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Transparence dans les industries extractives : Les populations de Séguénéga disposent désormais d’informations fiables

Publié le dimanche 3 août 2014 à 20h49min

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Transparence dans les industries extractives : Les populations de Séguénéga disposent désormais d’informations fiables

Le secrétariat permanent de l’Initiative pour la transparence dans les industries extractives du Burkina (ITIE-BF) poursuit sa croisade de dissémination du 3e rapport, celui de 2011. Ce 30 juillet 2014, l’équipe est allée à la rencontre des populations de la commune de Séguénéga, dans la province du Yatenga. Après avoir présenté le document, elle a fait face à une « cahier » de questions. A la sortie de la rencontre, visiblement, les interlocuteurs semblaient satisfaits.

« L’Etat règle ses problèmes avec les sociétés minières, les maires ne sont pas au courant, les préfets ne sont pas au courant. Pourtant dans les villages, les gens disent que c’est le maire qui a dit à la mine de faire ça. Nous, on dit qu’on n’est pas au courant parce que rien n’oblige la mine à faire ceci ou cela avec les maires. Actuellement c’est l’Etat qui prend son argent qui bouffe et les maires et les préfets sont en bas pour gérer les problèmes. Malheureusement, les populations pensent que les maires et les préfets bouffent avec les sociétés minières, pourtant tout se décide en haut lieu… ». Ce sont là des propos d’un élu local de la commune de Séguénéga ce 30 juillet 2014 à l’occasion de l’atelier de dissémination du contenu du 3e rapport de l’ITIE du Burkina. Ils attestent à souhait la problématique de la gestion de l’exploitation minière au Burkina, et la méconnaissance des populations. Ils traduisent également la réalité de l’opacité du secteur extractif d’où très peu d’informations sont partagées. De ce fait, cette rencontre se présentait comme une opportunité rêvée pour comprendre le processus d’attribution des permis d’exploitation, les flux de paiement, les emplois, l’ITIE et son fonctionnement…

Ainsi, après les deux communications ayant permis de présenter le contenu du 3e rapport de l’ITIE-BF, les membres du secrétariat permanent de l’initiative, assistés de représentants du ministère de l’environnement et de la direction générale des mines et de la géologie (DGMG), ont répondu à la pléthore de questions. L’on retiendra qu’actuellement, 12 grandes sociétés minières exploitent les ressources du Burkina, dont deux sont en suspension d’activités. A celles-ci, l’on ajoutera de petites sociétés comme SOMIKA, Savor (qui font de l’exploitation semi-mécanisée), ainsi que des exploitants artisanaux.

L’une des préoccupations soulevées lors de cette rencontre, c’est aussi les difficultés que les enseignants et leurs élèves bravent au quotidien, si les seconds ne désertent pas les salles de classe pour aller à la recherche du précieux minerai. Certaines écoles jouxteraient la mine de Séguénéga. Conséquences : il faut suspendre les cours pendant les opérations de ‘’dynamitage’’, a confié un inspecteur de la circonscription.

Si la quasi-totalité des participants se sont réjouis de connaître combien les mines ont payé à l’Etat burkinabè en 2011 (plus de 109 milliards de francs CFA, ils souhaitent que cette transparence aille au-delà pour s’étendre à des questions d’ordre social. Ont-ils aussi souhaité l’adoption rapide du code en relecture. Ce qui permettrait aux autorités municipales d’être mieux imprégnées des attributions des permis et autorisations de recherche et d’exploitation.

Mais, le plus heureux à l’issue de cette rencontre était sans conteste le maire de la commune. Car, « La population pense que c’est moi en tant que premier responsable de la commune qui ai donné l’autorisation à la mine, que c’est moi qui ai vendu la montagne, que c’est moi qui bouffe avec la société minière. (…) Ceux qui me vilipendaient étaient dans la salle. Ils ont entendu de la bouche des représentants de l’Etat l’information selon laquelle la commune n’est pas impliquée dans la délivrance de permis pour les sociétés minières », s’est réjoui Mamadou Beloum.

Moussa Diallo

Lefaso.net

Propos de quelques participants à l’issue de la rencontre

Mamadou Beloum, maire de la commune de Séguénéga : « nous avons passé le temps à nous incriminer pour rien »

J’apprécie très favorablement la tenue de cette rencontre. Si on prend le nombre de questions et la nature des questions qui ont été posées, ça montre que le public, les assistants, les participants ont bien apprécié, ont été vivement intéressés.

Pour ce qui concerne justement l’extraction de l’or dans notre commune, il y a eu pas mal de questions. Tout cela est dû au fait que les populations n’avaient pas d’information sur le processus d’établissement de permis d’exploiter, ils n’avaient pas d’information sur la responsabilité sociale des entreprises minières, n’avaient pas d’information sur les responsabilités des autorités locales. Donc, nous avons passé le temps à nous incriminer pour rien. C’est pourquoi, je pense qu’il aurait fallu que dès 2013, au moment où la société minière s’implantait à Séguénéga, qu’une réunion comme celle-ci soit tenue. Si une réunion de ce genre avait été tenue courant 2013, les communautés auraient eu des informations, auraient pu apprécier de façon exacte les missions des uns et des autres, ce que la mine doit faire, ce qu’elle n’est pas obligée de faire, ce que le maire peut faire, ce qu’il ne peut pas faire, quelles ont les attentes qui peuvent être raisonnablement formulées à l’endroit de la mine, à l’endroit de l’Etat. On aurait évité toutes les tracasseries qui ont marqué l’exploitation de l’or dans notre commune. Donc, c’est pour dire que la réunion est la bienvenue mais elle est tard venue.

