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Institut des Sciences des Sociétés : Un séminaire pour valoriser les travaux de doctorants en éducation

Publié le mercredi 13 août 2014 à 07h03min

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 Institut des Sciences des Sociétés : Un séminaire pour valoriser les travaux de doctorants en éducation

L’Institut des Sciences des Sociétés (INSS) a organisé, le jeudi 17 juillet 2014, un séminaire pour permettre aux doctorants de présenter leurs travaux afin de bénéficier des critiques constructives pour avancer dans la rédaction de leurs thèses. Les doctorants qui ont présenté leurs travaux sont tous ingénieurs de recherche au sein du Département Sciences de l’Éducation (DES) dirigé par le Dr Madeleine KABORE/KONKOBO, Maître de Recherche en Sociologie. Cette séance a été supervisée par Dr Alain Joseph Sissao, Directeur Adjoint chargé des Programmes et Dr Mamadou Lamine Sanogo, Directeur de l’INSS et plusieurs autres chercheurs de diverses disciplines. La modération des discussions a été assurée par Dr Félix Compaoré du Département Sciences de l’Éducation.

La première communication a été présentée par Mr Hien Y Christophe. Elle a porté sur un article scientifique en voie de publication intitulé : « Modalités d’acquisition de compétences par les TIC en milieu rural burkinabè : la radio Pag Layiri et le centre de ressources communautaires de la Fédération Nian Zwé ». Il est Ingénieur de recherche à l’INSS et doctorant en sciences de l’éducation sous la direction de Virginie Trémion à l’Institut Catholique de Paris. D’entrée de jeu, cette communication montre l’importance des Technologies de l’Information et de la Communication (TIC), considérées comme étant des moyens de transmission d’informations et du savoir. Ses analyses invitent à dépasser la vision classique qui considère l’école comme la seule voie d’accès à la connaissance et à l’instruction. Pour cela, l’étude a porté sur la Radio Pag La-yiri et le Centre de ressources communautaires de la Fédération Nian-zwé (FNZ), tous situés en zone rurale, et leur contribution à la productivité agricole. De son point de vue, le concept de TIC ne désigne pas seulement l’ordinateur et ses accessoires, mais aussi une panoplie d’objets, d’installations et d’applications qui permettent de communiquer et de transmettre des informations : le téléphone, la radio, la caméra et l’appareil photographique… L’usage de ces artéfacts de communication requiert un savoir-faire qui ne s’obtient pas uniquement dans les écoles. L’usage pratique dont on peut faire de ces artefacts de communication impose qu’ils soient accessibles à tous et qu’ils ne soient plus considérés comme un privilège réservé aux personnes nanties et instruites. Mr Hien Y Christophe rappelle dans son propos que, depuis la « Conférence de Jomtien » en 1990, il est reconnu que l’alphabétisation ne doit pas se limiter seulement à l’apprentissage de l’écriture et la lecture mais permettre à l’apprenant de disposer d’un savoir-faire pour son activité. Il partage cette conviction, notamment pour les populations des milieux ruraux qui ont l’avantage de bénéficier des retombées du développement rapide et sans limite des TIC. Par ailleurs, il faut noter que la révolution dans le domaine des TIC offre des possibilités d’accès à l’information et à la connaissance, même pour les personnes analphabètes. Elle contribue également à rendre « l’arbre à palabre » accessible à tous, sans distinction de sexe, ni d’âge, ni de classe sociale. Par exemple, grâce à la radio, toute personne peut appeler à partir de son téléphone portable et prendre part à des échanges ou à des débats en ligne. « L’arbre à palabres » se déporte désormais sur les TIC, permettant ainsi à toute la population de s’exprimer et de donner son point de vue sur des questions de sociétés et des projets de développement. Au cours des discussions, les participants ont attiré l’attention du communicant d’une part, sur la mauvaise qualité des réseaux de téléphonie mobile au niveau national qui peuvent entraver la bonne transmission de l’information, d’autre part sur le fait que l’usage abusif des TIC sape aussi les rapports sociaux dans les circonstances où la présence physique des individus est nécessaire. Selon les commentaires de Dr Ouattara Ardjouma chercheur à l’INSS, l’avènement des TIC dans le milieu traditionnel africain est à l’image du tam-tam et de la flute et rempliraient des fonctions d’alerte et d’information par rapport aux évènements.

