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Lettre ouverte au président Blaise Compaoré : la révision de l’article 37 est une stratégie dominée

Publié le mercredi 28 mai 2014 à 02h10min

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Le 08 avril 2013, l’auteur de cet article publiait sur le site du faso.net un article sur les enjeux liés à la modification de l’article 37.
Dans cet article, la théorie des jeux a été utilisée dans le cadre du débat sur l’article 37, comme outil de modélisation des stratégies dominantes (les bonnes et crédibles décisions), des stratégies dominées (les mauvaises et non crédibles décisions) et de détermination de la meilleure décision de chaque acteur/agent qui permet d’avoir une situation mutuellement avantageuse.

De ce modèle, il était ressorti que la révision de l’article 37 était une stratégie dominée et que la situation mutuellement avantageuse était la non révision qui allait permettre entre autres de maintenir la paix sociale dans notre pays.

Avec les nouvelles données, la stratégie de révision de l’article 37 reste toujours dominée et pire les gains possibles pour le président Blaise Compaoré et ses partisans se déprécient au fur et à mesure.
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Le 08 avril 2013, l’auteur de cet article publiait sur le site du faso.net un article sur les enjeux liés à la modification de l’article 37.

Dans cet article, la théorie des jeux a été utilisée dans le cadre du débat sur l’article 37, comme outil de modélisation des stratégies dominantes (les bonnes et crédibles décisions), des stratégies dominées (les mauvaises et non crédibles décisions) et de détermination de la meilleure décision de chaque acteur/agent qui permet d’avoir une situation mutuellement avantageuse.

De ce modèle, il était ressorti que la révision de l’article 37 était une stratégie dominée et que la situation mutuellement avantageuse était la non révision qui allait permettre entre autres de maintenir la paix sociale dans notre pays.
Avec les nouvelles données, la stratégie de révision de l’article 37 reste toujours dominée et pire les gains possibles pour le président Blaise Compaoré et ses partisans se déprécient au fur et à mesure.

Présentation du modèle et issues possibles en avril 2013

Deux stratégies découlent de ce modèle. La stratégie A qui consiste à réviser l’article 37 et la strétegie B qui consiste à ne pas le réviser. Des issues possibles appelées « gain » sont liées à chaque stratégie étant données l’information disponible et les probabilités associées.

Stratégie A : Révision de l’article 37

-  Gain A1 : Conservation du pouvoir et de la stabilité politique et sociale
-  Gain A2 : Crise
-  Gain A3 : Perte ultérieure du pouvoir

Trois gains (ou issues possibles) peuvent découler de la modification de l’article :

Le premier gain (Gain A1) qui est celui souhaité est la conservation du pouvoir et de la stabilité politique et sociale.
Mais force est de constater en fonction de l’information disponible qu’une révision de l’article 37 peut ne pas donner le Gain A1. Il y’a des chances que l’issue attendue soit différente et s’oriente plutôt vers le Gain A2. En effet, la volonté des burkinabè de ne pas voir l’article 37 être modifié est une évidence et une information à prendre en compte. Déjà les travaux du Cadre de Concertation pour les Reformes Politiques n’ont pas permis d’avoir un consensus sur ce point.

De plus les résultats du Round 5 des enquêtes Afrobaromètre (données collectées en octobre 2012) illustrent que la majorité des burkinabè sont en désaccord pour une révision de l’article 37 afin de permettre au président Blaise Compaoré de se présenter pour un nouveau mandat en 2015 (54% sont en désaccord, 6% ne sont ni d’accord ni en désaccord, 30% sont d’accord et 10% sont indécis). Il y’a donc de fortes chances qu’il y’ait des contestations qui peuvent aboutir à une crise dans notre pays. Une telle crise pourrait déstabiliser le pays et ralentir l’élan de développement.

Cette crise en fonction de son ampleur peut conduire au Gain A3 qui est la perte ultérieure du pouvoir par le président actuel car généralement les solutions de sortie des grandes crises n’écartent pas le départ négocié ou forcé du président.

