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Nouvelle équipe du Conseil supérieur de la communication : Certains acteurs entre bilan et attentes

Publié le mercredi 17 septembre 2014 à 22h42min

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Nouvelle équipe du Conseil supérieur de la communication : Certains acteurs entre bilan et attentes

Depuis le début de cette semaine, le Conseil supérieur de la communication (CSC) est occupé par une nouvelle équipe de direction. Madame Nathalie Somé et huit autres membres y ont déposé leurs valises après leur prestation de serment, le jeudi 11 septembre dernier, suivie le lendemain de la passation de service. Quel bilan faites-vous des deux mandats de Madame Béatrice Damiba ? Qu’attendez- vous de l’équipe entrante ? Ce sont les deux questions que nous avons posées à quelques responsables du monde des médias. Réponses.

Edouard Ouédraogo, Directeur de publication de L’Observateur Paalga : « Elle a abattu un boulot considérable »

Elle a abattu un boulot considérable. Elle a achevé un certain nombre de chantiers qui avaient été initiés par ses prédécesseurs ; je noterai la concrétisation de la carte de presse, ça c’est une attente de la profession depuis les débuts des indépendances de notre pays ; elle a conclu le dossier de la convention collective, pour ne citer que cela. Elle a vraiment abattu un travail qui est à l’honneur de toute la profession et qui a vraiment contribué à consolider davantage la question de la liberté de la presse au Burkina Faso.
Celle qui va venir on attend qu’elle continue sur la même lancée et qu’elle (la nouvelle présidente Nathalie Somé, ndlr) fasse mieux. Parce que, évidemment, si elle ne fait pas mieux, ça va stagner. Mais nous savons que ça ne va pas être facile parce que ce n’est pas toujours facile de succéder à un responsable de la trempe de Béatrice Damiba. Mais Béatrice aussi a eu à succéder à d’autres responsables de même qualité et elle a réussi, il n’y a pas de raison que celle qui vient d’arriver ne réussisse pas. Et quand on a écouté son discours, on sait que vraiment elle en veut et qu’elle en a toutes les compétences, elle va certainement tenir plus haut le flambeau que Béatrice Damiba a contribué à hisser.

Serge Mathias Tomondji, Directeur de la Rédaction du Magazine panafricain Notre Afrik : « On peut déplorer que les deux mandats n’auront pas été suffisants pour concrétiser notamment le plaidoyer en faveur de la dépénalisation des délits de presse. »

En tant que personne extérieure au Conseil supérieur de la communication, il m’est difficile d’établir un bilan des nombreuses actions portées et concrétisées par Béatrice Damiba. D’autant que ces actions s’éclairent aussi du parcours global de l’institution depuis sa création. Du reste, elles ont été citées pêle-mêle à différentes occasions.
Je retiens toutefois que Béatrice Damiba a su insuffler une nouvelle dynamique au sein de l’institution, en travaillant efficacement sur certains chantiers phares, amorcés par son prédécesseur. Ainsi, son passage à la tête de l’institution aura notamment été marqué par l’aboutissement de l’établissement de la carte de presse et du laisser-passer, ainsi que par l’adoption de la convention collective pour les professionnels des médias. Même si tout reste perfectible par essence, il s’agit sans conteste d’une avancée majeure en termes d’amélioration des conditions d’exercice et de vie des professionnels des médias et de la communication, qui porte désormais sa griffe et qu’il convient de souligner fortement.
Au-delà de ce chantier qui était, je pense, une grande préoccupation pour tous, on peut noter avec satisfaction que grâce à sa méthode basée surtout sur l’écoute et la concertation, Béatrice Damiba a certainement réussi à impulser un certain état d’esprit dans la gestion de la maison qu’elle vient de confier à sa sœur, Nathalie Somé. Je pense que toutes les fois où il a été sollicité, le CSC a su répondre efficacement pendant les deux mandatures conduites par Béatrice Damiba, qui a également conforté le rayonnement de l’institution au plan international. La régulation de l’information est plutôt une matière complexe au plan institutionnel, et les différents collèges, sous la houlette de Béatrice Damiba, ont su travailler à rendre plus lisibles les actions du Conseil, à travers des innovations, une bonne gestion des importants rendez-vous électoraux, des interpellations pédagogiques pour relever certains manquements au niveau des médias.
Cependant, puisqu’un bilan s’écrit à charge et à décharge, on peut déplorer que les deux mandats n’auront pas été suffisants pour concrétiser notamment le plaidoyer en faveur de la dépénalisation des délits de presse. Béatrice Damiba a du reste souligné elle-même, faisant sans complaisance le bilan de son action à la tête du CSC, ce qu’elle considère comme projets non aboutis, relevant par ailleurs, un certain nombre d’insuffisances éthiques et déontologiques récurrentes qui persistent malheureusement au niveau des médias et qu’il convient de corriger progressivement.
Je salue donc l’honnêteté intellectuelle de la déjà ancienne présidente du CSC, en espérant que son souhait d’une consolidation des acquis engrangés ne restera pas un vœu pieu.

