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IBK sera-t-il favorable à un « accord » à Alger en 2014 après avoir subi celui de 1992 et avoir été hostile à celui de 2006 ? (1/2)

Publié le dimanche 13 juillet 2014 à 21h47min

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IBK sera-t-il favorable à un « accord » à Alger en 2014 après avoir subi celui de 1992 et avoir été hostile à celui de 2006 ? (1/2)

Modibo Keïta était à Alger ce week-end (5-6 juillet 2014). Il y a quelques mois (23 avril 2014), Ibrahim Boubacar Keïta l’a nommé comme son haut représentant pour le dialogue inclusif inter-malien. Cette désignation (annoncée dès le mercredi 16 avril 2014) visait à court-circuiter la médiation burkinabè. Keïta, lui, évoquera la nécessité de « concessions », « une ouverture d’esprit ».

Il dira encore : « Il ne s’agit pas d’affronter des adversaires mais plutôt de s’entretenir avec des compatriotes qui ont tout à fait le droit d’avoir des préoccupations […] Le terrain a été défriché […] il y a des acquis d’une extrême importance » résultant de l’accord de Ouagadougou. Son objectif : « Aboutir à un accord de paix global et définitif ».

La nomination de Keïta faisait suite à la démission d’Oumar Tatam Ly, remplacé au poste de premier ministre par Moussa Mara (dimanche 6 avril 2014). Et quelques jours après que Jean-Yves Le Drian, ministre français de la Défense, ait déploré que le processus de réconciliation au Mali « n’avance pas assez vite ». Il fallait une décision qui traduise la volonté des autorités d’aller de l’avant, plus formelle qu’opérationnelle. A Ouaga, d’ailleurs, on ne sera pas dupe. Et quant à voir nommer un homme en charge du « dialogue inclusif inter-malien », on aurait préféré quelqu’un qui ait une réelle maîtrise du dossier. Ce qui n’est pas le cas de Keïta. On le présente comme un ancien premier ministre ; mais il ne l’a été que quelques mois : de mars à juin 2002 quand le titulaire du poste, Mandé Sidibé, a démissionné (18 mars 2002) pour se lancer dans la campagne pour la présidentielle.

Pour le reste, c’est un enseignant né à Koulikoro, le 31 septembre 1942 (ce qui n’en fait pas un jeune homme), diplômé de l’Ecole normale secondaire de Katibougou puis de l’Ecole normale supérieure de Bamako. Il va mener sa carrière dans la pédagogie avant d’être nommé directeur de cabinet du ministre de l’Education puis ministre de l’Emploi et de la Fonction publique (1982) et ministre des Affaires étrangères et de la Coopération internationale (1986-1989) au temps de Moussa Traoré. Il sera, par la suite, ambassadeur en Europe. Il ne reviendra au Mali qu’en 1992 et retournera à ses activités de « pédago » avant d’être nommé conseiller à l’éducation au secrétariat général de la présidence de la République, secrétaire général de la présidence de la République et éphémère premier ministre (2002). Il avait alors 60 ans et sa carrière derrière lui.

Keïta était donc ce week-end à Alger. Reçu ce dimanche 6 juillet 2014 par Ramtane Lamamra, le ministre des Affaires étrangères. Un diplomate de carrière, spécialiste des affaires africaines, qui s’est illustré particulièrement comme le commissaire Paix et Sécurité de l’Union africaine (2008-2013). Sa démarche diplomatique est nécessairement formatée par sa nationalité algérienne et la question du « Sahara occidental ». Il ne cesse d’ailleurs d’insister sur la « différence » entre « le terrorisme qui adopte la criminalité sous toutes ses formes » tandis que les mouvements de libération se « caractérisent par leur adoption du principe de l’égalité faite entre les deux belligérants, tant en droits qu’en devoirs en appliquant le même comportement que toute armée est tenue de respecter entre les civils et la partie ennemie ». A l’issue de son entretien avec Lamamra, Keïta évoquera le « rôle éminent » joué « tous les jours » par l’Algérie pour apporter des réponses « satisfaisantes » à la question malienne.

