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Mesure de la pluviométrie : Une innovation à partir de la téléphonie mobile

Publié le dimanche 10 août 2014 à 21h02min

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Mesurer la quantité d’eau de pluie tombée au sol à partir de la téléphonie mobile, c’est possible ; c’est même une réalité au Burkina grâce au Laboratoire de Matériaux et Environnement (LAME) de l’Université de Ouagadougou. Avec le directeur de ce laboratoire, le Pr François Zougmoré, nous avons réalisé un entretien pour mieux appréhender le mode opératoire de cette innovation, les différents intervenants dans sa mise en œuvre, ainsi que son utilité pratique. Lisez plutôt !

Lefaso.net : Voudriez-vous bien vous présenter ?

Je suis Pr Zougmoré François, professeur titulaire, spécialité Instrumentation et Mesure, à l’UFR/SEA (Unité de formation et de recherche en sciences exactes et appliquées, ndlr) de l’Université de Ouagadougou. Je suis le Directeur du Laboratoire de Matériaux et Environnement (LAME) qui existe depuis octobre 1998, et qui a été fondé pour servir de laboratoire de base pour accueillir les premiers étudiants en formation au niveau doctoral à l’université de Ouagadougou. Nous travaillons sur différents aspects des sciences et techniques, dont le solaire, le séchage et les énergies renouvelables, le photovoltaïque, les matériaux pour l’énergie et les télécommunications, en propagation libre ou dans les fibres optiques.

Dans le laboratoire, nous travaillons aussi sur les sciences du sol, plus particulièrement le transfert d’eau dans les sols arides, dans le cadre du changement climatique et la nécessité d’une meilleure gestion des ressources en eau. Nous travaillons également sur d’autres aspects de la physique, notamment la physique des plasmas, liée au disjoncteur, dans l’équipe dirigée par le Pr Koalaga Zacharie, professeur titulaire, spécialité électrotechnique. Les investigations dans les plasmas, c’est, en résumé, des techniques qui sont étudiées afin d’améliorer autant que possible, la qualité de coupure de courant au niveau du disjoncteur. Depuis quelques années, nous travaillons aussi sur la météorologie de l’espace, au sein de l’équipe dirigée par le Pr Ouattara Frédéric, professeur titulaire en géophysique. Enfin, un des axes de recherches se rapporte aux sciences nucléaires appliquées, notamment l’étude de la dissémination des métaux lourds et le rayonnement « anormal » dans certaines régions du Burkina, recherches animées principalement par le Dr Cissé Ousmane Ibrahim, Docteur en sciences nucléaires.

Le LAME compte plus d’une quinzaine de chercheurs seniors, une trentaine de chercheurs juniors qui sont des doctorants, et une vingtaine de DEA (Diplôme d’étude approfondie, ndlr). Les origines des doctorants sont diverses : Burkina, Mali, Côte d’Ivoire, Togo, Bénin, Niger, Tchad, Cameroun, Centrafrique et Madagascar.

De plus en plus, on entend dire que des « chercheurs qui trouvent au Burkina, il y en a ». Etes-vous de ces chercheurs ? Et quelle trouvaille avez-vous sous la main actuellement ?

Effectivement, c’est avec beaucoup de joie que je vais vous parler de l’innovation que nous avons faite. On a mis au point une nouvelle technique permettant de mesurer les quantités d’eau de pluie qui tombent.

Pour l’agriculture, pour une meilleure gestion des ressources en eau, pour mieux situer les alertes à la sécheresse ou aux inondations, pour la connaissance des ressources en eau, pour les centrales hydroélectriques, pour les chercheurs travaillant dans la modélisation climatique, le suivi des pluies est essentiel.

Les méthodes traditionnelles utilisent des pluviomètres, ou des radars, ou encore des données satellitaires. Ces différents dispositifs ont donné et continuent de donner satisfaction ; mais ils présentent des insuffisances. Pour ce qui est des pluviomètres, l’insuffisance porte surtout sur la capacité de couverture qui est assez limitée. Pour le radar, c’est son coût qui est prohibitif pour nos pays. Enfin, le suivi satellitaire et les prévisions météorologiques demeurent entachés d’incertitudes, notamment aux échelles spatiales et temporelles très fines : Les satellites ne permettent pas d’avoir des données précises sur un territoire donné, pendant un temps donné.

Pour combler ces insuffisances, nous avons proposé une nouvelle technique utilisant les liaisons de télécommunication de la téléphonie cellulaire commerciale, pour pouvoir déterminer la quantité de pluie qui est tombée.

