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Me Sankara et l’affaire : "Je ne mélange pas les serviettes et les torchons"

Publié le jeudi 17 février 2005 à 07h53min

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Depuis l’arrêt de la Cour d’appel le condamnant à payer 57 millions au titre des droits des 33 ex-travailleurs de X9, Me Sankara évitait de s’épandre dans la prese. C’est un homme serein, detendu que nous avons rencontré dans ce qui lui servait de Cabinet.

L’avocat a passé la main à l’homme politique en prenant soin de clore son dernier grand dossier, "le dossier X9" avec les délégués des travailleurs. 33 d’entre eux réclament cependant leurs droits à Me Sankara. Débouté en première instance, ceux-ci font appel. La Cour d’appel leur donne raison et condamne Me Sankara à payer.

Ces derniers jours, un des délégués des 215 travailleurs annonce que l’argent serait plutôt avec les délégués qui sont en pourparlers avec les 33 ex-travailleurs pour un réglement à l’amiable. Y arriveront-ils ? En attendant, Me Sanakra s’exprime pour la première fois dans nos colonnes depuis sa condamnation.

"Le Pays" : Vous avez été condamné par la Cour d’appel à rembourser leurs droits aux 33 travailleurs de X9. Où en est l’exécution du jugement ?

Me Sankara : Je ne sais pas. Cependant, je vais tenter de vous expliquer. Mais avant, il est de mon devoir de féliciter la presse qui restitue les faits sans état d’âme et sans prise de position, car les lecteurs, pour se faire une opinion, ont besoin d’être éclairés.

Effectivement, un arrêt de la cour d’appel a annulé un jugement qui m’avait donné raison. A l’époque, j’avais demandé 1 franc symbolique à titre de dommages et intérêts. A cause du battage médiatique dont j’ai fait l’objet, j’avais estimé que c’était une atteinte à mon honorabilité. Et le juge y avait fait droit en estimant que les 33 travailleurs n’avaient pas à me poursuivre parce que c’était une affaire entre travailleurs. Du reste, de façon professionnelle, c’est comme cela que j’avais compris les choses.

En 1998, j’ai été constitué par trois organisations syndicales, officiellement reconnues et désignées es-qualité par l’inspection du travail pour poursuivre ce dossier. Conformément aux dispositions légales, il n’y a aucun doute sur la qualité de mes mandants. Mais la Cour d’appel a estimé que j’ai commis une faute en reversant le reste de l’argent aux mandataires légaux. Je ne pouvais que me pourvoir en cassation pour que le droit soit dit devant cette Cour.

Mais Me Fayiri Somda rétorque que le pourvoi n’est pas suspensif.

C’est vrai, sauf dans les cas de difficultés d’exécution. Dans mon cas, il y en a plusieurs. La première , c’est que je suis avocat de profession et aucun avocat ne peut exercer sans police d’assurance. J’exerce depuis 1993 et j’ai toujours été couvert par une police d’assurance. Je n’ai pas compris pourquoi, un confrère avocat qui a été magistrat de surcroît a omis ce détail substantiel.
Plus tard, j’ai compris que ce n’est pas l’argent qui l’intéressait, mais plutôt comment me nuire.

Vous dites que c’est votre assureur qui aurait dû être poursuivi ?

Il y a une ambiguïté dans la procédure déclenchée par Me Fahiri Somda (avocat des 33 ex-travailleurs). Les faits ont eu lieu en 1998. Le protocole a été signé en 1998. Entre-temps, les deux parties (215 travailleurs et les 33) ne se sont pas entendues. Nous avons même joué la médiation entre les deux camps en tentant de les concilier. Et c’est au moment même où les deux parties devaient se retrouver que Me Somda s’est rétracté. Il y a des correspondances qui le témoignent. J’ai envoyé une lettre l’informant que les délégués vont passer le voir pour qu’avec les 33, ils puissent s’entendre. Et c’est le même jour qu’il a décidé d’envoyer le dossier en justice. Cela voulait dire qu’il ne voulait plus de règlement amiable entre les deux parties qui avaient accepté de cotiser conformément à la décision de l’Assemblée générale.

Votre confrère dit pourtant que c’est vous qui avez rejeté le règlement à l’amiable.

Pas du tout. Il y a deux lettres qui le prouvent. Vous pouvez même les publier. C’est un mensonge trop gros. Un deuxième élément dangereux : les 33 avaient assigné les délégués des 215, en remboursement de leurs droits. L’affaire a même été enrôlée devant le tribunal . C’est encore Me Fahiri Somda qui a dit d’annuler cette procédure. Il a repris une autre procédure en assignation à restitution de droits, mais cette fois contre Me Sankara. Là, franchement je n’ai pas compris. A l’entête de la plainte il est écrit, "assignation à restitution de droits". Mais au jugement, le juge de la Cour d’appel condamne Me Sankara à payer 57 millions de FCFA.