Aux dernières nouvelles, c’est le mardi 15 juillet 2014 que se tiendra à Alger une conférence sur le Mali. Dont nul ne sait ce qu’elle pourra donner. La crédibilité du régime de Bamako est à géométrie variable. « L’affaire de Kidal », expression du jusqu’au-boutisme de l’équipe IBK-Mara, a changé la donne géopolitique et le discours gouvernemental. Mais si les mots employés se veulent plus conciliants, si l’on fait référence à nouveau à l’accord de Ouagadougou, ce n’est pas pour autant que Bamako soit prêt à accepter l’inacceptable. Or, il est bien évident que la déroute des FAMa dans le Nord-Mali à la suite des événements du 17/18 mai 2014 a poussé les groupes armés à radicaliser leurs revendications. A Alger, il y aura les acteurs habituels de la « crise malienne » : les autorités de Bamako face aux leaders des groupes armés du Nord-Mali ; les facilitateurs, médiateurs et autres intercesseurs dont, bien sûr, hormis les Algériens, la France et le Burkina Faso.

Or, Alger n’est pas la capitale du Mali ; même s’il est plus acceptable pour Bamako de se rendre sur les bords de la Méditerranée que dans la capitale du « Pays des hommes intègres » où a été signé l’accord de Ouagadougou le 18 juin 2013. Plus encore, les médiations algériennes dans le dossier touareg n’ont pas laissé que de bons souvenirs à IBK. Quand Chérif Ouazani, en 1997, l’interviewant pour le compte de Jeune Afrique (1er octobre 1997), avait dénoncé « les carences de l’administration » dans la vie politique malienne, IBK, alors premier ministre depuis le 5 février 1994, n’avait pas manqué de rappeler : « A notre arrivée aux affaires en février 1994, le pays était loin d’être apaisé. La rébellion touarègue avait coupé le Mali en deux. La circulation des biens et des personnes n’était plus assurée. Grâce à un dialogue interne, nous sommes parvenus à des accords de paix. Nous revenons donc de loin ». C’était il y a vingt ans. Mais IBK a été formaté par cette expérience particulièrement contraignante qui aura finalement marqué de son sceau tout le temps qu’il aura passé à la primature (1994-2000).

Les événements militaro-politiques s’étaient succédés de manière inimaginable : rébellion armée au Nord-Mali (juin 1990) ; implication de l’Algérie dès le 12 juillet 1990 à Tamanrasset avec les ministres de l’Intérieur de l’Algérie, du Mali et du Niger, puis les 8-9-10 septembre 1990, sommet de Djanet avec les présidents des trois pays + Kadhafi ; accords de Tamanrasset (6 janvier 1991) ; chute de Moussa Traoré (26 mars 1991) ; Conférence nationale (31 juillet-15 août 1991) ; Conférence de Mopti (16-18 décembre 1991) ; signature du Pacte national (11 avril 1992) après trois séances de négociation à Alger, de janvier à mars 1992 ; cérémonie de la Flamme de la paix à Tombouctou (27 mars 1996) en présence du président du Ghana, Jerry Rawlings, qui était aussi le président en exercice de la Cédéao ; loi d’amnistie (7 mars 1997)…

En 1994, dans un entretien avec Stéphane Dupont (Jeune Afrique Economie – août 1994), IBK interrogé sur la situation au Nord-Mali qui « empoisonne la vie politique malienne », avait répondu : « Qu’il n’y ait aucune ambiguïté : le gouvernement malien a toujours la ferme volonté d’appliquer le Pacte national, de faire en sorte qu’il ait une traduction concrète sur le terrain. Malheureusement, le Pacte comportait d’énormes contraintes financières pour l’Etat. Dans la période de crise et d’austérité, dans laquelle nous vivons depuis plusieurs années, il n’a pas été possible de diligenter dans les délais voulus un certain nombre de clauses. Ces lenteurs d’exécution, qui n’étaient pas voulues, ont pu donner l’impression qu’il y avait une baisse d’intensité dans le désir des autorités d’appliquer le pacte, alors qu’il n’en était rien. A plusieurs reprises, le gouvernement a expliqué aux responsables des Mouvements et fronts unifiés de l’Azawad (MFUA)*, les raisons de ces retards. Ceux-ci ont montré beaucoup de compréhension. La bonne application du pacte impliquait que la sécurité règne sur le terrain. Cela n’a pas été le cas. En raison de graves problèmes de banditisme, la paix n’est jamais vraiment revenue dans le Nord du pays. Les ONG et les entreprises qui y travaillaient dans le cadre du Pacte se sont par exemple fait voler leurs véhicules et leurs matériels par des bandes armées ».

* Les Mouvements et fronts unifiés de l’Azawad (MFUA) ont été un regroupement, opéré à El Goléa (Algérie) du 10 au 13 décembre 1991, des mouvements arabo-touareg, décidé par le médiateur algérien.

Jean-Pierre BEJOT
La Dépêche Diplomatique

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