LeFaso.net, l'actualité Burkinabé sur le net
Proverbe du Jour : “Soyez un repère de qualité. Certaines personnes ne sont pas habituées à un environnement où on s’attend à l’excellence.” Steve jobs

L’arrière-garde de la démocratie en Afrique (2/2)

Publié le samedi 30 août 2014 à 06h24min

PARTAGER :                          
L’arrière-garde de la démocratie en Afrique (2/2)

Deux remarques, qui sont à peine des digressions, au sujet de la situation politique actuelle au Burkina. Premièrement, il n’y a pas lieu, à l’heure où j’écris, de s’alarmer outre mesure, et de pousser des cris comme si c’était la fin du monde, au sujet de cette situation (Ebola est bien plus préoccupant). Car il n’y a toujours pas de référendum d’annoncé par quelqu’un.

Nous tous qui sommes contre ce référendum avons bien conscience que nos protestations et mobilisations sont littéralement un procès d’intentions (d’intentions bien trop personnelles) que nous faisons au président Compaoré, en guise de dissuasion et de mise en garde, et pour empêcher qu’il ne passe de ses intentions aux actes. La pression ne repose donc pas sur nous, mais sur les partisans du référendum, au sens où ils peuvent être déçus dans leurs attentes, alors que nous ne pourrons que poursuivre la résistance que nous opposons aujourd’hui, sans surprise, si ledit référendum venait à nous être jeté à la figure.

Houphouët-Boigny, à la proclamation des indépendances africaines qui mettaient alors fin à la communauté franco-africaine à laquelle pourtant les africains colonisés avaient acquiescé et adhéré par un oui au référendum de 1958, et qu’’il eût souhaité voir se maintenir (sa Françafrique ne sera que la substitution de la communauté franco-africaine), Houphouët donc pleurait déçu : "j’ai attendu la fiancée sur le parvis de l’église, un bouquet à la main, la fiancée n’est pas venue, les fleurs se sont fanées", cette fiancée peu regardante étant la communauté franco-africaine... En langage moins poétique et romantique, c’est ce qu’on appelle être cocu. Les partisans du référendum, et le camp présidentiel en général, qui nous annoncent depuis plusieurs mois maintenant, et à chacune de leurs sorties, que ce référendum est imminent, pour "les jours prochains" (on nous l’a asséné depuis avril ou mai), pourraient, pourquoi pas, être déçus et être les grands cocus du projet référendaire. Car ils ne font que les soupirants, les coureurs d’un référendum qu’ils n’ont pas, ils l’oublient trop souvent, pouvoir de décider.

Nous devons alors anticiper et devancer le retournement possible, sous forme de critiques et de haines, de l’argumentaire des partisans du référendum, au cas où le président ne l’annoncerait pas (ce qui reste possible, si lui et ses hommes ouvrent enfin les yeux sur une protestation de plus en plus massive) : "vous voyez, on vous l’avait dit, notre président est un vrai grand homme qui veut la paix au Burkina, et il le prouve ; ce sont plutôt l’opposition politique et tous les opposants au référendum qui voulaient et veulent mettre le pays à feu et à sang". Oui, pour les fanatiques du référendum et de la révision du 37, un renoncement au référendum et à la modification de la constitution (le Burkina ne s’en plaindrait pas pourtant, nous autres encore moins), servira encore d’argument en faveur et à la déification/glorification du président, alors même qu’ils sont en train de le prier et supplier, genoux à terre et mains jointes (liées aussi ?) d’annoncer ce référendum qui ne vient pas, et que les opposants, par leur procès des intentions du président et leur résistance, pourraient bien contribuer à enterrer.

Deuxièmement, les premiers responsables de l’opposition politique (Monsieur Zéphirin DIABRÉ en tête) et des organisations qui sont contre le référendum et la modification du 37 devraient donc commencer à s’adresser solennellement aux compatriotes militants du CDP, pour les inviter à nous rejoindre dans le combat pour une alternance où ils ont somme toute plus à gagner qu’à perdre, s’ils regardent loin, plutôt que d’attendre encore quelque victoire : leur cause est perdue d’avance, et même si ce référendum venait à être annoncé, il n’y a plus de victoire à attendre à bout de course et de souffle, en fin de règne. Le seul dialogue de concorde à proposer et concéder à ce jour (tout autre dialogue ne servirait que la logique même du référendum !) consiste à leur parler directement et solennellement : il n’y a rien de lâche à ce qu’ils lâchent maintenant le président Compaoré pour qu’il lâche enfin le pouvoir. Qu’ils restent au CDP, pour modifier et réviser ce parti, et le reconstruire après/sans Blaise (puisque de révisionnite ils sont atteints), plutôt que la Constitution, ou qu’ils créent d’autres partis au besoin pour animer la démocratie en marche, et pour que la seule confrontation politique reste l’élection de 2015, mais qu’ils renoncent à mener un combat d’arrière-garde.

