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« Grève des bulletins » au lycée provincial de la Léraba : La lecture très « particulière » de Pathé Barry

Publié le mercredi 6 août 2014 à 13h29min

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« Grève des bulletins » au lycée provincial de la Léraba : La lecture très « particulière » de Pathé Barry

Quoi ? Qu’est-ce que je lis ? Un chef d’établissement a refusé d’organiser un pot de fin d’année pour le personnel de l’école ? Une activité si centrale dans la vie d’un établissement scolaire ? Et cela sous le fallacieux prétexte qu’il y avait d’autres priorités ? Dans quel pays sommes-nous ? Je me demande pourquoi je tarde tant à mettre à exécution ma menace de quitter ce milieu pourri de l’enseignement !

Mon Dieu ! Où allons-nous ? Quelle inversion de priorités ! Ainsi ce farfelu de proviseur pense que construire des salles de classes supplémentaires est plus important que notre bien-être ! Dites-moi que je rêve ! Ce monsieur est contre les intérêts de ses collègues. L’esprit de groupe ou de corps n’existe plus dans ce pays. Et ce sont ces genres d’individus qui nous parlent de probité, de don de soi, de conscience professionnelle. Ce sont des parvenus pareils qui nous dirigent dans les écoles. Quelle conscience voulez-vous donc que nous inculquions aux élèves si vous-même vous êtes contre vos collègues ? C’est raté mon cher proviseur ! C’est raté !

Quand j’étais dans les classes, avant qu’on m’en expulse pour les raisons que vous connaissez tous, le proviseur n’était pas bête pour nous refuser notre pot. Il ne connaissait que trop bien ma force de frappe avec mon groupe d’enseignants acquis qui sabotaient toutes ses manigances anti collègues. Il n’osait pas dire que les sous de l’APE allaient servir en partie à construire des salles de classes supplémentaires. Non. Il ne l’aurait jamais osé. C’était nous d’abord. Et ensuite ses futilités de salles de classes.

Est-ce notre faute si, pour éviter que nous n’abandonnions les classes en milieu d’année pour vacations et heures sup non payées, l’APE faisait des avances à l’école pour éviter qu’on en arrive là ? Ce n’était pas non plus notre faute si l’APE prenait en charge un certain personnel non payé par l’Etat comme le vieux gardien qui est là depuis l’ouverture de l’école et qui touche 15 000 francs par mois.

Non ! Loin de là. On veut juste notre pot pour décompresser et aller nous reposer pendant 3 mois afin de reprendre des forces pour revenir accomplir notre devoir de citoyens consciencieux, formateurs d’hommes hors pairs. Et ce proviseur qui veut nous prendre par les sentiments en nous disant que nous aurons aussi des enfants à l’école un jour. Ça ne marche pas mon gars ! Pour le moment nous n’en a avons pas.

Pour un simple pot, monsieur le proviseur se permet d’ameuter la presse. Mais la réponse cinglante du très professionnel BORO, notre vaillant collègue, va lui clouer le bec à jamais. Je le vois déjà tout honteux après s’être rendu compte de sa bévue. D’ailleurs, le gardien peut s’estimer heureux car il aura là une belle occasion de se goinfrer des têtes, pattes et tripes de poulets que nous lui laisserons. De même que peut être une SOBBRA bien tapée en lui et place de son habituel bangui fétide. T’as pas honte proviseur ? Tu es aussi contre les intérêts de ce pauvre gardien aussi ? Hé Allah !

Pour éviter les effectifs dits pléthoriques le proviseur veut construire de nouvelles salles. Qui lui a dit même que nous voulons décongestionner les classes ? Ne sait-il pas qu’avec tous ses élèves tassés dans les classes nous avons là une belle occasion pour exiger et souvent obtenir de l’APE qu’elle nous donne des frais supplémentaires par prof et par classe à effectifs pléthoriques ? Faites vous-mêmes le compte et vous verrez jusqu’ où ce monsieur est contre ses collègues. 10 000f par classe, et par prof pendant 8 mois sans compter les indemnités de prof principal.

En construisant ces salles, qui va nous donner ce que nous perdons ? Alors que nous comptons sur ça pour tenir la dragée haute à ces jeunes infirmiers du coin qui nous narguent en venant nous chiper nos élèves filles sous nos yeux parce que certains d’entre eux vendent des produits prohibés, en cachette, dans les dépôts pharmaceutiques de leur CSPS. C’est avec cet argent qu’ils réussissent à convaincre les petites filles de sortir avec eux chaque samedi dans les bars.

Quand même ! Venir nous prendre nos produits comme ça parce que le proviseur veut nous couper nos « à côtés ». Nous, nous n’avons que les misérables boites de craie que nous pouvons fourguer au boutiquier du coin qui nous les rachète d’ailleurs à vil prix. Pas d’autres avantages. Et dire que certains fonctionnaires se tapent leur première villa après seulement 2 ou 3 ans de service. Nous aussi on veut être riches là.

On veut qu’un jour, nos enfants, quand nous en aurons, soient fiers de leur papa et lui soient reconnaissants pour la villa dans laquelle ils vivent avec pour domestiques les anciens élèves de … papa. Il ne s’agit pas du tout ici de prendre le pain des enfants des autres pour beurrer celui des nôtres. Qu’allez-vous imaginez là chers lecteurs et lectrices ! Honte à vous pour ces pensées que vous avez !

Avec ce pot, nous pourrons économiser l’argent du repas du soir pour pouvoir inviter ces filles que nous avons passé le temps à lorgner en classe pendant l’année scolaire et ainsi de nous venger, et d’elles, et de l’infirmier coureur de jupons qui vient d’arriver dans la localité.

La seule fois où j’ai été d’accord avec mon directeur, c’était le jour où sa langue lui avait fourché et qu’il nous avait dit de nous méfier des élèves parce qu’ils étaient nos ennemis. Pas même adversaires : en - ne – mis. Et vous voulez que nous renoncions à notre pot si décompressant afin que des gens pareils aient leurs bulletins scolaires ?

C’est vrai que de temps en temps, ces élèves nous appuient dans certaines revendications et souvent sans comprendre tous les tenants desdites revendications. Je suis convaincu qu’ils comprendraient si nous leur expliquons que, s’ils n’ont pas leurs bulletins, c’est parce que ce traitre de proviseur, ce monsieur sans aucune moralité, a refusé de nous servir notre pot. Ils seraient prêts, surtout ceux de 6è, à constituer rapidement une escouade de lapideurs pour aller inonder son toit de pierres et autres objets dangereux.

Merci chers élèves pour cet esprit de solidarité. Merci de nous aider à empêcher la construction de salles de classes dans lesquelles des profs compressés seraient obligés de vous donner des cours.

Merci de faire le bon choix. Le choix de l’avenir.

Kaya le 05 août 2014

BARRY Pathé,
Enseignant à Kaya

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