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Vallée du Sourou : D’énormes potentialités sous la menace de problématiques multiformes

Publié le mercredi 14 mai 2014 à 00h58min

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Vallée du Sourou : D’énormes potentialités sous la menace de problématiques multiformes

Des journalistes d’une presse plurielle ont effectué, à l’initiative de l’ONG Naturama en collaboration avec l’association Média’Vert, une visite de terrain dans la vallée du Sourou. A l’occasion, de contrastes constats tenant aux potentialités et aux problématiques, ont été faits. C’était le 8 mai 2014.

Cette visite est intervenue dans le cadre d’un projet intitulé « Amélioration des habitats des oiseaux migrateurs et des moyens de subsistance au Sahel ». Un projet qui a démarré en novembre 2011 avec comme axes majeurs d’intervention, la protection des habitats d’oiseaux et l’amélioration des moyens d’existence des populations de ses zones d’intervention que sont le lac Higa, la mare d’Oursi et la vallée du Sourou. Au niveau de ce dernier site, les acquis dudit projet à un an de sa fin, se rapportent entre autres à la mise en place effective d’un groupe opérationnel (formé et équipé) de soutien à même de prendre conséquemment la relève de Naturama, à la formation et équipement de paysans en techniques de régénération naturelle assistée (RNA) et en matière de fosse fumière, à la création d’un bosquet démonstratif de reforestation. Avec la RNA et la gestion de fosses fumières, les paysans sont amenés à quitter les berges du Sourou et du Mouhoun pour exploiter des champs tout aussi fertiles. En effet, 60 producteurs bénéficient de l’accompagnement de Naturama en matière de RNA, et 50 autres en matière de production fumière. Toutes choses qui, non seulement participent de la protection des berges contre notamment l’ensablement, contre les produits chimiques nocifs, et subséquemment favorisent la restauration des écosystèmes aquatiques, mais aussi créent les conditions favorables à la satisfaction des besoins socio-économiques des populations riveraines.

Conflit hippopotames-agriculteurs

Mais l’autre constat sur le terrain est encore des plus inquiétants quant à l’avenir de la vallée : la dégradation flagrante et multiforme engendrée par la forte pression démographique surtout. En effet, au niveau par exemple du pont de Lery (point de croisement du fleuve Mouhoun avec son affluent le Sourou dont la partie burkinabè est de 60 km sur ses 150 km), des champs s’étendent jusque dans le lit du fleuve. Ce qui engendre de multiples désagréments de part et d’autre. Il en est ainsi souvent avec l’irruption d’hippopotames – qui sont des herbivores - dans les champs, dévastant à tout le moins, les cultures. Et la réplique est généralement mortelle pour ces animaux aquatiques vraiment admirables, malheureusement de plus en plus rares, sinon rarissimes dans notre pays. ‘’Conflit entre hippopotames et agriculteurs’’, est-on tenté de dire. A en croire Mamadou Traoré, responsable de Naturama sur le site de la vallée du Sourou, le dernier inventaire effectué en 2012, fait état de 300 hippopotames dans la vallée.

Un assèchement aux multiples conséquences

Au niveau de la zone aménagée dans la commune de Lanfièra, la capacité de stockage des eaux est de 660 000 000 m3/an. Mais la réalité en ce mois de mai, c’est l’assèchement presqu’intégral ; alors que la superficie aménagée - donc arrosée - est que de 4 000 ha sur un potentiel agricole de 30 000 ha qu’abrite la vallée du Sourou. En plus des cultures, ce sont de toute évidence, les animaux, particulièrement les oiseaux d’eau dont la protection se trouve être au centre des interventions de Naturama, qui en pâtissent. C’est aussi l’activité piscicole – dont l’exercice est également suivi de près avec l’appui de Naturama - qui en prend un coup, et non des moins des durs. En tout cas, l’on note que la production aquacole a baissé de 900 tonnes en 2009 à 600 tonnes en 2012, tandis que le nombre de pêcheurs dont certains viennent du Mali, ne cesse d’augmenter.

Une forte population d’oiseaux

Il se trouve aussi que, du moins selon Prudence Tankoano, le chargé du suivi-écologique au sein de Naturama, le nombre d’oiseaux est actuellement en augmentation ; ce qui engendre davantage la précarité en termes surtout d’habitats et de nourriture pour la faune. Ces oiseaux sont savanicoles, vivant donc dans la flore et dont le recensement se fait chaque année en mars et en novembre. La vallée, c’est aussi et surtout le biotope privilégié des oiseaux d’eau qui font l’objet de recensement une seule fois dans l’année, au mois de janvier. Mais l’augmentation annoncée est à prendre avec des pincettes ; le suivi écologique devant s’appuyer sur des constances durant au moins cinq ans, afin d’établir des tendances objectives. C’est en tout cas, ce qu’a laissé entendre M. Tankoano qui a, en sus, indiqué que le nombre d’espèces d’oiseaux au niveau de la vallée du Sourou est élevé par rapport à celui de la mare d’Oursi dans le Sahel. On y dénombre en effet, selon un décompte effectué entre mars 2012 et mars 2014, 118 espèces d’oiseaux terrestres dont 98 espèces africaines et 20 espèces migratrices d’origine européenne, contre 74 espèces sur la même période au niveau de la mare d’Oursi.