1. L’ARRIÈRE-GARDE ET LA GARDE-ARRIÈRE

Revenons donc à notre sujet principal (sans en avoir même été très éloigné) : l’arrière-garde de la démocratie en Afrique, par quoi j’entends ce mouvement modificationniste de constitutions qui forme l’axe insolite Burkina-Congo(s)-Burundi.

Des déclarations du président burkinabè en marge du sommet USA-Afrique, celle sur les "hommes forts" a davantage été commentée que celle sur les différences des histoires et des cultures auxquelles on devrait alors adapter la démocratie. J’ai essayé de soulever les questions et problèmes auxquels une telle conception de la démocratie, nationale-démocratique, ne pourra jamais répondre sinon par des problèmes : quelle tradition ou quelle culture, au Burkina Faso précisément, contraint et oblige de garder le pouvoir jusqu’à la mort une fois qu’on le détient ? Les tradition et culture mossi de Monsieur Blaise Compaoré lui-même ?? Voyez, rien qu’à oser même poser cette dernière question, les problèmes où quiconque s’enfoncerait à coup sûr, en Afrique, à suivre cette pente mortellement glissante. Peut-être est-ce très précisément la frayeur et la dangerosité de la pente qui expliquent que les réactions et commentaires sur cette déclaration présidentielle aient été aussi rares : de ce qui fait peur à nous tous, il ne faut pas en parler. Abandonnons et quittons donc cette pente que le président burkinabè pourrait avoir ouverte comme une boîte de pandore, malgré lui.

Sur les hommes forts en Afrique, je dois ici faire remarquer combien le président américain Barack Obama est loin d’être l’instigateur et à l’origine de ce débat qui est daté, qui a une histoire et un lieu, et qui a vu le jour et s’est imposé à la fin des années 80. Tout le monde sait bien sûr qu’il a existé en Afrique des hommes dits forts, et qu’ils n’ont laissé derrière eux que le déluge sinon, du moins le chaos. Mais ce que l’on sait et rappelle moins, ce sont et le contexte et l’espace géo-politique dans lesquels ce débat s’est imposé comme une urgence. Cet espace géo-politique est franco-africain. Et ce débat sur les hommes dits forts, que le président Obama n’a donc pas inventé ni inauguré, a vu le jour dans le contexte précis des faillites économiques des États africains alors, des désastres économiques qui demandaient une nécessaire mise en rapport entre la démocratie et le développement économique de l’Afrique.

Pour que le lecteur ait bien sous les yeux ce contexte du débat, ainsi que l’histoire (au sens également de fable et de mythe) des hommes dits forts en Afrique, je vais longuement citer le Camerounais Alexandre BIYIDI-AWALA alias Mongo BETI, dans son livre "La France contre l’Afrique" (1993, éd. La Découverte). Voici :

"Il y eut d’abord, certes, les événements de l’Europe de l’Est, qui mirent en évidence que, sans démocratie, il ne saurait y avoir de développement, vérité que, pour leur part, quitte à se faire traiter d’illuminés, les Africains n’avaient cessé de proclamer. Mais il y a eu surtout, concomitamment aux événements de l’Est, la révélation fracassante en France de la faillite économique et financière de l’Afrique, en particulier de l’Afrique francophone, si chère pourtant aux hôtes successifs de l’Elysée. En cherchant les raisons de ce fiasco, les publications spécialisées d’abord, comme Dynasteurs, mensuel de L’Expansion, puis les grands magazines français comme L’Express et Le Point, publièrent une floraison d’études dont les auteurs associaient, pour la première fois en France, la débâcle de l’Afrique aux systèmes politiques qui avaient gouverné le continent jusque-là, et qui avaient une matrice commune, l’autocratisme de personnages dits ’hommes forts’.