Il y a aujourd’hui des pylônes des compagnies de téléphonie mobile qui couvrent densément le territoire pour la transmission des ondes porteuses de message.

L’idée est partie d’un principe simple, qui s’appuie sur une propriété des pluies bien connue des professionnels de la télécommunication. En effet, les gouttes d’eau atténuent le signal radio transmis entre deux pylônes. Et en cas de pluie, l’onde qui est transmise entre les pylônes va traverser les gouttelettes d’eau. Au cours de ce passage, il y a d’une part, une absorption d’une fraction de l’énergie des ondes par les gouttelettes, et de l’autre, il y a le phénomène de diffusion de ces ondes, dans toutes les directions de l’espace, par ces mêmes gouttelettes, détournant les ondes de leur trajectoire prédéfinie et souhaitée par l’opérateur télécom. Ainsi, lorsqu’il pleut, la qualité de la réception baisse entre les pylônes. En réalité, de tout temps et en toute période de l’année, il y a des perturbations des ondes ; mais en saison pluvieuse, la situation devient dramatique pour le signal radio.

Pour faire face à ce problème, les opérateurs de téléphonie cellulaire relèvent de façon systématique les puissances qui ont été émises et les puissances qui ont effectivement été reçues entre deux pylônes consécutifs. S’ils constatent une diminution importante telle que l’abonné au-delà du dernier pylône ne pourra pas avoir une bonne qualité de communication, ils augmentent la puissance. C’est ainsi qu’ils suivent les propagations d’ondes entre les pylônes et apportent les correctifs au besoin.

Puisque cette perturbation devient importante quand il y a la pluie, nous nous sommes dit qu’on peut arriver à faire un lien quantitatif avec ce phénomène et la quantité d’eau traversée par les ondes. En clair, on peut estimer la quantité de pluie qui tombe à partir de cette diminution de la puissance de l’onde, en faisant la différentielle entre ce qui est émis et ce qui est reçu. C’est ce travail qui a été mené ces trois dernières années dans notre laboratoire en collaboration avec deux autres, l’un à Grenoble et l’autre à Toulouse, pour mesurer la quantité d’eau qui tombe quand la pluie perturbe la puissance entre deux pylônes consécutifs. Et aujourd’hui, nous avons atteint nos buts. Nous avons obtenu un résultat très satisfaisant qui a été publié, il y a quelques jours, à la mi-juillet, dans la revue « Geophysical Rechearch Letters ».

Notre laboratoire, le LAME, et deux laboratoires de l’IRD, le LTHE (Laboratoire d’étude des Transferts en Hydrologie et Environnement) à Grenoble et le GET (Géosciences Environnement Toulouse) à Toulouse ont donc mis au point une technique innovante, pour la première fois en Afrique, d’estimation de hauteur de pluie et sa répartition spatiale.

Que peut-on retenir de l’utilité de ce « résultat très satisfaisant » ?

Sans être exhaustif, on sait que l’eau, c’est important, surtout pour notre pays dont la population est dans l’agriculture à 80% et qui s’active aussi dans l’élevage. Et aujourd’hui, on a aussi des barrages hydro-électriques dans notre pays, on a des retenues d’eau, etc. Pour toutes ces questions, il est nécessaire de savoir la quantité d’eau de pluie qui tombe dans le pays. Il y a également des préoccupations tenant à la prévention des inondations, aux survenues de maladies hydriques, aux poches de sécheresse, aux famines.

Comment notre innovation technologie va apporter un plus ? Prenons d’abord le problème de la détermination de la quantité d’eau de pluie. Les pluviographes avec lesquelles la quantité qui tombe est évaluée, ne présentent que 400 cm² comme surface de captation. Et donc, si l’on veut vraiment savoir la quantité d’eau tombée sur une grande superficie, il aurait fallu placer une quantité énorme de pluviographes. Cependant les moyens dont dispose la météorologie nationale ne lui permettent pas de couvrir aussi densément qu’elle aurait souhaité le territoire national. Ce que nous avons comme technologie permet de mesurer la quantité d’eau reçue entre deux pylônes distants l’un de l’autre de 30 km. On a une intégration sur 30 km, non pas dans une seule direction, mais dans toutes les directions. Et tout le Burkina, y compris les régions les plus reculées et/ou les plus inaccessibles, étant aujourd’hui couvert par ces pylônes de téléphonie mobile, on dispose donc d’un vaste champ de mesure.

Avec quelle société de téléphonie mobile travaillez-vous, et quelles sont ses attentes par rapport à cette innovation ?

