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Bienvenue en absurdie

Publié le jeudi 21 août 2014 à 21h21min

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Bienvenue en absurdie

Impolie qui exige et s’invite, la plume du poète rend visite
Aux deux ou trois petites choses sans importance
Ces écumes ballottées par la main de la lingère
Ces farines de l’instant qui suffisent à irriter les narines

Vifs éclairs débusquant le sinistre et l’invraisemblable
Crachats démontrant le oui et le non, émondant le douloureux peut-être
Cet entre-deux qui oblige, ces compromis non négociés qui blessent
Nulle trace de ces brisures, dans un discours sur l’état de la nation

Trois fois rien
Un tout petit peu de tout à la volée, une graine, puis deux, puis trois

Bien vrai, au regard du passant
Les écumes peuvent paraître belles et absurdes
Absurdes parce qu’elles n’ont aucune raison d’être là
Belles parce qu’elles coiffent et ornent les agitations

Trois fois rien
De chaque instant qui malaxe et de chaque jour qui détraque

L’amertume s’accroupit patiemment dans l’œil de la servante houspillée
Houspillée sans raison, simplement parce que la madame le veut
Ignorée, détestée, réveillée à coups de pied au ventre
La bonne conscience possédante proclame que c’est une ingrate
Bien vrai, reproche vivant, elle gratte l’inconscient et le sur-moi
Présence indigne souillant et nettoyant la maisonnée
Petite merde indispensable, voulue et vilipendée, sage et secrète
Moi l’enfant d’autrui, autrui qu’on détruit dans la tête de son enfant
Par vos mots, faux-semblants qui perforent les cachettes
En toute bonne foi, sans prendre garde, parce que c’est comme ça
Toutes choses comprises et acceptées, anormalement normales

Trois fois rien
Deux doigts en hauteur de misères quotidiennes

L’oreille qui tend une main fébrile à la vitrine indigne
Ignore le minimum du savoir-vivre qui festoie
Le sourcil percute l’affamé commettant le sacrilège d’être là,
Pourquoi reste-t-il là, à déranger ce succulent poulet-bicyclette ?
A-t-il besoin de venir énerver cette bière transpirante à point ?
Franchement, pour ce que l’existence lui a donné !

Trois fois rien
Jamais de quoi remplir la main
Toujours une demi-dose, retourne donc au village !

Et qui pour dire que nos villages nous ont été volés ?
Qui pour expliquer nos quartiers violentés, morcelés, distribués ?
Et qui croira les dires de nos bras insolites privés de champs ?

Ta grandiose bâtisse se tient solidement sur la terre de mes aïeuls
Ta zone résidentielle insulte nos héritages
Immense symbole de la dépossession et de ma soumission
Comment pourrais-tu comprendre ces ridicules récriminations ?
Comprendre ma révolte contre moi-même, le soliloque puéril
Cette rage souterraine contre les diktats des ancêtres
Nous tenant mutilés et impuissants devant les décrets pirates
Reste mon refus d’applaudir, d’ôter mon bonnet sur ton passage
Un semblant d’estime, un résidu de dignité que je m’accorde
Céder toujours un peu et trouver à s’entendre avec soi-même

Trois fois rien
Et voilà que je m’incline devant des gens de peu

Dignité, le mot est lâché, qui prétend franchir les barrières
Dignité de l’unique et honneur du nom
Ce sont là choses graves trouant les nuitées
Une personne qui n’est rien ni personne, perd matin et soir
Le fils de personne maudit le sort et se rêve mutin

Trois fois rien
Une grosse indignation que nul ne veut voir
Au fil des journées que traîne la divine providence

Quoi, l’enfant de la rue, petit voleur parce qu’on le dit,
Coupable d’exister, et réputé incapable de tendresse
Inutile pour lui-même, à tout moment difficile et inconvenant partout
Conçu par une fornication distraite, né pour rien, élevé à saute-mouton
Vivotant avec un seul repère, l’hypothétique prochain repas
Et qui ose demander respect, on aura tout vu !
Petit voleur tenant la portière à grand voleur,
Le front bas espérant une piécette, voilà l’ordre normal des hiérarchies !

Trois fois rien
Un assemblage de petites choses qui noue les entrailles
Comprendront-ils enfin les grandes gerçures des petites gens ?

