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Avènement de Faure Gnassingbé : Si le ridicule pouvait tuer !

Publié le vendredi 18 février 2005 à 09h12min

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Le peuple togolais peut continuer à méditer sur son sort. La famille Eyadema ne semble pas prête de les conduire sur la voie de la démocratie. La disparition du vieux baobab et le tour de passe-passe constitutionnel pour adapter leur choix à la constitution est une honte pour la démocratie africaine et constitue un mauvais exemple.

Pour tenter de donner une apparence de légalité au coup de force opéré la veille, les militaires togolais ont fait voter par le parlement de Lomé deux décisions. D’abord la destitution du président de l’Assemblée Fambaré Nachaba, qui ne leur plaisait pas et son remplacement, par Faure Gnassingbé, le fils du président Eyadema, déjà adulé par l’armée.

Ensuite, la modification de la constitution : l’intérim, jusque-là limité à 60 jours, a été étendu à la fin du mandat du président défunt. Faure Gnassingbé est donc programmé pour rester, en principe au pouvoir jusqu’en 2008 au moins. L’article 65 de la constitution togolaise sera appliqué, mais ce n’est plus le même. La lettre de la constitution rectifiée sera sans nul doute respectée, mais évidemment pas dans l’esprit des rédacteurs du texte original. Ainsi en a décidé une Assemblée nationale, dominée par les parlementaires du parti au pouvoir.

Ce tour de passe-passe constitue un véritable pied-de-nez en direction de la communauté internationale. Cette situation confirme la volonté du clan Eyadema de ne rien lâcher de l’emprise qu’elle exerce depuis 38 ans sur le pouvoir de l’Etat. Une armée façonnée par et pour la famille Eyadema, et composée en grande majorité de son ethnie, les Kabbieh, les membres les plus gradés étant d’ailleurs les plus proches de la famille du président.

Ainsi donc le déficit démocratique observé au Togo pendant le long règne du général Eyadema n’est pas prêt de l’accompagner dans sa tombe. Avec la prise du pouvoir par Faure Eyadema, le Togo ne semble pas abandonner le chemin de la dictature. Ce, malgré la condamnation unanime de l’ensemble de la communauté internationale. On peut a priori comprendre mal cet entêtement suicidaire de Faure et de la nomenklatura politico-militaire qui l’entoure pour peu que l’on ait pas une claire perception de la nouvelle donne africaine après la chute du mur de Berlin et les mouvements de démocratie qui ont suivi en Afrique.

Les Gnassingbé allergiques à la démocratie

Il aurait pourtant suffit que les héritiers du dinosaure soient plus fins et plus intelligents pour récupérer ce qui est à eux après une transition en douceur.

La constitution stipulait qu’en cas de vacance de la présidence par décès, l’intérim devait être assuré par le président de l’Assemblée nationale. Fambaré Natchaba qui était à l’extérieur pouvait rentrer et conduire la transition prévue pour deux mois (60 jours) maximum. A l’issue desquels des élections libres et transparentes, à la manière des Gnassingbé, ouvertes à toute l’opposition. Faure Gnassingbé aurait été élu démocratiquement moyennant une fraude massive et planifiée. Les choses allaient être moins ridicules que ce qu’on est en train de vivre. Au lieu de cela, les héritiers ne voulant pas courir le risque de perdre le pouvoir lors de la transition, on préfère se livrer au tripatouillage de la constitution pour légaliser leur prise du pouvoir. Depuis l’annonce de ce coup de force anti-démocratique, d’une seule voix, l’Union africaine et la CEDEAO ont toutes deux condamné avec détermination cette confiscation par le pouvoir du fils du dictateur Eyadema, l’ONU, la Francophonie ont également exprimé leur désapprobation. Mais la France ex-pays colonisateur et ancienne amie du général balbutiait sans pouvoir condamner fermement cet état de faits. Il fallait attendre une semaine après et sous la pression de l’Union africaine qui lui demandait de prendre position. Cette attitude de l’ex métropole en cache beaucoup. On est maître agrégé en démocratie alors qu’on soutient la dictature. Cette attitude ressemble à celle de la souris qui mord et souffle sur cette morsure. Quand on sait que la France décide de qui doit diriger en Afrique Francophone, on est en droit de se poser parfois la question de savoir quelle démocratie elle nous enseigne. C’est pour ses mêmes raisons que Koudou Gbagbo est toujours au pouvoir en Côte d’Ivoire. Si telle est la situation, les choses ne seront pas résolues de sitôt. Le peuple togolais ne sera pas au bout de ses peines. Les condamnations, on en aura, des promesses aussi. Mais on n’ira nulle part puisque les choses sont partagées et programmées par des forces extérieures.

