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Musique : L’ignorance des artistes burkinabè cautionnée par leur bureau de gestion collective

Publié le dimanche 8 juin 2014 à 08h24min

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Musique : L’ignorance des artistes burkinabè cautionnée par leur bureau de gestion collective

L’Internet comme instrument de diffusion et de distribution des œuvres littéraires et artistiques s’est présenté depuis son émergence, comme la dernière trouvaille technologique du siècle précédent, bouleversant ainsi les vieilles habitudes de commercialisation des œuvres. La révolution numérique, qui semble s’emparer de la gestion collective des œuvres, a tendance à s’imposer aujourd’hui comme la forme la mieux convoitée de gestion où prévaut l’exercice individuel des droits exclusifs reconnus aux auteurs.

La complexité de la gestion collective des œuvres à travers la fibre optique impose à cet effet, aux organismes de gestion collective une vigilance sereine en vue de mieux préserver l’équilibre entre la soif de connaissance du public et l’aspiration légitime des auteurs à une juste rémunération. Organismes de défense des droits patrimoniaux des créateurs, les bureaux de gestion collective se présentent comme des intermédiaires légalement agréés des artistes face à un public en quête d’informations, de connaissances scientifiques et surtout de loisirs etc.

Toutefois, face à certaines pratiques parfois juridiquement peu encadrées par le législateur et tendant à l’exploitation des œuvres sur la toile, et eu égard à l’ignorance des artistes quant aux subtilités de la gestion numérique de leurs œuvres, des qualifications souvent précipitées des faits et des actes conduisent à des auditions parfois stériles car, s’effectuant autour des notions et dispositions généralement mal maîtrisées par les parties.

« Vente illégale de musique en ligne : Koné Dodo en véritable profane » ; un titre à la Une de L’Observateur n°884 du Dimanche 09 au 15 mai 2014, semble être le grief ayant opposé deux artistes burkinabè à un opérateur culturel de notre sous-région. Une affaire déjà évoquée par le même quotidien burkinabè d’information dans son numéro 8613 du lundi 05 mai 2014 sous le titre quelque peu attentatoire intitulée « Trafic d’œuvres d’art » : l’ex-manager d’Alpha Blondy interpellé à Ouaga.

Qu’est-ce que la vente de musique en ligne et comment s’opère-t-elle ? Quand dit-on qu’elle est illégale ? Telles sont les questions auxquelles il convient d’apporter quelques réponses dans l’espoir de mieux éclairer nos artistes et par extension le public.

Le site web incriminé par le quotidien burkinabè ci-dessus cité, est www.afrikyshow.com dont l’auteur serait l’opérateur culturel Koné Dodo de son vrai nom Kassoum KONE. Ce site organise-t-il la vente en ligne des œuvres musicales ?

1. Qu’est-ce la vente de musique en ligne et comment s’opère-t-elle ?

Nouvelle forme de distribution des œuvres, la vente en ligne est une technique de commercialisation des œuvres musicales à travers la toile qui obéit, toutefois, aux impératifs juridiques encadrant cette technique. Aussi, le principe de l’autorisation des auteurs pour toute forme d’exploitation de leurs œuvres demeure intangible et s’exerce indépendamment du support de diffusion envisagé. Cette autorisation s’exerce en l’espèce, à travers des contrats dits d’édition, tout comme dans l’univers analogique. A travers ces contrats, l’auteur autorise ainsi l’éditeur d’un site web, à fixer sur ce dernier, ses œuvres musicales en vue de leur vente, moyennant évidemment une rémunération compensatrice déterminée le plus souvent proportionnellement au prix de vente de l’œuvre.