Quoi, la fille perdue sur des sentiers putassiers veut considération ?
La fille d’un autrui dérisoire, mûrie dans un ventre sans saveur
Juchée sur des talons qui enfoncent son cœur à chaque pas
L’entaille labourée avec ardeur pour un billet froissé
Souriant à son diabolique bienfaiteur et contrôlant la nausée
Errance sans ferveur, à la recherche de l’improbable, supputant l’impossible
Boire, chanter, danser, tout en habitant le dégoût de soi-même
Qui incriminer ? Quoi excuser ? Et pourquoi diable se plaindre ?

Trois fois rien
Seulement des jambes endolories par une marche sans fin
Sans fin parce que sans but, devant le lendemain qui se dérobe

Et cet artisan reniflant la poussière et les démissions au bord du chemin ?
Ne me dites pas qu’à l’abri des vitres teintées, vous ne l’avez pas vu ?
Et cet étudiant faussement rebelle, craintif pour l’après bourse ?
Sans doute occupé à intriguer, vous n’avez pas lu son tract brouillon
Et ce fils savant aliénant son cerveau au dernier des enfoirés ?
Là non plus, vous n’avez pas entendu la détresse dans ses diatribes

Trois fois rien
Au service des citadins, ceux qui produisent les ingrédients
Ceux et celles qui donnent l’essentiel ne savent pas ce qu’ils perdent
Ainsi chemine la gastronomie tropicale, acide alchimie sous les ventilateurs

Et ce laboureur harassé, le corps piqueté des trentaines de douleurs ?
Ce nourrisseur, l’estomac confiné aux marges de la journée nationale du paysan
Ces labeurs délaissés lors du repas à la résidence du bien-aimé président
Ce maraîcher ignorant le croquant de la laitue dans l’assiette européanisée
Ce fou empêtré dans ces superstitions, qui décidément ne comprend rien à rien
Au sommet de vos R1, R2, R3 et R4, acquis on ne sait comment
Féfétisés par vos climatiseurs aux grincements suspects
Machines égoïstes : la froidure dense dansante dans le cocon
Et les chaleurs concentrées en nuances sur les têtes dans le carcan général ?

Deux hideux, trois fois rien, trois foireux
Le peu du peu du feu qui se meurt entre deux potences épilées

Oui madame la présidente, la précédente comme la répondante
La présente prépondérante replète, comme la cocufiante confiante incomplète
L’âme maîtresse, la main dure, la lèvre sûre et la langue mûre devant la demande
Vous et vos postérieurs élargis, le pas lourd et la paume moisie
Consacrant une bedaine remplie de prébendes indistinctes

Trois fois rien
Trois forains, hâbleurs impénitents, juteux moissonneurs de nos peurs cathédrales

Oui, Capitaine serre-joint, ministre capitulard de la défonce nationale
Oui et ou bien, Oui et non, peut-être oui, peut-être non, sait-on jamais
Présent mon Général, combinard devant le râle national
La patrie pétrie de l’ire irrationnelle, le parler toujours obscur
Vous debout surtout, le jarret tendu et la cartouche prête, la poudre sèche
Qu’importe si vous raidissez mâle et débandez à la première alerte
Vos femmes et vos deuxièmes bureaux à la peau javellisée, la crinière augmentée
Vous et vos femelles hier seulement salement khadafféisées
Sur le moment cruellement doubaisées, quataréisées et libanéisées
Barricadés derrière les vigiles musculeux et les « siens méchants »
Certainement, vous avez oublié l’odeur bienfaisante de notre bonne terre
Vous ne savez plus recueillir le lent écoulement des suées bienfaisantes

Trois fois rien
De petites choses sans importance, hurlant dans l’indifférence
De toutes petites choses qui, pourtant, ne savent attendre

Sayouba Traoré
Journaliste, Ecrivain

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Vos commentaires

  • Le 22 août 2014 à 05:55, par aristide briand En réponse à : Bienvenue en absurdie. Poème de Sayouba Traoré

    Merci mon frere pour ce poeme tres riche en images et symboles ! vraiment nous sommes en absurdie une bourgade ou le monarque cree un probleme qui n’existe pas car il est un devoir pour lui de ne pas faire plus de deux mandats consecutifs. Mais il fait croire au monde que les burkinabe sont divises. et hop il verse dans le dilatoire .t

