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Hama Amadou, champion d’Afrique de l’équilibrisme politique, chute du perchoir et fracasse l’image de la démocratie nigérienne (1/2)

Publié le samedi 6 septembre 2014 à 14h03min

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Hama Amadou, champion d’Afrique de l’équilibrisme politique, chute du perchoir et fracasse l’image de la démocratie nigérienne (1/2)

Il y a sa fuite pitoyable, au Burkina Faso puis en Belgique, et sa raison d’être (complicité dans un trafic de bébés) plus pitoyable encore. Quel que soit l’épilogue politique de cette affaire, il faudra être impitoyable dans le traitement de ce dossier. Hama Amadou est une des personnalités politiques majeures de l’Afrique de l’Ouest.

Candidat à la présidentielle dans son pays, deux fois Premier ministre, leader d’un parti respectable (Moden/Lumana Fa), il présidait l’Assemblée nationale du Niger, ce qui a plus de signification dans ce pays que dans beaucoup d’autres sur le continent. Voilà plusieurs mois déjà que les tensions entre Hama Amadou et le président Mahamadou Issoufou, avaient pris une ampleur destructrice pour la démocratie nigérienne. Mitraillage de la façade de la résidence du chef de l’Etat, cocktail Molotov contre le siège de son parti (PNDS), interpellation du fils de Hama Amadou, arrestation, inculpation et incarcération pour « atteinte à la sûreté de l’Etat » de personnalités politiques (dont un ancien ministre de la Santé et un ancien maire de Niamey)…

Le ton était monté de part et d’autre. Les uns criaient à la création d’une « situation insurrectionnelle afin de pousser l’armée à intervenir » (ce qu’elle ne manque jamais de faire au Niger) ; d’autres au « simulacre en vue d’éliminer Hama Amadou de la course à la présidentielle en 2016 » et même à la tentative de son « empoisonnement ». « La paranoïa du pouvoir » était dénoncée par Seyni Oumarou, leader du MNDS (et challenger d’Issoufou lors du deuxième tour de la présidentielle de 2011), sans que l’on sache si cette « paranoïa du pouvoir » prenait en compte, également, le président de l’Assemblée nationale. Aujourd’hui, c’est pire encore. Hama Amadou, qui a quitté en août 2013 la coalition présidentielle qui lui avait permis d’obtenir le perchoir, puis a rejoint la coalition de l’opposition aux côtés de Seyni Oumarou, se retrouverait embringué dans une affaire sordide : un trafic de bébés nés au Nigeria et destinés aux épouses stériles de personnalités nigériennes (mais aussi béninoises).

C’est en juin 2014, quand la « paranoïa » s’est emparée du pouvoir, que cette affaire a fait la « une » : arrestations, auditions, inculpations… d’une trentaine de personnes, dont la deuxième épouse de Hama Amadou et les femmes de personnalités du régime. Celles-ci étant incarcérées, leurs époux se retrouveront dans le collimateur de la justice. Le ministre d’Etat, ministre de l’Agriculture, va tomber. Et l’immunité du président de l’Assemblée nationale aussi : ce sera fait le mercredi 27 août 2014. Ce qui va précipiter sa fuite bien qu’il ait déclaré qu’aucun n’élément n’avait été fourni pour étayer le dossier monté contre lui ; et ait tenté d’expliquer que l’Assemblée n’étant pas en session, la levée de son immunité n’était pas possible. Il demandera au Conseil constitutionnel de se prononcer sur cette décision mais choisira, cependant, de passer la frontière avec le Burkina Faso le jeudi 28 août 2014 ; puis de s’envoler aussitôt pour l’Europe.

« Un homme politique de sa trempe ne devrait pas craindre d’aller en prison pour ses idées ni pour son honneur », a écrit Outélé Keïta, dans le quotidien privé burkinabè Le Pays (vendredi 29 août 2014). « L’on aurait aimé le voir affronter dignement la justice de son pays qui, de par le passé, a suffisamment fait preuve d’indépendance*. Cela l’aurait grandi, lui aurait davantage fait gagner en notoriété et lui aurait valu plus de dividendes politiques que la voie de la fuite qui contribue à écorner son image et à semer la confusion ».