Il y avait l’homme fort du Zaïre, que tout le monde connaissait en France et en Europe où il avait été longtemps admiré comme le tombeur, pour ne pas dire l’exécuteur de Patrice Lumumba, jusqu’à ce que l’on découvre que ses biens placés à l’extérieur du Zaïre équivalaient, en argent, à toute la dette de son pays. Il y avait l’homme fort du Togo, le général Eyadema, qui n’avait encore défrayé la chronique en France que pour ses parties de chasse en compagnie de Jean-Christophe Mitterrand. Il y avait eu, jusqu’en 1982, l’homme fort du Cameroun, Ahmadou Ahidjo, oublié aujourd’hui, et d’ailleurs disparu. Il est établi aujourd’hui que c’était un horrible petit Néron, qui gouverna le pays pendant vingt-cinq longues années d’une main de fer et sans partage. Il y avait l’homme fort du Gabon, Omar Bongo ; il y avait l’homme fort de Brazzaville, Denis Sassou Nguesso, sorte de bouffon qui se prenait pour un marxiste, comme son homologue l’homme fort du Bénin, Matthieu Kérékou ; il y avait l’homme fort de Côte-d’Ivoire, Houphouët-Boigny, qui s’était fait construire dans son village une cathédrale plus vaste que Saint-Pierre de Rome, tandis que des enfants mouraient dans l’hôpital voisin faute de médicaments. Hommes forts, certes, mais gestionnaires débiles, dont les Etats étaient en pleine déroute économique et financière, au point que la France devait se résigner à payer leurs fonctionnaires chaque mois" (pages 183-184).

Depuis le moment où le regretté BETI écrivait donc ces lignes jusqu’à aujourd’hui, la quasi-totalité de ces hommes dits forts a disparu, par/devant la mort seule qui pouvait les vaincre, sauf le président congolais Sassou Nguesso, qui n’exclut pas de modifier la Constitution pour continuer à régner ; et le président Compaoré était déjà à la tête du Burkina depuis six ans ; il mérite aujourd’hui largement sa place dans cette liste, ainsi que le successeur du Camerounais Ahidjo, Paul Biya. Remarquez que, d’une part, le spectre de ces hommes est varié, ils ne sont pas tous forcément et également sanguinaires, Houphouët n’était pas Mobutu ni Ahidjo ou Kérékou ; que, d’autre part, ils sont ou étaient tous francophones, sans exception.

Affinons le terme d’arrière-garde : 1/ Ce sont ces chefs d’Etat africains qui, aujourd’hui, du Burkina au Burundi, en passant par les deux Congo, ramènent, dans leurs intentions pour l’instant, la démocratie en arrière, à l’époque de ces "personnages" (notez : ceux qui jouent un rôle) dépeints par l’écrivain Camerounais, dans l’immersion/émergence /débâcle d’alors, alors que le front avant du combat démocratique parle émergence et alternances aujourd’hui. 2/ L’arrière-garde c’est AUSSI, dans ce mouvement de recul et de pas en arrière, ce ou ceux qui le soutiennent et le supportent de l’extérieur, par derrière, comme pour en assurer, protéger les arrières.
Il y a donc deux choses à distinguer sans séparer : l’arrière-garde africaine, qui lutte à contre-feu et contre-courant, mais aussi la GARDE-ARRIÈRE extérieure à l’Afrique, la plus connue et familière de cette garde-arrière de l’arrière-garde étant pour nous francophones, et sans francophobie, la fameuse "Françafrique".

A coup sûr, le président Obama et son administration ne pouvaient donc pas ignorer ce contexte et cet espace géo-politique d’un débat qu’il n’a fait que reprendre et relancer. Et il l’a repris et relancé, sur le sol africain, dans un pays anglophone (le Ghana) : peut-être aussi (sans doute même) pour mettre le doigt, mais sans mot dire, mine de rien, sur cette garde-arrière française qu’il entend concurrencer (cf.sommet USA-Afrique, le premier du nom, n’est-ce pas ?). La stratégie de Monsieur Obama pourrait bien être, ou avoir été : taquiner, épingler et égratigner en douceur, et en prétendant de l’Afrique des ressources naturelles, et pour avancer ses pions, la Françafrique comme espace stratégique et géo-politique, pré-carré hautement HOMMES-FORTIGÈNE, c’est-à-dire générateur, producteur et consommateur/usager d’hommes forts !).

