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Hama Amadou, champion d’Afrique de l’équilibrisme politique, chute du perchoir et fracasse l’image de la démocratie nigérienne (2/2)

Publié le lundi 8 septembre 2014 à 00h13min

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Hama Amadou, champion d’Afrique de l’équilibrisme politique, chute du perchoir et fracasse l’image de la démocratie nigérienne (2/2)

Après sept années à la primature (1999-2007), sous Mamadou Tandja, Hama Amadou est dégommé à la suite d’une motion de censure votée le 31 mai 2007 par ses « amis » et ses alliés, parmi lesquels Mahamadou Issoufou, initiateur de la motion.

Pourtant, interrogé par Ali Biyo pour le compte de Jeune Afrique Economie (19 juin 2000), Hama Amadou déclarait alors : « Nous avons géré le pays ensemble en 1995 dans le cadre de ce que l’on avait appelé alors la Nouvelle majorité, lui comme président de l’Assemblée nationale et moi en tant que Premier ministre jusqu’au putsch du 27 janvier 1996. Puis nous avons été ensemble dans l’opposition au régime du général Ibrahim Maïnassara Baré. Au sein du Front de restauration et de défense de la démocratie (FRDD), nous avons vécu beaucoup d’épreuves ensemble, y compris des arrestations et autres internements arbitraires. Ce n’est pas parce que nous avons été aux élections dans des camps différents que nous allons devenir des adversaires irréconciliables ».

Cependant, interrogé un an plus tard par Amadou Ousmane (Jeune Afrique Economie du 18 juin 2001) sur la question de savoir si le PNDS accepterait de participer au gouvernement, Issoufou répondait : « Le chef de l’Etat ne nous proposera pas de nous associer à la gestion du pouvoir, car son premier ministre, Hama Amadou, ne le veut pas. Il n’est donc pas nécessaire de répondre à une question qui ne se pose pas. Le jour où celle-ci se posera, nous y répondrons ».

Considéré comme le « dauphin naturel » de Tandja, Hama Amadou retrouvait ainsi sa liberté d’action dans la perspective de la présidentielle de décembre 2009. Liberté de courte durée. Le 26 juin 2008, il va être emprisonné à Koutoukaté, au Nord de Niamey. Et le 5 août 2008, il sera entendu par la commission d’instruction de la Haute Cour de justice pour détournement d’une partie d’un fonds d’aide à la presse de… 100 millions de francs CFA. Il dira que ces fonds ont été dépensés pour des opérations de lobbying en faveur de Tandja, dénoncera une « cabale judiciaire » et « une chasse aux sorcières » initiées par le chef de l’Etat. Dix mois de détention avant une libération conditionnelle, le 23 avril 2009, pour raisons de santé ! Deux jours plus tard, Hama Amadou était évacué sur la France pour des soins à l’Hôpital américain de Neuilly-sur-Seine. Dans le même temps, Tandja aura organisé la récupération du MNSD que Hama Amadou présidait toujours (il en avait pris le contrôle en 2005) et entamera une marche forcée vers un troisième mandat, finalement stoppée par l’armée en février 2010.

Hama Amadou pouvait alors revenir au Niger pour être candidat à la présidentielle au titre du Mouvement démocratique nigérien (Moden). Avoir été emprisonné par Tandja, qui a été contesté par la rue avant d’être dégagé par l’armée (18 février 2010), va lui permettre de se refaire une virginité politique. Mais pas de remporter la présidentielle 2011. Devancé par Mahamadou Issoufou et Seyni Oumarou, il devra se contenter d’être « faiseur de roi ». Il choisira de répondre à la volonté de changement des électeurs (représenté par Issoufou, Oumarou, Premier ministre du 3 juin 2007 au 23 septembre 2009, président du MNSD en février 2009 qui a appelé à voter « oui » au référendum constitutionnel du 4 août 2009 dont Oumarou a été l’organisateur, et président d’une Assemblée nationale « tandjaïste » anticonstitutionnelle) plutôt que de respecter son alliance électorale avec le leader du MNSD/Nassara : c’est donc Issoufou qui l’emportera, Hama Amadou se voyant octroyer la présidence de l’Assemblée.

Hama Amadou en sera élu avec 103 voix sur 104. Cinq groupes seront constitués dominés par le PNDS du président Issoufou (34 députés), l’Alliance pour la République, la démocratie et la réconciliation (ARDR), l’opposition parlementaire (29 députés) et le Moden de Hama Amadou (23 députés). Dans un entretien accordé à Zowenmanogo Dieudonné Zoungrana (L’Observateur Paalga du vendredi 30 septembre 2011), Hama Amadou dira : « Il n’y a pas de promesse à faire à un allié. Il y a des équilibres à rechercher pour que l’alliance qui arrive au pouvoir puisse gérer les choses dans les meilleures conditions possibles. Je considère que ce sont des distributions de rôles que les résultats électoraux nous ont plus ou moins imposées ».