Hama Amadou a toujours été un homme pressé. A qui tout réussissait ; enfin, presque puisqu’il n’a pas encore atteint son but : président de la République. Né sur les rives du fleuve Niger, dans le Nord-Ouest du pays, il a fait ses études au Bénin avant de rejoindre l’Ecole nationale d’administration (ENA) à Niamey. Il débutera dans les douanes puis rejoindra la préfectorale. Le président Seyni Kountché le remarquera et en fera le patron de l’Office de radio-télévision nationale du Niger (ORTN) en 1984. Il avait 34 ans. Hama Amadou va accéder, ensuite, au cabinet du président puis entrer au gouvernement comme ministre de l’Information. Secrétaire général de l’ex-parti unique, le Mouvement national pour la société de développement (MNSD-Nassara), il va se trouver en premier ligne dans les futurs combats politiques.

A la suite de la mort soudaine de Kountché, le 10 novembre 1987, le Niger connaîtra des années difficiles. Le colonel Ali Saïbou, chef d’état-major, sera promu chef de l’Etat ; il devra faire face à la fronde des syndicats qui réclament le pluralisme politique. Le multipartisme va être réinstauré et la Conférence nationale souveraine va décider de la mise en place d’un gouvernement de transition. Mahamane Ousmane, de la Convention démocratique et sociale (CDS), sera, en 1993, le premier président de la IIIè République. Mais les tensions entre le chef de l’Etat et son premier ministre, Mahamadou Issoufou, vont provoquer un clash politique et plus encore le chaos : changement de premier ministre, dissolution, élections, changement de majorité puis à nouveau dissolution, élections, le Niger, finalement, va choisir la cohabitation : les cinq partis de l’opposition qui avaient remporté, ensemble, les législatives, imposeront Hama Amadou à la primature. Il a 45 ans. La cohabitation sera de courte durée.

Le 27 janvier 1996, un coup d’Etat porte le colonel Ibrahim Maïnassara Baré au pouvoir. Pour, dira-t-il, « sauver le Niger du chaos ». Baré sera élu à la présidence de la République en juillet 1996, face à trois personnalités de la vie politique nigérienne : Mamadou Tandja du MNDS, Mahamane Ousmane de la CDS (il avait remporté la présidentielle de 1993 face à Tandja), Moumouni Adamou Djermakoye de l’ANDP. Le 9 avril 1999, Baré est assassiné. Un Conseil de réconciliation nationale sera mis en place et une présidentielle organisée. Elle a été remportée, le 20 novembre 1999, par Tandja. C’est Hama Amadou qui a dirigé sa campagne. Il sera nommé Premier ministre. En 2004, il envisagera de se présenter à la députation, ce qui l’aurait obligé à quitter ses fonctions de Premier ministre. « Le président m’a demandé de privilégier les intérêts du pays au détriment de mes ambitions électorales. J’ai trouvé son analyse pertinente. Je suis donc resté ».

Après un premier mandat conjoint, Tandja à la présidence et Hama Amadou à la primature, les Nigériens pouvaient se réjouir de cinq années de stabilité après douze années au cours desquelles on avait assisté à la valse des chefs d’Etat, des premiers ministres et des présidents de l’Assemblée nationale. C’est dire que le Niger ne manque jamais de candidats au pouvoir et que s’y maintenir nécessite un vrai talent d’équilibriste politique. Hama Amadou disait alors : « Quand on est le leader du plus grand parti politique, que l’on occupe le poste de premier ministre, il est normal que l’on devienne l’homme à abattre pour ses adversaires ».

Mais ce sont ses « amis » qui vont le faire tomber. Le jeudi 31 mai 2007, ils vont le censurer alors qu’il était majoritaire à l’Assemblée nationale : 88 députés pour son parti, le MNSD/Nassara et ses alliés de la CDS contre 25 députés pour l’opposition ! C’est Seyni Oumarou, son poulain (il a été son conseiller spécial en 1995), qui le remplace au poste de premier ministre alors que Tandja, lui, réélu à la présidence à la fin de l’année 2004, poursuivait son mandat. Le tombeur de Hama Amadou (qui sera quand même resté sept ans à la primature) n’était autre, alors, que Mahamadou Issoufou qui avait initié la motion de censure.