2. LES ANACHRONISMES

Anachronisme : rapprochement et confusion de deux époques totalement différentes et déphasées ; mais aussi de deux logiques et attitudes contradictoires, paradoxales. L’arrière-garde africaine de la démocratie baigne dans trois anachronismes que voici
1/ La croissance économique contre la démocratie. (C.Miampo, voici qui va vous intéresser !). À partir du diagnostic qui établissait alors une corrélation entre hommes forts et faillites économiques et financières de l’Afrique, le meilleur traitement avait été la démocratie, à la faveur de l’effondrement des dictatures dites communistes de l’Europe de l’Est, l’URSS la première. C’était l’objectif de la fameuse conférence France-Afrique de la Baule (1990), sous François Mitterrand. Or aujourd’hui l’Afrique est le seul continent où s’enregistrent non seulement de la croissance, mais des taux de croissance paraît-il jamais vus. C’est pourtant le même moment économiquement favorable que nos nouveaux hommes forts du Burkina, des Congo et du Burundi choisissent pour modifier les constitutions de leurs pays pour peut-être mourir au pouvoir (pouvoir à mort plutôt qu’à vie) comme leurs prédécesseurs (sauf le congolais Sassou qui en faisait déjà partie) dont parlait Mongo Beti. Autrement dit, l’équation des années 90 qui était : démocratie = développement, redevient ou est en passe de se transformer, avec la modificationnite actuelle, en : croissance économique = hommes forts.

Il faut certes relativiser cette euphorie autour de la croissance qui fait pousser des ailes à nos présidents, et leur donne des (mauvaises) idées qui les font regarder plus en arrière qu’en avant (imaginez un véhicule qui avance économiquement, pendant que son "chauffard" regarde non-démocratiquement en arrière !). L’économiste Togolais Yves Ekoué Amaïzo ne voulait donc pas simplement jouer au rabat-joie, mais mettait en garde, après USA-Afrique, en ces termes : "Le taux de croissance -entre 5 et 6%- ne vaut rien car il s’agit d’un chiffre d’évolution, de mouvements essentiellement liés à des bons prix de matières premières. Il faut aussi le comparer à l’inflation qui est très élevée dans certains pays, mais surtout avec le déficit budgétaire". Et le comparer aussi avec l’ampleur des misères persistantes et tout aussi croissantes des populations africaines.

N’empêche, nos dirigeants africains modificationnistes (ou pas), dopés et peut-être aveuglés par ces taux de croissance que le monde entier semble aujourd’hui envier à l’Afrique, se mettent à voir le monde et les plus grandes puissances à leurs pieds. Et si l’on en croit l’auteur français d’ "Africafrance", Antoine Glaser, les rapports entre les puissances occidentales, du moins la France, et les anciennes colonies africaines, se seraient inversés, au point que "parler aujourd’hui de la Françafrique relève d’un anachronisme". C’est d’Africafrance qu’il s’agirait désormais, car ce sont les dirigeants Africains qui mènent la danse, ils "se font prier, car ils savent que [les occidentaux et les français notamment] dépendent d’eux sur le plan diplomatique ou pour l’obtention de contrats". Désormais donc, selon Glaser, c’est "pauvre France, riche Afrique"...

Mais à mon avis (allons très vite, l’espace manque ici pour un débat : Passeck, oui j’entends bien, cela s’imposera de soi, merci !...), l’Africafrance ne fera pas mieux que la Françafrique pour rétablir l’équation démocratie = développement ; au contraire, on le voit, elle ne peut que refabriquer, recultiver, le sol ou le terreau étant propice, homme-fortigénie oblige, des dictateurs nationaux-démocrates dits hommes forts. L’Africafrance risque d’être la nouvelle illusion homme-fortigène. Les citoyens Africains ne gagneront rien, en termes de retombées de la croissance, et pas plus en Africafrance qu’en Françafrique.

Et si même l’Africafrance était encore la figure métamorphosée de la Françafrique, sa ruse acrobatique ? En effet, j’ai aussi sous les yeux de tout autres constats de deux journalistes tout aussi français : 1/ Christophe Boltanski : "Sortir du prisme colonial, s’ouvrir au reste de l’Afrique, s’appuyer sur des Etats démocratiques, tenir à distance les dictateurs. Tels étaient les objectifs initiaux de François Hollande. Deux ans plus tard, la France a repris pied dans son pré carré et langue avec ses dirigeants les plus sulfureux. Idriss Déby en tête". 2/ Sarah Halifa-Legrand : "Que ce soit à Niamey, Ndjamena ou Ouagadougou, elle [la France] se mure dans son silence. Rien sur Idriss Déby qui réprime ses opposants. Rien sur Blaise Compaoré qui souhaite modifier la Constitution pour rester au pouvoir"... Où est donc, du coup, l’Africafrance qui aurait renversé la Françafrique ?? Par conséquent, ce n’est pas de tenir tête aux démocraties occidentales qui est le plus important et le plus pertinent, lorsqu’elles nous donnent des conseils ou des leçons de démocratie en un sens, mais de leur résister plutôt lorsque ces mêmes démocraties elles-mêmes, par la main complice de nos dirigeants Africains, nous obtruent et interdisent l’accès à la démocratie, nous privent de démocratie, et nous considèrent comme les éternels indigènes indignes de cette même démocratie dont elles se prévalent.

