LeFaso.net, l'actualité Burkinabé sur le net
Proverbe du Jour : “Vous n’empêcherez pas les oiseaux de malheur de survoler votre têtе, mаis vοus рοuvеz lеs еmрêсhеz dе niсhеr dаns vοs сhеvеux.” Proverbe chinois

Respect de la constitution : Gbagbo se trompe de contexte

Publié le jeudi 10 février 2005 à 08h35min

PARTAGER :                          

Eyadéma était donc mortel. C’est une affirmation qui devrait être une certitude, une vérité immuable, puisque le Général Gnassingbé Eyadéma était un homme.
Toutefois, à force d’assister au règne sans fin de ce "baobab tutélaire" sur le Togo et de toujours voir planer inexorablement l’ombre du président togolais sur l’échiquier politique africain pendant près de 40 ans, on en est presqu’arrivé à imaginer l’homme éternel.

Surtout qu’il a échappé à d’innombrables attentats et autres accidents - avérés ou non - qui ont pratiquement fini par faire croire que rien ne pouvait terrasser le géant "miraculé de Pya". Mais, le destin, implacable, a fait son oeuvre, pour le malheur des uns et pour le bonheur des autres. Ainsi va la vie.

Et ce départ définitif de Eyadéma du monde des vivants a endeuillé sa famille et aussi ses proches. De ces derniers était le président ivoirien Koudou Laurent Gbagbo qui avait le soutien du "dinosaure" dans le conflit qui l’oppose aux Forces nouvelles et à une partie de l’opposition.

Craignant le syndrome ivoirien en raison de sa politique dictatoriale et inique sur le Togo, Eyadéma a vite pris fait et cause pour Gbagbo qui n’en demandait pas mieux. Il lui fallait des alliés, même si ceux-ci étaient les pires disciples de Belzébuth.

Mais le "baobab" déraciné, et après la prise de pouvoir par Faure Gnassingbé, le fils de "papa", la communauté internationale, notamment l’Union africaine, a crié au coup d’Etat militaire et exigé le respect de la Constitution. Car, malgré la mascarade grossière qui lui a permis de s’installer dans le fauteuil présidentiel devenu ainsi un patrimoine familial, Faure, le nouvel homme fort du Togo, n’était pas le successeur indiqué par la loi fondamentale togolaise.

Le respect de la Constitution. Cette bouée de sauvetage a été saisie par Gbagbo qui, cyniquement et sans état d’âme, a rangé la mort de son "ami et frère" Eyadéma sous le volet du "à quelque chose malheur est bon". Pour lui, la situation au Togo n’est ni plus ni moins qu’une main que lui tend le destin. "Si l’on doit respecter la Constitution au Togo, c’est à Abidjan en Côte d’Ivoire qu’il faut d’abord la respecter", s’est écrié triomphalement celui qui est le président d’une partie de la Côte d’Ivoire.

Pour le deuil de Eyadéma, son défenseur, Gbagbo verra plus tard. Ce qui urge pour lui, c’est de pouvoir mettre à profit le contre-exemple démocratique togolais comme argument devant ses pairs et la communauté internationale. Koudou Laurent Gbagbo, jubilateur, vient de trouver une autre parade, un autre levain pour sa farine.

Tout en épousant fermement la conviction de Gbagbo pour le respect de la Constitution, on ne saurait oublier de lui rappeler que les situations sont loin d’être similaires au Togo et en Côte d’Ivoire. Certes, comme Faure Gnassingbé, Gbagbo est mal venu au pouvoir, de façon très opportuniste, mais le Togo n’est pas pour l’instant confronté à une rébellion qui met à mal son intégrité territoriale.

Le Togo n’est pas encore non plus au menu d’une série de sommets ayant proposé une kyrielle de mesures pour permettre au pays de recoller ses morceaux, géographiquement et socialement parlant. C’est de bonne guerre que Gbagbo développe toutes les stratégies, même celles les plus cyniques, pour s’accrocher à un trône qu’il a longtemps convoité de très loin, notamment du vivant de Félix Houphouet Boigny. "Mon pays participe au championnat d’Afrique de la connerie", a chanté un des précurseurs du mouvement hip-hop en Côte d’Ivoire, qui a choisi le militantisme dans son sens noble, comme arme de combat. Au rythme où les choses se déroulent, la Côte d’Ivoire est en passe de rafler le titre de champion dans cette compétition très peu honorable.

Par rapport à cette situation qui prévaut une fois de plus en Afrique de l’Ouest, Gbagbo risque pourtant de ne pas être seul comptable des dérives que pourrait connaître la sous-région. En effet, les chefs d’Etat de la CEDEAO qui se sont réunis en sommet extraordinaire le 9 janvier à Niamey, au Niger, devraient prendre la décision courageuse de suivre Alpha Omar Konaré, le président de la commission de l’Union africaine.

