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Démocratie impossible sans démocrates, sans culture démocratique : quels enseignements tirer de la diffusion des TIC ? (1/2)

Publié le vendredi 6 juin 2014 à 09h41min

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Démocratie impossible sans démocrates, sans culture démocratique : quels enseignements tirer de la diffusion des TIC ? (1/2)

Plusieurs centaines de pages ont été nécessaires aux éminents auteurs comme Robert Dalh, Loïc Blondiaux, etc. pour n’aborder qu’une facette de la démocratie et sa mise en œuvre. S’inscrivant dans la quête d’une démocratie solide pour notre pays, il est fondamentalement question ici, d’exposer et de partager une préoccupation issue de l’observation comparée de comportements des citoyens vis-à-vis de la politique d’une part, et d’autre part, vis-à-vis des TIC (en 1ère et 2ème parties).

I. TIC et l’expression démocratique

Il est indéniable qu’il y a une influence réciproque entre TIC (Techniques de l’information et de la communication) et démocratie. Les TIC permettent en effet, l’explosion de l’expression des citoyens à travers les réseaux sociaux, pratiques que certains auteurs dénomment « démocratie internet ». Flichy et Mercklé Pierre ont appelé ce phénomène, « démocratie 2.0 ». En revanche, les politiques tiennent compte de ces opinions dans l’action ou utilisent tout simplement ces mêmes canaux pour communiquer avec leurs concitoyens.

On se rappelle encore du célèbre tweet de Valérie Trierweller, ex-compagne du Président François Hollande, menant une contre-campagne à l’endroit de Ségolène Royale en France, de même que du tweet largement diffusé du Président OBAMA au lendemain de sa victoire à la présidentielle américaine, montrant sa photo en accolade avec Michelle OBAMA. Plus près de nous, dans une étude pointue, on peut s’intéresser à juste raison à la contribution d’un média en ligne comme Lefaso.net à la construction de la démocratie burkinabè. Par ailleurs, dans certains cas, en fonction du degré d’autoritarisme, les TIC peuvent se voir plus ou moins surveiller, réguler, voire suspendus tout simplement par le pouvoir en place (…)

II. Donner du contenu concret et des enjeux fiables à la démocratie

En lieu et place du regard parallèle ci-dessus, intégrant ces deux éléments - démocratie et TIC -, certes difficilement dissociables, le présent point jette un regard sur leurs diffusions séparées sur notre cher continent. Le motif principal qui sous-tend cette démarche, est la difficile mise en œuvre de la démocratie en Afrique noire francophone, contrairement à la fulgurante propagation des TIC qu’on y constate. En d’autres termes, notre préoccupation est la suivante : comment s’inspirer du succès des TIC auprès des populations à la base pour une propagation et une appropriation conséquente de la démocratie dans certains Etats africains ?

Les arguments mis en avant par certains penseurs pour expliquer le phénomène démocratique difficile en Afrique noire francophone est son caractère récent et exotique, c’est-à-dire, le fait qu’il soit le produit d’une récente importation. En effet, une certaine opinion locale non négligeable n’est-elle pas influencée par les pensées du genre : « (…) est-ce que le chef est mort, pour prétendre le changer ? » Dans son ouvrage intitulé « Culture et démocratie », Guy Hermet bâtit une argumentation solide visant à démontrer la bonne qualité d’une démocratie issue d’une sociogenèse interne (générée à l’interne et allant de paire avec l’évolution de la société) que je nomme « processus démocratique ascendant » (bottom up).

Hormis cet argument, la conception utilitariste (valorisation de l’utilité pratique des choses) théorisée entre autres par Hume et Bentham, devrait permettre d’alimenter la réflexion sur cette problématique en se fondant sur la diffusion du téléphone portable.

