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Saïd Djinnit, les Nations unies, l’Afrique, l’Algérie, le Mali et lui, et lui, et lui ! (1/2)

Publié le mercredi 27 août 2014 à 20h51min

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Saïd Djinnit, les Nations unies, l’Afrique, l’Algérie, le Mali et lui, et lui, et lui ! (1/2)

Le jeudi 17 juillet 2014, le diplomate algérien Saïd Djinnit a été nommé envoyé spécial du secrétaire général des Nations unies pour la région des Grands lacs. Il remplace Mary Robinson, désormais envoyée spéciale du secrétaire général pour les changements climatiques. Il était, depuis le 28 février 2008, représentant spécial du secrétaire général pour l’Afrique de l’Ouest ; il prenait la suite du Mauritanien Ahmedou Ould Abdallah (2002-2007).

Ayant entamé sa tournée d’adieu, dans l’entre-deux, avant de prendre ses nouvelles fonctions, il a accordé un important entretien à Salima Tlemçani et Hassan Moali publié dans le quotidien El Watan (lundi 4 août 2014). Tlemçani et Moali disent de Djinnit qu’il est « l’un des plus brillants diplomates de sa génération ». Une certitude : c’est un des meilleurs connaisseurs de l’Afrique au sein de la haute administration algérienne où, pourtant, ils ne manquent pas. Si les journalistes ont une haute opinion de Djinnit, Djinnit a quant à lui une haute opinion de la diplomatie algérienne. Il dit ainsi, au sujet de la mise en œuvre du « processus d’Alger » : « Si les négociations étaient simples, on n’aurait pas fait appel à des négociateurs chevronnés ». Ouagadougou appréciera.

Né en Kabylie le 7 juin 1954, l’année du déclenchement de l’insurrection, Djinnit est diplômé de l’ENA algérienne. Il va d’emblée choisir la diplomatie : Centre d’études des relations internationales de l’université libre de Bruxelles puis Institut des affaires politiques de l’université d’Alger. Il va être en poste, au titre de la diplomatie algérienne, à Bruxelles et à Addis-Abeba, avant d’être nommé directeur de cabinet du secrétaire général de l’OUA (1989-1999), le Tanzanien Salim Ahmed Salim. En février 1999, il sera nommé secrétaire général adjoint de l’OUA en charge des affaires politiques. Au lendemain du sommet extraordinaire du 9 septembre 1999, Djinnit se verra confier la présidence du comité interdépartemental chargé de mettre en œuvre les mesures décidées à Syrte (Libye) : Union africaine (UA), Communauté économique africaine (CEA), Parlement panafricain…

A Lusaka, en juillet 2002, il sera reconduit dans la fonction avant d’être promu commissaire de l’UA pour la paix et la sécurité (11 juillet 2003-28 février 2008). Burundi, Comores, Ethiopie, Erythrée, Madagascar, RCA, RDC, Sierra Leone, Somalie, Soudan… Djinnit va avoir à connaître des crises africaines pour lesquelles il prônera inlassablement une « solution africaine ». Il passera ainsi dix-huit années au service de l’organisation panafricaine. « Qu’il s’agisse de la transformation du mandat de l’OUA pour qu’elle soit à l’écoute des problèmes africains, de la promotion de l’Agenda pour la paix et la sécurité ou de la promotion de l’Agenda pour la démocratie, la bonne gouvernance et les droits de l’homme ou de la mise en place de l’architecture continentale de paix et de sécurité, sur tous ces dossiers, je crois avoir apporté ma pierre de l’édifice », affirmera-t-il lorsqu’il décidera de quitter ses fonctions.

Quand les journalistes d’El Watan évoquent une UA qui serait « un syndicat de dictateurs », Djinnit les invitera à « être plus indulgents ». Si l’OUA pouvait être « perçue comme un club de chefs d’Etat », il dit avoir vécu sa « transformation » : débats où s’exprime la société civile, création d’un Parlement africain, d’un Conseil économique et social, adoption d’un Protocole sur les droits de la femme africaine et du principe de « non indifférence » en cas de violation des droits de l’homme, génocide, crimes contre l’humanité, « strict rejet des coups d’Etat »…

Saïd Djinnit précise que « le modèle aujourd’hui, au sein de l’UA, c’est le pays qui réussit sa transition démocratique ». Autant dire que ce modèle ne saurait être… l’Algérie. Reste à savoir d’ailleurs quels sont les pays membres de l’UA qui auraient « réussi » leur transition démocratique. « De façon générale, dit-il à El Watan, je considère que l’Afrique est un continent en transition. C’est une longue transition qui prendra des décennies parce qu’il s’agit de faire une transition politique, économique et démographique. Elle sera caractérisée par une instabilité relative qu’il va falloir accompagner et maîtriser pour éviter des débordements ».