Le PDDEB et la problématique de la qualité de l’enseignement

La deuxième communication a été présentée par Mr Zakaria Soré et portait sur le thème : « Les réformes du PDDEB et la problématique de la qualité de l’enseignement primaire au Burkina Faso ». Il est Ingénieur de recherche à l’INSS, doctorant en sociologie, inscrit à l’Université de Ouagadougou (UFR/SH) sous la direction de Dr Alkassoum Maiga, Maître de Conférences. D’emblée, il affirme que les politiques éducatives ont été fortement influencées par les Programmes d’Ajustements Structurels (PAS) qui ont entrainé la dégradation continue de la qualité de l’enseignement. De son point de vue, les politiques éducatives dans les pays en développement tel que le Burkina Faso, sont plus ou moins imposées par les institutions de Breton Wood qui suggèrent qu’il ne revient plus à l’État seul de définir ses orientations de politiques éducatives. Depuis la « Conférence de Jomtien » en Thaïlande en 1990 sous l’égide de la « communauté internationale », les discours politiques reconsidèrent désormais l’éducation comme un droit humain fondamental. C’est ainsi que le PDDEB (Programme Décennal de Développement de l’Éducation de Base, 2001-2010) a été adopté en 1999 comme la traduction des décisions politiques dans les actions. L’objectif de ce programme est de relever le taux de scolarisation de 34% à 70% en 2010 avec un effort particulier en faveur des filles et des zones rurales les plus défavorisées. Cela a donné lieu à de nombreux réaménagements dans le secteur de l’éducation dont le recrutement et la formation des enseignants dans un délai réduit à un an au lieu de deux. Le nombre d’enseignants des écoles primaires a sensiblement augmenté, mais cette cohorte d’enseignants n’a pas la pédagogie requise à cause du temps de formation qui été raccourci. Le principe de non redoublement à l’intérieur des sous-cycles et plafonné à 10% entre les cycles a été adopté. Celui-ci est perçu comme un facteur limitant le recrutement de nouveaux élèves. Ce principe n’est malheureusement pas partagé par tous les enseignants, puisqu’il permettait de renforcer certaines compétences de l’élève lorsqu’elles sont faiblement assimilées. Mr Zakaria Soré fait remarquer que grâce au PDDEB, le taux de scolarisation a connu une augmentation aux environs de 80%. Cependant, on constate une diminution des compétences des élèves, peut-être celui des enseignants. En termes de contribution à la présentation de Mr Zakaria Soré, il lui a été suggéré d’enrichir sa bibliographie par les travaux de sociologues tels que le Prof. Fernand Sanou, Dr Maxime Compaoré et Dr Felix Compaoré qui ont travaillé également sur les questions liées à la qualité de l’enseignement dans le système éducatif du Burkina Faso sur plusieurs années.

