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Lettre ouverte N°1 de Pargui Emile Paré à Blaise Compaoré : Au nom de la démocratie, de la stabilité politique, de la paix et de la sécurité du peuple et du pays, je vous demande de démissionner.

Publié le vendredi 24 octobre 2014 à 02h12min

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Lettre ouverte N°1 de Pargui Emile Paré à Blaise Compaoré : Au nom de la démocratie, de la stabilité politique, de la paix et de la sécurité du peuple et du pays, je vous demande de démissionner.

Le Burkina Faso est aujourd’hui et véritablement à la croisée des chemins (dixit Laurent Bado). Il est à un moment historique ou plus que tout autre couche sociale, les intellectuels doivent s’assumer, prendre leur responsabilité pour peser sur le cours des évènements politiques et sociales à venir. Intellectuel médecin, intellectuel politique que je suis, j’ai décidé de m’assumer par cette lettre que je m’emploierai à diffuser partout, où besoin sera.

Bienvenue au projet de loi portant révision de la Constitution parce qu’il a l’avantage de clarifier votre position tant attendue depuis votre sortie provocatrice à Dori le 11 décembre 2013 lors de la célébration de l’anniversaire de l’indépendance de notre pays. Du coup, dialectiquement, elle a mis fin aux angoisses, aux atermoiements, et aux hésitations du peuple qui désormais est contraint de se mettre en ordre serré de bataille pour empêcher votre forfaiture, pour défendre sa démocratie, pour ne pas dire exactement, réaliser sa véritable Révolution démocratique.

Monsieur le Président,

Le 15 octobre 1987, vous avez pris le pouvoir au nom de la « Rectification de la révolution », au nom de l’approfondissement de la Révolution. Deux ans après, les révolutionnaires entrainés dans ce mouvement ont fait le constat amer de la liquidation sans appel de la Révolution d’août dont vous étiez un des « pères historiques ».

Sentant le vent du Renouveau démocratique ; de la révolution démocratique (comme disent certains intellectuels) venir sur l’Afrique, sous la pression du discours de la Baule de 1990 du Président français François Mitterrand et sous la poussée des luttes populaires, vous vous êtes soumis au régime d’Etat de droit matérialisé par la Constitution du 02 juin 1991.

Faute d’avoir passé par la conférence nationale souveraine (CNS) qui a permis de poser les bases solides du Renouveau démocratique dans beaucoup de pays africain, notre pays, sous votre direction, a servi à l’Afrique et au monde une « démocratie militarisée », une « démocratie hybride » (dixit Professeur Loada).

Faute d’avoir appliqué la voie de la vérité – justice – réconciliation (VJR) recommandée par le collège des Sages, installée par vous-même, suite à la crise nationale consécutive à l’assassinat odieux du journaliste Norbert Zongo, notre processus démocratique, sous votre direction, a pris vertement la ligne rouge de la monarchisation et de la patrimonialisation du pouvoir.

Monsieur le Président,

Votre culture politique, je le sais bien, vous permet de savoir ce qui différencie fondamentalement l’Etat d’exception (que vous avez pratiqué et dirigé durant 4 ans) et l’Etat de droit (que vous pratiquez et dirigiez depuis déjà 23 ans).
Cette différence fondamentale c’est : la soumission de tous au droit (y compris le chef), les libertés et l’alternance politique dans l’Etat de droit.

Monsieur le Président,

Votre 1ère tentative de lever le verrou de la limitation du mandat présidentiel en 1997 et par voie parlementaire avait clairement indiqué votre volonté de rester à vie au pouvoir. Mais certains n’y avaient pas cru (du moins c’est ce que vous leur faisiez croire).

Dans le débat qui faisait rage sur la question de la rétroactivité de l’article 37 de 2000, empêchant de ce fait votre 3ème candidature, les opposants politiques de l’époque ont été « chicotés » correctement par certains intellectuels de haut vol et par le conseil constitutionnel pourtant constitué d’éminents juristes. Ces derniers à mon sens ont plus interprété la lettre de la loi plutôt que son esprit. Ils ont oublié d’interpréter « votre esprit » à vous qui est que la loi vous permettra de remodifier cet article en temps opportun pour continuer d’assouvrir votre volonté de rester à vie au pouvoir.

Aussitôt après votre « élection brillante » à 80.3% à « hauteur d’homme », en 2005 vous avez introduit insidieusement le débat sur l’article 37 nouveau, débat qui voit aujourd’hui son dernier épilogue.