Une importante richesse florale

Le moins que le commun des mortels puisse dire, c’est que la flore au niveau de la vallée du Sourou est d’une diversité fort appréciable. Une véritable richesse faunique – forestière - dans les environs du pont de Lery. Malheureusement, elle est sous la menace quasi-quotidienne de coupe pour servir de bois de chauffe. L’on peut quand même se réjouir de la collaboration pacifiste entre éleveurs et agriculteurs au sein de la zone aménagée. Des pistes à bétail y existent et sont scrupuleusement suivis par les animaux. Ce climat de cohabitation paisible est, peut-on dire, favorable à la mobilisation des populations riveraines – qui apparemment, manquent jusque-là d’initiatives proactives – pour la protection d’origine endogène de la vallée.

Une visite à la satisfaction de toutes les parties prenantes

Dans ce sens, Naturama entend s’investir autant que possible, à travers des actions de sensibilisation, de plaidoyer, d’éducation environnementale dans les écoles, « de renforcement des capacités des populations pour qu’elles puissent s’investir elles aussi dans la protection et la restauration de l’environnement ». Telle est la promesse faite par le Directeur exécutif de Naturama, Idrissa Zeba qui a aussi rappelé que les interventions – en cours depuis 2007 - de sa structure prennent en compte la collaboration avec les services déconcentrés de l’Etat, des services directement ou indirectement concernés par la mise en œuvre du projet en cours. En tout cas, la visite de presse a connu la présence d’agents forestiers, d’agents d’agriculture, ainsi que d’autorités locales. Une visite sur les trois sites (Higa, Oursi et Sourou) qui aura pris fin à la satisfaction de toutes les parties prenantes.

Au sein de l’association Média’Vert, partenaire de Naturama dans le cadre de cette visite de presse, l’on s’estime « heureux que des journalistes soient partis sur le terrain, aient vu des réalisations, aient découvert certains aspects de la conservation et de la préservation de la ressource naturelle ». C’est du moins, ce qu’a confié Aimée Nabaloum, le représentant attitré de Média’Vert. Du côté de Naturama et des populations concernées de plus près, l’on se réjouit que ses problèmes environnementaux soient désormais connus de tous ; avec l’espoir bien nourri que la mobilisation multiforme pour contrer ces problèmes ne tardera plus à s’instaurer.

Un nouveau projet en préparation

En attendant, au niveau de Naturama, le cap est maintenu pour la cause de l’environnement, particulièrement pour ce qui est des trois sites visités par la presse. Point d’inaction, même pas de ralentissement - est-on tenté de deviner – du côté de M. Zeba et son équipe à la fin annoncée pour 2015, du projet « Amélioration des habitats des oiseaux migrateurs et des moyens de subsistance au Sahel ». En effet, confie le Directeur exécutif de Naturama, « Nous sommes déjà engagés dans les préparatifs d’un autre projet qui pourrait intervenir après juin 2015. Nous ne savons pas encore de manière précise quels seront les principaux axes de ce futur projet. Mais ce qui est certain, c’est que les axes que nous avons dans le présent projet vont être reconduits, améliorés, et renforcés avec de nouveaux axes pour prendre en compte les progrès qui ont été réalisés ». Et d’ajouter, « Nous sommes aussi dans la réflexion pour toute opportunité que l’on pourrait saisir ». Dans cette dynamique, Naturama espère pouvoir établir un protocole de collaboration avec les communes et régions qui sont concernées par ces trois sites. Déjà, l’association Média’Vert dit l’assurer de sa franche collaboration – en termes surtout de mobilisation de journalistes - pour la cause de l’environnement.

Fulbert Paré

Lefaso.net

Des caravaniers apprécient…

Noufou Zougmoré, journaliste au journal Mutations

Mon premier constat, c’est que je découvre mon pays. Le lac Higa, je n’avais jamais entendu parler. Oursi, j’ai entendu parler, mais je n’avais vraiment pas une vision assez claire de ce site. C’est donc une appréciation positive à mon niveau. Le fait que je suis allé à la recherche de l’information pour mes lecteurs sur des sites d’importance internationale, je crois que c’est vraiment positif.