Philosophie de l’éducation de Jean-Jacques Rousseau

La troisième communication a été présentée par Mr Rodrigue Bonané et portait sur le thème intitulé « Le problème de l’autorité dans la philosophie de l’éducation de Jean-Jacques Rousseau ». Il est Ingénieur de recherche à l’INSS, doctorant en Philosophie inscrit à l’Université de Ouagadougou (UFR/SH), sous la direction du Pr Amadé Badini, Professeur Titulaire en philosophie de l’éducation. Mr Rodrigue Bonané fait remarquer que la question de l’autorité est consubstantielle à l’éducation. L’autorité exclut la persuasion et se distingue de la force. Contrairement à la force, elle a une dimension morale en ce sens qu’elle n’a pas sa fin en elle-même, mais elle vise l’épanouissement de la personne sur qui elle s’exerce. Ses analyses portent sur la problématique de l’autorité chez le philosophe Jean-Jacques Rousseau qui se pose de la manière suivante : comment concilier l’autorité et la liberté dans les domaines politiques et éducatifs ? Dans son ouvrage intitulé « Émile ou de l’éducation », Jean-Jacques Rousseau pose les principes d’une éducation à la liberté et pour la liberté. Pour ce faire, le précepteur d’Émile (personnage principal dans l’œuvre) se doit d’éviter d’exercer une autorité directe sur celui-ci. Il devrait plutôt le mettre dans des conditions susceptibles de l’amener à se gouverner lui-même, en se soumettant notamment à l’autorité des choses. D’où le concept « d’éducation négative » qui consiste pour le précepteur à ne pas dicter des leçons, mais à laisser Émile affronter les choses. Ce qui lui permet de mesurer ses propres forces et de se discipliner lui-même. L’autorité des choses contrairement à l’autorité humaine n’est pas arbitraire, et par conséquent, elle n’est pas aliénante. Pour le communicant, si la pédagogie de Rousseau exclut l’autorité humaine, elle rejette également les sanctions humaines et préconise les sanctions naturelles qui résultent des actes que pose Émile dans son rapport aux choses. Il s’en suit que la pédagogie de Rousseau s’oppose à la pédagogie traditionnelle fondée sur l’autorité de l’enseignant qui se manifeste par les sanctions, les punitions et les évaluations. La différence entre l’éducation dans la philosophie de Jean-Jacques Rousseau et l’éducation traditionnelle s’explique par une conception différente de l’enfant. Il a une conception optimiste de l’enfant en ce sens qu’il considère que celui-ci « est né bon », qu’il n’est point marqué du « péché originel » contrairement à la pédagogie traditionnelle qui a une conception pessimiste de l’enfant considéré comme « mauvais » de par sa nature. Paradoxalement, Jean-Jacques Rousseau dans son ouvrage, réhabilite l’autorité humaine dans l’éducation de la femme. Il justifie cela par le fait que celle-ci doit être éduquée pour être soumise à l’autorité de l’homme. La théorie de l’éducation chez Rousseau a une dimension politique qui aboutit à la conception d’une société contractuelle telle que exposés dans son ouvrage intitulé « Le contrat social » qui est le pendant de « Émile ou de l’éducation ». La conception du système éducatif de Rousseau suscite de nombreuses critiques tant positives que négatives. Elle a inspiré les pédagogies nouvelles qui mettent l’enfant au centre de l’éducation et les méthodes actives en éducation. De nombreux auteurs tels que John Dewey, Pestalozzi sont ses héritiers. Les critiques négatives renvoient à la conception beaucoup plus théorique de son éducation. C’est dire qu’elle n’est pas dans la réalité praticable, en plus, on peut lui reprocher de porter atteinte à la dignité de la femme. Mr Rodrigue Bonané partage l’idée, qu’au-delà de toutes les insuffisances de la pensée éducative dans la philosophie de Jean-Jacques Rousseau, les historiens de l’éducation le reconnaissent comme le père de « la modernité pédagogique ».

Une fois de plus, ce séminaire doctoral organisé par l’Institut des Sciences des Sociétés a été une occasion d’échanges et de critiques constructives permettant aux doctorants d’avancer dans la rédaction de leurs thèses. Tous les sujets abordés sont d’une importance majeure qui intéresse la société dans son évolution. Dans ce sens, la contribution des chercheurs en sciences humaines et sociales dans l’analyse du changement social est très utile et fortement recommandée. En effet, la problématique des réformes éducatives discutées à travers, la place des TIC aujourd’hui dans l’environnement de la communication et le problème de l’autorité dans le système éducatif sont, autant de sujets sur lesquels on ne cessera de réfléchir.

Par Mr SAMANDOULGOU Serge, Ingénieur de recherche, DSE / INSS/CNRST
et Dr ZERBO Roger, Chargé de Recherche, DSEAD/ INSS/CNRST

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