En 2006, alors que je présidais le cadre de concertation des partis de l’opposition (CPO), je m’insurgeais sur cette énième tentative de modification de l’article 37, en ces termes « si on modifie l’article 37 on va se rentrer dedans ». Il n’en fallait pas plus pour que certains de vos flagorneurs, de vos zélés supporters, me collent l’étiquette de « mal causeur ».

Depuis donc 2006 vous avez nourri le débat sur la question par diverses voies (presses interposés, stades interposés, dialogues interposés, petites phrases assassines interposées, rues interposées, etc.) et voilà qu’aujourd’hui, après votre projet de loi, « nous sommes en train de nous renter dedans ».

En 2010, candidat pour la deuxième fois contre vous, j’ai entamé ma campagne par une conférence de presse que j’ai intitulée « Elections présidentielles 2010 : la dernière bataille de Blaise Compaoré ».

J’avais la forte conviction que c’était votre dernière participation à une élection présidentielle dans ce pays ; non pas que vous n’allez plus poursuivre votre sport favori de fuite en avant pour tripatouiller la Constitution, mais parce que je ne voyais plus par quelle « voie géniale », par quelles « argumentaires géniales », vous allez passer pour faire accepter cette même forfaiture, faire avaler cette pilule assassine de la démocratie ; la démocratie « ce machin » auquel vous semblez n’y avoir jamais cru un seul jour.

J’avais la conviction que le peuple que j’ai nommé : paysans, ouvriers, intellectuels, travailleurs, opérateurs économiques, patriotes, citoyennes et citoyens des villes et des campagnes ; ce peuple-là qui a acquis une conscience extraordinaire à l’expérience de ces 23 ans de processus démocratique, de ces 27 ans de votre gestion du pouvoir, ne pouvait pas accepter cela.

Monsieur le Président,
-  Le 15 octobre 1987 vous avez dit « Rectification » certains citoyens comme moi vous ont cru ; vous aviez dit à d’autres « Démocratie » certains citoyens comme mes amis « Boly Moussa, Pierre Tapsoba, Paul Ismaël Ouédraogo » vous ont cru.
-  Le 30 mars 2000 vous avez dit « peuple du Burkina Faso je vous aie compris : plus jamais ça. Je demande pardon ». ils sont nombreux les citoyens qui vous ont cru mais d’autres comme moi ne vous ont pas cru.
-  En 2011, vous avez dit aux militaires et paramilitaires insurgés : « mes chers compagnons d’armes je vous ai compris ». Naïvement ils ont cru oubliant la loi militaire et ils ont payé militairement.
-  En 2012 vous avez dit « dialogue CCRP », des dialoguistes sincères y ont cru mais le CFOP n’y a pas cru. Et voilà que les dialoguistes sincères, découvrent aujourd’hui que l’essence de ce dialogue, ce qui vous intéressait dans ce dialogue c’était bel et bien la modification de l’article 37.

-  Tous près de nous il y a deux semaines vous avez dit : « dialogue politique inclusif sans médiateur, avec deux co-présidents ». Des gens y ont cru mais pas moi, la suite on la connait. En tant que capitaine vous saviez bien qu’il n’y a pas deux capitaines dans un bateau. Ce dialogue était donc programmé pour échouer.

Monsieur le Président,

« Trop c’est trop », « Borry bana ».

En adoptant le projet de loi de révision de la Constitution, en dépit du refus massif du peuple, du refus des forces politiques et de la société civile significative et en dépit de l’appel des forces coutumières et religieuses, de l’appel de la communauté internationale – France et USA notamment-, vous avez ainsi perdu toute légitimité pour diriger encore ce pays.

Vous êtes par cet acte disqualifié pour diriger la « transition apaisée » pour des élections libres, transparentes et équitables en 2015.

Alors démissionnez. C’est aussi une application de la Constitution. C’est aussi un exercice de la démocratie.

La question n’est plus la qualité ou la taille de la porte de sortie (grande porte, petite porte, fenêtre ou persienne ou trou). La question aujourd’hui c’est sortir tout court.

Monsieur le Président,

Au nom de la démocratie, de la stabilité politique, de la paix et de la sécurité du peuple et du pays, je vous demande de démissionner.

Docteur Pargui Emile PARE
Ancien militant du CNR et du Front populaire
Ancien candidat aux élections présidentielles
Militant du Mouvement du Peuple pour le Progrès (MPP)

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