Les TIC ont cette particularité de reposer fondamentalement sur l’informatique. Les informaticiens nous apprennent quant à eux que la logique informatique repose elle-même sur la combinaison de deux chiffres exclusifs : le 0 et le 1. Une haute abstraction, est-on tenté de dire ! Pourtant, l’aspect abstraction de l’informatique est vite oublié dans notre vie quotidienne au regard de ses multiples interfaces pratiques et utilitaires que sont l’ordinateur, les plateformes internet, le téléphone portable, etc. Ce génie ou mieux, cette sorcellerie réalisant le miracle du passage de l’abstraction informatique (0 et 1) connue des seuls initiés, à l’interface TIC palpable par tous est l’élément qui focalise notre attention. La pensée paraît complexe, mais n’en faisons pas un drame car en langue dioula, dit-on que « c’est dans la complexité de la pensée que le dolo – bière locale - a jailli du mil ». Dans cette logique, on peut arriver à cerner le lien entre l’ivresse et le mil rouge. Ce dernier qui, suite à un processus long et complexe, est transformé en bière, dont la consommation abusive conduit le buveur à l’ivresse.

La démocratie rencontre des obstacles dans plusieurs milieux, certainement aussi parce qu’elle est davantage abstraite, idéologique ou encore immatérielle. A juste raison, on peut se poser la question suivante : qu’est-ce que la grande masse de la population sait du libéralisme, du néolibéralisme, de la sociale démocratie, etc. ? Pour cette raison, il y a lieu de saluer l’initiative noble de certains concitoyens qui ont partagé leurs réflexions sur les médias, en vue de clarifier l’opinion sur la compréhension de ces concepts.

Pour que la démocratie soit appropriée et massivement consommée par les citoyens à l’instar de certains outils TIC, tâchons de lui donner un contenu et des enjeux concrets accessibles à tous, au-delà des seuls techniciens juristes, politologues, philosophes, historiens, journalistes, bref, au-delà des seuls savants. Cette opération est possible en y associant avec hauteur de l’esprit, des enjeux et des valeurs nobles symboliques, matérielles et utilitaires pour en faire des repères d’identification aux yeux du citoyen lambda. Le résultat sera prometteur sans doute. Cette conviction vient du constat simple de l’effet stimulateur des t-shirts et gadgets divers à la participation des citoyens lors des consultations électorales !

Pour ces braves dames des campagnes burkinabè par exemple, la démocratie ferait mieux de s’identifier tout d’abord aux solutions concrètes de leurs soucis du quotidien. Il s’agit entre autres, de la disponibilité de la nourriture et d’eau potable en quantité et en qualité pour tous les ménages, l’éducation massive - y compris une éducation sincère à la citoyenneté -, l’alphabétisation et la santé pour tous ! De la même manière, pour l’internaute, la démocratie c’est entre autre aussi, la liberté d’accès à l’information et la liberté de prendre part au forum, etc. En liant toutes ces choses à la démocratie, du coup, les itinéraires et les destinées de celle-ci et de ces choses deviennent les mêmes dans la conscience collective. La rupture de ces éléments devient la rupture de la démocratie tout comme leur expansion devient aussi la diffusion et la promotion de la démocratie. Poursuivant avec l’exemple sus- cité, l’internaute qui identifie la démocratie à l’accès libre à l’information et au forum, verra tout de suite une démocratie en crise avec une suspension prolongée des médias en ligne, surtout en périodes sensibles.

De même, une démocratie identifiée à l’exercice de la citoyenneté, comme le vote, la liberté d’opinion et d’autres formes de participation, serait en crise aux yeux des citoyens si cette citoyenneté est bafouée. Toujours dans la même logique, la référence aux dispositions d‘articles donnés de la Loi fondamentale comme éléments clés de la démocratie, amène du même coup les citoyens à voir une crise dans la démocratie, si éventuellement ces dispositions viennent à être remises en cause sans leurs consentements. C’est ici, toute la difficulté qui divise à ce jour, le peuple burkinabè autour de l’article 37 de notre Loi fondamentale !

Ces exemples démontrent qu’à la démocratie, il faut en réalité donner un contenu et des enjeux palpables plus ou moins stables, évidemment variables d’un pays à un autre et connus de tous. Sans cette précaution préalable, la démocratie devient une boîte de pandore, sujette à toute forme de supputations et de spéculations, pouvant aller jusqu’à la haine pour la démocratie elle-même ! Sans exagérer, Platon et Aristote, ces deux illustres penseurs grecs de référence ne nourrissaient-ils pas du mépris affiché pour la démocratie !