Nous travaillons avec Telecel Faso qui a mis à notre disposition, ses données numériques notamment celles portant sur la saison pluvieuse 2012. Ce qui nous a permis d’avancer dans ce travail qui nous permet aujourd’hui de sortir cette innovation. Nous lui en sommes très reconnaissants.

Quelles sont ses attentes ? Premièrement, comme le directeur général de Telecel Faso, Dr Ouédraogo Dimitri, nous a dit lui-même, le fait de savoir que sa société contribue au développement du Burkina à travers cette innovation, c’est très important et cela est à son honneur. Deuxièmement, les premiers aspects de notre recherche étaient de quantifier les pluies. Mais au-delà, on a des étudiants que nous venons de mettre en thèse, et qui travailleront sur l’impact de la poussière sur le signal téléphonique cellulaire ainsi que d’autres aspects dont les caractéristiques des précipitations et la fréquence du signal. Et nous estimons que cela va aussi intéresser les sociétés de téléphonie mobile. C’est connu de tous, en dehors des périodes de pluies, il y a des perturbations des réseaux téléphoniques.

A vous écouter, on est tenté de croire qu’une satisfaction morale suffit à Telecel dans le cadre de cette innovation. Est-ce vraiment cela, quand on sait que pour une société commerciale comme elle, l’intérêt moral ne compte pratiquement pas ?

En réalité, ces sociétés de téléphonie mobile ne perdent pas du tout dans cette recherche qui leur permettra d’assurer plus de satisfaction à leurs clients. Après tout, elles auront des éléments fiables quant aux sources de perturbation des lignes téléphoniques.

Par ailleurs, il est à souligner qu’elles n’enregistrent pas du tout de surcoût, quand elles mettent leurs données numériques à notre disposition. Et, comme dit tout à l’heure, nos recherches futures peuvent aussi leur être bénéfiques.

Pour l’instant, vous travaillez avec Telecel. Qu’en est-il de la collaboration avec les autres compagnies de téléphonie mobile dans notre pays ?

Entre ces autres compagnies et notre laboratoire, les relations sont très courtoises et amicales. Avec Telmob, nous n’avons pas pu aller jusqu’au bout par rapport aux données fournies, parce que nos moyens logistiques ne nous permettaient pas d’exploiter les installations qui nous ont été proposées. Le lien microonde était sur le tronçon Bobo-Dioulasso-Dédougou. Nos moyens ne nous permettaient pas d’y installer un pluviomètre et d’y procéder régulièrement aux relevés à des fins de comparaison avec les quantités de pluie déterminées à partir des liens de téléphonie cellulaire. Je pense que dans le futur, cela pourra être possible.

Airtel nous intéresse aussi, parce qu’elle couvre environ 85 % du continent africain. Ce serait donc intéressant d’avoir la collaboration d’Airtel. Car voyez-vous, notre nouvelle technique de mesure n’intéresse pas seulement notre pays, ou les huit de l’UEMOA (Union économique et monétaire ouest-africaine, ndlr), mais toute l’Afrique. Au-delà, cela intéresse tous les pays pauvres aussi bien d’Amérique que d’Asie du sud-est, qui n’ont pas les moyens de s’acheter des radars météo, mais qui ont un besoin crucial de connaître les quantités d’eaux qu’ils reçoivent des précipitations. Bien sûr, il y aura des spécificités mais cette technologie sera applicable.

Pour revenir aux opérateurs, au plan local, la démarche que nous avons eue à faire, est que nous sommes d’abord passés les voir individuellement. Nous sommes allés voir également l’Autorité de régulation pour qu’elle puisse nous appuyer.

Ce qu’il faut savoir, c’est que notre recherche ne gêne pas du tout les sociétés de téléphonie. Et avec ces résultats établis, nous pensons que les choses iront encore mieux dans la collaboration.

C’est vrai que ce sont les sociétés de téléphonie mobile qui vous intéressent dans le cadre de ce travail, mais on est aussi tenté d’en savoir sur vos relations avec les services de météorologie dans notre pays.

Des relations ont été très vite développées dès le départ, parce que pour installer les pluviomètres sur le territoire national, ou pour installer un radar, il faut l’autorisation du ministère chargé des télécommunications et du ministère des transports. Nous avons donc dû prendre contact avec ces ministères dès le départ en 2011 ; ce qui nous a permis, nous et nos collaborateurs du LTHE et du GET, de travailler avec des pluviomètres installés sur des zones choisies de commun accord, de réaliser des sondages radio, et d’installer un radar à Somgandé sur le site même de la Météorologie nationale ; le radar est maintenant démonté et est en réinstallation dans les Cévennes, en France. Notre collaboration existe donc depuis le début de ce travail de recherche et l’entente est très franche et cordiale.