2/ Un semblant de lutte de libération. Le deuxième anachronisme du modificationnisme constitutionnel consiste, pour nos présidents et leurs partis, à littéralement s’en prendre à des Constitutions que eux-mêmes et leurs peuples ont ratifiées, comme si elles leur avaient été imposées de l’extérieur et de force, par quelque puissance dominatrice étrangère. En à peine 5 ou 10 ans, le temps d’un ou deux mandats, ces Constitutions deviennent, prétendent-ils, inadaptées ; et comme par hasard, inadaptées quant à la seule durée du mandat présidentiel. Mais tant qu’à modifier franchement ces Constitutions, comme toute Constitution est appelée à l’être, pourquoi nos modificationnistes ne révisent jamais les articles sur les mandats pour les rendre définitivement...non révisables ? Pourquoi Blaise Compaoré et le CDP ne battront-ils jamais explicitement campagne pour rendre l’article 37 non révisable ?

Le paradoxe consiste alors dans cette posture étrange de clamer haut et fort sa souveraineté à la face du monde, mais de se montrer en même temps non autonomes. L’autonomie véritable consistant, selon le philosophe Kant, à toujours se disposer à respecter les règles que l’on se donne à soi-même (auto-nomos). L’autonomie seule rend effective et concrète l’indépendance de nos Etats, elle est la preuve que nous assumons notre indépendance. Le modificationnisme des seuls mandats (après tout il y a des pays, comme le Togo, dont les Constitutions ne limitent pas les mandats, la démocratie pouvant alors consister à les modifier pour les limiter ; mais quand on a choisi de limiter les mandats, les modifier ne peut qu’être une régression démocratique), le modificationnisme des seuls mandats renie sa propre souveraineté comme liberté et autonomie. Car tout se passe aujourd’hui, sur l’axe ouaga-Kinshasa-Brazzaville-Bujumbura, comme s’il fallait entamer une lutte finale pour nous débarrasser et nous libérer de vieilles Constitutions coloniales et impérialistes ! Les incantations sur la souveraineté ne nous parlent en réalité, mais sans le (sa)voir, que d’indépendance, jamais d’autonomie : l’indépendance consiste à se libérer d’une tutelle et d’une domination étrangères ; l’autonomie à être capable de se donner et fixer des règles que l’on respecte soi-même, sans contrainte extérieure.

3/ Des référendum (referenda) aux airs de...1958. Le 28 septembre 1958 en effet, la France du général De Gaulle invitait ses colonies africaines à un référendum pour répondre si oui ou non elles voulaient rester sous la domination coloniale française. Aujourd’hui l’arrière-garde modificationniste de nos présidents demandent à leurs peuples de leur répondre par oui ou non s’ils veulent de même continuer, et malgré les limitations déjà consenties des mandats, à vivre sous leur règne. Or, en vérité, les populations africaines aujourd’hui, face à l’insistance même de leurs dirigeants, n’ont guère plus de choix que les colonies françaises (les mêmes peuples à des périodes différentes) sous protection et domination. Dans les deux cas, on utilise une procédure apparemment et innocemment libre et démocratique (le vote référendaire) pour renforcer et les négations mêmes de la démocratie (règnes et pouvoirs à mort, contre des Constitutions qui les interdisent) et de la liberté (colonisation).

Ce ne sont donc pas les peuples africains qui ne sont pas comme les autres, ce sont nos présidents d’arrière-garde qui se trompent d’époque et sortent du temps, s’en disjointent (disjonctent ?), pour sans cesse ramener les Africains là d’où ils sont partis depuis les indépendances. Aussi devons-nous également sans cesse ni fatigue toujours faire résonner et leur opposer le cri inverse du refus catégorique de retourner en arrière :
"Et ce pays cria pendant des siècles que nous sommes des bêtes brutes ; que les pulsations de l’humanité s’arrêtent aux portes de la négrerie ; que nous sommes un fumier ambulant hideusement prometteur de cannes tendres et de coton soyeux et l’on nous marquait au fer rouge et nous dormions dans nos excréments [...]" (A. Césaire, "Cahier d’un retour au pays natal").