Fort de ces arguments, il n’est pas hasardeux de dire que l’enracinement de la démocratie n’est pas nécessairement une question de temps mais davantage, une question de volonté des forces politiques, économiques et sociales. A cet effet, l’argument de l’ancienneté de la démocratie américaine vieille de plus de deux cents ans, brandi souvent pour justifier le retard démocratique de certains pays africains mérite d’être relativisé (...)

Par conséquent, l’éveil des peuples, leurs déterminations, les choix lucides des gouvernants, la détermination de l’Union africaine et de la CEDEAO à condamner avec fermeté les coups d’Etat militaires et les fraudes à la Constitution sont autant d’éléments volontaristes, pouvant militer favorablement à un enracinement profond de la démocratie dans la sous-région ouest africaine …

(A suivre …)

Idrissa DIARRA
Géographe, Politiste.
Membre-fondateur du Mouvement de la
Génération Consciente du Faso (MGC/F).
Courriel : diarra.idrissa@rocketmail.com

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Vos commentaires

  • Le 6 juin 2014 à 11:09, par OPINION En réponse à : Démocratie impossible sans démocrates, sans culture démocratique : quels enseignements tirer de la diffusion des TIC ? (1/2)

    C’est beaucoup mieux que la dernière fois ! Courage pour la deuxième partie

  • Le 6 juin 2014 à 13:40 En réponse à : Démocratie impossible sans démocrates, sans culture démocratique : quels enseignements tirer de la diffusion des TIC ? (1/2)

    Neveu, il y a eu beaucoup de clarte dans cet ecrit. Ce que j’ aime en toi, c’est le souci de se cultiver. Ce n’est pas facile dans ce Burkina ou lire releve du parcours du combattant. Combien d’ universitaires, apres de brillantes etudes, sont rentres au pays et ne contribuent plus reellement a la vie intellectuelle publique, rasant les murs pour "proteger" leur carriere, leur famille, ou leur vie comme si les combattants de la liberte n’ avaient pas de famille ou etaient simples des candidats au suicide ? Ce n’est pas Blaise qui leur interdit d’ ecrire, meme si ca l’ arrange. Les quelques rares personnes qui contribuent a l’ animation de la vie intellectuelle publique, on tente de leur jeter la trouille dedans en les mettant en garde contre des menaces de toutes sortes. Donc, le fait que tu t’essaies a lire et a ecrire est deja un merite en lui- meme. Elles sont bienveillantes, certes, ces mises en garde,car ce n’est pas le degre zero des risques mais faut- il que tout le monde s’ asseye si nous croyons que le changement est la direction a suivre ?
    Si je peux te faire des suggestions dans le sens de l’ amelioration,voila ce que je dirais, en esperant que tu ne prennes pas ca en mauvaise part.Peut- etre qu’apres avoir choisi un titre "allechant" qui accroche, il serait bon que tu poses toujours clairement le probleme. Quel est le probleme ? Qu’ est-ce qui nous derange ? Il faut reussir a faire ressortir la raison pourquoi on devrait se preoccuper d’ un tel sujet et pourquoi on devrait te lire. Dans ton sujet present, tu pourrais mettre en relief l’ importance d’ une societe democratique, source de progres et d’ epanouissement, etc. et ce que la societe ou les individus perdent quand il n’ y a pas la democratie.
    Ensuite, il faut essayer de circonscrire le sujet. Evidemment, le risque pour les jeunes chercheurs serait de croire regler un probleme a travers un seul ecrit ou une seule recherche. Qui trop embrasse mal etreint, dit- on. C’est pourquoi il est important d’ avoir une question qui va servir de point focal a ton papier. Et cette question, quand tu as fini d’ ecrire le papier, il faut evaluer toi- meme si tu as pu y repondre ou pas.Le corps du papier, c’est un effort d’ apporter des preuves afin que les lecteurs "achetent" ce que tu leur proposes.
    Pour commencer le papier, tu peux nous offrir une "these", c’ est- a -dire une ou deux phrases qui constituent une sorte de contrat entre toi et les lecteurs. C’est a- dire que quand ils auront fini de te lire, voila l’ idee essentielle que tu voudrais qu’ il emporte de ton ecrit. Et il devient un "contrat" parce tout le reste de ton papier est maintenant un effort de leur vendre cette idee cardinale. Je sais que les Gbins sont cons comme leur bangui et comme tu es mon neveu perdu parmi mes esclaves, je veux que tu sois costaud afin de leur montrer que lobi- dagara, c’est vraiment le maitre et que y a pas aucun. Mais je te previens. Entre toi et moi, il n’ y a pas Rakire puisque je suis l’ Oncle et on ne s’ amuse pas avec l’ oncle dans notre culture puisque l’ oncle est la "mere-homme".

