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Appel au Dialogue du Front Républicain Depuis les Collines du Bafudji : Doit-on se faire rouler encore une fois ?

Publié le jeudi 24 juillet 2014 à 21h59min

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Appel au Dialogue du Front Républicain Depuis les Collines du Bafudji : Doit-on se faire rouler encore une fois ?

Nous nous attendions à une caravane destinée à convaincre nos parents du Sud-Ouest de la nécessité d’aller au référendum. Hélas ! Comme dans un match de football, le Front républicain nous a pris à contre-pieds en lançant un appel au dialogue. Et pourtant, « rien de nouveau sous le soleil » comme le dit un célèbre chanteur.

Le philosophe français Jean Lacroix ne croyait pas si bien souligner l’importance du dialogue en affirmant que « ceux qui ne sont pas des êtres de dialogue sont des fanatiques »(1). Dans l’histoire des sociétés africaines, nous apprenons qu’il existait des mécanismes permettant de solutionner les différends à travers le dialogue, la concertation. Les personnes ressources appelées sages se concertaient et leurs avis étaient partagés au chef qui en tenait compte dans ses décisions. C’est dire que nos ancêtres n’ont pas attendu l’arrivée du « blanc » pour valoriser les échanges d’idées, l’opinion d’autrui, le dialogue car disaient-ils « l’Homme ne vaut que 9, jamais 10 ».

Cependant, ces dialogues n’avaient jamais pour but de remettre en cause les règles qui régissaient l’organisation et le fonctionnement de la société. Imaginez un tant soit peu qu’il faille dialoguer pour remettre en cause le statut du chef de terres, le respect dû aux personnes âgées, ou encore le fait que les Peulh doivent demeurer des esclaves soumis aux Yarcé. Il est évident qu’une telle table ronde ne pourrait se terminer sans que des couteaux ne se parlent.

La cohésion sociale, la vie en communauté nécessitent le respect strict de certaines règles qu’on a librement choisi d’établir. Nous avons choisi la démocratie, eh bien, assumons ce choix avec toutes ses conséquences. Jean Lacroix nous enseigne toute la difficulté et même l’impossibilité qu’il est de dialoguer avec un fanatique car « le fanatisme est aveugle, il rend sourd et aveugle. Le fanatique ne se pose pas de questions, il ne connait pas le doute : Il sait, il pense qu’il sait. » Elie Wiesel (2).

Bien évidemment, les individus qui affirment être prêts à mourir pour Blaise Compaoré, pourtant lui-même mortel, souffrent de ce mal qu’est le fanatisme.

Dialoguer pour quel but ?

Un proverbe de chez nous dit qu’il est difficile de réveiller une personne qui ne dort pas. Certaines choses de la vie relèvent tout simplement de ce que les anglais appellent « Common Sense » et les Français, le bon sens. Avant de parcourir un trajet, toute personne jouissant de toutes ses facultés se pose ces questions : Ou vais-je ? Comment y arriver ? Quel en est le but ? En d’autres termes, on ne circule pas pour circuler. Idem pour le dialogue. Sur quoi peut porter un quelconque dialogue ou une discussion entre pro et anti referendum ? Pour qu’on organise un demi-referendum par concession ?

Au fait, voyant sa marge de manœuvre réduite au plan national et surtout international avec les sorties récentes des Ambassadeurs Américains et Français qui ne lui ont pas donné le feu-vert auquel il s’attendait, Blaise Compaoré cherche encore une fois à jouer avec le même facteur qu’il lui a toujours permis de jongler tous les obstacles à son désir d’un pouvoir a vie : le temps. Le régime de Blaise Compaoré ne s’est jamais gêné de revenir sur sa parole une fois que s’assouplit la pression en nous balançant des explications pour le moins ridicules comme quoi le contexte a changé.