Le vrai retour au pays natal est le changement par excellence. Retourner au pays natal, en termes de démocratie, n’est pas retourner en arrière. Dans le retour même, et dès le premier pas de ce retour, le pays natal est devant nous, exactement comme l’Humanité d’aujourd’hui devant l’ancêtre Lucy, pas en arrière. Car retourner en arrière, c’est continuer d’une certaine façon de dormir dans nos excréments, au sein même de nos palais luxueux, et continuer autrement, avec nos richesses et nos avoirs, voire nos biens souvent mal acquis, d’être du fumier ambulant qui nourrit et enrichit un sol hommes-fortigène mais démocraticide : fumier-matières premières, fumier-comptes parallèles offshore... Au mépris de la démocratie et des besoins des citoyens Africains, y compris leur sécurité : à quoi servent des hommes dits forts mais qui ont besoin de forces étrangères pour protéger leurs populations et eux-mêmes ? Où est donc leur force, quand leurs propres armées s’enfuient devant des poignées de terroristes sanguinaires, alors même qu’une part importante de leurs budgets est consacrée à des achats d’armes ?

Debrsèoyir Kwesi Christophe DABIRE
di.kombo@yahoo.fr

PARTAGER :                              

Vos commentaires

  • Le 29 août 2014 à 20:54, par Derrida Deux En réponse à : L’arrière-garde de la démocratie en Afrique (2/2)

    Merci, Christophe, pour cet ecrit tres bien etoffe et a l’ argumentation percutante.Vous avez bien pose les premisses et les inferences sont bien mises pour passer ala conclusion qui coule de source. C’est ce qu’ on attent d’ un intellectuel. Qu’ il se leve et mette la main a la patte quand l’ insagesse s’arroge le droit de parler a la place des populations, quand la queue veut remuer la tete.
    L’ outil du maitre ne pourra jamais demolir la forteresse du maitre. La relation colonialiste/postcolonialiste dans laquelle les etats africains sont embourbes ne sera deconstruite en inversant les termes de la dyade France- Afrique. France- Afrique ou Africa France, mais qu’est-ce que cela peut bien changer ? Mettez vos nouveaux vins dans vos vieilles bouteiles ou mettez vos anciens vins dans vos nouvelles bouteilles, vous ne cahngez pas les choses. Serieusement. Ecrit d’ une facture trers elevee. Merci encore de nous srvir la nourriture pour notre cerveau affame. Mais moi je me demande toujours : Il n’ ya pas un seul gars du Froint republicain pour nous servir un petit ecrit ? C’est manger seulement dans les mains de Bl ;aise qu’ ils connaissent. Rwegardez moi des parasites comme ca ! Ca devait suffire pour que Blaise comprenne qu’ il est un homme seul, si seul, esseule depuis qu’ il a massacre son plus que ami, un frere.

  • Le 29 août 2014 à 21:08 En réponse à : L’arrière-garde de la démocratie en Afrique (2/2)

    Hommes- forts, homme- fortigene, democraticide, l’arriere- garde et la garde- arriere, l’ autonomie ou l nomos developpe par soi- meme, presidentce a mort plutot qu’ a vie, l’ anachornisme de nos presidents qui nous ramenent a la fausse preoccupation referendaire de 1958, domir sur les excrements meme dans nos palais luxueux, ave des comptes- excrement dans les paraids fiscaux offshore, une vie- de- luxe- excrement, hommes- forts mais qui detalent comme des lievres devant des petits terroristes illumines, l’ autre tricherie de l’ africafrance pour remplacer et revivifier le terme fatigue de franceafrique. Je m’ arete - la.

    Merci, Dabire. Ton ecrit a de l’ epaisseur. Moi, personnellement, j’ ai pris ce que je pouvais prendre, les autres prenez ce que vous pouvez prendre aussi. Blaise, 2015 est le terminus. Celui qui ovus a flatte a vouloir modifier encore, ne vous aime pas. Vous allez perdre beaucoup danms cette galere. Vous avez deja perdu enormement.

  • Le 29 août 2014 à 21:10 En réponse à : L’arrière-garde de la démocratie en Afrique (2/2)

    "Les tradition et culture mossi de Monsieur Blaise Compaoré lui-même ?? Voyez, rien qu’à oser même poser cette dernière question, les problèmes où quiconque s’enfoncerait à coup sûr, en Afrique, à suivre cette pente mortellement glissante. Peut-être est-ce très précisément la frayeur et la dangerosité de la pente qui expliquent que les réactions et commentaires sur cette déclaration présidentielle aient été aussi rares :"

    Waiiiih ! Blaise meme n’ ose meme pas tourner vers la- bas. Il est pas fils de chef weh. Domnc il peut meme pas s’ hasarder la- bas. Lui meme il sait iles est taalga. Mais il fait comme si il etait de la famille royale.Le calecon dechire du cdp est dehors.