Au niveau du Sourou également, c’est quand même un projet très ambitieux que les autorités ont voulu à une certaine période de ce pays ; je veux parler de la période 1983 jusqu’en 1987. Des chansonniers ont loué ce projet à l’époque. Quand on voit ce travail gigantesque qui a été fait, et même le don naturel de l’endroit, c’est édifiant. Cela a vraiment été une opportunité pour moi de voir la réalité environnementale de mon pays.

L’une des problématiques auxquelles on a été confrontée dans le cadre de cette visite, c’est celle relative aux voies. Dieu merci, on n’a pas eu de panne. Pour accéder à ces sites, c’est vraiment la croix et la bannière. Et c’est l’occasion pour moi interpeller l’autorité pour voir comment elle pourra faire pour désenclaver ces sites. Pour le Sourou par exemple, c’est vraiment le grenier du Burkina. On y trouve toutes sortes de spéculations. Il faut donc des routes pour que les gens puissent faire circuler cela.

Le deuxième constat que je fais, c’est que ces sites sont confrontés à des difficultés aujourd’hui face à la pression de l’Homme et à celle des animaux. Si vraiment quelque chose n’est pas fait d’ici 20 à 30 ans, nous risquons de perdre des joyaux. Il faut nécessairement qu’un travail soit fait. Et je loue l’action de Naturama. C’est une ONG ; et comme on le dit, la plus belle femme ne peut donner que ce qu’elle a ; ses moyens sont dérisoires par rapport à la complexité de la problématique.

Ce que j’ai constaté et qui ne m’a pas plu, c’est le désintérêt presque de l’Etat dans cette affaire. L’Etat semble être à la remorque des ONG sur ces sites. Ce qui n’est pas normal. Les ONG ne doivent venir qu’en appui. C’est l’Etat à travers ses services déconcentrés, qui devrait prendre ce problème à bras-le-corps au lieu de le laisser aux ONG pour maintenant les suivre. Il faut que le ministère en charge de l’environnement se dégourdisse. Un ministère, ça se débat pour avoir les moyens nécessaires à la réalisation de projets pour faire face aux difficultés. Il ne faut pas attendre tout des ONG. Et j’ai l’impression que les techniciens sur le terrain ne sont au courant de rien. Pour moi, cela est un abandon de la part de l’acteur principal qu’est l’Etat.

Dans l’ensemble, la caravane a été positive. Je crois qu’avec Média’Vert, il y aura de l’amélioration aux sorties à venir. C’est une occasion pour également interpeller les responsables d’organes de presse sur des questions liées à l’environnement ou des questions autres que politiques. Il faut que le journaliste puisse disposer d’un peu de temps, que l’on intéresse le journaliste à ces aspects de la vie. Les questions environnementales sont aussi importantes, sinon plus importantes que les questions politiques. Il faut que les patrons de presse soient regardants sur ces thématiques de sorte à donner les moyens pour s’intéresser à celles-ci. C’est comme l’a dit un doyen du Sénégal, tout thème est important à traiter dans un journal, tout thème peut intéresser les lecteurs, les auditeurs ou les téléspectateurs ; il faut seulement rendre cela ‘’sexy’’ par la manière d’écrire, par la manière de décrire ; ça peut intéresser plus d’un.

Louis De Gonzague Millogo/ Envir-info

Cette visite a d’abord été l’occasion pour nous les hommes de média de nous imprégner des réalités que vivent certaines de nos populations, des réalités liées aux problèmes d’ordre environnemental. J’apprécie vraiment l’initiative de Naturama.

L’occasion nous a permis de visiter le lac Higa, la mare d’Oursi et la vallée du Sourou. Nous sommes allés sur des terrains que nous ne maitrisions pas, mais Dieu merci, toutes ces sorties se sont bien passées. Nous avons pu découvrir les problèmes auxquels sont confrontés ces sites. Nous avons pu également voir les réalisations que Naturama avec l’aide des populations, a faites au niveau de ces sites. Au Sahel, je pense notamment aux techniques de scarification pour récupérer des terres très pauvres, et à la RNA (régénérescence naturelle assistée, ndlr) dans la vallée du Sourou. Ce sont des initiatives fort louables. A mon sens, les populations gagneraient à pérenniser. Et c’est aussi à nous les hommes de média d’attirer l’attention de nos décideurs et de nos populations, afin que main dans la main, nous puissions au moins, conserver le peu qu’on a encore sur ces sites.

Propos recueillis par Fulbert Paré

Lefaso.net

Lien utile :
Entretien des zones humides au Burkina : Naturama appelle à une mobilisation autour de la cause

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