L’Etat gère les choses au haut niveau, mais au niveau local, au quotidien, nous gérons les problèmes liés à la délivrance des permis par l’Etat, liés à l’autorisation donnée par l’Etat à la mine pour exploiter. Mais, les communautés ne le savent pas. Moi, je le sais. C’est pourquoi, j’assume au mieux de mes possibilités le règlement des difficultés liées à l’exploitation des permis par la mine. J’assume puisque l’Etat est dans son droit. Moi, je dois accompagner l’Etat dans l’exécution de ce permis. La population qui ne le sait pas, pense que c’est moi en tant que premier responsable de la commune qui ai donné l’autorisation à la mine, c’est moi qui ai vendu la montagne, c’est moi qui bouffe avec la société minière.

Je sais que c’est faux, je ne peux pas les empêcher de parler. Mais, ça ne m’affecte pas outre mesure parce que je sais que ce n’est pas exact. Donc, je suis le premier à être satisfait de cette réunion parce que ceux qui me vilipendaient étaient dans la salle. Ils ont entendu de la bouche des représentants de l’Etat l’information selon laquelle la commune n’est pas impliquée dans l’établissement, dans la délivrance de permis pour les sociétés minières. Donc, je suis le plus heureux de tout le groupe, pour résumer.

Moussa Kaboré, chef de la CEB de Séguénéga 2 : « on est obligé d’interrompre les cours, le temps qu’ils finissent de placer les explosifs »

Je pense que la tournée en valait la peine parce que ça nous donne plus de visibilité sur la présence des sociétés minières dans notre pays et plus particulièrement dans notre terroir. Ça nous a permis de comprendre quel est le mécanisme que l’Etat a mis en place à travers la structure de l’ITIE qui œuvre à ce que la transparence soit de mise quant à l’exploitation des ressources minières au Burkina Faso. Donc, cette mission a éclairé les lanternes de tous les participants. Comme vous l’avez remarqué, il y avait toutes les couches qui étaient représentées et je pense que chacun pourra avoir un message clair à véhiculer une fois de retour.

Les problèmes majeurs que nous avons ici, c’est premièrement les abandons scolaires. Les élèves qui sont à côté des mines sont tentés d’aller à la recherche de l’or. Aussi, nous avons quelques écoles qui jouxtent les sites. Vous comprendrez avec moi qu’avec le passage des camions, ça cause pas mal de dégâts, notamment le bruit. Ce qui fait qu’à un moment donné, les enseignants sont souvent obligés d’interrompre les cours, le temps de laisser les camions passer.

Nous allons suggérer à ce qu’on puisse trouver un créneau (pas pendant les heures de cour) pour permettre aux camions de circuler parce qu’on ne peut pas interdire l’exploitation minière, mais qu’on trouve une exploitation qui va permette que les cours puissent se dérouler normalement. Vraiment, c’est une grande difficulté à laquelle nous sommes confrontés..
A côté, il y a les explosifs. Ici, c’est chaque après-midi à partir de 16h. Là aussi, on est obligé d’interrompre les cours et même vider les élèves des salles de classe, le temps qu’ils finissent de placer les explosifs. Donc, tout ça réuni, ça perturbe énormément le déroulement des activités au niveau de ces écoles. Donc, je souhaite que des solutions urgentes soient trouvées.

Poussi Albert Zallé, conseiller municipal et président de l’association ABAFB : « Il faut renforcer la concertation »

Cette rencontre nous a apporté pas mal de connaissance. Nous avons pu savoir des décrets et arrêtés qui ont été pris au niveau du gouvernement, ce que l’Etat attend des sociétés minières, et les relations qui doivent exister entre les sociétés minières et l’Etat, et même avec les communautés locales et précisément la société civile. Mais, c’est surtout la composition de l’ITIE qui m’a frappé. C’est une structure qui tient compte des propositions et des décisions de l’Etat, de la société civile et des sociétés minières. Donc, on dit qu’à l’absence d’une de ces composantes, il n’y a pas ITIE.

Je pense que pour que l’or profite à tous les burkinabè, il doit y avoir des propositions venant de la base aussi. Il faut tenir compte des populations puisqu’on a confisqué des champs des paysans. Il y a aussi des bruits qui gênent les élèves, sans oublier la migration des élèves vers les sites aurifères. Il manque également la concertation entre la société minière et les populations, entre la société minière et le conseil municipal et entre la société minière et les autorités déconcentrées de l’Etat. Donc, il faudrait renforcer les cadres de concertation entre les populations locales, l’Etat et les sociétés minières.

Mariam Sawadogo, coordonnatrice des femmes de Séguénéga : « rien n’a été fait pour les femmes de Séguénéga »

J’ai été très contente de cet atelier. Nous avons su les montants que les sociétés minières paient au gouvernement et les parts qui reviennent aux communes. Nous souhaitons maintenant qu’on pense aux femmes, que les sociétés minières fassent quelque chose pour les femmes des communes où elles exploitent l’or. Pour le moment, rien n’a été fait pour les femmes de Séguénéga.

Hamidou Diallo, antenne fiscale de Séguénéga : « les débats nous ont permis de comprendre beaucoup de choses »

C’est une initiative à louer. L’année passée, on s’était réuni à Kongoussi et je vois que cette année, ils ont décentralisé pour rapprocher les rencontres aux participants. C’est une chose à saluer. Aussi, les débats ont été très riches et nous ont permis de comprendre beaucoup de choses.

Comme nous sommes des services techniques, on encourage seulement ITIE dans cette initiative de transparence. Le citoyen lamda aimerait que les ressources générées par l’exploitation minière puissent profiter au maximum de burkinabè. Donc, je me range derrière ITIE et l’encourage à aller de l’avant.

Propos recueillis par Moussa Diallo

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