  • Le 29 août 2014 à 21:33, par Tapsoba®(de H) En réponse à : L’arrière-garde de la démocratie en Afrique (2/2)

    Grand merci d avoir épousé l idée de "Passeck" sur les conférences publiques au Faso.Nous avons hâte de vous voir, entre autres,aux côtés du constitutionnaliste Ibriga(FOCAL) ou Pr Loada(CGD) ou pourquoi pas Me Hervé Kam ,animer des débats publics sur le campus de l UO ou ailleurs.Bon week end !

  • Le 29 août 2014 à 21:48, par relwind En réponse à : L’arrière-garde de la démocratie en Afrique (2/2)

    merci.je crois que le caucus de new-york devrait s’en inspirer pour écrire

  • Le 29 août 2014 à 22:27, par Le patriote En réponse à : L’arrière-garde de la démocratie en Afrique (2/2)

    Ha ! mon esclave, j’ai apprécié. Quand un esclave raisonne comme tu le fais, le maître que je suis ne peu que "baisser son chapeau". Merci à toi

  • Le 30 août 2014 à 04:15, par Eveline Kiswensida En réponse à : L’arrière-garde de la démocratie en Afrique (2/2)

    Je m’impatientais de lire la suite de l’article de Debrsèoyir. Comme Moïse sur la Colline la verge dans les mains tendues vers le ciel pendant que Josué et le peuple combattaient Amalek, le philosophe Debrsèoyir tient debout, tout seul, et nous donne la force et les mots pour combattre. Je l’en remercie beaucoup et l’encourage à persévérer dans ses écrits afin que nous aussi, chacun à son poste de combat (comprenez au sens figuré), puissions tenir les feux de l’ennemie. N’est-ce pas lui qui a fermé la bouche au CANTINISTE bouffon du Canada ?
    Les intellectuels du CDP (je pense notamment à Mélégué et les autres), savent que cette fois il font mauvaise route. Il m’a tout l’air qu’eux même ne sont plus libres, du fait de l’homme fort qu’il ont eux même aidé à déifier. Le présent écrit n’est pas adressé à eux, mais à ceux qui, de bonne foi, sont convaincus de la nécessité d’un référendum. A ces derniers, je dis qu’il ne s’agit pas d’amour ou de désaffection pour Blaise (notre président à tous), mais du devenir de notre pays et de notre démocratie. Le référendum remet en cause la nature et la forme républicaine de l’État (art 165 de la constitution).

  • Le 30 août 2014 à 04:16, par Eveline Kiswensida En réponse à : L’arrière-garde de la démocratie en Afrique (2/2)

    L’homme fort qui construit dans la durée est l’homme qui sait montrer le chemin en donnant l’exemple, et qui sait combattre et résister à ses pulsions dominatrices et à la boulimie du pouvoir. Or la tentation est très grande. Aidons Blaise à se libérer d’un tel joug.

  • Le 30 août 2014 à 07:48 En réponse à : L’arrière-garde de la démocratie en Afrique (2/2)

    LIRE : immersion/immergence/débâcle d’alors, et non immersion/émergence/débâcle d’alors...Car à l’époque, il y a 24 ans, on ne parlait pas d’émergence. Je suis sûr que Dabiré ne me contredira pas, il s’agit d’une coquille

  • Le 30 août 2014 à 11:41, par ouaga inter En réponse à : L’arrière-garde de la démocratie en Afrique (2/2)

    la candidature de Blaise au élections ne vient pas de son propre grée mais plutôt de ceux qui savent comment ce Mr travail pour le bon développement du pays,donc arrêter de dire du n’importe quoi sur la candidature de notre cher président futuriste

  • Le 30 août 2014 à 12:02, par qui fait quoi En réponse à : L’arrière-garde de la démocratie en Afrique (2/2)

    Mr le rédacteur,ton écrit est trop long car je me demande c’est a cause de qui tous ces écrits,si c’est a cause de notre cher président je peux vous assurer que c’est inutile de votre part.car le chef d’État est l’homme sérieux de ce pays par rapport au chef de CFOP et son clan

  • Le 30 août 2014 à 12:33, par issilondre En réponse à : L’arrière-garde de la démocratie en Afrique (2/2)