Manifestement, cette « distribution de rôles » ne convenait plus à Hama Amadou. En août 2013, alors que la Bande sahélo-saharienne était en ébullition et que les regards étaient tournés vers Bamako où se déroulait la présidentielle, Hama Amadou va quitter la coalition au pouvoir, n’étant pas satisfait de la composition du gouvernement d’union nationale. Il va rejoindre l’opposition parlementaire faisant ainsi alliance avec le MNSD de Seyni Oumarou à qui il avait fait perdre la présidentielle 2011.

A la veille de celle-ci, Hama Amadou déclarait pourtant au journaliste burkinabè Mahorou Kanazoé (Le Pays), alors qu’il était à Bamako pour le cinquantenaire de l’indépendance du Mali : « Tous les hommes politiques qui ont soutenu le projet de violation de la Constitution et toutes les triturations malhonnêtes qui ont marqué le recul de la démocratie au Niger en 2009, doivent répondre au même titre que Tandja, de mon point de vue, de cette haute trahison envers le peuple en passant devant les tribunaux ».

La situation va se tendre au printemps 2014. Le gouvernement nigérien évoquera « une campagne de terreur » dans la perspective d’un « putsch militaire ». Les responsables du Moden, dont plusieurs dizaines de cadres seront arrêtés, vont dénoncer « une chasse aux sorcières ». Les tensions politiques, déjà exacerbées, vont prendre une autre dimension dès lors que des « élites » du pays, pas toutes politiques, seront mises en cause dans « l’affaire du trafic de bébés ». Qui va devenir une « affaire Hama Amadou » dès lors que le nom de celui-ci sera prononcé parmi les acteurs de ce « trafic ». Hama Amadou va alors prendre la fuite.

Dénonçant le « harcèlement » et « l’acharnement » du pouvoir, l’ex-président de l’Assemblée nationale, va mettre en garde le chef de l’Etat : « Mahamadou Issoufou peut continuer à abuser du pouvoir, à violer la Constitution pour me faire arrêter, il trouvera toujours d’autres Hama Amadou sur son chemin ». Ses amis vont dénoncer un « projet machiavélique de concassage des partis politiques d’opposition » qui s’articulerait autour de deux plans. Le « plan A » viserait à créer des « dissidences au sein » de ces partis en jouant du chantage à la participation au « gouvernement d’union nationale ».

Le « plan B », quant à lui, serait une entreprise de « dénigrement et d’attaques directes contre des personnalités d’opposition » ; hormis Hama Amadou, elle viserait aussi Mahamane Ousmane et Seyni Oumarou. C’est sans doute là, d’ailleurs, que le bât blesse au Niger. Un observateur, cité par L’Observateur Paalga (lundi 2 juin 2014), évoquait comme cause majeure de ce qu’il faut bien appeler la crise politique nigérienne, « une coalition fragile fondée sur des calculs d’apothicaire, des egos incapables de s’effacer, puis un clash et une recomposition des alliances… Et toujours les mêmes têtes qui émergent : Hama Amadou, Mahamadou Issoufou, Mahamane Ousmane, Seyni Oumarou ».

Dans un schéma politique normal (mais il faut bien reconnaître qu’ils n’abondent pas dans l’histoire du Niger), il est inimaginable que Hama Amadou revienne sur la scène politique de son pays*. Reste qu’il faudra faire rapidement la lumière sur cette « affaire de trafic de bébés » et ses acteurs et sur la politique menée par Mahamadou Issoufou vis-à-vis de l’opposition. Et vice-versa. Comme l’écrivait Le Pays dans son édition du mardi 27 mai 2014 : « Le Niger ne doit pas décevoir. Il ne doit pas tomber de son piédestal de nation démocratique ». Pas sûr qu’il y parvienne. Pas sûr, non plus, qu’il ait été jamais une « nation démocratique ».

* L’Observateur Paalga, quotidien privé burkinabè, qui est d’ordinaire dans la retenue, s’est « lâché » en « une » de son édition du lundi 1er septembre 2014, avec un titre provocateur et interrogateur : « Hama Amadou, une couille molle ? ».