Dès le début des événements, ce dernier a mis la barre très haut en qualifiant de coup d’Etat la prise de pouvoir par Faure Gnassingbé, étant donné que la transition de deux mois, suivie d’élections comme le préconise la Constitution togolaise, devrait être assumée par Natchaba Fambaré Ouattara qui était le président de l’Assemblée nationale.

Les dirigeants africains seront-ils en porte-à-faux avec le démocrate Konaré pour se contenter des déclarations de bonnes intentions de Faure qui a réussi le pari de revenir à l’hémicycle, se faire élire président de l’Assemblée en un tour de main et partant, devenir successeur légal de son père ? Les promesses vagues "d’élections générales libres et transparentes" faites par le président auto-proclamé seront-elles suffisantes pour les participants au sommet de Niamey ?

N’est-ce pas faire du deux poids deux mesures en abandonnant Natchaba Fambaré Ouattara et le Togo à leur triste sort alors que les mêmes chefs d’Etat, sous la houlette de Olusegun Obasanjo, actuel président en exercice de l’UA, avaient réussi à remettre le président bissau-guinéen sur son fauteuil lorsque celui-ci avait été victime d’un coup d’Etat ?

Il faut déjà saluer la résolution de la Francophonie de suspendre la participation des représentants du Togo aux instances de l’Organisation internationale de la Francophonie et la suspension de la Coopération multilatérale francophone, à l’exception des programmes bénéficiant directement aux populations civiles et de ceux qui peuvent concourir au rétablissement de la démocratie.

Ainsi affleurent autant de questions qui doivent être bien analysées afin de faire parler le même langage démocratique aux chefs d’Etat africains, pour qu’ils n’ouvrent pas davantage la porte au mauvais vent des régimes illégaux, illégitimes et qui pour finir, s’érigent en monstres hideux qui se paissent du sang de leurs administrés. Le préjudice sera trop grand pour une Afrique qui peine déjà à trouver ses repères.

Le Pays

PARTAGER :                              

Vos commentaires

  • Le 10 février 2005 à 21:49, par Kambire Dramane(Washington DC USA) En réponse à : > Respect de la constitution : Gbagbo se trompe de contexte

    Si vous avez un compte speciale a regler avec le president ivoirien ,faites le pour faire plaisir a Blaise compaore. Mais de grace ne nous dites pas que la situation etait plus catastrophique en cote d’ivoire.
    En cote d’ivoire il y eu tentative de coup d’etat qui a echoue et qui s’est transforme en rebellion . Quand on a un minimun d’honnete et qu’on est epris de droit on ne deroule pas le tapis rouge a une telle rebellion, il faut la desarmer pour redonner la force au droit.
    Au Togo la situation est juridiquement plus grave ( malheureusement vous ne voyez que la force des armes) car il y a eu coup d’etat et prise de pouvoir par les rebelles. La encore il faut redonner la force au droit et revenir a la legalite constitutionnelle.
    Telles doivent etre les actions des intellectuels africains pour sauver notre continent.

  • Le 15 février 2005 à 16:39, par Tapi Bogne Bruno, camerounais, Douala-Cameroun En réponse à : > Respect de la constitution : Gbagbo se trompe de contexte

    Gbagbo se trompe de contexte !

    Voilà votre conclusion à l’issue de votre analyse de la situation au Togo.

    Je peux comprendre que vous ne soyez pas d’accord avec le président Gbagbo. Mais, si vous permettez, je vous dirais qu’en lisant votre texte, je n’ai nullement perçu la preuve de vos déclarations. C’est vrai que les burkinabè ont été et le sont encore des victimes de ce malheureux conflit ivoirien. Je comprends la peine que vous pouvez ressentir. Mais cela ne peut vous empêcher, en tant que journaliste, d’être clairvoyant.

    En observant la situation du Cameroun, je peux vous dire que nous citons M. Gbagbo pour exemple, contrairement à vos qualificatifs. Par contre, le bourreau de Sankara, ne peut à aucun moment trouver un quelconque crédit auprès de l’opinion camerounaise et il n’est donc pas du tout bien arrivé au pouvoir.

    Nous avions bataillé dur pour obtenir notre indépendance en 1960 et trouvons en Gbagbo quelques répères du nationalisme moderne. Pour un président, c’en est un.

    Si vous ne voulez pas être dans la situation que vivent le Togo, la Côte d’Ivoire, ou dans celle qu’ont vécue le Congo - Brazza, la RDC, le Rwanda ou le Burundi, préparez-vous à vous démarquer de la tutelle de la France.

 LeFaso TV
 Articles de la même rubrique