En 2008, Ban Ki-moon en fera son représentant spécial et chef du bureau pour l’Afrique de l’Ouest. Djinnit dira à El Watan que c’est alors qu’il a pris conscience du poids du trafic de drogue dans la région. « En plus d’être une zone de transit de la cocaïne en provenance d’Amérique latine et, depuis quelque temps, de l’héroïne en provenance d’Asie, l’Afrique de l’Ouest est aussi une zone de consommation de drogue et désormais une zone de production de cannabis et d’amphétamine ». Il ajoute à ce sujet, en réponse à une interrogation des journalistes d’El Watan : « On dit en effet que certaines personnalités haut placées dans des Etats sont impliquées dans ce trafic de drogue. Il y a certainement des cas […] On présume, selon des recoupements disponibles, qu’il y aurait des personnalités politiques complices des narcotrafiquants. De toute façon, c’est comme cela que les réseaux mafieux agissent : par la corruption des personnalités les mieux placées dans les institutions de l’Etat pour ainsi continuer à jouir de l’impunité ».

Lors de la XIXè réunion de concertation de haut niveau des chefs de mission de paix des Nations unies en Afrique de l’Ouest (Dakar, 29 septembre 2010), alors que la situation en Côte d’Ivoire, et surtout en Guinée, demeurait préoccupante, Djinnit avait mis l’accent sur le risque terroriste dans le Sahel. « Les Nations unies restent attentives à ce qui peut être fait contre la menace terroriste dans le Sahel d’autant plus qu’elle risque de se propager en Afrique de l’Ouest compte tenu de la pauvreté et des problèmes de gouvernance », avait-il déclaré alors, soulignant que « la menace à travers ses manifestations, notamment les prises d’otages, a été croissante » au cours des derniers mois. Il appellera à la tenue d’une grande conférence sur le terrorisme et ses risques de propagation en Afrique de l’Ouest, réunion déjà programmée en 2009 mais dont la première édition à… Bamako avait été annulée. « L’ONU, dira Djinnit, a toujours marqué sa disponibilité à aider la région et les pays de la région dans les efforts communs qu’ils doivent mobiliser pour faire face à une menace qui est commune ».

La menace va se concrétiser au Mali avec les événements du 17 janvier et du 22 mars 2012. Djinnit va se mobiliser pour défendre la ligne des Nations unies et soutenir l’action des organisations continentale (UA) et régionale (Cédéao) afin que la région concernée par la crise et ses effets collatéraux participe à sa résolution. S’il considérait qu’il « y a urgence d’intervenir au Mali par une action militaire », Djinnit appellera toujours au dialogue entre Bamako et les groupuscules présents au Nord-Mali. « Plus il y aura d’espaces de dialogue et moins il y aura de terrain pour une action militaire », dira-t-il, soulignant la nécessité de « dialoguer avant toute action militaire ». « Quand les armes parlent, déclare aujourd’hui Djinnit à El Watan, c’est qu’on n’a pas réussi à les en empêcher avant. Et une fois qu’elles ont parlé, on essaye malgré tout de revenir à la table des négociations ».

Selon Djinnit (mais il n’est pas là porteur d’une vision exclusive), c’est la crise libyenne qui a été « le facteur déclenchant du conflit dans le Nord du Mali » ; même s’il juge que le pays souffrait depuis longtemps d’une « instabilité chronique ». Il dit à El Watan que si l’intervention de l’UA en Libye n’a pas été « un échec », il faut convenir cependant qu’elle n’a pas « réussi à faire aboutir la démarche qu’elle avait initiée », autrement dit la mise sur pied d’un « comité des chefs d’Etat ». Résultat : « Aujourd’hui, le pays est plus divisé que jamais ». Et il reprend à son compte le commentaire de Mahamadou Issoufou, le président du Niger : « Nous allons assister à une somalisation de la Libye ». Il ajoute : « Plus tôt on rétablira la stabilité de la Libye, mieux cela vaudra pour le Maghreb, pour l’Afrique du Nord et pour l’Afrique en général ».

Jean-Pierre BEJOT
La Dépêche Diplomatique

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Vos commentaires

  • Le 28 août 2014 à 04:12, par Yemdaogo En réponse à : Saïd Djinnit, les Nations unies, l’Afrique, l’Algérie, le Mali et lui, et lui, et lui ! (1/2)

    Souvent je me pose des questions l’opportunité des dépêches de Mr Bejot. S’agit-il de rappels historiques ? Griotisme ? C’est presque toujours la meme chanson : Telle personne est né là, a étudié dans tel domaine, a dit ceci ou celà. A mon humble avis, il ne s’agit pas du journalisme. Je me demande même si ces écrits ne sont pas commandités par les interressés eux-même car, comment se fait-il que connaitre tous les petits details de toutes ces personalités alors que lui-même reste un parfait inconnu.

  • Le 3 septembre 2014 à 12:42, par Passeck En réponse à : Saïd Djinnit, les Nations unies, l’Afrique, l’Algérie, le Mali et lui, et lui, et lui ! (1/2)

    C’est possible qu’il le fasse à travers des recherches. Mais là où je trouve son travail incomplet, c’est qu’il choisi un certain nombre de personnalités sur qui il s’acharne, et amadoue d’autres surtout quand il s’agit de nos chefs d’états. Il n’est pas assez critique, pour ne pas dire critique sur ces derniers. Et c’es ce "Deux poids deux mesures" qui lui donne cette réputation de griot, ou d’incrédible dans ces écrits biographiques.

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