Muni de ce contrat, l’éditeur de site web procède, à l’instar de l’éditeur phonographique, à la fixation des œuvres objet du contrat sur sa toile à des fins de vente par leur téléchargement payant. Avec sa carte de crédit, l’internaute australien, japonais ou philippin, désirant se procurer l’œuvre d’un artiste Burkinabè, peut à cet égard, procéder à l’achat de celle-ci par la technique d’achat en ligne. Les banques mettent actuellement à la disposition du public des cartes de crédit, c’est-à-dire des cartes créditées de somme d’argent au profit de son détenteur et servant à lui faciliter ses achats. Par cette opération, l’éditeur reçoit en contrepartie du téléchargement de l’œuvre, le prix convenu et affiché sur sa toile. Il déduit de ce prix, le pourcentage à reverser à l’auteur. Ainsi se présente la forme légale de vente en ligne des œuvres musicales.
Quand dit-on alors qu’elle est illégale ?

2. Vente illégale de musique en ligne

Est dit illégal tout acte commis en violation des dispositions légales préalablement exigées. Aux termes des dispositions de la loi Burkinabè portant protection de la propriété littéraire et artistique, l’autorisation d’un auteur devant être préalablement requise en vue de l’édition et la vente de ses œuvres, il y a vente illégale dès lors que cette autorisation n’a pas été expressément donnée par le titulaire des droits ou son représentant. L’édition des œuvres, qu’elle soit analogique ou en ligne, est dans ce cas illégale car non revêtue de l’autorisation préalable des auteurs. En matière de droit d’auteur, aucune cession de droit ne saurait être verbale ni présumée. Elle doit toujours être écrite.

En l’espèce, à la lecture de l’article publié dans le quotidien Burkinabè ci-dessus cité, il est reproché au sieur KONE d’avoir illégalement vendu des œuvres sur son site internet www.afrikyshow.com sans autorisation de leurs auteurs.

Cependant, en parcourant les pages de ce site, on s’aperçoit de la difficulté ou plutôt, de l’impossibilité quasi-totale d’acheter les œuvres qui y sont fixées. La page incriminée du site www.afrikyshow.com présentant l’artiste burkinabè auteur de la plainte, ainsi que bien d’autres artistes, n’affiche pas l’interface de vente d’œuvres en ligne. Le site présente plutôt des portraits photos des artistes, leur biographie, leurs clips vidéo, parfois les titres de leurs albums, quelques concerts donnés par ceux-ci et enfin, une rubrique dénommée « album en vente »qui en réalité, est une page qui présente dans les titres de l’album ainsi que les liens conduisant l’internaute au véritable site de vente des œuvres. Alors, comment peut-on accuser le sieur KONE de vendre illégalement des œuvres musicales en ligne ? Comment se présente la technique de vente illégale ?

3. La technique de vente illégale de musique en ligne

Le sieur KONE, ne fait pas a priori de la vente en ligne d’œuvres musicales. Il se présente certainement comme un promoteur des artistes musiciens en leur offrant une vitrine sur le monde entier, susceptible de leur procurer l’attention de grands producteurs et majors européens ou américains. Mais sous cette facette, Monsieur KONE, insère sous chaque album, un lien qui permet à l’internaute qui voudrait bien se procurer un titre d’un album, ou l’album entier, d’avoir accès à l’adresse indiquée pour sa vente.

Cette technique dite insertion de lien hypertexte, constitue également une violation des droits de propriété intellectuelle dès lors qu’elle redirige l’internaute sur la page de vente du site et non sur sa page d’accueil, laissant croire à l’internaute qu’il s’agit toujours du même site. En effet, du site www.afrikyshow.com, l’internaute est, grâce au lien hypertexte, redirigé vers le site www.itune.com, ou www.emusic.com etc. qui procèdent véritablement à la vente en ligne, rendant la question ainsi complexe.

