays du naufrage, et aussi votre régime, en 1999, suite a la crise qualifiée de structurelle par ces mêmes Sages, et dont l’assassinat non encore élucidé de Norbert Zongo et de ses trois compagnons d’infortune n’avait été que l’élément déclencheur, était-il une institution républicaine ? La Commission de Réconciliation nationale était-elle une institution républicaine ? Le Comité d’éthique est-il une institution républicaine ?

Comme vous le constatez sans vouloir l’admettre, monsieur le Président, des institutions républicaines existaient et existent toujours, mais elles n’étaient pas et ne sont pas suffisamment fortes et indépendantes pour résoudre certaines crises. Si vous ne vous sentez pas le devoir d’interpeller vos partisans afin qu’ensemble nous respections les dispositions fondamentales de notre ‘’boussole’’ commune, nos institutions dites républicaines résoudront difficilement des crises sérieuses dans notre pays.

Il me revient a l’esprit ce qu’avait dit M. Salifou Sawadogo, Secrétaire Adjoint à l’Organisation chargé des structures à l’étranger, lors de sa rencontre a Paris avec les militants du CDP résidant en Europe (France, Espagne, Italie, Belgique, Angleterre, Allemagne), le 9 mars 2014 : « A ceux qui estiment que les termes actuels de l’article 37 sont une recommandation du Collège des Sages qui ont été acceptées de façon consensuelle dans un contexte de crise suite à l’assassinat de Norbert Zongo, et qu’il faut donc le garder en l’état, il a rétorqué en disant que les propositions et recommandations n’engagent pas le président. « Le chef de l’Etat est élu par le peuple burkinabè et les recommandations ne s’imposent pas à lui. En fonction du climat politique national, il juge de l’opportunité ou pas de la mise en œuvre de telle ou telle recommandations ». L’article 37 sera donc révisé par voie référendaire parce que dit-il, « juridiquement, il n’y a pas de problème » et ceux qui « se rabattent sur des considérations morales après avoir perdu sur le combat juridique » n’y pourront rien » (in lefaso.net du mardi 11 mars 2014). J’avais réagi en disant que pour toutes les personnes qui ont vu ou suivi le travail abattu par le Collège de Sages mis en place par le Président lui-même, « tenir de tels propos est tout simplement désobligeant sinon indécent et n’honore ni le président Compaoré, ni nos ressorts sociaux auxquels nous avons eu recours et dont nous aurons toujours besoin, ni le Burkina dans son ensemble »

L’Eglise catholique a joué son rôle historique. C’est ce rôle d’anticipation et de prévention que nous attendons de autorités et notabilités coutumières et religieuses, leaders d’opinion et autres personnes de ressources, « nos ressources propres, de sagesse, d’expérience dans la gestion des hommes, dépositaires de nos valeurs spirituelles, culturelles et morales » *. Ils doivent refuser d’être confinés au simple rôle de sapeurs pompiers, auxquels on n’a recours que pour éteindre le feu que d’autres ont allumé.

A cette étape fatidique des tractations politiques en cours, je me permets de lancer un appel à nos honorables députés et à tous ceux par qui ce projet ‘démocraticide’ va passer, afin qu’ils se montrent des Femmes et Hommes Intègres, d’Honneur et de Dignité. Laurent Gbagbo avait dit : « QUAND ON T’ENVOIE, IL FAUT SAVOIR T’ENVOYER. C’EST TA MANIERE DE T’ENVOYER QUI PEUT FAIRE QUE TU RENCONTRES OU NON DES PROBLEMES SUR LE TERRAIN ». La réalité en Cote d’Ivoire aujourd’hui, ceux et celles qui n’ont pas su s’envoyer sont à la MACA (Maison d’arrêt et de correction d’Abidjan) ou dans d’autres lieux sûrs en attendant leur jugement, ou l’ont rejoint à la Haye ou encore en exil.

Notre passé nous rattrape, toujours. C’est pour cela que certains ont peur de récolter ce qu’ils ont semé et se débattent comme de beaux diables pour retarder l’échéance, RETARDER SEULEMENT L’ECHEANCE ! Allons-nous nous faire leurs complices ?

Honorables députés, le 30 octobre prochain, vous allez être invités à voter ce projet de loi. Allez-vous vous faire complices de la réalisation des rêves monarchistes d’un individu et de son clan et ignorer les conséquences néfastes de ce projet sur vous-mêmes, vos électeurs et vos progénitures ?

QUAND ON T’ENVOIE, IL FAUT SAVOIR T’ENVOYER.

* Extrait du Rapport de la Commission de Réconciliation nationale (février 2000)

Cynthia Benao
benao_cynthia@yahoo.com

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