    Christophe, Merci à chaque pas. C’est toujours un week end de régal avec ta plume. Je suis sûr que beaucoup d’internats sont de mon avis, rien qu’à te lire détend l’esprit. C’est la preuve qu’il est à côté "des nourritures terrestres" égoïstes des maîtres et des " chiens de garde" de la nourriture intellectuelle, spirituelle.
    L’un des problèmes de nos "dirigeants" arrière-gardistes est qu’ils ont ceci de commun des cheminements politiques personnels dans le sens démocratiques, républicains : leur accession au pouvoir a souvent été le choix d’une stratégie de la main basse, de la logique françafrique. D’où l’éternelle survivance de l’idée de "force". A mon sens à quelques exceptions rares faciles à citer, nos hommes politiques ont été et sont des aventuriers du farwest à la recherche de leur bien-être et celui de leur garde-arriéristes. Pas d’une prise de conscience de sublimer l’être ou l’âme noire. Même l’opposition pour y arriver avance souvent et malgré elle sous ce masque. Tristesse des tropiques. Les autres continents le savent et font donc le défilé à tour de rôle et/ou/par consensus : FRANçafrique ; ASIafrique et maintenant USafrique. Car il n’y a pas véritablement de politiques forts à vision d’économie au service du développement humain.
    Se démarquer de ces politiques, leurs promoteurs économiques, leurs intellectualistes malhonnêtes telle doit être la nouvelle donne avant-gardiste de l’africain conscient.

  • Le 30 août 2014 à 12:33, par issilondres En réponse à : L’arrière-garde de la démocratie en Afrique (2/2)

    Christophe, Merci à chaque pas. C’est toujours un week end de régal avec ta plume. Je suis sûr que beaucoup d’internats sont de mon avis, rien qu’à te lire détend l’esprit. C’est la preuve qu’il est à côté "des nourritures terrestres" égoïstes des maîtres et des " chiens de garde" de la nourriture intellectuelle, spirituelle.
    L’un des problèmes de nos "dirigeants" arrière-gardistes est qu’ils ont ceci de commun des cheminements politiques personnels dans le sens démocratiques, républicains : leur accession au pouvoir a souvent été le choix d’une stratégie de la main basse, de la logique françafrique. D’où l’éternelle survivance de l’idée de "force". A mon sens à quelques exceptions rares faciles à citer, nos hommes politiques ont été et sont des aventuriers du Far West à la recherche de leur bien-être et celui de leurs garde-arriéristes. Pas d’une prise de conscience de sublimer l’être ou l’âme noire. Même l’opposition pour y arriver avance souvent et malgré elle sous ce masque. Tristesse des tropiques. Les autres continents le savent et font donc le défilé à tour de rôle et/ou/par consensus : FRANçafrique ; ASIafrique et maintenant USafrique. Car il n’y a pas véritablement de politiques forts à vision d’économie au service du développement humain.
    Se démarquer de ces politiques, leurs promoteurs économiques, leurs intellectualistes malhonnêtes telle doit être la nouvelle donne avant-gardiste de l’africain conscient.

  • Le 30 août 2014 à 14:18, par Bala Wenceslas SANOU En réponse à : L’arrière-garde de la démocratie en Afrique (2/2)

    Bel article, un travail intellectuel honnête et qui contribue à alimenter le débat avec un contenu solide. Personnellement le concept ’d’homme-forts’ (ou dit forts m’a toujours amusé, malgré sa dangerosité qui tient à une tentative de déification de vulgaires mortels). Qui de la liste des bouffons de présidents cités par Mongo Betti peut rivaliser en force avec Alexandre le Grand ? Mais où est ce dernier dont même le nom était fait pour tout dire de lui ? Evitons le ridicule en travaillant à assoir des institutions fortes qui mettent tous les citoyens devant leurs responsabilités, et non des institutions marchepieds pour des preneurs d’otage de la démocratie.

  • Le 31 août 2014 à 12:56, par king En réponse à : L’arrière-garde de la démocratie en Afrique (2/2)

    Merci monsieur DABIRE pour vos écrits dégagés de tous intérêts digestif et personnel. Chaque fois que je vous lis, je sors grandir et nourrir intellectuellement. Votre apport intellectuel aux débats actuels dans notre pays a cloué le bec à certains intellectuels à gage ou à la plume corrompue. J’aimerai savoir : avez vous un blog ? là je pourrai permanemment vous lire. Vous lire est enrichissant .Chapeau à vous. Et bravo pour tous vos écrits.

  • Le 1er septembre 2014 à 19:34, par Passeck En réponse à : L’arrière-garde de la démocratie en Afrique (2/2)

    Franchement merci pour ce complément, surtout l’analyse sur la dynamique de la relation france-afrique. Merci pour ce temps consacré à cet écrit et surtout l’occasion offerte de mener des reflexions sur ce sujet fort intéréssant, qui va au dela du Burkina pour toucher l’afrique francophone dans sa globalité.

 LeFaso TV
 Articles de la même rubrique
Burkina Faso : La politique sans les mots de la politique
Le Dioula : Langue et ethnie ?
Sénégal / Diomaye Faye président ! : La nouvelle espérance