Il y a une nuance. Quand on dit de restituer, vous restituez ce que vous avez. Moi, je n’ai pas quelque chose. Mais le juge, pour pouvoir me condamner, ne parle pas de restituer mais de payer.
En tant qu’auxiliaire de justice, je prends acte du jugement. Je ne refuse pas que la justice de mon pays, contre la légalité, contre le droit, me condamne. Il y a des cas dans l’histoire. Les Rosenberg, le Pull-over rouge.

Quand une justice est aux ordres le magistrat fait ce qu’on lui dit de faire. J’ai donc opposé à l’huissier qui est venu saisir mes biens un certain nombre d’irrégularités.
Je lui ai signifié que je ne suis pas contre l’arrêt puisque j’ai fait un pourvoi en cassation. Mais en attendant, il y a des problèmes.
Je ne peux pas parler d’immunité parlementaire. Si je l’évoque, on va tout de suite parler de politique. Mais dans le fond, pourquoi, Me Fahiri Somda n’a pas poursuivi mon assureur.

Deuxièmement, le dossier, je l’ai clôturé avec les délégués devant un notaire assermenté. L’acte notarié est également revêtu de la formule exécutoire, tout comme le jugement de la Cour d’appel. Il ne peut donc pas passer outre cette clôture pour me poursuivre. Il aurait fallu que Me Somda cassât l’acte notarié avant de me poursuivre. Il connaît les voies et moyens pour ce faire. Si l’acte est frauduleux, il l’annule. A ce moment, il peut aller au pénal s’il le veut. Parce que j’ai lu dans la presse qu’il a été tellement gentil avec moi qu’il n’est pas allé au pénal.

Il oublie qu’en 1999, une plainte avait été déposée au parquet. On manipule l’opinion pour rien. Si je n’ai rien dit jusque-là, c’était à cause de l’obligation de réserve qui m’incombe. C’est un dossier véritablement clos dans mon cabinet. Je m’en suis remis à la justice de mon pays, surtout au droit et au peuple qui sait analyser et comprend les choses.

Les délégués et les 33 sont actuellement en pourparlers pour régler le différend. Cela vous dédouane-t-il ?<:B>

Je ne perçois pas le problème ainsi. Moi je n’ai jamais été offusqué par les propos tendancieux et malicieux. L’objet du combat que je mène m’éloigne des ragots. Ce qui est en train de se faire aujourd’hui aurait dû se faire, il y a sept ans.
En 1998, c’est exactement ce que les 215 travailleurs proposaient à leurs 33 collègues ; Ce qui est dangereux, c’est la déformation. Quand Me Somda dit que les 33, c’étaient les malades, ceux qui étaient en congés... c’est grave de tenir des propos de ce genre. Aujourd’hui , on comprend qu’il y a eu instrumentalisation. En 1997 quand les travailleurs devaient aller en grève, j’ai participé aux négociations en vue de trouver des solutions. Mon apport en tant que juriste était très appréciable. La preuve, c’est la première fois au Burkina qu’on a assisté à un sit-in d’un an et demi où il n’y a pas eu d’échauffourées. Il n’y a pas eu de casses, rien du tout.

De mon point de vue, s’il y a une entente entre les travailleurs, cela réhabilite le droit syndical, la représentation légale des délégués et surtout la profession d’avocat. L’avocat reçoit mandat de plaider pour autrui. Je l’ai fait en me laissant guider par mon serment. Ce que j’ai enduré c’est mon serment. Je n’avais pas le droit de faillir. J’ai côtoyé ces travailleurs. Quand on parle de mort d’hommes, c’est plutôt parmi ceux qui ont été licenciés.

Aujourd’hui parmi les 215 travailleurs, il y en a qui ont été admis au test de recrutement de la SOTRACO, et on a rayé leur nom. Qu’est-ce que cela veut dire ? Ne sont-ils pas des Burkinabè ? N’ont-ils plus droit au travail parce qu’ils ont lutté pour leurs droits ?

J’ai beaucoup appris, à travers ces conflits sociaux, sans pour autant m’éloigner de la déontologie de la profession. Et je ne mélange pas les serviettes et les torchons. Je ne confonds pas non plus la chose politique avec ma profession. La preuve, quand j’ai été élu en 2002, j’ai écrit au bâtonnier pour dire que j’en tirais les conséquences de droits. Le bâtonnier Harouna Savadogo peut témoigner. Depuis lors, je n’ai plus exercé. J’ai simplement confié mon cabinet à la suppléance.