D’abord, et ce n’est pas banal de mon point de vue, c’est une femme qui en remplace une autre à la tête de l’institution. Et puisque c’est au bout de l’ancienne corde qu’on tresse la nouvelle, il faut déjà, à l’équipe entrante, consolider les acquis. Mais surtout, inventorier rapidement les chantiers non aboutis et/ou restés en friche, en faire un rigoureux état des lieux pour ensuite travailler à les concrétiser.
Cela n’échappe sans doute à personne, la nouvelle équipe du CSC a déjà du pain sur la planche, notamment avec l’élection présidentielle qui doit se tenir en 2015. C’est un rendez-vous électoral extrêmement important, dont la gestion politique, sociale et médiatique appelle la plus grande attention. Incontestablement, ce rendez-vous constitue d’ores et déjà le plus grand défi de l’instance de régulation des médias, actuellement conduite par Nathalie Somé. Du bon management de cette échéance dépendra la crédibilité de la nouvelle équipe, et de sa présidente qui, sans doute, ne manquent pas de ressources pour réussir.
Au surplus, le CSC doit, à mon humble avis, continuer à travailler pour qu’il y ait de plus en plus, au Burkina Faso, moins de régulation et mieux d’auto-régulation. Lors de son installation comme nouvelle présidente, Nathalie Somé à montré qu’elle a pris la mesure de la mission qui l’attend. Je ne doute pas qu’elle saura inscrire ses pas dans ceux de ses prédécesseurs, tout en apportant sa touche personnelle, pour faire faire de nouvelles avancées au Conseil supérieur de la communication.

Dr Cyriaque PARE, Fondateur du portail d’information en ligne Lefaso.net : « Les nouveaux médias sont des espaces d’expression citoyenne et un thermomètre de la vie socio-politique qu’il faut considérer à leur juste mesure. »

Le travail abattu par Mme Béatrice DAMIBA pendant son mandat de 6 ans a été unanimement salué. C’est vrai que tout n’a pas été parfait, comme toute œuvre humaine. Mais les observateurs et les acteurs s’accordent à reconnaître qu’elle et son équipe ont fait œuvre utile dans la régulation des médias. En tant que professionnelle ayant une bonne connaissance du métier et des hommes qui l’animent, elle a su faire preuve de pédagogie et de diplomatie. Cela n’a pas toujours été facile car Lefaso.net, pour s’arrêter sur notre cas particulier, a été plusieurs fois auditionné, notamment à propos de la gestion des forums de discussions que son institution aurait voulu plus « sévère ». Mais Lefaso.net a aussi été décoré de la médaille du mérite sur son instigation.

Quant à Nathalie Somé qui reprend le flambeau, elle a l’avantage d’être aussi une professionnelle aguerrie et de connaître la maison, puisqu’elle y officiait déjà. Elle a, dans son discours, annoncé son intérêt prioritaire pour le journalisme citoyen, une question qui nous concerne au premier point, nous médias en ligne. C’est un nouveau secteur qui illustre l’évolution de la technologie et les mutations de la société et surtout les changements dans les modes de production et de consommation de l’information.
Avec la grande expérience professionnelle qu’elle a, je ne doute pas qu’elle saura prendre la bonne mesure de ce que ce secteur représente comme enjeux pour la liberté de presse, la liberté d’expression, la liberté d’opinion tout court dans un espace démocratique. Car qui dit journalisme citoyen dit citoyen journaliste, citoyen soucieux d’exercer son droit de regard sur la gestion de la République, c’est-à-dire des choses publiques.
C’est dire que l’évolution de ces nouvelles plates-formes d’expression, qu’il s’agisse des forums de discussions des médias ou des réseaux sociaux, ne peut pas être décontextualisée de la situation générale. Il faut certes définir des règles et des principes de fonctionnement clairs de ces nouveaux médias, mais sans oublier qu’en plus d’être des espaces de défoulement, de catharsis, ils sont un thermomètre qu’il faut bien considérer à sa juste valeur et ne pas se tromper de combat à mener.

Charlemagne Abissi, Manager de la radio Savane FM : « Nous devons mener le combat ensemble. »

