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L’article 266 bis du projet de loi portant Code électoral : Des OSC demandent sa suppression

Publié le vendredi 24 octobre 2014 à 02h14min

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L’article 266 bis du projet de loi portant Code électoral : Des OSC demandent sa suppression

Recueillir des amendements auprès des acteurs de la société civile pour améliorer le contenu du projet de loi portant révision du Code électoral, c’est à cette fin qu’un dialogue démocratique a réuni acteurs de la société civile et leaders politiques. A l’occasion, l’article 266 bis dudit projet de loi qui prévoit la substitution du ministère de l’Administration territoriale à la CENI (commission électorale nationale indépendante), a suscité le plus de débats à la suite d’une communication livrée par Abdoul Karim Sango. C’était le mercredi 22 octobre 2014 à Ouagadougou.

Convaincu que la consolidation de la démocratie au Burkina Faso a encore besoin de beaucoup d’efforts et de sacrifices à travers notamment des réflexions constructives, le CGD a entendu mettre au centre de débats, la « révision d’une ampleur inégalée » du Code électoral. Ce sont en tout 54 articles – dont 9 déjà modifiés en 2012 - dudit Code qui sont visés par cette révision presqu’à terme. En effet, le projet de loi relatif à cette modification est sur la table de la Représentation nationale depuis le mardi 21 octobre 2014. Sans doute qu’il sera soumis au vote dans quelques jours.
Il s’agit, foi du communicateur Abdoul Karim Sango, qui a tenu à préciser être là en son nom personnel et non en celui de la CENI dont il est un des commissaires, d’une « révision menée partiellement selon une approche participative et inclusive ». En effet, précise-t-il, « certains amendements contenus dans l’avant-projet ont été initiés par la CENI » et ont ensuite « été soumis à l’appréciation des autres acteurs du processus électoral que sont les partis politiques et les organisations de la société civile ». Des institutions comme le Conseil constitutionnel, le Conseil supérieur de la communication (CSC), le Conseil d’Etat (CE) ont aussi été, à en croire M. Sango, « associées à la procédure de révision pour les questions relevant de leur domaine de compétence ». Toute chose qui lui fait dire qu’il « y a eu un consensus autour de ces dispositions ». Des dispositions qui se rapportent en réalité, aux principales recommandations contenues dans les rapports des scrutins précédents, notamment deux rapports publics de la CENI l’un sur les élections couplées de 2012 et l’autre sur un atelier de capitalisation des acquis du même scrutin.

Le MATS, compétent pour se substituer à la CENI ?

D’autres dispositions ont en revanche, été introduites unilatéralement par le ministère de l’Administration territoriale et de la sécurité (MATS). Celles-ci n’ont donc pas, précise M. Sango, « suivi la même procédure de discussions que celle initiée par la CENI ». Au rang de ces dispositions introduites par le MATS, figure en bonne place l’article 266 bis. Aux termes de cette disposition, le MATS est « compétent pour organiser les élections en cas de difficultés graves de nature à hypothéquer leur intégrité ». A cet effet, le gouvernement n’aura juste, qu’à « informer soit le conseil constitutionnel, soit le conseil d’Etat », selon qu’il s’agit d’un scrutin national ou local.
Mais que faut-il entendre par « difficultés graves » ? Qui est compétent pour apprécier valablement l’existence de ces « difficultés graves » ? Qui est compétent pour déterminer que ces difficultés graves sont susceptibles d’hypothéquer la crédibilité du scrutin ? Pourquoi les organes en charge du contentieux électoral ne sont-ils que simplement informés par le gouvernement ? Quelle est la portée juridique de cette information ? Ce sont là, autant de questions que le communicateur a tenu à poser à l’attention des participants. Pour lui, « tout porte à croire que c’est le gouvernement qui est compétent pour dire qu’il y a des difficultés graves ». Ce qui, selon lui, fait du gouvernement « juge et parti ». Et cela, M. Sango dira y voir « un recul très grave à notre système électoral ».
Au demeurant, rappelle M. Sango, la CENI créée « de façon consensuelle » en 2001, n’a jamais eu de difficultés particulières qui aient pu révéler son incompétence dans l’organisation de l’un quelconque des trois élections législatives (2002, 2007,2012), des deux élections présidentiels (2005,2010), des deux élections municipales (2006, 2012). Des scrutins qui, de l’avis de M. Sango, « ont généralement été organisés à la satisfaction de tous les acteurs ». Et de s’interroger, « d’où vient-il alors subitement cette idée que des difficultés graves peuvent empêcher la CENI de conduire à terme le processus électoral ? ».
Toutefois, dit-il reconnaître, « les difficultés que rencontre la CENI sont connues de tous, à commencer par le gouvernement : la faiblesse des ressources qui lui sont allouées et leur allocation tardive ». En tout état de cause, rassure-t-il, « S’il y a un consensus sur l’organisation d’un scrutin, les membres de la CENI ne peuvent que s’exécuter ».