Qu’en est-il de la prise en compte de la problématique des changements climatiques, quand on sait que ces changements climatiques influencent la pluviométrie ?

Le problème de changements climatiques a été au départ même de la problématique. Le problème des changements climatiques nécessite aujourd’hui qu’on fasse de la modélisation ; c’est-à-dire que l’on puisse faire des études théoriques avec des projections sur le long terme. On a d’ailleurs un étudiant qui travaille sur la question dans une dynamique de projection sur les années 2080 et au-delà, en collaboration avec WASCAL en Allemagne. Mais pour que l’on puisse faire de telles projections, il faut, entre autres, connaître la situation actuelle. Et l’innovation que nous avons sous la main permettra d’avoir des données précises à cet effet.

L’autre implication des changements climatiques est liée à la manifestation doublement violente de leurs effets. Soit ce sont les inondations, soit c’est la sécheresse. La contribution que nous pouvons apporter à ce niveau, est immédiate. Avec la quantification que nous allons établir, les autorités et organismes publics ou internationaux, en charge de ces questions, pourront savoir quelle zone, presque en temps réel, connaît un risque d’inondation ou vit une période prolongée de sécheresse.

Toujours dans ce domaine de changements climatiques, nous travaillons aussi avec WASCAL, avec qui nous sommes en train de signer un ‘’Consortium Agreement’’ pour la mise en place de ‘’RainCell’’ Burkina, afin de promouvoir cette technique novatrice d’estimation des précipitations à l’ensemble des pays de l’Union Africaine. Outre l’Université de Ouagadougou et WASCAL, il y a l’IRD (GET et LTHE) et Karlsruhe Institute of Technology, Garmisch-Partenkirchen en Allemagne, qui font partie du consortium RainCell Burkina, précurseur de ‘’RainCell Africa’’.

A quelle étape êtes-vous dans le processus de vulgarisation de cette innovation ?

Cette innovation n’est pas encore passée à ce qu’on appelle l’opérationnalisation. Si on passe à l’opérationnalisation, voilà ce qui va se passer : un paysan pourra prendre son téléphone portable, joindre un opérateur qui va accepter d’utiliser ça comme base, et sur son téléphone, il pourra savoir la quantité d’eau tombée avec la dernière pluie. Il en sera ainsi dans tous les pays couverts par les compagnies de téléphonie mobile et dont les données numériques seront disponibles pour le traitement par cette technique.

Et mieux, ce que nous proposons, pour la vulgarisation, c’est que dans ces pays, il y ait des gens qui soient formés à cela. Sur cette question de formation de chercheurs africains à cette nouvelle technologie, nous sommes en train de préparer un « workshop » qui se déroulera du 11 au 14 novembre à Ouagadougou ; « workshop » qui sera organisé par « RainCell africa » et qui verra la participation de nombreux spécialistes de la question.

Nous envisageons la présence d’un chercheur senior et d’un chercheur junior par pays. Le junior, doctorant ou en situation postdoctorale, portera cette thématique soit par une thèse soit pour sa carrière.

La fonctionnalité de cette innovation est-elle envisageable en se passant des pylônes de téléphonie mobile ?

Cette question nous a été posée à Bamako, il y a de cela deux semaines. Ce qui est sûr, c’est que de plus en plus, les gens, les opérateurs de téléphonie, sont en train de vouloir mutualiser leurs pylônes. Selon les informations que nous avons, il y a une société financière américaine qui est en train de vouloir prendre à son compte la gestion de l’ensemble des pylônes des différentes sociétés de téléphonie (Telecel Faso, Telmob, Airtel), ces dernières ne s’occupant que des questions de trafic. Ainsi, au lieu que dans une même zone il y ait plusieurs pylônes, chacun pour chaque opérateur, il n’y aura qu’un seul avec des antennes orientées dans tel ou tel sens, selon le réseau de chaque opérateur. Cela va donc diminuer le nombre de pylônes dans un village ou dans une agglomération. C’est une bonne chose pour notre environnement, même si c’est une initiative qui mettra encore du temps. Mais je pense, qu’en tout état de cause, les liaisons seront toujours là pour encore une longue période, même si les « backbone » de fibre optique étaient entièrement mis en œuvre dans les différents pays. L’innovation pourra donc être, très utilement, mise à profit pour très longtemps.