Avec ce régime, la politique nationale n’est rien d’autre qu’un jeu de dupes organisé de sorte à ce que Blaise Compaoré en sorte toujours gagnant. On dit chez nous qu’on ne piétine pas deux fois les affaires d’un aveugle ; or nous avons été roulés a maintes reprises dans la farine du boulanger à telle enseigne que nous avons bien appris et même mémorisé tous ses faits et gestes.

Les rapports et conclusions remis au chef de l’Etat Blaise Compaoré ont tous connu le même sort : Ce qui fait son affaire est très rapidement mis en place et il est prêt à tout pour les voir se concrétiser, exemple le Sénat. Pour le reste, un certain porte-parole vous jettera a la figure qu’il s’agissait de simples propositions laissées à l’appréciation du chef de l’Etat. Qu’a-t-on fait du célèbre rapport du collège des sages pour que nous soyons dans la situation que nous vivons aujourd’hui ?

Si la parole donnée avait encore une quelconque importance sous nos tropiques, pourquoi tout ce méli-mélo pour modifier l’article 37 de notre constitution alors qu’il nous avait été promis lors de la mise en place du conseil consultatif sur les réformes politiques (CCRP) que les points non-consensuels resteraient en l’état ? Absolument rien ne garantit que ce qui résulterait de ce dialogue demandé par le Front républicain, s’il a lieu et quelque soit la forme sous laquelle il se tiendra, ne souffrirait pas du même sort que les précédentes conclusions remises au même commanditaire.

Avec qui dialoguer ?

On se rappelle qu’une question de mandat avait fait capoter la médiation initiée par l’ancien Président Jean Baptiste Ouédraogo. L’opposition avait bien vu d’exiger ce document pour la simple raison que Blaise Compaoré est le seul et unique concerné par la limitation des mandats présidentiels insérée dans notre constitution. Que ce soit Assimi Koanda, Alain Yoda ou tout autre militant du CDP, ils sont tous libres de représenter leur parti politique à l’élection présidentielle de 2015.

La paix sociale que notre pays a toujours connu et ce, bien avant même que leur mentor n’accède au pouvoir, est à présent menacée parce qu’une personne, parmi ces millions de Burkinabè, refuse de se soumettre aux rigueurs de la loi.

Si dialogue il doit y avoir, la question du mandat devra à nouveau se poser, surtout que Blaise Compaoré préfère désormais sa casquette de militant du CDP à celle de chef de l’Etat. Ce choix s’est révélé dans le Sanguié le 10 Mai 2014 lorsque notre chef de l’Etat sensé rester impartial, affirmait que « la majorité va imposer son choix », récemment dans une presse internationale « nous communiquons par stades interposés » et encore « je préfère largement qu’ils aient quitté le CDP », parlant des leaders du Mouvement du Peuple pour le Progrès (MPP).

Il va de soi que si le médiateur et facilitateur international hors-pair a finalement choisi de dialoguer avec son opposition, qu’il soit en mesure, en sa qualité de premier militant du CDP, de délivrer un mandat en bonne et due forme à tous ceux qui voudraient parler en son nom, a défaut de faire partie lui-même de cette table ronde de dialogue si tant est qu’il se soucie de la préservation de la paix sociale. Après tout, il a été élu par les Burkinabè et il est déplorable que ce soit plus facile pour des opposants d’autres pays et même des rebelles d’être reçus à Kosyam que des opposants burkinabè.

Disons-le tout net : s’il faut dialoguer, discuter ou négocier dans cette attitude de mauvaise foi, dans ce climat d’hypocrisie, de méfiance compte tenu du manque de sincérité et surtout avec la mauvaise partie, on gagnerait du temps en communiquant directement sur la date de ce fameux référendum afin qu’on en finisse et advienne que pourra.

Victor Soré
Victor_sore@yahoo.com

(1) J. Lacroix, le sens du dialogue, page 130.
(2) Elie Wiesel, écrivain Américain, prix Nobel de la paix en 1986.

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