Eviter la culture de cette dérive

Il est vrai que la démocratie n’est pas un costume prêt-à-porter, elle doit être adaptée à certaines réalités historiques géopolitiques de chaque pays, tout en respectant les normes de droit et les libertés des populations. Le temps des régimes d’exception est révolu. Il faut que les Africains prennent conscience qu’aujourd’hui le continent a besoin de démocratie pour son développement. Pendant que les autres cherchent les moyens pour s’unir, nos pays quant à eux continuent de subir une instabilité politique du fait de la simple volonté d’obsession de certains pouvoirs.

Kibsa Karim


Portrait de Faure Gnassingbé

Faure Gnassingbé, le nouvel homme fort du Togo et fils du président Gnassingbé Eyadema décédé samedi 5 février, était au centre du dispositif mis en place par son père pour lui succéder au pouvoir.

L’armée lui a officiellement "confié" le pouvoir et fait allégeance samedi soir, quelques minutes après l’annonce du décès du président Eyadema, survenu tôt dans la matinée.

Agé de 39 ans, Faure Gnassingbé a pour mère une femme Atakpamé, originaire de la région des plateaux dans le sud du pays (alors que le général Eyadema était un Kabbieh venu du nord du Togo). II a suivi des études de finances et de gestion en France et aux Etats-Unis, où il a obtenu un Master en Business Administration (MBA), avant de rentrer au pays au milieu des années 1990.

"Faure", comme l’appellent communément ses proches, exerçait jusqu’à samedi les fonctions de ministre des Mines, de l’Equipement et des Télécommunications au sein de l’actuel gouvernement.

Il était surtout le "grand argentier" et conseiller financier de son père, dans les domaines des phosphates, de la téléphonie ou de la prospection pétrolière. Il suivait les intérêts de la famille au sein de plusieurs entreprises "privatisées" et installées dans la zone franche de Lomé (dirigée par son frère Kpatcha Gnassingbé).

Homme discret, réputé habile, Faure Gnassingbé est considéré comme le chef du "clan des progressistes" au sein du Rassemblement du peuple togolais (RPT, parti présidentiel), dont il est également député pour la circonscription de Blitta (centre).

Outre l’armée, il peut en théorie compter sur le soutien de plusieurs ministres du gouvernement de son père : les ministres de l’Intérieur, Akila-Esso Boko ; de la Justice, Katari Foli-Bazi ; de la Communication, Pitang Tchalla ; ou encore le secrétaire-général du RPT, Dama Dramani.

Il fut un temps considéré comme proche du président de l’Assemblée nationale, Fambaré Natchaba Ouattara, un musulman du nord et l’un des stratèges politiques du régime qui devait, selon la constitution, assurer l’intérim en cas de décès de chef de l’Etat.

Mais la relation entre les deux hommes s’est distendue après que le président Eyadema eut révélé son projet d’installer son fils à la tête de l’Assemblée à l’issue des prochaines législatives, prévues théoriquement au printemps.

Celui qui hérite aujourd’hui du pouvoir à Lomé est le seul enfant du général Eyadema a être entré en politique, à l’instigation de son père qui refusait que ses autres enfants - estimés à au moins une cinquantaine - entrent dans l’arène publique.

K.K

L’Hebdo

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