Jean-Pierre BEJOT
La Dépêche Diplomatique

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Vos commentaires

  • Le 8 septembre 2014 à 14:16, par fasoen En réponse à : Hama Amadou, champion d’Afrique de l’équilibrisme politique, chute du perchoir et fracasse l’image de la démocratie nigérienne (2/2)

    je ne voudrait m’ériger en défenseur du pouvoir en place au Niger, mais dans cette affaire de trafic de bébés, Hama Amadou se reproche quelque chose ! jusqu’à présent, je n’arrive pas à comprendre sa fuite. cette affaire de trafic a une charge morale qui va au-delà de la politique.
    tout homme, politicien ou pas, qui se trouve mêlé à une telle ignominie doit s’attendre à la sanction de la Morale. dans le cas précis de Hama, il a certainement soutenu le vote de lois ou signé des décrets interdisant le trafic d’êtres humains ! à qui voulait-il que ces textes s’appliquent ? pour finir, ses partisans doivent ce rendre compte que ce monsieur ne mérite pas leur confiance. en effet, pourquoi abandonner son épouse en prison et se réfugier en Europe ? cette dame pouvait-elle "s’acheter" les jumeaux sans au moins informer son époux ?
    peut-être que de son exil il va préparer son retour en usant de la force. malgré cette option, la Morale prendra toujours sa revanche !

  • Le 8 septembre 2014 à 16:30 En réponse à : Hama Amadou, champion d’Afrique de l’équilibrisme politique, chute du perchoir et fracasse l’image de la démocratie nigérienne (2/2)

    Il n’ya rien absolument rien qui puisse justifier cette fuite Il doit avoir certainement quelque chose à se reprocher sinon pourquoi agir ainsi et donner du pain à revendre à ses détracteurs ?En plus il abandonne son épouse en prison qu’il ne nous dise pas qu’il n’était pas au courant de ses agissements quand même il est bien placé pour savoir si sa femme est capable d’enfanter ou pas bref aucun avocat à part Me verges (décédé) ne peut défendre un tel type Dans tous les cas il ne mérite pas qu’on s’apitoie sur leur sort !!

  • Le 8 septembre 2014 à 19:29, par l’éveillé En réponse à : Hama Amadou, champion d’Afrique de l’équilibrisme politique, chute du perchoir et fracasse l’image de la démocratie nigérienne (2/2)

    En fuyant lâchement la justice de son pays,et quand on regarde le parcours politique de Hama,je crois que c’est le même destin politique que notre YAMEOGO Hermann national qui l’attends.je me pose souvent des questions sur la santé mentale de bien d’hommes politiques sous nos tropiques,parce que autrement cette instabilité politique doit être le reflet d’une instabilité mentale.tantôt à droite,tantôt à gauche,le matin libéral,le soir social démocrate etc...

  • Le 8 septembre 2014 à 19:48, par almamy touré En réponse à : Hama Amadou, champion d’Afrique de l’équilibrisme politique, chute du perchoir et fracasse l’image de la démocratie nigérienne (2/2)

    il faut decrimininaliser les bonnes causes comme l’achat d’un enfant. le niger ne doit pas etre plus royaliste que le roi.Le nigeria qui est victime n’a pas touché à un seul homme politique. En quoi l’acte de la femme de Hama doit il conduire son mari en prison. C’est du tropicalisme politique qui pollue l’atmosphere et eloigne nos dirigeants des vrais combats.
    Hama a bien fait de quitter pour mieux sauter car avec sa santé actuelle s’il tombe dans les geoles il n’en sortira plus vivant
    Il faut tout simplement laisser tomber cette poursuite aveugle contre un adversaire politique tranchant.

  • Le 9 septembre 2014 à 03:34, par Citoyen YACK En réponse à : Hama Amadou, champion d’Afrique de l’équilibrisme politique, chute du perchoir et fracasse l’image de la démocratie nigérienne (2/2)

    Faudrait’il encore prouver la véracité de ses accusations concernant HAMA AMADOU , ou juste une manigance du pourvoir tout simplement , car jusqu’à présent le juge n’arrive toujours a prouver une quelconque Implication de HAMA , dans cette affaire et aucune preuve n’existe , que des faisceaux d’indices ...

    C’est juste la débande et la panique dans le camp présidentiel , qui ne maîtrise aucune ville importante des 08 régions du Niger , tous dominés par l’opposition et vois venir les élections dans 2 ans .

    La stratégie du pourvoir consista a créer des dissidences virtuelles sponsorisées , de sorte qu’aucun parti politique ne soit indemme et aient des litiges en justice afin de les disqualifier aux élections , mais HAMA AMADOU , lui gêne encore plus le pourvoir car pouvant fédérer tous les partis et disposant de puissants relais à travers le monde entier devient la bête noire du Régime .

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