Des tirs groupés contre l’article 266 bis ?

Qu’à cela ne tienne ! L’article 266 bis viole les prescriptions de la Charte de l’union africaine sur la démocratie et le protocole de la CEDEAO (Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest) sur la gouvernance. C’est du moins, ce qu’a relevé Abdoul Karim Sango ; précision à l’appui, l’article 17.1 de ladite Charte énonce que « Les Etats parties réaffirment leur engagement à tenir régulièrement des élections transparentes, libres et justes conformément à la déclaration de l’Union sur les principes régissant les élections démocratiques en Afrique. A ces fins, tout Etat partie doit créer et renforcer les organes électoraux nationaux indépendants et impartiaux chargés de la gestion des élections ».
Se trouve aussi violée par cette disposition (article 266 bis du Code électoral), la Déclaration de Bamako sur la démocratie. Une déclaration adoptée en 2000 et qui exige des Etats parties, la tenue des élections libres, fiables et transparentes. Elle leur intime également l’ordre de faire en sorte que l’organisation de tout le processus électoral soit confiée à des organes crédibles dont l’indépendance est reconnue par tous.
Et au stade actuel où le projet de loi portant modification du Code électoral n’est pas encore voté, « l’article 266 doit être, selon M. Sango, supprimé ». Et d’ajouter, « Je pense qu’il faut faire des tirs groupés sur cet article ». Même suggestion de suppression sous un ton de fermeté, du côté de la société civile réunie dans le cadre du dialogue démocratique du jour. « Sur ce point précis, je pense qu’il y a une convergence de vue entre la société civile et l’opposition politique qui avait expressément demandé la suppression de cet article », a laissé entendre Marie Alphonse Ouédraogo, représentant le CFOP (Chef de file de l’opposition). La dynamique est donc lancée, et la société civile entend s’investir dans une campagne de communication pour que la majorité des Burkinabè ait connaissance de cette disposition « inacceptable ».

D’importantes questions ignorées

D’autres dispositions concernées par cette révision du Code électoral ont trait à la précampagne électorale, au statut de la CENI et de ses démembrements, au vote des burkinabè vivant à l’étranger, au déroulement des opérations électorales, aux conditions relatives à la candidature aux différents scrutins (présidentiel, législatif et sénatorial, municipal), au contentieux des opérations électorales. Nous reviendrons sur ces dispositions dans nos prochaines productions.
Il est aussi à noter que d’importantes et brûlantes questions de l’heure ont été ignorées dans le cadre de cette procédure de révision du code électoral. Il s’agit entre autres, de la question des candidatures indépendantes, de celle relative au renforcement des sanctions pénales contre les individus qui porteraient atteinte à l’intégrité du processus électoral par exemple en vendant ou en achetant des cartes d’électeur, et de la question de la sécurité des délégués des partis politiques dans les bureaux de vote.

Signalons que des Professeurs dont Mahamadé Savadogo, Albert Ouédraogo, Serges Théophile Balima, Abdoulaye Soma, et bien sûr Augustin Loada, ont fait le déplacement du dialogue démocratique de ce 22 octobre 2014. Et à en croire le directeur associé du CDG, Frédéric Nikiéma, toutes les sensibilités politiques y ont invitées. Mais, précise-t-il, « le CDP (Congrès pour la démocratie et le progrès, parti au pouvoir, ndlr) a décliné l’offre, indiquant qu’il préfère verser ses amendements directement au niveau de l’Assemblée nationale ».

Fulbert Paré
Lefaso.net

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