La stratégie A qui consiste à réviser l’article 37 apparait donc comme une stratégie dominée car plutôt que de permettre la conservation du pouvoir et de la stabilité politique et sociale, elle pourrait engendrer une crise dans notre pays et se conclure par le départ du président.

Stratégie B : Non révision de l’article 37

-  Gain B1 : Transition pacifique, stabilité et maintient de la paix sociale au Burkina Faso
-  Gain B2 : Popularité du président Blaise Compaoré
-  Gain B3 : Possible retour à la magistrature suprême en 2020 ;
-  Gain B4 : Poursuites judiciaires ou des règlements de compte politique

Le premier résultat qui apparaitra si l’article 37 n’est pas modifié c’est la transition pacifique , la stabilité et la consolidation de la paix sociale dans notre pays (Gain B1).
Laisser l’article 37 intact produira incontestablement un autre résultat qui est le Gain B2. En effet, le peuple burkinabè prendra en compte et à sa juste valeur, cet acte héroïque du Président Blaise Compaoré qui grimpera en popularité. Cette popularité lui assurera tout le soutien et la protection nécessaire et fera incontestablement de lui un favori aux élections présidentielles de 2020 s’il souhaite revenir (Gain B3).

Mais force est de constater que si le départ de Blaise Compaoré marque également la fin du régime CDP, la stratégie B pourrait conduire au Gain B4 désigné par des poursuites judicaires ou des règlements de compte politique.

Si la loi portant amnistie des anciens Chefs d’Etats de 1960 à nos jours et la popularité capitalisée par le président actuel lui assureront surement la protection qu’il faut, aucune garantie n’est établie quant à celle de l’ensemble de ses partisans. L’expérience a démontré que la chute d’un régime sous nos cieux est toujours suivie de tracasseries/poursuites/règlements de compte politique à tord ou à raison des anciens dignitaires par le nouveau régime. L’exemple le plus récent est celui du Sénégal ou beaucoup de partisans de l’ancien régime de Abdoulaye Wade subissent des tracasseries ou des poursuites de la part du nouveau régime.

Recommandations formulées en avril 2013

Pour éviter donc tout cela, les partisans de la révision de l’article 37 ou les dignitaires du régime actuel devraient designer en leur sein et préparer un homme de confiance, charismatique et capable d’assurer la relève après le départ du président Blaise Compaoré . Pour cela ce ne sont pas des noms qui manquent et vus la base et les moyens dont dispose le parti au pouvoir, il pourra faire élire sans trop de difficultés son candidat aux élections présidentielles de novembre 2015.

La stratégie B qui consiste à ne pas réviser l’article 37, suivi de cette précaution (information supplémentaire) apparait donc comme une stratégie dominante car elle permet de garantir la transition pacifique, la stabilité et le maintien de la paix sociale, accroit la popularité du président Blaise Compaoré qui a la possibilité s’il le veut de revenir aux commandes en 2020 et assure la protection des partisans de celui-ci.

Prise en compte de nouvelles données : la révision de l’article 37 reste toujours une stratégie dominée

Au-delà de la légalité ou pas de la modification de l’article 37, un certain nombre de facteurs rendent dominée la stratégie de modification de l’article 37 qui ne pourra se faire maintenant que par referendum, les options de l’Assemblée Nationale ou du sénat n’étant plus d’actualité. La politique tout comme tout jeu d’intérêt est avant tout une question de rapport de force. Tout comme les présidents qui ont régné pendant longtemps, le stratège Blaise Compaoré a pendant longtemps défini ses stratégies en fonction du rapport de force. Et justement c’est ce facteur rapport de force qui est maintenant en sa défaveur et ce pour plusieurs raisons :

Le départ du trio RSS et de leurs camarades du CDP pour créer le MPP ne saurait être un non événement. Il ne s’agit pas de simples militants qui sont partis, mais de cadres politiques qui ont constitué pendant longtemps la cheville ouvrière du pouvoir du président Blaise Compaoré. Il ne peut rester non affaibli après ce départ d’autant plus que, ces nouveaux acteurs du MPP disposent d’une forte base, d’une expérience politique soutenue, ont les moyens de leur politique et sont devenus vraisemblablement les adversaires potentiels de Blaise Compaoré et du CDP.

