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Souleymane Zebret, président du Conseil représentatif des occupants du parc du Mont Péko : « Nous plaidons pour un déguerpissement à visage humain »

Publié le mardi 1er juillet 2014 à 17h33min

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Souleymane Zebret, président du Conseil représentatif des occupants du parc du Mont Péko : « Nous plaidons pour un déguerpissement à visage humain »

S’il y a un problème qui tourmente la communauté burkinabè en Côte d’Ivoire, c’est bien celui du déguerpissement des occupants du Mont Péko d’une superficie de 30.000 ha à l’Ouest. Dans cette interview réalisée en ligne, le président du Conseil représentatif des occupants de cette aire protégée, Souleymane Zebret, évoque la détresse des occupants du site estimé à 26 000 personnes dont 99% de Burkinabè. Il demande à l’Etat ivoirien de déclasser partiellement le site.

Notre Temps : En Côte d’Ivoire, le gouvernement ivoirien a décidé de déguerpir les populations du parc du Mont Péko dans l’ouest ivoirien. Quelle est la situation actuelle dans ce parc ?

Souleymane Zebret : Il est reconnu de tous qu’un parc est une aire protégée dans laquelle aucune installation n’est permise. En l’occurrence, le parc du Mont Péko en Côte d’Ivoire a été créé en 1968, sur une superficie de 34 000 hectares. Là-dessus, il n’y a aucune ambiguïté. Seulement, à la faveur de la crise armée en Côte d’Ivoire, beaucoup de personnes, fuyant les zones hostiles, se sont retrouvées dans ce parc où elles se sentaient plus ou moins en sécurité. Il s’est trouvé que ces personnes sont majoritairement des Burkinabè. En effet, une mission conjointe Burkina Faso-Côte d’Ivoire, effectuée au cours du mois de mai dernier, a révélé que les 99% de cette population sont des Burkinabè. Aussi, nous avons pu lire dans une enquête, récemment réalisée par un quotidien ivoirien, que cette population serait estimée à près de 26 000 âmes. C’est donc une situation particulièrement préoccupante pour nous. Ces personnes qui s’y sont installées ont créé des plantations et y vivent, avec femmes et enfants, dans plusieurs campements.

Qu’est-ce-qui est décidé pour ces personnes présentement sommées de quitter le parc ?

Le gouvernement ivoirien a décidé de les recaser dans des villages de la région. Il y a plusieurs sites qui ont été explorés mais rien n’est encore concret, parce que délocaliser autant de monde nécessite des infrastructures et un certain nombre de conditions préalables. Mais, la réalité est que les autochtones sont quelque peu méfiants. Jusque-là, les choses se passaient de manière unilatérale. C’est-à-dire que c’est le gouvernement qui décide et impose. Ce qui paraît normal dans la mesure où le parc est un patrimoine national. Mais vu la manière hâtive avec laquelle les choses se passent, nous craignons que ce déguerpissement ne débouche sur des situations dommageables. Voici la raison pour laquelle nous avons mis sur pied en début juin dernier le Conseil représentatif des occupants du Mont Péko.

Justement , quels sont les objectifs de ce conseil ?

Vous savez que même quand un locataire a des arriérés de loyer impayés, il y a des procédures pour l’expulser de votre maison. Dans le cas du parc du Mont Péko, les gens qui y vivent ont donné la raison de leur présence sur le site qui est due à la crise. C’était donc une question de survie. Aujourd’hui, ils ne refusent pas de partir. Mais ils ont désormais des intérêts économiques sur le site où ils se trouvent, notamment les plantations. Leur demander de partir est un droit du gouvernement ivoirien mais ce qu’ils deviendraient en quittant ce parc pourrait relever du droit humanitaire international. On s’achemine vers une situation où ces personnes seront assistées le temps d’une reconversion. Je voudrais signaler que nous avons déjà enregistré deux cas de suicides tout simplement à l’idée de devoir quitter les lieux. Quand serait-il quand toute la machine du déguerpissement sera mise en œuvre ? Nous avons donc décidé de mettre sur pied le Conseil représentatif des occupants du Mont Péko qui est légalement constitué de telle sorte à pouvoir plaider pour un déguerpissement à visage humain. Nous pensons qu’il faut donner du temps à cette population de s’organiser.

Quelles sont concrètement les suggestions que vous avez à faire ?