Parlez-nous de la communication qu’il y a eue jusque-là autour de cette innovation relative à la pluviométrie…

Chez nous, nous sommes moins communicatifs que dans certains autres pays, comme me le faisait remarquer une des très hautes autorités de notre université. Mais cette innovation a déjà été publiée dans une revue internationale. Et au niveau national, c’est maintenant que la communication autour de la chose commence. Le Conseil Scientifique de notre Ecole doctorale, lors de sa dernière séance, le 30juillet dernier, a retenu le principe de la présentation de cette innovation, au cours d’une journée où différents aspects de la recherche en sciences et technologies seront présentés. La présidence de l’UO (Université de Ouagadougou, ndlr) soutient l’idée d’une conférence de presse, en accord avec les responsables de notre Ecole doctorale et les autorités universitaires chargées de la recherche, pour expliquer cette innovation et en démontrer l’utilité.

Revenant sur la publication dans la revue « Geophysical Research Letters, GRL », il faut dire que toute innovation scientifique doit être communiquée à la communauté scientifique internationale. La science étant universelle, si l’on réalise une innovation et qu’on l’estime être un apport quant à l’avancée de la science, il faut donner l’information y relative. Nous avons choisi, avec nos collaborateurs, de faire cette publication dans une revue de très haut niveau parce que c’était une première en Afrique. Et deuxièmement, c’est un résultat très important. Il y a d’autres publications qui sont en cours de préparation, sans compter la soutenance de la thèse de Doumounia Ali, une thèse bâtie autour de cette innovation.

Qu’en est-il des contraintes qu’il y a sans doute eues dans le cadre des travaux qui ont donné lieu à cette innovation ?

Il y a eu des contraintes spécifiques qui nous ont amenés à travailler autour de Ouagadougou uniquement. Sinon, on aurait pu aller travailler dans la zone de Bobo-Dioulasso aussi ou ailleurs. Mais ce qu’il faut dire, c’est qu’il n’est pas nécessaire d’être un laboratoire riche pour effectuer le travail que nous avons réalisé. Il est important de le dire haut et fort.

La perfection n’étant pas de ce monde, qu’en est-il des imperfections par rapport à cette innovation ?

Franchement, je suis très content, parce que ce résultat qui est sorti donne beaucoup d’éclairage par rapport aux capacités qui peuvent exister, même dans les universités pauvres comme les nôtres.

C’est évident que nous pourrons encore y apporter des choses très intéressantes. D’ailleurs, dans le prolongement de la recherche en thèse qui a donné ce résultat, il y a une autre thèse qui vient de commencer. J’ai parlé tantôt de l’impact de la poussière sur le signal téléphonique ; voilà également une piste intéressante de recherche dans nos pays où quasi permanemment, il y a de la brume sèche.

Et les perspectives de vulgarisation de cette innovation ?

Nous pensons qu’i faut travailler à opérationnaliser l’innovation, en accord avec les structures et autorités intéressées, en premier lieu, à la question comme le ministère de l’agriculture ou le ministère de l’environnement. Nous allons aussi approcher l’UEMOA à qui nous avons déjà adressé une correspondance ainsi que le CILSS (Comité permanent inter-Etat de lutte contre la sècheresse au Sahel, ndlr), la Banque Mondiale, déjà approchés également.

Si cela est fait, nous allons d’abord couvrir tout le pays. Ensuite, nous irons dans d’autres pays pour développer son application. Comme dit plus haut, en novembre nous allons organiser un ‘’workshop’’ pour permettre aux collègues chercheurs africains intéressés, de se former.

A vous écouter, on a l’impression que vous vous investissez beaucoup dans la formation des jeunes dans le domaine de la recherche. Comment percevez-vous l’avenir de la recherche dans notre pays ?

Vous savez, tout se construit, y compris la recherche. Et la construction de la recherche en physique à Ouagadougou a été laborieuse. Il a fallu d’abord mettre en place la Maîtrise de physique pure, avec difficultés. Ensuite, on a fondé le troisième cycle de physique et le premier laboratoire de recherche en physique dans notre université. On a perdu beaucoup de choses, notre jeunesse, l’argent de nos familles et nos économies etc...

Mais aujourd’hui, c’est avec fierté que je vois ces étudiants que j’ai initiés à la recherche, qui sont des directeurs pour certains, bientôt des professeurs titulaires pour d’autres. Ils sont dans les différentes universités, centres de recherche et laboratoires du pays, et occupent des positions importantes et déterminantes. Dans notre Université, la recherche en physique est très vivante avec beaucoup de publications et dans des revues de haute qualité à l’image de celle que vient de produire le thésard Ali Doumounia. Et ça, j’en suis très fier, il faut l’avouer, sans fausse modestie. La relève est donc assurée !

Entretien réalisé par Fulbert Paré

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