    Beaucoup de courage, mon Aar- Ble.

    • Le 7 juin 2014 à 00:45, par Le Modérateur autoproclamé En réponse à : Démocratie impossible sans démocrates, sans culture démocratique : quels enseignements tirer de la diffusion des TIC ? (1/2)

      Un conseil est toujours bon à prendre pour le neveu esclave par hybridation, surtout quand on s’applique comme cela en bon oncle avec une dose d’humour, d’admiration et même d’invitation d’autres instruits à se mettre dans le bain. Le destinataire en tiendra compte sans doute. En attendant moi je joue à l’avocat du diable.
      VOICI LA QUESTION CENTRALE DE L’ARTICLE exprimée mot pour mot dans le texte que j’ai pu relever pour ma part :
      COMMENT S’INSPIRER DU SUCCES DES TIC AUPRES DES POPULATIONS A LA BASE POUR UNE PROPAGATION ET UNE APPROPRIATION CONSEQUENTE DE LA DEMOCRATIE DANS CERTAINS ETATS AFRICAINS ?

    • Le 7 juin 2014 à 09:28, par Idrissa D. En réponse à : Démocratie impossible sans démocrates, sans culture démocratique : quels enseignements tirer de la diffusion des TIC ? (1/2)

      Merci Oncle pour ces propos et conseils bienveillants. C’est ça tout l’intérêt de la démocratie internet (ou démocratie 2.0) : la possibilité de l’interactivité. Un de tes frères (donc un oncle aussi) m’a dit un jour que mon statut d’hybride (« metissé » issu des ethnies Dagara et Senoufo) fait de moi ce qu’on appelle « solo » chez les Dagara et du coup, je ne peux plus être considéré comme esclave (lol). Il a ajouté que ce statut de « solo » fait de moi chez les Dagara, un "séparateur" de bagarre, c’est-à-dire un médiateur aux conflits internes de la famille. Si on constitutionnalisait ces genres de statuts propres à nos réalités, cette crise nationale que nous voyons tous à l’horizon, serait certainement moins tendue, tu conviendras avec moi (lol).
      J’aurai dû dire dans mon titre : « quels enseignement tirés de la culture Dagara ? ».
      Voici mes thèses et mes tentatives de réponses qui sont venues plutôt dans le corps du texte et non dans l’introduction.
      La démocratie rencontre des obstacles dans plusieurs milieux, certainement aussi parce qu’elle est davantage abstraite, idéologique ou encore immatérielle.
      Pour que la démocratie soit appropriée et massivement consommée par les citoyens à l’instar de certains outils TIC, tâchons de lui donner un contenu et des enjeux concrets accessibles à tous, au-delà des seuls techniciens juristes, politologues, philosophes, historiens, journalistes, bref, au-delà des seuls savants.

  • Le 7 juin 2014 à 08:55, par Alexio En réponse à : Démocratie impossible sans démocrates, sans culture démocratique : quels enseignements tirer de la diffusion des TIC ? (1/2)

    La Democratie dans son contexte Burkinabe est l oppression de la minorite sans tenir compte de sa qualite.Voila pouquoi le regime en Place cette soit disante majorite s est empris et une main mise par politisation de l Administraction de notre armee comme son appui.Je n ai jamais en France ou ailleurs un general comme Ministre des affaires etrangeres. L implication de la chefferie traditionnelle dans la politique politicienne. L achat des conciences,nepotisme ,la corruption et la fraude electorale etc.

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