*On se souvient de « l’affaire MEBA » à l’automne 2006 alors que Hama Amadou était premier ministre, deux anciens ministres, Ary Ibrahima et Hamani Harouna, impliqués dans le scandale du ministère de l’Education de base et de l’Alphabétisation (MEBA), ont été jetés en prison après leur mise en accusation devant la Haute Cour de justice. Ils étaient accusés d’avoir détourné 1,1 milliard de francs CFA de fonds destinés au Programme décennal pour le développement de l’éducation (PPDE). Les deux hommes vont mettre en cause le Premier ministre, Hama Amadou, qui, selon eux, aurait donné le feu vert pour cette opération. Ils seront remis en liberté provisoire le 14 juin 2007.

Jean-Pierre BEJOT
La Dépêche Diplomatique

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Vos commentaires

  • Le 6 septembre 2014 à 18:03, par savant1 En réponse à : Hama Amadou, champion d’Afrique de l’équilibrisme politique, chute du perchoir et fracasse l’image de la démocratie nigérienne (1/2)

    La fuite est la meilleure défense quand on sait qu’on n’aura pas de justice équitable. Il ne s’agit pas de l’extinction des faits reprochés mais d’un repli tactique face à un acharnement de l’homme fort devant des institutions fragiles.

  • Le 7 septembre 2014 à 11:43, par WOBODO En réponse à : Hama Amadou, champion d’Afrique de l’équilibrisme politique, chute du perchoir et fracasse l’image de la démocratie nigérienne (1/2)

    Parfaitement d’accord ; dans certaines situations , fuir est un acte de bravoure et ne pas fuir peut être synonyme de cupidité . Mais , remarquez quand même que notre honorable HAMA n’est pas à sa première fugue . Certains diraient qu’il bat le record en la matière ( au moins une fuite ou un départ en exile tous les deux ans ces dix dernières années ) . Rappelez-vous que dans les derniers moments du règne de Tandja , personne n’a su dans quel pays il s’est enfui . Mais , à chaque fois qu’il signe sont retour , c’est pour monter en grade . Vraiment son marabout doit être puissant .

  • Le 7 septembre 2014 à 15:36, par jonassan En réponse à : Hama Amadou, champion d’Afrique de l’équilibrisme politique, chute du perchoir et fracasse l’image de la démocratie nigérienne (1/2)

    Mais pourquoi un president de l’Assemblee refuserait un test ADN au pretexte que la religion de l’Islam l’autorise pour les femmes mais l’interdit pour les hommes. C’est ecrit dans quel verset du coran ? Ah, ces politiciens, ils s’accrochent a tout quand leur branche commence a trembler.

  • Le 7 septembre 2014 à 16:11 En réponse à : Hama Amadou, champion d’Afrique de l’équilibrisme politique, chute du perchoir et fracasse l’image de la démocratie nigérienne (1/2)

    Quand vous analysez l’histoire politique de Hama Amadou, vous verrez que de tout les hommes politiques nigeriens, il est le plus naif. Il passe tout son temps a cultiver le myth de sa personalite, sans pour autant etre capable de passer a l’action. Apres la mort de Kountche si il y’avais quelqu’un pour diriger le Niger, c’etais lui, mais comme il est trop impatient et innocent, il a rater toute chance. Son amateurisme le conduit a minimiser ses adversaires sans pour autan prendre en compte leur capacite de nuisance. Son arm principle est le mythe qu’il a su construire autour de sa personalite. Hama Amadou= manque de strategie, amateurisme, neophyte, innocent, theoricien.
    "La politique n’est que la continuation de la guerre par d’autres moyens". Un proverbe nigerien dit que "Quand le chasseur laisse le lionceau grandir, il n’a qu’a s’emprendre a lui meme".

  • Le 7 septembre 2014 à 16:39, par Citoyen En réponse à : Hama Amadou, champion d’Afrique de l’équilibrisme politique, chute du perchoir et fracasse l’image de la démocratie nigérienne (1/2)

    En réalité un montage de la présidence Nigérienne à l’empêcher d’être candidat aux élections présidentielle 2016 , car depuis son départ à l’opposition (accord avec Tandja) , il se retrouve avec mathematiquement , ethiniquement , regionalement avec plus de 70% de l"électorat Nigerien.