Dans cette affaire, malheureusement, il y a eu des interférences au plan politique. C’est regrettable. Si l’affaire se dénoue telle que vous l’avez écrit dans votre journal, ce n’est pas moi qui aurais eu raison mais les travailleurs dont l’indemnisation ne couvre pas aujourd’hui le préjudice subi. Des gens sont restés 18 mois sans travailler, puis furent ensuite licenciés. Ils ne peuvent pas avoir d’emploi depuis tout ce temps et finalement se retrouvent avec 12 mois de salaires qui ne couvrent même pas leurs dettes. Jusqu’aujourd’hui, des créanciers des ex-travailleurs m’écrivent pour savoir qui va les payer ?

Dans la logique actuelle, si les 33 sont désintéressés qu’advient-il de la procédure contre vous ?

Cette question, il faut la poser à Me Fahiri Somda. C’est lui qui tape son tam tam. Je lui ai dit qu’en m’attaquant, il saisissait l’ombre pour la proie. Comme il a été magistrat, procureur puis avocat , il saura quoi faire. Moi je n’en sais rien.

Propos recueillis par Abdoulaye TAO
Le Pays

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Vos commentaires

  • Le 17 février 2005 à 09:31, par Somwékré En réponse à : > Me Sankara et l’affaire : "Je ne mélange pas les serviettes et les torchons"

    Ah ! Maître, enfin des arguments juridiques. C’est un bon début, même si ces arguments ne sont pas si convainquants que ça.
    Quelques questions Me : si les 12 mois de salaire ne suffisent pas aux 215 licenciés, cela leur donne-t-ils automatiquement le droit de saisir les droits de leurs camarades ? Et si avec ces droits saisis ils n’arrivent pas à éponger toutes leurs dettes, que devront-ils saisir ensuite ? Peut-être moi mon maigre salaire de petit instituteur.
    Mon cher ami, vous demandez de l’aumone pour ces personnes ou vous voulez leur octroyer un droit au-delà du droit ?
    Si c’est vrai que ces pauvres burkinabè sont devenus des praïas du monde du travail, moi j’y vois quelque part votre responsabilité car, si j’étais un employeur, j’allais hésiter par deux fois avant de recruter un meneur qui se laisse manipuler par vous, politicien à la moralité douteuse. Il est en effet établi que vous avez mené ces travailleurs de bout en bout, et telle que vous êtes, sans scrupules, vous n’hésiterez pas à prendre en otage une entreprise par le biais de vos "valets locaux" (au sein de l’entreprise) pour pouvoir jouer ensuite le zorro national et tenter vainement de rebondir à chaque que vous serez en mal d’exploits.
    Le seul mérite de cette interview, je le répète, c’est d’avoir, pour une fois que vous et vos camarades vous exprimez sur ce dossier, tenter, bien que maladroitement, d’utiliser des arguments juridques.
    Bravo, pour n’avoir pas employé "4ème République" tout au long de l’entretien !

  • Le 17 février 2005 à 14:12, par Nogo En réponse à : > Me Sankara et l’affaire : "Je ne mélange pas les serviettes et les torchons"

    A Somwékré ! Je peux comprendre que vous enveuilliez à Me Sankara pour ses opinions politiques mais vous auriez du mérite à l’attaquer sur ces idées là. Sinon si vous avez d’autres faits à présenter que ceux qu’il a énumérés, allez y. Dans le cas contraire , ce n’est pas honorable de votre part de lui traiter de tous ces noms car la politique pour être utile au pays a besoin de débats d’idées et non d’animosité entre des individus.

    • Le 18 février 2005 à 17:18, par Somwékré En réponse à : A l’avocat de l’avocat diable

      Nogo, c’est tout-à fait normal que vous vous agitiez ainsi, habitués que vous êtes dans votre horde à ne pas tolérer la contradiction de vos idées et fantasmes. Mais, aidez Me à répondre aux questions que je lui ai posées :
      si les 12 mois de salaire versés au titre des droits ne suffisent pas aux 215 licenciés, cela leur donne-t-ils automatiquement le droit de saisir les droits de leurs camarades ? Et si avec ces droits saisis ils n’arrivent pas à éponger toutes leurs dettes, que devront-ils saisir ensuite ? A écoutez maître, ils couperaient des routes pour dépouiller d’honnêtes citoyens que personne ne devrait trouver à en redire, car ces immunisés de la loi ont eu le privilège de dealer avec un avocat véreux qui, sous la mince couverture d’opposant, glisse allègrement entre politique et Droit, au gré de ses intérêts.
      Soyons sérieux ! Je suis pas Sankarists, mais je sais l’idéologie de Thom Sank est tout sauf cela.
      Nogo, répondez-moi, car je crains pour mon salaire de misère que je sens déjà menacé par vos protégés, ayant droit sur tout ce qu’ils peuvent saisir pour éponger leurs dettes.
      Ont-ils droit sur tout salaire ?