Nous avons vu, en tout cas en ce qui nous concerne, une certaine évolution dans son approche pédagogique et c’est ça qui est important. Maintenant Béatrice Damiba a essayé de cultiver quelque chose que monsieur Luc Adolphe Tiao avait initié, et a permis de donner un visage plus ou moins humain au CSC. Déjà elle- même en venant disait qu’elle était la maman de la presse ; alors nous l’avons ainsi adoptée. Nous espérons aussi que madame Somé même si elle n’est pas la maman, acceptera d’être la tante de la presse, ou à tout le moins la cousine.
De toute façon, nous avons pu avancer un tout petit peu dans les rapports déjà avec le CSC qui n’est plus vu comme un organe de sanction mais plus comme un organe tutélaire qui accompagne toujours la presse, qui a compris qu’il avait pour devoir d’accompagner la presse et non pas forcément de la sanctionner. Evidemment c’est normal parce que de toute façon si on regarde dans les faits, sans la presse le CSC n’a pas de raison d’être. Donc le CSC a intérêt à faire en sorte que la dynamique soit mise en branle.
Il faut faire en sorte de corriger les insuffisances. La presse burkinabè a quelque chose de formidable, elle n’est pas très partisane comparativement à la presse de certains pays qui nous entourent. Il y a déjà cet acquis. Maintenant il y a de petites insuffisances qu’il faut corriger. C’est ce que nous attendons de la nouvelle présidente. Aussi de continuer dans cette approche pédagogique, humaniste et tutélaire de l’institution. En écoutant les discours de ce matin je ne doute pas un seul instant qu’elle soit totalement ouverte à l’approche des organes de presse et qu’à la fin de son mandat nous puissions ensemble reconnaître que nous avons fait un pas de plus pour les médias au Burkina Faso. C’est un combat que nous devons mener ensemble.

Jean Claude Méda, Président de l’Association des Journalistes du Burkina (AJB) : « Nous attendons l’adoption du nouveau code de l’information. »

Me référant aux préoccupations qui sont le nôtres et que nous avons eu à exprimer auprès des différents Présidents du Conseil supérieur de la communication, que ça soit depuis Adama Fofana, ensuite Luc Adolphe Tiao et Béatrice Damiba, je dirais que certaines de ces préoccupations sont encore en chantier. Nos préoccupations étaient les suivantes : d’abord l’instauration de la carte de presse, ensuite la signature d’une convention collective, enfin la relecture des textes de loi concernant la presse. En d’autres termes, la relecture du code de l’information. Sur deux points, il faut dire qu’au prix de durs labeurs, d’abord entamé sous Luc (le premier ministre actuel et ancien président du CSC Luc Adolphe Tiao, ndlr) puis poursuivi sous Béatrice Damiba, nous avons pu signer la convention collective et instaurer la carte de presse. Sur l’autre point qui n’est pas moins important, c’est la question de la relecture du code de l’information pour le rendre beaucoup plus républicain ou en d’autres termes pour permettre le plein exercice du métier de journaliste. Sur cette question, nous avons eu des rencontres avec la Présidente sortante. Nous sommes allés jusque ensemble à proposer un draft concernant ce texte et nous sommes revenus là- dessus parce que entre- temps nous avons constaté que nos propositions n’avaient pas été pleinement prises en compte. Nous les avons encore notifiées à la présidente sortante et aujourd’hui elle vient de dire dans son discours bilan que ce texte est dans le circuit. Nous aurions aimé savoir quelle est la version actuellement qui est dans le circuit pour voir si nos préoccupations ont été entièrement prises en compte. Deuxième point, c’est concernant l’institution elle- même. Nous avons des points sur lesquels nous ne sommes pas d’accord avec l’institution et nous l’avons manifesté à chaque fois que nous avons été sollicités. Il s’agit même de la question de la composition du Conseil supérieur de la communication. Il y a des dispositions qui excluent les responsables de syndicats et également les patrons de presse. Nous nous sommes toujours battus contre cette disposition parce que nous disons qu’elle n’est pas réaliste et notre argument est le suivant : Si on considère que des personnes qui sont politiquement marquées peuvent faire partie du Conseil supérieur de la communication, il est hors de question que l’on mette de côté un patron de presse ou un responsable syndical du monde des médias. De la même manière qu’on pense que le membre du CSC marqué politiquement peut faire preuve d’indépendance d’esprit, nous disons alors il faut accorder ce bénéfice- là à un responsable syndical des médias ou à un directeur de presse. En un mot, un directeur de presse ou un responsable syndical de média peut tout aussi bien faire preuve d’indépendance d’esprit tout comme on fait confiance à un homme politique qu’il peut faire preuve d’indépendance s’il intègre le CSC. Ce sont là brièvement quelques points qui doivent faire l’objet de discussion avec la nouvelle équipe entrante.

La première des choses c’est que les questions que j’évoque là soient revues. Donc nous nous attendons à ce que rapidement la loi sur le code l’information qui est en relecture, que rapidement on adopte cette loi parce que nous disons dans ce projet de loi qu’il faut dépénaliser les délits de presse. Donc ça c’est urgent pour nous. Sur le second point disons que c’est un combat de longue haleine. On a « recodifié » dans le nouveau texte régissant le CSC les dispositions excluant les directeurs de presse et les responsables syndicaux. Ça aussi, nous allons continuer le combat et nous dirons à la Présidente du CSC qu’il faut revoir ces points. Si nous avons audience avec elle, nous dirons que ces points seront inscrits en première place de l’agenda de notre rencontre.

Propos recueillis par Samuel Somda
Lefaso.net

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