Notre plaidoyer est d’arriver à un compromis avec les autorités de telle sorte que les populations qui y sont contribuent au reboisement du site avant leur départ ; cela dans un délai d’au moins 2 à 3 ans. Nous proposons cette solution en estimant que si elle était acceptée, elle permettra aux populations installées là de se retirer sans problème. Vous pourrez aller interroger tous ceux qui y sont, ils vous répondront qu’ils savent que le site ne leur appartient pas. Ce qui est bien différent d’autres situations où nous assistons à des conflits fonciers. Il n’y a aucun conflit foncier dans le parc du Mont Péko. Il y a des populations qui l’ont tout simplement occupé à la faveur de la guerre et qui ont besoin qu’on les comprenne et leur trouve une alternative sociale et économique. Voici le sens de notre plaidoyer.

Au regard de l’ampleur de l’occupation, pourquoi ne pas demander aux autorités ivoiriennes de déclasser de manière partielle le parc ?

Notre souhait serait vraiment cette option quitte à trouver le moyen de régulariser la situation de tout ce monde au plan foncier. Mais le gouvernement appréciera. Cependant, dans notre plaidoyer auprès des députés ivoiriens, nous introduirons cette requête parce que 26 000 âmes c’est plus qu’une sous-préfecture. Déclasser partiellement le site serait l’idéal. Nous plaidons donc auprès des autorités ivoiriennes et burkinabè afin que cette option puisse être étudiée.

Pensez-vous que votre cause sera entendue des autorités concernées ?

Nous nous attelons à présenter la situation telle qu’elle est. Et tout le monde peut se rendre dans ce parc pour vérifier les faits. On dit que gouverner, c’est prévoir. Nous attirons donc l’attention des autorités sur cette situation qui est une résultante de la crise ivoirienne. Notre ambition, c’est d’arriver à trouver avec les autorités la meilleure manière de résoudre cette situation qui concerne, il faut le rappeler, plus de 26 000 Burkinabè.

Propos recueillis par Dayang-ne-wendé P. SILGA

Quotidien « Notre Temps »


Conseil national des Burkinabè de Côte d’Ivoire Pour un départ négocié du Mont Péko

Dans cette déclaration et faisant écho à la structure représentative des Burkinabè installés dans le parc du Mont Péko, les initiateurs implorent la clémence du gouvernement ivoirien afin qu’une solution négociée soit trouvée à cette situation.

Le Conseil national des Burkinabè de Côte d’Ivoire (CNB-CI) a été informé de la décision du gouvernement ivoirien de procéder au déguerpissement des populations étrangères, dont une importante communauté Burkinabè, installées dans le parc du Mont Péko à l’ouest de la Côte d’Ivoire.

Le Conseil prend acte de la mesure du gouvernement ivoirien qui vise à restaurer le parc. Toutefois, le Conseil est soucieux des conséquences qu’aura une exécution précipitée de cette mesure qui donne un délai de trois mois aux concernés pour quitter le site. La question est d’autant plus délicate pour le Conseil que les populations burkinabè visées par la mesure ne savent plus où donner de la tête face à l’imminence de l’exécution de la mesure de déguerpissement. Vu surtout la brièveté du délai et les questions humaines et économiques posées par cette mesure. Certes, les populations installées dans la forêt du Mont Péko ne justifient d’aucun droit sur ce parc. Mais le CNB-CI note que c’est un véritable drame humain qui se joue pour ces milliers de familles qui tirent leurs sources de revenus et les moyens de leur subsistance dans les plantations qu’elles y ont érigées. C’est pourquoi le CNB-CI implore la clémence des autorités ivoiriennes pour un départ négocié de la communauté burkinabè installée dans le parc du Mont Péko.

Le CNB-CI s’engage à s’impliquer activement pour accompagner toute disposition qui serait prise pour inclure la participation des populations burkinabè visées par la mesure. Car celles-ci ne sont pas opposées à un départ du site.

Le CNB-CI est déjà en contact avec les populations concernées par la mesure et se réjouit de ce que celles-ci aient créé le Conseil représentatif des occupants du Mont Péko afin d’engager des discussions en vue d’une solution négociée. Tout en exprimant sa volonté d’aider les autorités ivoiriennes à régler ce problème, le CNB-CI prie le gouvernement ivoirien de bien vouloir accepter ce plaidoyer et d’étudier toutes les possibilités et les propositions de règlements apaisés de ce problème.

Pour le Conseil national
des Burkinabè de Côte d’Ivoire

Le président

Salogo Mamadou

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