4. La complexité de la question.

Le sujet devient ainsi complexe car elle soulève la question de la responsabilité du sieur KONE quant à la vente des œuvres (qu’il faut se garder de qualifier a priori d’illégale) à travers d’autres sites web avec lesquels il aurait probablement des liens de droit. Ces sites que sont :www.itune.com ou www.emusic.com vendent effectivement des œuvres en ligne dont celles de l’artiste Burkinabè Dick Marcus. Ces sites auraient-ils à cet effet, obtenu l’autorisation de l’artiste en vue de la vente en ligne de ses œuvres ? Dans l’affirmative, on serait en effet, en présence d’une vente légale des œuvres en ligne.
Au cas contraire, ces promoteurs pratiqueraient illégalement la vente des œuvres musicales en ligne.

Cependant, quel est la position de Monsiur KONE dans cette affaire ?
Travaille-t-il pour ces sites web et dans quelles conditions ou fait-il juste acte de philanthrope en promouvant gratuitement les productions musicales des artistes dont celles des Burkinabè ? Est-il pirate, auquel cas, il devra être poursuivi soit par les artistes aidés en cela par leur bureau de gestion collective, soit par les autres sites vers lesquels il renvoie les internautes.

En tout état de cause, la qualification juridique des faits relatés par le quotidien Burkinabè d’information au sujet de la vente illégale de musique en ligne, mérite d’être reconsidérée eu égard à la complexité du phénomène et malgré la caution du Bureau Burkinabè du Droit d’Auteur (BBDA), soucieux de défendre les intérêts légitimes de ses membres.
Par ailleurs, cette affaire soulève également selon les juristes, la question des conflits de loi dans l’espace. La juridiction burkinabè est-telle compétente pour connaitre d’une affaire qui oppose un burkinabè à un ivoirien au sujet d’une infraction commise en côte d’Ivoire ? Quel serait en l’espèce, le droit applicable ?

Jacques TRAORE

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Vos commentaires

  • Le 7 juin 2014 à 21:03, par good biiga En réponse à : Musique : L’ignorance des artistes burkinabè cautionnée par leur bureau de gestion collective

    Mais dites moi qu’en est-il des clips que nous téléchargeons gratuitement sur YOUTUBE ? je veux juste comprendre.

    • Le 8 juin 2014 à 09:26, par SissiraT En réponse à : Musique : L’ignorance des artistes burkinabè cautionnée par leur bureau de gestion collective

      Je me demande pourquoi un tel titre "L’ignorance des artistes burkinabé ..." pour un tel contenu. Je ne vois pas de pertinence sauf si ce titre était sous la forme interrogative. En effet, il est traité de la (il)légalité de la vente des œuvres ... en ligne. Il est évoqué quelque cas de ventes d’œuvres en ligne au conditionnel, avec des "SI". Bref, cet article se termine en apothéose il me semble. Je m’attendais à des "révélations" au vu de votre titre. Serait-ce une mauvaise foi ou bien vous étiez en cours d’inspiration ?

  • Le 20 juillet 2014 à 03:13, par T willy En réponse à : Musique : L’ignorance des artistes burkinabè cautionnée par leur bureau de gestion collective

    Il n’ ya aucun probleme de légalité dans cette affaire. Aucun !
    Les structures comme itunes créent leurs store de music en ligne, les artistes intéressés signent un contrat,certes numérique et autorisent ainsi itunes a présenter dans sa boutique l’oeuvre musicale. Itunes vent le morceau a 1 $ je crois et l’artiste perçoit sa commission. Itunes n’a jamais eu de probleme d’illegalité sur sa plateforme, ce sont des americains et ils savent ce que ça peut leur creer comme soucis.
    Maintenant monsieur Koné dans toute cette histoire est un affilié de la plateforme itunes. A chaque fois qu’il refère par son lien (hypertext)un visiteur qui effectue l’acte d’achat, monsieur koné est rémunéré en pourcentage. Donc dans l’histoire monsieur koné touche une commission parcequ’il a contribué a la vente de l’oeuvre, Itunes touche parce que c’est sa boutique qui a vendu l’oeuvre et l’artiste touche aussi sa part parce qu’il est auteur. Tout le monde gagne dans l’affaire.
    Merci

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