  • Le 22 août 2014 à 07:41, par sissi En réponse à : Bienvenue en absurdie. Poème de Sayouba Traoré

    Quelle profondeur !quel talent ! C’est un cadeau quand on sait la valeur d’un tel écrit où chaque mot est un souffle, chaque expression l’aiguille qui se faufile dans le tissus social, historique, politique du pays avec ses piqués, ses crochets, ses noeuds. Le tout à exprimer le rire et le pathétique. Merci. Si un tel talent était aussi compté ? Si seulement il y avait une conscience du "trois fois rien" ?

  • Le 22 août 2014 à 10:24, par coach En réponse à : Bienvenue en absurdie. Poème de Sayouba Traoré

    Trois fois rien
    De petites choses sans importance mais images satiriques de la realite quotidienne de nos villes et cites !!! De petites chose sans importance qui pesent lourd dans la balance toute seconde qui passe, toute journee qui s’eteigne. Helas De petites choses sans importance qui poisent nos vie et illustrent un future incertain !!!

  • Le 22 août 2014 à 14:12, par Derrida Deux En réponse à : Bienvenue en absurdie. Poème de Sayouba Traoré

    Il n’a qu’ a tourner comme il veut. Il n’a qu’ a danser comme il bveut. Nous on l’ attend seulement devant le catafalque de son parent DCD. Si quelqu’ un perd un parent et s’ arrache les cheveux, sautet meme sautille, vous les amis qui etes alles le soutenir, ne vous tuez pas. Allez seulement l’ attendre au rond- point : La ou est etale le cadavre de son etre cher. Il va toujours y revenir apres ses gambades. Donc, nous on a dit a Blaise que cette fois- cil, la, notre constitution ne sera plus modifiee. C’est ici que nous avons plante notre lance comme le disait Maurice Yameogo, malheureusement de facon erronee. Moi je conseille aux Debrosuyir, Tourezou, Sango et les autres Gnihan de ne plus rine dire meme sur ca. Comme on lui a dit dans toutes les langues, dans tous les tons que nous memes on ne comprenait oas mais que l’ esprit du peuple comprenait, comme on lui a parle dans tous les registres, du francais de Goama a la grammaire maltraitee et chatiee de Vaugelas et il s’ entete, qu’ il y aille. Mais le jour seulement,. quand il va donner la date de son infame referendum, il ne reconnaitra plus ce pays qu’ il croit etre sa propriete. On "accepte" qu’ on vole notre or qui est dans notre sous- sol, on accepte, parce que nous on dit qu’ il y a mieux que l’ or. On "accepte" qu’ on pille nos paysans qui suent leur sang pour leur donner leur coton blanc tres noir en fait, on est fache mais on dit que ce n’est pas trop grave a cause de notre mauvaise definition de la paix. Mais on ne leur donnera jamais le droit de s’ accaparer de notre terre comme de leur calecon dechire. S’ ils sont malins, c’est bien. S’ ils n’ ont qu’ une vision de tunnel, c’ est encore mieux car ils comprendront mieux. ils seront philosophes. Nos enfants ne peuvent pas aller en Cote d’ Ivoire et ne pas se faire appeler Boyorodjan. Tu t’ amuses a aller en france, ils ont deja signe les accords d’ extradition bete et forcee poser. Tu vas en Guinee Equato, tu as des problemes. Donc si tu ne defends pas ton pays, ca te regarde. On ne montre pas un elephant a un enfant. Quand il va voir l’ elephant il saura qu’ il est different des vers de terre, des moustiques, des papillons avec lesquels il s’ est amuse jusque- la, de tout ce qu’ il a vu jusque- la. Tound teenga yinga, tund saka kuum. Webmaster, laisse couler. Sinon est-ce que tu sais que les balles ne trient pas ?Je comprends que tu veux te proteger mais en te protegeant par la censure des hommes qui disent la verite, tu te decouvres comme Gavroche (il faut lire les Miserables de Victor Hugo).

  • Le 24 août 2014 à 12:47, par Zan En réponse à : Bienvenue en absurdie. Poème de Sayouba Traoré

    M. TRAORE vous êtes très bien !

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