      • Le 19 février 2005 à 13:45, par Nogo En réponse à : > A l’avocat de l’avocat diable

        Je ne sais pas à quelle "horde" j’appartiens mais dans mon propos, je n’ai jamais usé d’autant de violence que vous. Car la bagarre c’est l’argument de ceux qui n’en n’ont pas. Cela semble être votre cas, c’est pourquoi j’insiste tout de même à vous ramener au débat. Les lecteurs en feront leurs opinions.
        1.Me Sankara n’a jamais dit dans son interview que les 212 travailleurs devraient s’emparer de toute la somme parce qu’elle n’aurait pas suffi à éponger leur dette. Il a simplement dit que l’indemnisation était insuffisante et c’est son droit en tant que l’avocat des victimes de le dire. Quand bien même ça serait subjectif (ce que je n’affirme pas) c’est à la justice de trouver ce qui est juste. On peut être en désaccord avec lui sur ce point mais il ale droit de le dire. Et cela ne le fait nullement dire que les 212 travailleurs "couperaient des routes pour dépouiller d’honnêtes citoyens" . Donc vous lui prêter des dires qui ne sont le sien pour le dénigrer ( pour d’autres raisons ?)
        2. Quand vous dites que "un avocat véreux qui, sous la mince couverture d’opposant, glisse allègrement entre politique et Droit, " apparement vous vous appuyez sur autres choses que cette affaire pour lui qualifier de la sorte. Si c’est le cas dites ce qu’il a fait d’autre. Sinon cela s’apparente à une accusation gratuite une fois de plus pour d’autres raisons dont vous êtes le seul à savoir (peut être même pas).
        3. Rassurez vous : A moins que Me Sankara ait posé d’autres actes de malveillance avérés ( ce qu’il n’a pas encore fait à mon avis sinon je serai le premier à le condamner) il est nettement moins une menace pour votre "salaire de misère"(s’il l’est réellement ????) la menace pour les vrais salaires de misère pourrait se trouver ailleurs, pas très loin, vous n’avez même pas besoin de fouiller pour le voir ! :D Fraternellement.

  • Le 17 février 2005 à 14:14, par JWY En réponse à : >Réponse à l’article

    J’ai à reprocher nos médias (notamment Le pays, L’indépendant) qui se nourrissent de charognes comme ce cas des 33 travailleurs ou si vous voulez de Me Sankara qui nous parle des procès Rosenberg comme pour nous dire qu’il fait parti de l’histoire (mon oeil) et rien que pour insulter les Burkinabè. Vous vous rendez compte qu’il suffit de voler des pauvres pour entrer dans l’histoire ?
    On prédit déjà qu’après la Côte d’Ivoire, le Togo, c’est le Burkina et pour accélérer nos pauvres médias se pressent de collecter ça et là des histoires rien que pour des tendances et le désire de bâtir leur soit disant futur en leur faveur sans se soucier du présent.
    Me Sankara a oui ou non eu l’argent dans son compte ? Oui (je connaîs la réponse comme vous) A-t-on parlé d’immunité parlementaire ? Oui Pourquoi cherchait-il à boucler ce deal à l’amiable ? Pour cacher la vérité. Me Sankara est un avocat, un député tout le monde le sait ; et après ? "Je ne mélange pas les serviettes et les torchons" comme s’il savait faire la différence. Et l’affaire de "Jean Paul Koudougou Balbéogo" ne vous intéresse pas parce que c’est sans intérêt de détourner "des tickets de carburant du Projet de développement santé et nutrition (PDSN) d’une valeur de 11 070 033 FCFA (onze millions soixante dix mille trente trois francs" ? ça c’est un cas qui préoccupe bien les Burkinabè que de chercher à cueillir des sous avec ce soit disant pauvre avocat avec 500.000 FCA dans son compte.
    Chercher plus à faire de la publicité c’est rentable parce que se contenter de charognes c’est bien risqué.

  • Le 17 février 2005 à 20:56, par Nogo En réponse à : > Me Sankara et l’affaire : "Je ne mélange pas les serviettes et les torchons"

    "Me Sankara a oui ou non eu l’argent dans son compte ? Oui (je connaîs la réponse comme vous) " Apparement Vous devez en connaître plus que la Justice car il n’a même pas été condamné pour avoir voler de l’argent comme vous laisser l’entendre mais pour avoir remis l’argent à une partie (212) des travailleurs qui ne se sont entendus avec les 33 autres sur la répartition. Une fois de plus on déteste Me Sankara pour d’autres raisons. Ca serait bien honnête de l’attaquer sur ces raisons là.

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