    Issoufou Mahamadou et ses partis affilies qui échoua meme a réunir le quorum les 2/3 (67 deputes sur 113) du parlement necessaire a l’éviction de HAMA depuis une année selon la constitution du Niger , passe par :
    - son procureur politique nommé
    - sa cour constitutionelle de copinage
    - Arrestation Femme et enfants
    - Une campagne Médiatique sur la scene internationale via corruption et autres reseaux d’influence sur les media comme RFI , ect ... pour l’abattre .

  • Le 7 septembre 2014 à 23:04, par Mandiang Larmoyang En réponse à : Hama Amadou, champion d’Afrique de l’équilibrisme politique, chute du perchoir et fracasse l’image de la démocratie nigérienne (1/2)

    quelques soient les intentions politiques des adversaires dehma amadou le fuyard, dites- moi oui ou non sa femme a "achete’ un enfant ou pas ? C’est la toute la question. S’ il est vrai que sa fe,me a ete prise en flagrant delit de bebe, fermez votre bouche. Moi ma femme ne peut pas accoucher sans que moi le "geniteur" e ne sois au courant.
    Et quel adversaire politique va laisser passer une telle aubaine ? Donc Hama Amadou aura chercher sa propre chute cocasse. Que le lache revienne supporter moralement sa femme qu’ il a laissee en rase campagne, pardon, en prison pas rose. Tu as fui comme un lapin laiser ta femme. Mais mais, tu sais pas que c’ est tes adversaires qui vont la gerer quand elle ne va servir que quelques mois de prisons ? Mais tu es foutut, toi !

  • Le 8 septembre 2014 à 00:58, par ZAS En réponse à : Hama Amadou, champion d’Afrique de l’équilibrisme politique, chute du perchoir et fracasse l’image de la démocratie nigérienne (1/2)

    Si Hama Amadou était innocent, il n’avait qu’à affronter la justice de son pays et il en serait sorti plus populaire ( un avantage pour les elections presidentielles).
    Mais sa façon de fuire, fait de lui un coupable certain. Ce n’est pas parce qu’il est politicien ou qu’il est opposant, qu’il est forcement sain. Des faits lui sont reprochés. C’est à lui de demontrer le contraire que de s’enfuir ainsi.
    Croyait-il qu’en quittant la mouvance au pouvoir pour rejoindre l’opposition, il allait être accompagné avec des fleurs ? Quand on joue à ces jeux doubles, on fait attention à tous ce qu’on fait. On ne prête pas le flanc.
    S’il veut sauver son honneur, qu’il aille repondre à la justice de son pays. De nos jours, la vérité est difficile à cacher.

  • Le 8 septembre 2014 à 11:07 En réponse à : Hama Amadou, champion d’Afrique de l’équilibrisme politique, chute du perchoir et fracasse l’image de la démocratie nigérienne (1/2)

    Hama a raison de s’enfuir car son premier emprisonnement à Koutoukalé lui a servit de leçon.
    il a fallu en perdre la vie, alors pourquoi en donner une seconde occasion à ces gens pour qui il devient un parasites ? ce sera l’occasion adéquate pour en finir avec lui une bonne foi pour toutes.

  • Le 8 septembre 2014 à 12:15 En réponse à : Hama Amadou, champion d’Afrique de l’équilibrisme politique, chute du perchoir et fracasse l’image de la démocratie nigérienne (1/2)

    Déja quand on est innocent pourquoi s’enfuir alors qu’on a les moyens de se prendre des avocats bref par cette attitude le mr se condamne déja et puis lui aussi cmt on peut fuir laisser sa femme donc il ne l’aimait pas passionnément alors ?hUMM djaaaa il existe des vrais niyalga ou niyalssé de nos jours et pas n’importe lesquels en plus tchiéé même au burkina nos hommes politiques nés après la honte ne vont pas accepter fuir laisser leurs femmes Tout cela revient à dire que quand on fait du mal on le paye toujours donc c’est une leçon pour ceux qui se croient homme fort

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