De gros efforts ont été fait pour le développement et la paix en 27 ans de pouvoir, mais cette gestion a également engendré une classe énorme d’individus qui se considèrent comme écartés du processus de création d’emploi et/ou de redistribution des ressources publiques. Cette classe d’individus malheureusement lie sa situation à la gestion du président Blaise Compaoré et considère le départ du président en 2015 comme plus que nécessaire pour voir sa vie changée. Ils seront prêts à tout pour le changement à la tête du pouvoir et envahiront les rues des villes et des campagnes si un passage en force est envisagé.

Le jeux politique est avant tout un jeu d’intérêt. Autant les partisans de la modification de l’article 37 semblent prêts à tout pour conserver leurs intérêts et acquis en maintenant le président Blaise Compaoré au pouvoir, autant les exclus du partage de ressources publiques semblent être prêts à tout pour décider de leur destin à partir de 2015.

Avant même la possibilité de réaliser le referendum, des mouvements de protestation pourront paralyser le pays si son processus est lancé.

Même si le referendum à lieu, le résultat tendra vers le non (les données empiriques montrent avant tout que 54% des burkinabè sont en désaccord avec la modification de l’article 37). Si le oui l’emporte, les mêmes mouvements de contestation se poursuivront et cela pourrait conduire à des situations non maitrisables.

Avec ces mouvements qui ont déjà remporté la bataille pour la mise en place du sénat, deux situations sont fortement envisageables :
-  Un soulèvement populaire renversant un président qui ne sera pas le premier dans l’histoire politique de notre pays ;
-  En fonction de l’ampleur, une motivation d’ambitieux au pouvoir dans l’armée ou l’interpellation d’autres à prendre leur responsabilité pour préserver les acquis démocratiques. L’intervention des acteurs de l’armée dans ces conditions se fait généralement par un coup d’état.

Il y a donc plusieurs obstacles qui s’imposent à la modification de l’article 37 et il apparait quasi impossible que le président Blaise Compaoré et ses partisans puissent les franchir tous.

Nouvelles recommandations

La stratégie de révision de l’article 37 étant dominée, l’option stratégique est la non révision. Maintenant tout comme il y a une année de cela, la révision de l’article 37 conduira avec une forte probabilité aux gains A2 : Crise et A3 : Perte ultérieure du pouvoir.

Le facteur temps est celui qui pose le plus de problème au président Blaise Compaoré. Plus le temps passera et moins les décisions qu’il prendra lui seront bénéfiques car les gains se déprécieront. Si la décision de ne pas réviser l’article 37 était prise il y a une année avant le départ des cadres du MPP, les effets bénéfiques allaient être plus énormes car il y avait une forte chance de conserver le pouvoir au CDP et lui assurer toute la protection nécessaire après son départ.
A ce stade, après son départ, les chances du CDP de conserver ce pouvoir sont équilibrées, le MPP étant un mouvement à prendre au sérieux en cas d’élection présidentielle.

La stratégie de non révision de l’article 37 à ce stade conduira toujours au gain B1 : Transition pacifique, stabilité et maintien de la paix sociale au Burkina Faso, mais aucune garantie n’est maintenant établie pour les gains B2 : Popularité du président Blaise Compaoré, B3 : Possible retour à la magistrature suprême en 2020 et B4 : Poursuites judiciaires ou des règlements de compte politique. Tout dépend du temps que le bras de fer prendra et des conditions qui imposeront la non révision.

Ainsi donc la taille de la porte de sortie honorable est une fonction décroissante du temps. Plus le président Blaise Compaoré prendra du temps à renoncer à la révision de l’article 37 et plus petite sera la porte de sortie.

Adama Tiendrebéogo
Economiste-statisticien
E-mail : tabz822@yahoo.fr

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